Résumés
Résumé
Cadre de recherche : Les familles nobles du xvii e siècle français, en limitant le nombre de mariages par génération, ont créé une grande quantité de célibataires, hommes comme femmes. L’idéologie patrilinéaire s’est imposée et a fait reculer les velléités égalitaires qui animait la noblesse des siècles précédents. Les individus célibataires, majoritairement des cadet‧te‧s, ont vu leurs parts d’héritage réduites ou transformées, dans l’objectif de laisser aux mains des aînés mâles le patrimoine familial.
Objectifs : Cet article souhaite interroger l’adhésion des célibataires à cette idéologie patrilinéaire. En acceptant l’ordre successoral inégalitaire et en participant activement au bien-être financier du lignage, femmes et hommes célibataires semblent avoir intériorisé leur condition subalterne, tout en développant une haute conscience de leur rôle de pilier économique.
Méthodologie : Cet article propose une étude qualitative d’hommes et femmes célibataires né‧e‧s entre la fin du xvi e et la fin du xvii e siècle, dans quatre familles de la noblesse française. Il s’appuie sur des sources notariales des xvii e-xviii e siècles, tels que des règlements successoraux, des accords entre germains, des donations, des contrats de mariage et des testaments.
Résultats : Les célibataires transmettent leur héritage paternel aux aînés mâles, dans l’objectif revendiqué de préserver le patrimoine lignager. Ils peuvent aussi créer des donations et legs à destination de frères/sœurs célibataires ou de neveux/nièces cadet‧te‧s, mais il s’agit le plus souvent de rentes viagères ou d’héritages marginaux.
Conclusions : Les célibataires mettent leur patrimoine au service du patrilignage, en favorisant les aînés mâles et en participant au système compensatoire qui prend soin des cadet‧te‧s, diminuant ainsi les risques de conflits familiaux.
Contribution : Cet article apportera un éclairage sur l’histoire sociale de la noblesse et sur l’histoire familiale d’Ancien Régime. Il permet de jeter la lumière sur les célibataires, des individus encore méconnus.
Mots-clés :
- célibat,
- patrimoine,
- transmission,
- aînesse,
- cadets,
- noblesse
Abstract
Research Framework: By limiting the number of marriages per generation, the noble families from the 17th century created a large number of single men and women. The patrilineal ideology imposed itself and set back the egalitarian impulses that animated the nobility of previous centuries. Single individuals, mostly cadets, saw their inheritance shares reduced or transformed, with the aim of leaving the family patrimony in the hands of the eldest males.
Objectives : This article examines how single men and women adhere to this patrilineal ideology. By accepting the unequal inheritance order and actively participating in the financial well-being of the lineage, single men and women seem to have internalized their subordinate condition, while developing a high awareness of their role as economic pillars.
Methodology: This article offers a qualitative study of single men and women born between the late 16th and the late 17th centuries, into four French noble families. The study is based on notarial sources, such as inheritance settlements, donations, marriage contracts and wills.
Results: Single men and women pass on their paternal inheritance to the eldest males of the family, with the claimed goal of preserving the lineage heritage. They may also make donations and bequests to unmarried siblings or younger nephews/nieces, but these are usually life annuities or marginal inheritance.
Conclusions : Single men and women put their heritage at the service of patrilineage, favouring the eldest male and participating in the compensatory system that takes care of cadet siblings, thus reducing the risk of family conflict.
Contribution : This article provides an insight on the social history of French nobility and on the family history of Ancien Régime . It also sheds light on single men and women, who are still little-known individuals.
Keywords:
- singlehood,
- heritage,
- transmission,
- eldership,
- cadets,
- nobility
Resumen
Marco de investigación : Las familias nobles de la Francia del siglo XVII limitaron el número de matrimonios por generación y crearon un gran número de solteros y solteras. La ideología patrilineal se impuso y frenó los impulsos igualitarios que habían animado a la nobleza de siglos anteriores. Los solteros recibían partes reducidas o transformadas de la herencia, con el objetivo de dejar el patrimonio familiar en manos de los varones de más edad.
Objetivos: El objetivo de este artículo es examinar la adhesión de los hombres y mujeres solteros a esta ideología patrilineal. Al aceptar el orden hereditario desigual y participar activamente en el bienestar financiero del linaje, los hombres y mujeres solteros parecen haber interiorizado su condición subordinada, al tiempo que desarrollan un alto nivel de conciencia de su papel como pilares económicos.
Metodología: Este artículo propone un estudio cualitativo de hombres y mujeres solteros nacidos entre finales del siglo XVI y finales del XVII, en cuatro familias de la nobleza francesa. Se basa en fuentes notariales de los siglos XVII-XVIII, como liquidaciones de herencia, acuerdos entre germanos, donaciones, contratos matrimoniales y testamentos.
Resultados: Los solteros transmiten su herencia paterna a sus varones mayores, con el pretendido objetivo de preservar el patrimonio del linaje. También pueden hacer donaciones y legados a los hermanos solteros o a los sobrinos más jóvenes, pero suelen ser rentas vitalicias o herencias marginales.
