Corps de l’article

Introduction

La place que peuvent occuper les grands-parents avec leur famille tout au long de leur vie n’a jamais été aussi importante dans notre société (Bao et Huang, 2022 ; Dunifon et Bajracharya, 2012 ; Hayslip et Fruhauf, 2019). Les membres au sein des familles contemporaines ont davantage tendance à partager leur vie avec d’autres membres de plusieurs générations, due notamment aux tendances démographiques de l’augmentation de l’espérance de vie ou de la baisse de la fécondité, mais aussi en raison de changements sociaux comme l’augmentation du nombre de divorces ou la baisse du nombre de familles nucléaires. Rien qu’en 2017 au Canada, les grands-parents représentaient près de 20 % de la population générale (Gouvernement du Canada, 2019). Les recherches et la théorie suggèrent que la relation grand-parentale est importante autant pour le bien-être du petit-enfant que pour celui des grands-parents (Levitt et al., 1992 ; Merz et al., 2009 ; Reitzes et Mutran, 2004a). Pour les grands-parents, cette relation influence positivement leur santé mentale (Dolbin-MacNab, 2019 ; Hank et al., 2018 ; McCain et al., 2007) ainsi que leur générativité, c’est-à-dire leur préoccupation de prendre soin et de guider les générations futures au sein de leur famille (Pratt et al., 2020 ; Schoklitsch et Baumann, 2012 ; Thiele et Whelan, 2008). Pourtant, la relation entre les grands-parents et leur petit-enfant à ses tout débuts, soit durant la petite enfance, reste un sujet encore peu étudié comparativement à l’ensemble des écrits scientifiques portant sur la grand-parentalité (Kahana et al., 2019).

L’objectif de cet article vise à mieux appréhender la représentation et le sens que donnent une variété de grands-parents ayant une différente utilisation des TIC dans la relation avec leur petit-enfant de cinq ans et moins et ainsi que leurs perceptions de l’apport et des limites des TIC dans cette relation.

Sur le plan méthodologique, cet article s’intègre dans un projet de recherche mixte, où des grands-parents vivant au Québec (Canada) ayant participé à une étude quantitative plus large (Hayotte et Brunson, 2022) ont été sélectionnés pour réaliser des entrevues semi-structurées en fonction de leurs utilisations diversifiées des TIC dans la relation avec un de leur petit-enfant de cinq ans et moins.

Notre article se décline en quatre parties. Dans la première, nous esquissons les grandes lignes de notre problématique, à savoir l’utilisation des TIC durant les cinq premières années de la relation grand-parentale. La seconde présente les principaux aspects méthodologiques. Ensuite, la troisième dépeint les résultats de nos travaux. Ces derniers révèlent que les TIC permettent de renforcer les liens entre grands-parents et leur petit-enfant en complémentarité de leur relation en personne, en offrant de nouvelles interactions intergénérationnelles. Une discussion des liens avec les écrits scientifiques, les limites de la recherche et les apports théorique et pratique de l’étude clôt l’article.

Problématique

La vision écologique de la famille, telle que proposée par King, Russel et Elder (1998), amène à concevoir la grand-parentalité à travers la perspective du parcours de vie développée par Elder (1998), tout en les incluant dans une vision systémique inspirée du modèle écologique de Bronfenbrenner (1986). Cette vision écologique de la famille conçoit les relations dans une famille comme interdépendantes les unes avec les autres, tout en considérant le parcours de vie de chaque membre de la famille ainsi que le contexte social et historique dans lequel ces relations évoluent (Tudge et Rosa, 2020 ; Bronfenbrenner et Morris, 2006). Nous pouvons concevoir la grand-parentalité en y incluant le parcours de chacun des membres de la famille (grands-parents, petit-enfant et parent), les relations complexes et dynamiques entre les membres de la famille qui varient dans le temps, ainsi que le contexte social et historique de la famille (Crosnoe et Elder, 2002). Cette conceptualisation permet d’appréhender le vécu de chaque grand-parent en prenant en compte le développement dans le temps des relations au sein de leur famille, en fonction du contexte historique particulier dans lesquels ses relations sont imbriquées. Entre autres, King et collègues (1998) relèvent la nécessité d’approfondir davantage les contextes dans lesquels évoluent les relations. Dans cet esprit, notre article vise à explorer la relation qui se développe entre les grands-parents et leur jeune petit enfant, et ce, dans l’ère numérique où l’utilisation accrue des technologies d’information et de communication (TIC) teinte nos relations sociales, incluant la relation entre des grands-parents et leurs petits-enfants.

Alors que la petite enfance est une période critique pour le développement de l’enfant et de ses relations, la grande majorité des recherches sur la relation grand-parentale porte sur la relation avec des petits-enfants plus âgés comme lors de leur adolescence ou leur entrée dans l’âge adulte, délaissant la période de la petite enfance (Kahana et al., 2019). Des recherches se sont déjà intéressées au rôle des grands-parents dans le développement de leur petit-enfant durant son adolescence ou à la transition vers l’âge adulte (Soliz et al., 2006). Quelques études ont pour sujet les bénéfices de la relation grand-parentale pour le petit-enfant dans des contextes de crises familiales, notamment de divorce, où les grands-parents jouent un rôle important de soutien social (Denham et Smith, 1989). D’autres travaux ont mis en exergue les bénéfices bidirectionnels de cette relation intergénérationnelle, autant pour les petits-enfants que pour les grands-parents, en particulier sur leur bien-être respectif (Levitt et al., 1992 ; Merz et al., 2009 ; Reitzes et Mutran, 2004). La relation grand-parentale semble également renforcer les relations familiales futures. Les petits-enfants devenus adultes, qui ont vécu une relation positive avec un de leurs grands-parents, ont tendance à recréer une relation similaire avec leurs petits-enfants lorsqu’ils seront à leur tour grands-parents (Johnson et al., 2005).

Les recherches portant sur la grand-parentalité ont documenté plusieurs aspects contextuels qui peuvent influer sur la relation grand-parentale (Dolbin-MacNab, 2019). Un des aspects contextuels est la distance géographique séparant des grands-parents de son petit-enfant. Cet aspect significatif impacte leur fréquence de contacts (Hakoyama et MaloneBeach, 2013). Plus les grands-parents habitent loin de leur petit-enfant, moins il sera en mesure de lui rendre visite en personne, ce qui peut aussi affecter la qualité de la relation (Hakoyama et MaloneBeach, 2013 ; Uhlenberg et Hammill, 1998). Un autre aspect contextuel est la relation avec les parents du petit-enfant. Dès le début de la vie de son enfant, le parent contrôle l’environnement et les interactions que l’enfant peut vivre, notamment durant la petite enfance (Sprey et Matthews, 1982 ; Uhlenberg et Hammill, 1998). Ainsi, le parent est un acteur qui joue un rôle crucial de facilitateur, ou parfois de frein, dans la relation entre le petit-enfant et ses grands-parents. La manière dont les familles organisent leur quotidien est également un aspect contextuel à prendre en compte. La routine des membres de la famille renseigne sur les activités qu’ils réalisent entre eux, et celles qui sont possibles pour le petit-enfant (Brunson, 2010 ; Collins, 2014 ; Schlobach, 2019).

La présence des TIC semble être un autre facteur contextuel qui peut influer sur la relation grand-parentale. Les TIC est un phénomène relativement nouveau dans le sens historique et leur utilisation ne fait qu’augmenter au sein des familles, même auprès de jeunes enfants (Freeman et al., 2020 ; Rideout et al., 2010 ; Rideout et Hamel, 2006). Il faut préciser que les TIC regroupent l’ensemble des dispositifs et pratiques numériques permettant l’échange d’information entre personnes et organisations (Lievrouw et Livingstone, 2010). La recherche sur les effets sociaux et relationnels de l’utilisation des TIC est apparue rapidement à la création de l’Internet et de la démocratisation de son accès par le grand public. Les premières recherches ont exploré le lien entre les personnes ayant recours à Internet et l’augmentation de leur niveau de solitude (Nowland et al., 2018). Par la suite, d’autres recherches se sont penchées sur les effets positifs des technologies sur les relations sociales (pour un exemple francophone, voir Le Douarin et Caradec, 2009). Selon plusieurs auteurs, il n’est plus possible d’ignorer leurs effets sur les relations sociales et familiales, y compris dans la relation grand-parentale (Hülür et Macdonald, 2020 ; Moffatt et al., 2012).

Une des premières recherches à s’intéresser à la place des TIC dans la relation grand-parentale est celle de Harwood (2000), qui a proposé une typologie des différentes formes de média utilisées entre les grands-parents et leurs petits-enfants âgés entre 17 et 22 ans. Bunz (2012) a étendu cette typologie en y incluant de nouvelles TIC présentes à l’époque. Ces recherches ont mis en évidence que les grands-parents préfèrent des médias ayant les caractéristiques qui se rapprochent le plus d’une communication en face à face. Certains chercheurs se sont consacrés à l’utilisation des TIC par des grands-parents séparés d’une longue distance avec leur famille et de leur petit-enfant où les TIC permettent aux grands-parents de maintenir le lien avec leur petit-enfant (Baldassar, 2008 ; Bangerter et Waldron, 2014 ; Follmer et al., 2010 ; Holladay et Seipke, 2007). D’autres se sont penchés sur l’impact que pouvaient jouer les TIC sur le développement de l’enfant. Certains travaux ont pu illustrer que l’exposition à des appels vidéo a des impacts positifs sur le développement sociocognitif des enfants âgés entre un et deux ans (Myers et al., 2017), tout comme d’autres formes de contenu multimédia, avec lesquels les enfants pourraient être exposés durant leur petite enfance (Barr, 2019 ; Barr et Linebarger, 2017). Les appels vidéo semblent également avoir un impact sur le renforcement de valeurs ainsi que sur l’identité familiale, influençant même le lien d’attachement des enfants âgés entre cinq et neuf ans avec le reste de leur famille (Ames et al., 2010).

Alors que des études sont focalisée sur l’utilisation des TIC pour des personnes vieillissantes (Yuan et al., 2016) et que certains auteurs suggèrent que les TIC viennent renforcer la relation grand-parentale (Schneider et al., 2020), d’autres comme Balleys, Martin et Jochems (2018) déplorent un manque de recherche sur l’usage des TIC au sein des relations familiales, notant que peu est encore connu sur la place qu’elles peuvent jouer dans la relation grand-parentale durant la petite enfance. Des recherches intergénérationnelles visant la place des TIC dans la relation grand-parentale n’ont pas encore exploré la petit-enfance comme période d’étude privilégiée, un constat duquel émerge le centre d’intérêt de la recherche présentée ici.

Méthodologie

Notre article s’inscrit dans un projet de recherche avec un devis mixte de type « séquentiel explicatif » où une vague d’analyse qualitative est réalisée à la suite d’une analyse quantitative. Le tableau 1 présente l’ensemble des étapes de cette recherche. Un premier volet a exploré de façon quantitative l’utilisation des TIC par les grands-parents dans la relation grand-parentale durant les cinq premières années de vie du petit-enfant. Il a documenté des facteurs qui semblent être associés à l’utilisation des TIC dans la relation grand-parentale, telles que la distance géographique séparant les grands-parents de son petit-enfant, la qualité des relations au sein de la famille et la fréquence de contacts en personne. Il a également permis de mesurer l’influence de l’ensemble de ces variables sur le bien-être subjectif des grands-parents. Un deuxième volet qualitatif visait à affiner et à étendre les résultats quantitatifs à travers une analyse thématique afin de mettre en valeur la perspective des grands-parents concernant leur utilisation des TIC dans le maintien de la relation grand-parentale.

Tableau 1

Plan du devis mixte

Plan du devis mixte
Adapté de Ivankova et al. (2006)

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Participants

Les participants du volet qualitatif du devis mixte se composaient de 13 grands-parents (7 grands-pères et 6 grands-mères). Ces participants ont été recrutés auprès des participants du premier volet de notre recherche. L’objectif du recrutement était de trouver des grands-parents ayant des expériences diverses des nouvelles technologies avec leur petit-enfant afin de mieux comprendre les différentes places que peuvent occuper les TIC dans la relation grand-parentale.

Une question à la fin du sondage du premier volet a invité les répondants à indiquer leur volonté de participer à une entrevue qualitative d’environ 45 minutes. Parmi les 363 participants du sondage, 287 ont donné leur accord. Une méthode d’échantillonnage avec écart maximal a été réalisée pour sélectionner des grands-pères et des grands-mères utilisant fréquemment ou faiblement les TIC depuis quelques années avec leur petit-enfant et voyant fréquemment ou faiblement leur petit-enfant en personne (Collins et al., 2007 ; Creswell et al., 2003 ; Patton, 2015 ; Teddlie et Yu, 2007). Afin de retenir une diversité de participants, une matrice d’identification des caractéristiques a été réalisée (Patton, 2015). Elles ont été choisies dans l’objectif de constituer un échantillon composé de grands-parents ayant un petit enfant âgé entre trois et cinq ans et ayant une diversité de fréquence de contacts avec cet enfant, en personne et avec les TIC. Premièrement, le critère de sélection d’avoir un petit-enfant âgé entre trois et cinq ans a visé à assurer que les grands-parents aient assez de recul sur leur expérience grand-parentale pour parler de la relation avec leur petit-enfant, mais également de son évolution. Un deuxième critère de sélection avait pour objectif l’équilibre entre le nombre de grands-mères et de grands-pères dans l’échantillon, en lien avec le constat issu des écrits scientifiques à l’effet qu’il existe des différences dans la relation grand-parentale selon le genre des grands-parents (Brown, 2003 ; Cherlin et Fursenberg, 1986). Un troisième critère de sélection est celui de la fréquence de contact entre les grands-parents et leur petit enfant. Ainsi, nous avons visé à proportion égale : (a) des grands-parents voyant leur petit-enfant le moins autant en personne qu’avec les TIC ; (b) le moins en personne, mais aussi le plus avec les TIC ; (c) le plus en personne, ainsi que le moins avec les TIC ; (d) le plus autant en personne qu’avec les TIC. La distance géographique séparant le petit-enfant de ses grands-parents n’a pas fait partie des caractéristiques de sélection des participants, mais nous avons choisi d’en tenir compte pour nous renseigner sur le contexte familial de certains grands-parents.