Conclusiones: Los solteros ponen su patrimonio al servicio del patrilinaje, favoreciendo a los varones de más edad y participando en el sistema compensatorio que se ocupa de los más jóvenes, reduciendo así el riesgo de conflicto familiar.
Contribución: Este artículo arroja luz sobre la historia social de la nobleza y sobre la historia familiar del Antiguo Régimen. Permite también abordar más detenidamente una discusión sobre los solteros, individuos aún poco conocidos.
Palabras clave:
- celibato,
- patrimonio,
- transmisión,
- hijo mayor,
- cadetes,
- nobleza
Parties annexes
Bibliographie
- Alfani, G. et V. Gourdon. (dir.). 2012. Spiritual Kinship in Europe, 1500-1900, Basingstoke, Palgrave Macmillan.
- Augustin, J.-M. 1980. Les substitutions fidéicommissaires à Toulouse et en Haut-Languedoc au xviii e siècle, Paris, Presses universitaires de France.
- Autrand, F. 1984. « Vénalité ou arrangements de familles : la résignation des offices royaux en France au xv e siècle », dans Ämterhandel im Spätmittelalter und im 16. Jahrundert (Actes du colloque de Berlin, 1-3 mai 1980), sous la dir. de I. Mieck, Berlin, Colloquium Verlag, p. 69-81.
- Bardet, J.-P. 1983. Rouen au xvii e et xviii e siècles. Les mutations d’un espace social, Paris, Sedes.
- Bardet, J.-P. 2009. « Angelots, famille, patrie : parrains et marraines à Bouafles (Eure) au xviii e siècle », dans Baptiser. Pratique sacramentelle, pratique sociale ( xvi e - xx e siècles), sous la dir. de G. Alfani, P. Castagnetti et V. Gourdon, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, p. 171-177.
- Barthélémy, T. 1988. « Les modes de transmission du patrimoine. Synthèse des travaux effectués depuis quinze ans par les ethnologues de la France », Études rurales, no 110-112, p. 195-212.
- Barthélémy, T. 2005. « Quand intérêts et sentiments se mêlent. Correspondances familiales aux xviii e et xix e siècles », Terrain, no 45, p. 29-40.
- Beauvalet, S. 2001. Être veuve sous l’Ancien Régime, Paris, Belin.
- Beauvalet, S. 2008. La solitude, xvii e - xviii e siècles, Paris, Belin.
- Bergin, J. 1998. The Making of the French Episcopate (1589-1661) , New Haven, Yale University Press.
- Bergström, M. et G. Vivier. 2020. « Vivre célibataire : des idées reçues aux expériences vécues », Population & Société, no 584, p. 1-4.
- Berteau, C., V. Gourdon et I. Robin-Romero. 2010. « Familles et parrainages : l’exemple d’Aubervilliers entre les xvi e et xvii e siècles », Dix-septième siècle, no 249, p. 597-621.
- Bessière, C. et S. Gollac. 2020. Le genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités, Paris, La Découverte.
- Bessière, C. 2022. « Les arrangements de famille », Archives de Philosophie, tome 85, p. 29-49.
- Bourquin, L. 2010. « La noblesse du xvii e siècle et ses cadets », Dix-septième siècle, no 249, p. 645-656.
- Chatelain, C. 2008. Chronique d’une ascension sociale. Exercice de la parenté chez de grands officiers ( xvi e - xvii e siècles), Paris, Éditions de l’EHESS.
- Constant, J.-M. 2004. La Noblesse en liberté ( xvi e - xvii e siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes.
- Dauphin, C. 1984. « Histoire d’un stéréotype : la vieille fille », dans Madame ou Mademoiselle ? Itinéraires de la solitude féminine, 18 e -20 e siècles, sous la dir. de A. Farge et C. Klapisch-Zuber, Paris, Montalba, p. 207-232.
- Descimon, R. 1990. « Modernité et archaïsme de l’Etat monarchique : le Parlement de Paris saisi par la vénalité (XVIe siècle) », dans L’État moderne : genèse. Bilans et perspectives. Actes du colloque du CNRS, Paris, 19-20 septembre 1989, sous la dir. de J.-P. Genet, Paris, Édition du CNRS, p. 147-161.
- Descimon, R. 2012. « Les chemins de l’inégalité menaient-ils à la pérennité des lignages ? Réflexions sur les procédés juridiques qui permettaient de s’émanciper des normes égalitaires dans la coutume de Paris (xvi e-xvii e siècle) », Mélanges de l’École française de Rome, no 124-2.
- Descimon, R. et É. Haddad. 2010. Épreuves de noblesse. Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne ( xvi e - xviii e siècle), Paris, Les Belles Lettres.
- Dolan, C. 1998. Le notaire, la famille et la ville (Aix-en-Provence à la fin du xvi e siècle), Toulouse, Presses universitaires du Mirail.
- Dufour-Maître, M. 2008. Les Précieuses. Naissance des femmes de lettres en France au xvii e siècle, Paris, Honoré Champion.