Les 13 grands-parents, interrogés en décembre 2018, étaient âgés en moyenne de 63 ans (variant entre 55 et 71 ans). La moyenne d’âge de leur petit-enfant était de quatre ans (variant entre trois et cinq ans). En moyenne, ces grands-parents étaient séparés de leur petit-enfant d’une heure et 51 minutes de voyage (variant entre 5 minutes et 7 heures) ; quatre grands-parents (deux grands-pères et deux grands-mères) étaient à plus de 4 heures. La stratégie de recrutement permet de caractériser ces grands-parents en quatre profils de fréquence de contact avec leur petit enfant. Trois de ces grands-parents voyaient fréquemment leur petit-enfant autant en personne qu’avec les TIC (deux grands-pères et une grand-mère). Trois voyaient fréquemment leur petit-enfant en personne, mais peu avec les TIC (deux grands-pères et une grand-mère). Trois voyaient peu leur petit-enfant en personne, mais fréquemment avec les TIC (un grand-père et deux grands-mères). Finalement, quatre voyaient peu autant en personne qu’avec les TIC leur petit-enfant (deux grands-pères et deux grands-mères). La diversité de l’échantillon a permis d’explorer les différentes formes que les TIC pouvaient prendre dans la relation grand-parentale.

Collecte de données

Le projet de recherche a fait l’objet d’une évaluation positive de la part du Comité éthique de l’université d’appartenance du chercheur principal. Les participants ont rempli un formulaire de consentement envoyé par courriel par le chercheur principal. Une fois signé, le chercheur a contacté les participants par téléphone pour proposer de réaliser cette entrevue à leur domicile, dans un local de l’université au centre de ville de Montréal ou par téléphone. Une seule entrevue s’est déroulée chez un participant et les douze autres ont fait le choix d’être interrogé par téléphone. Le consentement éclairé a été obtenu au début de chaque entrevue. Les entrevues ont été enregistrées et les verbatims ont été retranscrits. Un code alphanumérique a été attribué pour chaque entrevue afin de garantir l’anonymat des participants lors de l’analyse. Les entrevues ont durée en moyenne 40 minutes et ont suivi un canevas d’entrevue semi-directif en concordance avec les premiers constats observés dans le premier volet du devis mixte, notamment les liens entre la qualité de la relation avec le parent et l’utilisation des TIC, entre l’utilisation des TIC et les visites en personne ou entre l’utilisation des TIC et la qualité de la relation avec leur petit-enfant.

Analyses

Les verbatims des entrevues individuelles ont été étudiés selon la méthode d’analyse thématique proposée par Braun et Clarke (2006), suivant une approche inductive déductive. Le choix de cette méthode d’analyse s’est appuyé sur l’objectif du projet de recherche dans lequel s’inscrit cet article, mixte par nature, qui nécessitait de mettre en relation les résultats issus de ces entrevues avec des résultats d’une étude quantitative réalisée auparavant (Hayotte et Brunson, 2022). L’utilisation d’une étude qualitative après une étude quantitative dans une conception de recherche mixte permet d’approfondir et de donner un sens plus riche aux résultats quantitatifs en explorant les perceptions, les expériences et les significations des participants. Dans la recherche présentée ici, les résultats quantitatifs de l’étude précédente ont souligné l’intérêt de certains concepts ayant pu être discutés en profondeur avec des participants lors des entretiens. Des exemples incluent l’importance d’analyser la relation entre les contacts via les TIC et les visites en personne, et la diversité que peuvent prendre les TIC pour les grands-parents en fonction de leur contexte familial et de la qualité de leur relation familiale. L’approche d’analyse thématique proposée par Braun et Clarke (2006) a permis d’interpréter et de synthétiser le discours des participants en lien avec ces sujets.

L’analyse a respecté les étapes suivantes. Une première étape inductive a impliqué une reécoute phénoménologique des enregistrements des entrevues afin de favoriser l’appropriation de la parole des participants (Savoie-Zajc, 2000 ; Wanlin, 2007). Consécutivement à cette écoute a été réalisée une lecture flottante des verbatims puis d’une lecture active avec prise de note pour capter des idées initiales des codes (Paillé et Mucchielli, 2012). Certains codes initiaux étaient de nature inductive, émergente de l’analyse du matériel empirique. D’autres reflétaient certains « concepts sensibilisateurs » (Bowen, 2006 ; Bradbury-Jones et al., 2014) basés dans le cadre conceptuel de l’étude, à savoir la vision écologique de la famille telle que décrite par King et al. (1998). Ces codes incluaient, par exemple, les rôles familiaux, l’interdépendance des générations et les séquences et les transitions de vie (Gilgun, 2015).

Dans une deuxième étape plus déductive, la grille de codification a été réalisée. Chaque code a été structuré sous forme d’arbre hiérarchique intégrant de façon structurée des concepts clés du cadre conceptuel de la recherche. Cette étape a permis d’organiser les codes et aussi d’identifier si d’autres devaient être ajoutés.

Une troisième étape de consolidation de la grille de codification a été réalisée en appliquant la nouvelle de l’arbre de codification systématiquement à l’ensemble des verbatims. Durant cette étape, des codes ont pu être ajoutés soit en fonction de l’interprétation du discours des grands-parents (approche inductive) ou des concepts théoriques de la recherche (approche déductive). Par exemple, les grands-parents ont tous décrit différentes façons d’utiliser les TIC dans leur relation grand-parentale, un thème émergeant des « habitudes de contacts avec les TIC » a permis de rassembler l’ensemble des codes sous un même thème. Puis, leur hiérarchisation a été revue, où les concepts théoriques ont été particulièrement pertinents pour réorganiser les codes au plus haut niveau de conceptualisation. Certains thèmes confrontés aux concepts issus de l’écologie familiale ont fait émerger des thèmes relatifs au contexte familial. Dans l’objectif d’assurer la cohérence de l’analyse, tous les verbatims ont été repassés avec la grille de codification finale afin de vérifier que tous les codes ont bien été appliqués de façon homogène dans l’ensemble des verbatims.

Résultats

Les thèmes dégagés de l’analyse sont exposés dans la figure 1. Nous présenterons dans un premier temps la perception des grands-parents concernant l’utilisation des TIC avec leur petit-enfant de cinq ans et moins. Nous verrons ensuite ce que les grands-parents considèrent comme les aspects écologiques influençant l’utilisation des TIC dans leurs échanges avec leur petit-enfant. Enfin, nous décrirons les conseils que les grands-parents offrent à des grands-parents se questionnant sur l’utilité de recourir aux TIC durant les premières années de vie d’un de leur petit-enfant.

Figure 1

Schéma de l’analyse thématique

Schéma de l’analyse thématique

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Un lien qui se tisse en continuité de la relation en personne

Un premier grand thème qui émerge du discours des grands-parents est l’interrelation entre les moments partagés avec leur petit-enfant avec les TIC et lors de visites en personne. Lorsque les grands-parents abordent ce que leur utilisation des TIC apporte aux interactions qu’ils développent en personne avec leur petit-enfant de cinq ans et moins, ils considèrent que cette forme d’interaction exerce une influence positive et complémentaire aux interactions en personne. Quatre constats sur ce thème se dégagent de leur discours.

Un premier tient au fait que l’utilisation des TIC permet aux grands-parents de se rapprocher au quotidien avec leur petit-enfant. Il s’agit du bénéfice le plus rapporté (12 grands-parents). En effet, les TIC octroient la possibilité aux grands-parents de rester proches de leur petit-enfant.

« Grâce aux nouvelles technologies, j’ai pu rester proche de tous mes petits-enfants » (entrevue 05, grand-mère).

« C’est une façon de continuer à tisser les liens. Peut-être pas, les liens sont là… comment je pourrais dire ça : renforcer les liens. Je crois que ces moyens sont une bonne façon de renforcer les liens qui sont déjà présents » (entrevue 07, grand-père).