- Eyméoud, J. 2020. Le célibat dans la noblesse française d’Ancien Régime, thèse de doctorat en histoire, Paris, EHESS.
- Eyméoud, J. 2022. « Il valore delle vedove senza figli nella nobiltà francese ( xvii - xviii secolo). La forza di una posizione sociale debole », Genesis. Società Italiana delle Storiche , vol. 21, no 2, p. 133-151.
- Eyméoud, J. 2023. « Henriette de Conflans (1632-1712) », dans Histoire de célibats, du Moyen Âge au xx e siècle, sous la dir. de J. Eyméoud et C.-L. Gaillard, Paris, Presses universitaires de France, p. 41-56.
- Eyméoud, J. et C. – L. Gaillard. 2023. Histoire de célibats, du Moyen Âge au xx e siècle, Paris, Presses universitaires de France.
- Fine, A. 1994. Parrains, marraines : la parenté spirituelle en France, Paris, Fayard.
- Fitou, J.-F. et E. Le Roy Ladurie. 1991. « Hypergamie féminine et population saint-simonienne », Annales. Économie, sociétés, civilisations, no 46-1, p. 133-150.
- Garnot, B. 2000. « Justice, infrajustice, parajustice et extrajustice dans la France d’Ancien Régime », Crime, Histoire et Sociétés, vol. 4, no 1, p. 103-120.
- Haddad, É. 2009. Fondation et ruine d’une « maison ». Histoire sociale des comtes de Belin (1582-1706), Limoges, Pulim.
- Haddad, É. 2012. « Les substitutions fidéicommissaires dans la France d’Ancien Régime : droit et historiographie », Mélanges de l’École française de Rome, no 124-2.
- Haddad, É. 2014. « Qu’est-ce qu’une “maison” ? De Lévi-Strauss aux recherches anthropologiques et historiques récentes », L’Homme, no 212, p. 109-138.
- Haddad, É. 2016. « De la terre au sang : l’héritage de la noblesse (xvi e-xviii e siècle) », dans Léguer, héritier, sous la dir. de F. Dubet, Paris, La Découverte, p. 19-32.
- Haddad, É. 2021. « Cadets, branches cadettes et déclassement social dans la noblesse française d’Ancien Régime », dans L’expérience du déclassement social. France-Italie, xvi e -premier xix e siècle, sous la dir. de M. Barbot, J.-F. Chauvard et S. Levati, Rome, Publications de l’École française de Rome, p. 62-82.
- Henry, L. et C. Levy. 1960. « Ducs et pairs sous l’Ancien Régime. Caractéristiques démographiques d’une caste », Population, no 5, p. 803-830.
- Klapisch-Zuber, C. 1980. « Le nom “refait”. La transmission des prénoms à Florence, xiv e-xvi e siècles », L’Homme, tome 20, no 4, p. 77-104.
- Lambert, É. 2011. « Compères, commères, transmissions familiales et comportements sociaux au travers du parrainage des enfants de la noblesse bas-normande au xviii e siècle », dans Les noblesses normandes ( xvi e - xix e siècles), sous la dir. de A. Boltanski et A. Hugon, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 219-232.
- Marraud, M. 2000. La noblesse parisienne au xviii e siècle, Paris, Seuil.
- Minvielle, S. 2009. « La place du parrain et de la marraine dans la vie de leur filleul(e). L’exemple des élites bordelaises du xviii e siècle », dans Baptiser. Pratique sacramentelle, pratique sociale ( xvi e - xx e siècles), sous la dir. de G. Alfani, P. Castagnetti et V. Gourdon, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, p. 243-260.
- Mousnier, R., 1976. Recherches sur la stratification sociale à Paris aux xvii e et xviii e siècles : L’échantillon 1634, 1635, 1636, Paris, Éditions A. Pedone.
- Nassiet, M. 2000. Parenté, noblesse et États dynastiques, xv e - xvi e siècle, Paris, Éditions de l’EHESS.
- Philip, M. 2022. La sexualité légitime comme privilège. Masculinités parisiennes à l’époque moderne (1600-1750), thèse de doctorat en histoire, Paris, Sorbonne Université et EHESS.
- Ruggiu, F.-J. 2007. L’individu et la famille dans les sociétés urbaines anglaises et françaises (1720-1780), Paris, Presses universitaires Paris-Sorbonne.
- Solignat, A.-V. 2012. « Fidéicommis et hégémonie politique dans la noblesse auvergnate du xvi e siècle », Mélanges de l’École française de Rome, no 124-2.
- Steinberg, S. 2012. « “Au défaut des mâles”. Genre, succession féodale et idéologie nobiliaire (France, xvi e-xvii e siècles) », Annales. Histoire, sciences sociales, p. 679-713.
- Trévisi, M. 2008. Au cœur de la parenté. Oncles et tantes dans la France des Lumières, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne.
- Viret, J.-L. 2014. Le sol et le sang. La famille et la reproduction sociale en France du Moyen Âge au xix e siècle, Paris, CNRS.