Les appels vidéo, utilisés pour voir le petit-enfant autrement qu’en personne, sont un moyen pour les grands-parents de renforcer le lien de proximité envers leur petit-enfant. Ils y décrivent un sentiment de réciprocité.

« Ça aide énormément au niveau de la relation aussi. Parce que y’a une communication qui se continue quand même, y’a pas une coupure de 3 mois, qui se fait » (entrevue 13, grand-père).

« Elle m’emmène dans sa chambre où elle me dit : montre-moi [ma peluche] couché dans son petit lit ! Il me semble qu’on est plus présent, qu’on est plus proche, que l’on est plus dans la maison l’une de l’autre » (entrevue 08, grand-mère).

Certains grands-parents (5) décrivent que les appels vidéo leur permettent de partager différentes formes du quotidien avec leur petit-enfant. Parfois, ces appels sont pour eux l’occasion d’être témoins de ce que vit leur petit enfant ou même des moments de vie dans la famille.

« C’est interactif, il nous voit, il voit à qui il s’adresse et il peut nous montrer des choses aussi en même temps donc pour lui c’est intéressant de cette façon-là » (entrevue 04, grand-mère).

« Si y’a des moments malheureux là aussi on en est également informé si y’a des choses qui, comme une maladie ou je sais pas moi, il s’est blessé ou quoi que ce soit, peu importe l’événement malheureux, mais la comme, on le sait sur le champ aussi » (entrevue 13, grand-père).

D’autres fois, elles permettent de montrer au petit-enfant l’univers du grands-parents :

« [l]à j’ai commencé à faire découvrir à distance à [mon petit-fils] mon univers au travail. Ça, il aime toujours ça il va voir mes amis mon bureau ça fait que ça lui apprend autre chose aussi, que oui grand-papa à des amis » (entrevue 02, grand-père).

La majorité des grands-parents (10) regardent, en complément des appels vidéo, des enregistrements vidéo ou photographiques issus du partage des parents. Cette utilisation des TIC leur permet de se sentir proches de leur petit-enfant. Ils rapportent que ces enregistrements de leur petit-enfant auraient une importance dans le renforcement de leur sentiment de proximité avec celui-ci.

« Le fait que je reçois ces photos, ça fait juste contribuer si tu veux à ce rapprochement-là » (entrevue 02, grand-père)

« Si y’a des oiseaux qui sont venus pis [mon petit-fils] les a comme vu, tu sais, il se met dans la vitre pour regarder les oiseaux, ça se peut qu’on ait un petit vidéo » (entrevue 10, grand-père).

Les grands-parents décrivent que les TIC leur permettent de témoigner et conserver des moments de vie de leur petit-enfant, ainsi que de participer aux interactions de façon plus régulière.

Un deuxième constat que certains grands-parents (5) ont abordé est la possibilité qu’offrent les TIC à voir leur petit-enfant, peu importe la distance qui les sépare. D’autres grands-parents ont explicitement mentionné que la distance les séparant de leur petit-enfant était une raison de recourir aux TIC.

« Tu sais mon autre petite-fille […], je fais 4-8 minutes d’auto pis je suis rendue chez elle. Faque c’est pas tout à fait la même chose, j’aurais pas besoin vraiment de technologies pour mon contact avec elle. Ça se voit au quotidien même, tandis qu’avec les autres là-bas […] plus ça va aller, plus la technologie va aider » (entrevue 08, grand-mère).

« Je l’ai vu grandir comme je n’ai peut-être moins vu mes petits-enfants qui demeurent à 3-4 km de chez moi » (entrevue 01, grand-père).

Les grands-parents trouvent ainsi un avantage à recourir aux TIC lorsqu’ils ont le sentiment que la distance serait un frein aux interactions avec leur petit-enfant.

Un troisième constat, qui se dégage du discours d’une majorité de grands-parents (7), est la perception que la relation qu’ils entretiennent avec leur petit-enfant en utilisant les TIC est complémentaire de la relation qu’ils peuvent avoir en personne. Certains (3 grands-parents) précisent même qu’à elle seule, la relation avec les TIC ne serait pas suffisante pour créer un lien satisfaisant avec leur petit-enfant :

« [c]’est une belle façon de communiquer. Il ne faut pas que ça soit la seule façon de communiquer là ! » (entrevue 04, grand-mère).

En fait, les interactions avec les TIC n’offrent pas autant de chaleur que les interactions en personne.

« Malheureusement, la nouvelle technologie ne nous donne pas ça, la chaleur humaine » (entrevue 12, grand-père).

Elles restent tout de même importantes dans leur rôle de maintien de la relation avec leur petit-enfant, notamment pour les grands-parents vivant loin.

« La relation a changé, s’améliore quand on la voit en personne. En vidéo, ça reste la vidéo. C’est très important quand même pour nous, parce qu’évidemment le fait qu’on soit loin et qu’on puisse pas les voir… c’est un pansement » (entrevue 06, grand-mère).

Pour certains grands-parents (5), leur utilisation des TIC en complément des visites en personne permettent à leur petit-enfant de les reconnaitre plus facilement. Ils décrivent des moments où leur petit-enfant distingue le ton de leur voix, leur visage, ou encore leur place de grands-parents dans la famille.

« L’avantage aussi quand on se voit comme ça, c’est quand on rencontre les enfants ils nous reconnaissent. Tu sais ben il dit : “ça, c’est grand-père” quand tu chantes dans la maison » (entrevue 01, grand-père).

« Pour elle, je crois que c’est très important pour qu’elle reconnaisse ses grands-parents et qu’elle nous associe à un membre de sa famille, même si on est pas toujours présent » (entrevue 06, grand-mère).

Même si les interactions avec le petit-enfant n’offrent pas les avantages similaires de celles en personne, les TIC permettent de maintenir le lien qu’ils entretiennent avec leur petit-enfant.

Un quatrième constat est la façon, dont les grands-parents (7) décrivent l’évolution de l’utilisation des TIC dans la relation avec leur petit-enfant. Pour ces grands-parents, les interactions avec leur petit-enfant s’améliorant avec l’âge de ce dernier, ils s’imaginent différentes formes d’interactions possibles à travers les TIC dans l’avenir.

« Plus les filles vieillissent et plus c’est facile de parler. Eux, ils sont très à l’aise avec ça ! » (entrevue 06, grand-mère).

Ils se servent d’exemples présents dans leurs familles ou d’exemples issus de témoignages de leurs proches en dehors de la famille, comme des amis qui utilisent les TIC avec des petits-enfants plus âgés :

« Quand il va grandir, quand il va passer un autre âge, on pourra passer un autre niveau » (entrevue 04, grand-mère).

« J’en ai un de 13 ans qui est à Stoneham, et puis j’aime ça de temps en temps, maintenant il est assez vieux pour avoir son compte Facebook, pis quand il se passe quelque chose dans sa vie, je lui envoie des petits coucous » (entrevue 09, grand-mère).

Enfin, les grands-parents ont la perception que l’utilisation des TIC avec leur petit-enfant va pouvoir évoluer dans le temps et ainsi proposer de nouvelles formes d’interactions.

Une relation qui varie en fonction de l’écologie familiale

La vision écologique de la famille permet d’appréhender la vie des membres d’une famille de façon interdépendante tout en considérant leur contexte sociohistorique (King et al., 1998). Dans ce sens, un deuxième grand thème dégagé du discours des participants concerne des aspects écologiques influençant leur utilisation des TIC avec leur petit-enfant. Quatre aspects écologiques se sont dégagés, en lien avec le contexte des caractéristiques et des rôles des différents membres de la famille (grands-parents, petit-enfant et parent) ainsi que ceux avec la famille en tant que système.

Le premier aspect porte sur le contexte de leurs intérêts personnels et leur investissement personnel dans les TIC et dans la relation grande parentale. D’abord, tous les grands-parents de notre échantillon abordent leur intérêt pour les nouvelles technologies. Plus de la moitié des grands-parents (9), qui se considèrent « techno », sont entourés de TIC et sont à l’aise avec ces dernières. Ils portent un intérêt important pour les TIC, voire une passion.

« Mais j’ai pas juste Apple là. j’ai la télévision. j’ai une tour un PC. j’ai un portable PC, bon un vieux là… Mais ma blonde, elle, est à un gros iMac. Mais à part ça, non là je te parle pas des iPhone X, les tablettes […] » (entrevue 01, grand-père).

« Je suis un utilisateur précoce de, comment je pourrais dire, un grand utilisateur des nouvelles technologies » (entrevue 10, grand-père).

Inversement, une minorité de grands-parents (2) se reconnaissent n’être pas totalement à l’aise avec les TIC. Ils décrivent un sentiment d’obligation à porter une attention à l’évolution des technologies afin de ne pas être dépassés.

« Je me fais encore un point d’honneur de pas me laisser trop dépasser. Parce que je me dis c’est important dans mes relations de travail pis c’est très important dans mes relations avec mes petits-enfants » (entrevue 08, grand-mère).

« Ça peut arriver que je vais arrêter […] au magasin pour demander de l’aide, mais sinon les enfants sont très aidants pour nous tenir au courant » (entrevue 05, grand-mère).

Ensuite, une grande majorité de grands-parents (10) indiquent que les TIC leur permettent de s’investir dans le développement de leur petit-enfant. Les grands-parents parlent du rôle qu’ils veulent jouer dans le soutien de son développement.

« Je suis toujours à la recherche de “OK c’est quoi le prochain objectif pour lui réalisable, atteignable ?” Ça fait que je suis toujours très très à l’écoute d’où il était rendu dans son développement » (entrevue 02, grand-père).

Plusieurs grands-parents (5) décrivent une variété d’activités qu’ils réalisent avec leur petit-enfant à l’aide des TIC leur permettant d’observer et même promouvoir son développement. Ils présentent des activités se déroulant à distance, comme ces grands-parents qui utilisent les photos pour susciter l’interaction avec son petit-enfant.

« Un moment donné, l’hiver passé, j’avais pris des traces de lapin dans la neige en photo. Puis là on a fait comme un petit concours : “tu penses que c’est quoi les traces ? Quel animal ?” Elle m’a envoyé des réponses, et là je disais : “non c’est pas ça !” C’était drôle. […] Je pense que je fais partie de la nourriture de son imaginaire, en faisant ça » (entrevue 03, grand-mère).

D’autres décrivent des activités se déroulant en personne, où les TIC sont utilisées dans leur échange.

« Je lui ai mis des petites applications sur mon iPad, on travaille ça ensemble, on fait des casse-têtes » (entrevue 09, grand-mère).

« J’ai sorti les photos sur mon téléphone pis je lui ai demandé “c’était qui”. Si il reconnaissait le monde » (entrevue 10, grand-père).

Le deuxième aspect écologique qui se dégage du discours de la totalité des grands-parents est en lien avec les intérêts de leur petit-enfant et la façon qu’ils essaient de prendre en compte des envies et des habiletés de leur jeune interlocuteur.

D’abord, la moitié des grands-parents (7) porte une attention particulière aux envies de leur petit-enfant lorsqu’ils utilisent les TIC. Ils énoncent leur prise en considération de la changeante motivation que peut connaitre leur petit-enfant durant ces échanges.

« Des fois, elle veut en parler, des fois elle veut pas. Des fois elle va en parler… » (entrevue 01, grand-père).

« […] quand elle a décidé qu’elle en a assez, c’est assez, voilà » (entrevue 11, grand-père).

Ensuite, la grande majorité des grands-parents (11) décrivent leur prise en compte des habiletés relationnelles du petit enfant durant leurs interactions. Ils évoquent leurs premiers échanges, rudimentaires, où le petit-enfant n’a pas les habiletés pour soutenir une conversation, mais où le petit-enfant peut néanmoins y participer. Les grands-parents adaptent leur communication, comme à travers des jeux ou en sollicitant leur petit-enfant avec des interactions simplifiées.

« Je me suis dit, à l’époque, qu’il nous voyait à l’écran et puis il trouvait ça drôle, et puis il faisait des singeries, et puis quand il avait fait quelque chose de nouveau dans la journée, bah les parents lui demandaient de le refaire et puis… Ça, c’était assez rudimentaire […] » (entrevue 04, grand-mère).

« On faisait comme tous les parents font, “là regarde dit bonjour à grand-papa, dit bonjour à grand-maman ! Oh regarde grand-papa il est là”. Tu sais, c’était un peu ça » (entrevue 11, grand-père).

La majorité des grands-parents (8) font part de la courte, voire très courte durée des échanges avec ce dernier. Même si les moments sont brefs, et que cela semble frustrant pour certains, les grands-parents décrivent cet aspect de la communication comme étant normal.

« Elle est tout enthousiaste pendant les 2-3 premières minutes et, tout d’un coup, elle disparait » (entrevue 11, grand-père).

« Ça dure, moi je dirais, ça dure peut-être 30 à 40 secondes, je dirais, pis après ça ben, il fait juste déconnecter » (entrevue 13, grand-père).

Bien que cette courte durée d’échange ne leur soit pas toujours facile, les grands-parents ne se contentent pas d’attendre que leur petit-enfant ait les habiletés pour soutenir des conversations plus complexes. Ils adaptent la communication pour maximiser ces courts moments d’échanges.

« On s’organise toujours pour que ça tourne pour qu’on ait du plaisir quand je lui pose des questions, qu’elle réponde » (entrevue 01, grand-père).

« Elle est à un âge où tu lui dis : “Bon mamie t’a envoyé une histoire d’âne, est-ce que tu as aimé ton histoire ?” Elle répond “oui”. “Comment tu as trouvé l’histoire ? Bien. Bon, grand-maman vient-tu jouer…” » (entrevue 03, grand-mère).

Le troisième aspect écologique que la totalité des grands-parents décrit est en lien avec le parent du petit-enfant et la façon dont cette relation joue dans l’utilisation des TIC auprès de leur petit-enfant. Les grands-parents expliquent deux points à considérer dans cette relation : l’entente pour voir le petit-enfant et le respect des rôles parentaux et grand-parentaux.

D’abord la quasi-totalité des grands-parents (11) aborde qu’il existe une entente informelle avec les parents pour voir leur petit-enfant, entente qui détermine la manière dont les deux générations vont rentrer en contact l’une avec l’autre. Ils font part d’une ouverture réciproque avec les parents pour voir leur petit-enfant, que cela soit en personne ou à l’aide des TIC.

« Je dirais que c’est réciproque là. Des fois, c’est nous qui nous déplaçons, des fois ce sont eux qui se déplacent alors ça va dans un sens comme dans l’autre » (entrevue 04, grand-mère).

« C’est un moyen qui nous permet selon le besoin d’un côté ou de l’autre et ça répond toujours bien. Si moi, je ressens le besoin de parler, pas de soucis. On va le faire dès qu’il y a un moment de libre, et vice-versa » (entrevue 06, grand-mère).

Ensuite, la moitié des grands-parents (7) mentionnent leur recherche d’un équilibre respectueux de l’espace, dont aurait besoin le parent.

« Je me suis donné cette règle-là. Comme ils sont près de chez nous, tant que j’ai pas reçu une invitation, je garde mes distances je laisse ma fille avec son conjoint leur vie privée » (entrevue 02, grand-père).

« Je suis très présente, sans être fatigante ! » (entrevue 03, grand-mère).

Les grands-parents mentionnent également qu’il en revient au parent de faciliter les interactions avec leur petit-enfant. Les grands-parents considèrent que le parent doit reconnaître, par ce rôle, les grands-parents comme un acteur familial à ne pas mettre de côté.

« C’est pas juste à nous, c’est aux parents aussi là de faire le… le relais pour qu’ils s’attachent aussi aux grands-parents » (entrevue 06, grand-mère).

« [Pour] nos enfants, on est devenu une priorité négligeable. Alors, ils ont besoin de nous au moment où ils sont mal pris, là on est plus la priorité des petits jeunes quand y’a pas de problème, mais on aimerait aussi être là quand ils sont heureux » (entrevue 12, grand-père).

Lorsqu’ils parlent du rôle facilitateur des parents, la quasi-totalité des grands-parents (11) décrit la présence non invasive qu’occupent les parents durant les échanges avec leur petit-enfant. Ils considèrent cette présence comme une aide technique, afin qu’aucun aléa technique ne bloque la conversation avec l’enfant de cinq ans et moins.

« C’est ça, [mon petit-fils] est autonome, c’est sûr que de temps en temps il faut que son père le rappelle ou le replace par rapport à la disposition de la tablette, de la caméra, mais dans l’ensemble, c’est lui qui va choisir » (entrevue 10, grand-père).

« Non, [mon fils] est à côté. Mais je sens pas qu’il dirige la discussion, [mon petit-fils] parle librement, ça y’a pas de problème à ce niveau-là. [Mon fils] va être là, peut-être, uniquement pour réaligner la tablette » (entrevue 12, grand-père).

En plus de ce rôle technique, plus de la moitié des grands-parents (8) font part du rôle de facilitateur des parents, soit parce qu’un des parents est à l’initiative des contacts, qu’un parent répond à une sollicitation du petit-enfant ou du grands-parents lui-même.

« Des fois, c’est ma fille qui va dire “[…] est-ce que tu vas appeler grand-papa ?”. Donc, c’est ma fille qui m’appelle à ce moment-là » (entrevue 01, grand-père).

« D’accord, typiquement, c’est surtout elle qui téléphone, elle va demander à sa mère pour se mettre en ligne » (entrevue 11, grand-père).

« […] Si on ressent le besoin de parler, de les voir, on passe par notre fils et puis on se donne un rendez-vous téléphonique, avec la caméra bien évidemment » (entrevue 06, grand-mère).

Le quatrième aspect écologique est le rythme que peut vivre au quotidien la famille. Les grands-parents (11) décrivent la manière, dont ils doivent trouver des moments pour communiquer avec leur petit-enfant dans ce rythme. Certains abordent les moments de la journée, rythmés par les activités de la famille.

« Arrive les parents le soir, après il y a l’école et puis là ça fait que tu les amènes donc ça fait une petite période le grand-père on le voit moins souvent » (entrevue 01, grand-père).

« Mon fils m’appelle tous les jours, tous les matins deux fois par jour… lorsqu’il va chercher les enfants, lorsqu’il va reconduire les enfants ; donc je leur parle très très souvent » (entrevue 05, grand-mère).

D’autres abordent les moments de la semaine où ils peuvent joindre leur petit-enfant.

« C’est plus le mardi ou le samedi et dimanche quand que mon fils travaille pas […] et ça se passe toujours en soirée, parce que […] ma bru elle a une garderie » (entrevue 10, grand-père).

Dans la quasi-totalité des cas (11), les grands-parents s’adaptent au rythme de la famille pour trouver le moment approprié pour parler en appel vidéo avec leur petit-enfant.

« Les dimanches beaucoup, parce qu’ils sont en famille puis ils sont tous à la maison. Donc voilà, c’est souvent le dimanche » (entrevue 06, grand-mère).

« Le petit est à la garderie et puis après ça y’arrive chez eux le soir, faque, normalement, ça va se faire vers après souper » (entrevue 13, grand-père).

Certains grands-parents (2) parlent de l’adaptation qu’ils ont réalisée pour ce nouveau rythme :

« [l]à avec ma fille, avec le bébé dans les bras. C’était la première fois. Au début elle devait avoir 3 semaines au moins, après ça là on voyait grandir le bébé, c’était merveilleux. C’est vraiment là… c’est de la belle technologie » (entrevue 01, grand-père).

« En fait un moment donné à Noël il y a quelques années on a eu une tablette et si je n’avais pas eu la tablette en cadeau je ne sais pas si je l’aurais achetée. […] On s’est rendu compte qu’on pouvait faire des Facetime […]. Après c’est surtout la facilité de la tablette qui a beaucoup aidé » (entrevue 04, grand-mère).

Pour plus de la moitié des grands-parents (7), il s’agissait d’une habitude déjà ancrée dans leur relation avec les parents. Les grands-parents décrivent que cette habitude de contacts avec les TIC auprès des enfants, avant qu’ils soient parents, n’a pas nécessité d’adaptation lorsque leur petit-enfant est né :

« C’est juste déjà en place avec ma fille, déjà en place avec le reste de ma famille bah ça pas été une réflexion de dire il faudrait qu’on se serve de ça » (entrevue 02, grand-père).

« Mon fils a l’habitude de m’appeler tous les jours. Alors, c’est tout de suite venu naturellement de m’appeler » (entrevue 05, grand-mère).

Ainsi, de façons diverses, les aspects écologiques liés aux rôles et au fonctionnement de la famille semblent influencer l’utilisation que les grands-parents peuvent avoir avec les TIC pour interagir avec leur petit-enfant.

Conseils de grands-parents

Un troisième grand thème émerge des réponses des participants à une question concernant les conseils qu’ils pourraient donner à des hypothétiques grands-parents se questionnant sur l’utilité de recourir aux TIC pour communiquer avec son futur petit-enfant.

Un premier conseil donné par les grands-parents (7) est de ne pas hésiter à utiliser les TIC dans la relation grand-parentale. D’après eux, les TIC représentent une opportunité à ne pas manquer.

« Utilisez tous les moyens disponibles pour être en contact avec [vos] petits-enfants » (entrevue 07, grand-père).

« Se mettre à jour dans la nouvelle technologie pis de faire en sorte de pouvoir l’utiliser, parce que ça va être seulement positif pour ses relations avec l’enfant » (entrevue 08, grand-mère).

« Vous avez tout intérêt, parce que ça rapproche, un petit enfant qui est loin un peu, ça le rapproche de nous autres » (entrevue 10, grand-père).

Le second conseil prodigué par la moitié des grands-parents (6) porte sur la place que vont occuper les TIC dans la relation avec leur petit-enfant. Les grands-parents préconisent de réfléchir sur ce que les TIC peuvent offrir dans le lien qui les unit avec leur petit-enfant.

« Il manque quelque chose, parce que c’est vraiment un bel outil. Le problème c’est pas l’outil, le problème c’est l’utilisation qu’on en fait » (entrevue 11, grand-père).

« Parce que moi, je pense qu’il faut s’en servir pour… que ça apporte quelque chose aussi à l’enfant. Que ça soit pas juste… c’est pour le contact oui, c’est pour envoyer des histoires… en tout cas, mais de définir pourquoi tu veux le faire » (entrevue 03, grand-mère).

« À mon avis, y’a rien à craindre avec les nouvelles technologies, mais si elles sont bien utilisées […] c’est un bel outil pour connecter avec nos petits-enfants, que ce soit par juste la communication, que ce soit par le jeu, c’est des moments qui sont importants avec nos petits-enfants » (entrevue 13, grand-père).

Globalement, l’ensemble des grands-parents ne décrivent pas de désavantages à recourir aux TIC avec leur petit-enfant.

Discussion

Le discours des grands-parents permet de documenter différentes façons par lesquelles les grands-parents utilisent les TIC omniprésentes dans notre société en soutien à leur rôle grand-parental. Pour ces grands-parents, l’utilisation des TIC semble contribuer significativement à la relation grand-parentale durant les cinq premières années de la vie du petit-enfant, que les grands-parents les utilisent plus ou moins fréquemment.

Le premier constat dressé par les grands-parents de notre échantillon est qu’ils se servent des TIC avec leur petit-enfant en complémentarité des interactions en personne. Ils ne conçoivent pas leur relation avec leur petit-enfant uniquement en interagissant à travers les TIC. Ce constat est contraire aux premiers travaux traitants de l’impact des TIC sur les relations humaines, qui supposaient que le temps passé sur l’Internet allait remplacer celui que les personnes passaient pour interagir en face à-face (Nowland et al., 2018).

À l’instar des premières études s’intéressant à l’utilisation des TIC dans les relations grand-parentales à distance pour des petits-enfants plus âgés (Holladay et Seipke, 2007), les grands-parents dans notre échantillon rapportent que leur utilisation permet de se sentir plus proche de leur petit-enfant. Notre analyse suggère que les grands-parents peuvent utiliser les appels vidéo pour partager des moments d’échanges avec leur petit-enfant ainsi que des enregistrements (vidéo et photographiques) pour rester proches de leur petit-enfant en dehors des moments d’échanges. Les appels vidéo sont reconnus pour offrir des échanges plus riches et d’une durée plus longue qu’avec d’autres formes de communication, comme le téléphone (Ames et al., 2010). Dans ce sens, les grands-parents de notre échantillon préfèrent utiliser des appels vidéo pour partager des moments de vie avec leur petit-enfant. Par la synchronicité qu’ils offrent et par leur bonne adaptation aux habiletés développementales des enfants de cinq ans et moins (Follmer et al., 2010), les appels vidéo contribuent au renforcement du lien affectif que les grands-parents peuvent ressentir envers leur petit-enfant. Par exemple, les grands-parents de notre échantillon ont décrit que leur petit-enfant les voyait fréquemment par appels vidéo et, de ce fait, les reconnaissent plus facilement. Ames et al. (2010) font ce même constat : les petits-enfants voyant plus souvent leurs grands-parents via les TIC les considèrent moins comme des étrangers. Pour les enregistrements vidéo et photographiques issus du partage des parents, les grands-parents de notre échantillon les utilisent pour se tenir informés de ce que peut vivre leur petit-enfant. Ces enregistrements permettent aux grands-parents de renforcer leur sentiment de proximité avec le petit-enfant. Telle que l’a présenté Baldassar (2008), cette forme d’utilisation des TIC permet à un membre d’une famille d’imaginer la présence d’un autre membre absent, ce qui favoriserait le sentiment de proximité avec ce dernier. Les données de notre étude montrent que les grands-parents décrivent effectivement ces photographies et vidéos comme un moyen de conserver des moments de vie de leur petit-enfant leur permettant de le revivre.

Le second constat est que les grands-parents interrogés n’utilisent pas les TIC pour la seule raison qu’ils habitent loin de leur petit-enfant. La distance géographique est encore considérée comme un des prédicteurs de la fréquence de contact avec le petit-enfant qui, quant à elle, impacte la qualité de leur relation (Hakoyama et MaloneBeach, 2013). La plupart des recherches portant sur l’usage des TIC dans la relation grand-parentale ont exploré l’usage des TIC dans les relations à distance. Les auteurs présumaient que le recours aux TIC n’était réalisé que si les visites en personnes étaient limitées, voire impossibles (Bangerter et Waldron, 2014 ; Holladay et Seipke, 2007). Pourtant, nos résultats suggèrent tout comme le propose Schneider et al. (2020), que l’utilisation des TIC par les grands-parents durant les premières années de vie de leur petit-enfant ne se limite pas uniquement qu’aux relations à distance, que les grands-parents donnent une forte importance aux interactions en personne et conçoivent l’interaction avec les TIC comme complémentaire.

Les derniers constats portent sur les aspects complémentaire et évolutif des TIC dans la relation avec leur petit-enfant pour les grands-parents de notre échantillon. Certains auteurs comme Hülür et Macdonald (2020) se demandent si l’utilisation des TIC viendrait renforcer nos relations sociales ou bien les transformer. Notre analyse des propos des participants à cette étude suggère que les grands-parents utilisent tous les moyens, incluant ceux technologiques, pour entretenir la relation avec leur petit-enfant. Les grands-parents témoignent de leur intérêt pour recourir aux TIC dès les premières années de la vie de leur petit-enfant, et bien au-delà. Ils décrivent des interactions à l’aide des TIC se complexifiant avec le temps, se projettent déjà dans leur utilisation future avec leur petit-enfant et envisagent ce qu’il sera possible de réaliser lorsque le petit-enfant sera capable d’interagir encore davantage.

Nos données suggèrent également l’importance de l’écologie de la famille dans l’utilisation des TIC en soutien à la relation grand-parentale. Les participants décrivent quatre aspects de la relation ainsi que le rythme familial qui conditionne leur usage des TIC pour interagir avec leur petit enfant.

Le premier aspect de l’écologie familiale que les grands-parents ont discuté est l’intérêt que les grands-parents eux-mêmes possèdent pour les nouvelles technologies. Ce dernier impacte leur facilité à utiliser les TIC avec leur petit-enfant. Ce constat se rattache aux travaux de Yuan et al. (2016), ces derniers proposant que les habiletés des personnes vieillissantes envers l’utilisation d’une TIC influencent leurs choix et préférences pour communiquer avec leurs proches. Les grands-parents de notre étude rapportent être motivés à utiliser les TIC pour observer le développement de leur petit-enfant. Ici, les grands-parents présentent non seulement leur compréhension du développement de leur petit-enfant, mais également la place que celui-ci exerce dans l’évolution d’une relation nécessitant des interactions plus complexes.

Le second aspect de l’écologie familiale que les grands-parents tiennent en compte est en lien avec les intérêts et les habiletés de leur petit-enfant. Ils ont présenté les adaptations qu’ils réalisent pour répondre aux envies changeantes de leur petit-enfant ainsi qu’à leurs habiletés à maintenir la relation lorsqu’ils utilisaient les TIC. Ils décrivent que la nature et la durée des échanges virtuels avec leur petit-enfant sont limitées notamment, parce que le petit-enfant n’est pas en capacité de soutenir une conversation. Les grands-parents montrent qu’il est néanmoins possible de faire interagir le petit-enfant pendant une courte durée à travers des jeux ou des interactions simplifiées pour le petit-enfant. Bien que les grands-parents décrivent des échanges courts malgré leurs adaptations (surtout durant les premiers échanges), cette durée n’est pas un frein en soi pour développer la relation grand-parentale. Au contraire, ils décrivent une utilisation des TIC leur permettant d’adapter la communication aux besoins de leur petit-enfant.

Un troisième aspect de l’écologie familiale que les grands-parents abordent est leur relation avec le parent et du rôle médiateur que ce dernier occupe dans la réalisation des échanges virtuels avec leur petit enfant. Le rôle de médiateur du parent dans la relation grand-parentale est bien documenté (Denham et Smith, 1989). Dans notre étude, les grands-parents rapportent que les parents sont présents lors des échanges, mais n’interviennent avec le petit-enfant que pour aider techniquement. Certains auteurs, comme Barr et Linebarger (2017), soulèvent que dans la famille, se sont généralement les parents qui introduisent leur enfant au monde des TIC. Il n’est donc pas étonnant que nos données montrent les parents jouant un rôle de soutien technique lors des échanges entre grands-parents et petit-enfant. Tout comme le présente Crosnoe et Elder (2002), les grands-parents de notre échantillon abordent les adaptations qu’ils doivent réaliser pour trouver leur nouvelle place au sein de la famille, entre les besoins familiaux et leurs propres besoins. Notre étude montre la préoccupation des grands-parents à respecter la place du parent, et leur désir que leur place de grands-parents soit réciproquement respectée par le parent. Ils ont démontré l’importance du parent, qui doit jouer un rôle de facilitateur dans la relation avec leur petit-enfant.

Un quatrième aspect de l’écologie familiale que les grands-parents tiennent en compte porte sur le système familial. Les grands-parents reconnaissent que les activités réalisées par leurs membres de la famille à l’intérieur d’une journée, aussi appelés routines familiales (Brunson, 2010 ; Weisner et al., 2005), impactent leur relation grand-parentale. La routine quotidienne de la famille immédiate du petit enfant influence la fréquence et la durée des moments d’échanges qu’ils peuvent avoir au quotidien avec leur petit-enfant. Dans notre échantillon, les grands-parents utilisent les appels vidéo pour partager des moments avec leur petit-enfant. Pour qu’une nouvelle forme d’échange soit intégrée dans la routine, la famille doit s’adapter à cette nouvelle pratique communicationnelle en réalisant des « micro-rituels » (Schlobach, 2019). Dans notre échantillon, seulement les grands-parents n’ayant pas l’habitude d’utiliser les TIC pour communiquer avec les parents avant la naissance du petit-enfant ont décrit des microrituels, tels que l’un des grands-parents n’ayant réalisé son appel vidéo avec son petit-enfant qu’à la suite du cadeau d’une tablette par les parents. Collins (2014) a décrit ces microrituels déterminant si la pratique s’intégrera ou non dans la routine familiale. Il est tout à fait possible qu’ils ne s’intègrent pas dans la routine. Dans notre échantillon, les grands-parents ayant déjà l’habitude d’utiliser les appels vidéo avec les parents avant la naissance du petit-enfant ont décrit une insertion « naturelle » des appels vidéo dans la routine familiale. Les appels vidéo permettent aux grands-parents, par leur flexibilité d’utilisation, de s’adapter au rythme familial, ainsi qu’aux membres de la famille de ritualiser une communication intergénérationnelle dans la routine, notamment lorsqu’ils les utilisent déjà dans la relation parentale.

Enfin, les grands-parents offrent deux conseils à des personnes se questionnant sur l’utilité des TIC dans leur relation grand-parentale durant les premières années de vie de leur petit-enfant. Le premier conseil des grands-parents est de ne pas hésiter à utiliser cette technologie, étant une opportunité à ne pas manquer. Ce conseil reflète d’abord l’ensemble du discours de notre échantillon, où les grands-parents ne présentent que des points positifs à l’utilisation des TIC. Comme nous avons pu le voir, les grands-parents considèrent l’utilisation des TIC avec leur petit-enfant comme une forme à part entière de leur relation. Utiliser les TIC ne fait qu’apporter de nouvelles possibilités d’interaction. Ensuite, ce conseil renvoie à la place que les grands-parents portent à l’utilisation des TIC durant les premières années de vie de leur petit-enfant. Les grands-parents considèrent qu’il ne faut pas négliger l’opportunité qu’offrent les TIC. En effet, nous avons vu que les TIC contribuent à la relation, même si les interactions sont limitées et courtes. Le second conseil des grands-parents est de réfléchir sur le comment et le pourquoi de leur utilité dans la relation avec leur petit-enfant. Ce conseil amène à réfléchir à leur place dans la relation grand-parentale. Comme les grands-parents ont pu nous le montrer, les TIC à elles seules ne suffisent pas à la relation, mais permettent de soutenir la relation en complémentarité des contacts en personne. De plus, nous avons pu voir que l’utilisation des TIC demandait des ajustements familiaux, ce dont les grands-parents doivent réfléchir afin d’assurer la complémentarité que peuvent offrir les TIC : peut-être que des grands-parents pourraient trouver judicieux d’instaurer l’utilisation des TIC avant même la naissance d’un enfant dans la famille, que cela soit en réalisant des appels vidéo à des moments de leur routine ou bien en partageant des enregistrements de leur quotidien respectif.

Conclusion

Notre étude rapporte l’expérience que les grands-parents ont de leur utilisation des TIC au sein de la relation avec leur petit-enfant de cinq ans et moins, et leurs perceptions de l’apport et des limites des TIC dans cette relation. L’étude documente la place particulière qu’occupent les TIC dans leur relation grand-parentale durant les premières années de vie du petit-enfant. Les grands-parents rapportent que les TIC leur permettent de consolider leur relation avec leur petit-enfant en offrant des interactions supplémentaires à ce qu’ils peuvent vivre en présentiel. Ils indiquent qu’ils utilisent les TIC par choix, et non uniquement parce qu’ils habitent loin de leur petit-enfant. Les grands-parents suggèrent que cette relation ne se limite pas uniquement à la période de la petite enfance, mais qu’ils comptent bien faire évoluer cette relation au-delà des cinq ans de leur petit-enfant. Ces points offrent la possibilité de concevoir l’utilisation des TIC dans la relation grand-parentale non pas comme une solution « de remplacement » des échanges en personne, mais davantage comme une facette à part entière de la relation grand-parentale.

Nos résultats suggèrent que les grands-parents ont une préférence pour les appels vidéo et les enregistrements vidéo et photographiques dans la relation grand-parentale. Leur utilisation permet aux grands-parents de renforcer le lien de proximité envers leur petit-enfant, et cela en fonction des besoins de la famille et de leurs propres besoins. Les appels vidéo sont plus facilement adaptables à la routine familiale et aux habiletés de l’enfant. Les enregistrements permettent aux grands-parents la possibilité de voir et revoir, à leur rythme, des moments de vie de leur petit-enfant.

Cet article a également identifié certains aspects du contexte familial qui peut impacter l’usage des TIC dans la relation grand-parentale. L’utilisation des TIC nécessite une volonté des grands-parents et des conditions externes qui permettent à l’interaction de se réaliser et à cette relation de se développer. Ces aspects du contexte familial suggèrent des pistes d’exploration pour viser à soutenir la création et le maintien de ces formes d’interactions dans la relation grand-parentale.