Résumés
Résumé
Cadre de la recherche : La réflexion s’inscrit au croisement de deux champs théoriques : celui relatif à la condition de l’exilé et la sociologie de la famille.
Objectif : L’article vise à analyser les reconfigurations familiales imbriquées aux procédures de demande d’asile.
Méthodologie : Un terrain ethnographique de deux ans (2018-2019) a été mené au sein d’un Centre d’hébergement d’urgence pour migrants (CHUM) et d’un Centre de premier accueil (CPA) gérés par une association. Les familles hébergées viennent majoritairement d’Albanie, d’Afghanistan, du Soudan, de l’Érythrée et de la Somalie.
Résultats : Une naissance, la formation d’un couple ou encore une séparation constituent autant d’événements qui inscrivent les familles exilées dans des situations antinomiques entre une stabilité générée par ces événements familiaux supposant une projection dans l’avenir et l’insécurité des procédures de l’asile imposant un blocage dans le présent. Ces événements de vie familiale sont mobilisés de façon différente par les familles migrantes : soit mobiliser comme le support d’une émancipation, comme un facteur de « vulnérabilité » pour tenter d’améliorer les conditions de vie ou saisi comme un savoir expérientiel.
Conclusions : Les temporalités des procédures de demande l’asile et celles des changements familiaux s’entrechoquent jusqu’à générer des situations de grande instabilité. Plus encore, la superposition des statuts (celui de demandeuse d’asile, de femme et de mère de famille) induit des paradoxes, voire des sentiments d’ambivalence, dans le quotidien de ces femmes hébergées dans des centres.
Contribution : Au-delà des réalités françaises, l’article permet de penser les expériences des demandeuses d’asile dans les centres d’hébergement par le prisme de leurs projets familiaux. Ainsi, il permet de se décaler quelque peu des procédures d’asile telles qu’elles s’imposent aux exilés pour saisir des subjectivités via les changements familiaux. Nous comprenons dans le contexte de l’urgence comment les familles se construisent, comment les liens se font et se défont.
Mots-clés :
- centre d’hébergement pour migrants,
- exil,
- ethnographie,
- France,
- subjectivité,
- reconfiguration familiale
Abstract
Research framework : The study is at the crossroads of two theoretical fields: the condition of the exile and the sociology of the family.
Objective : The article aims to analyze the family reconfigurations involved in asylum application procedures.
Methodology : A two-year ethnographic field study (2018-2019) was carried out in the Centre d’hébergement d’urgence pour migrants (CHUM) and the Centre de premier accueil (CPA) managed by an association. The families housed there come mainly from Albania, Afghanistan, Sudan, Eritrea and Somalia.
Results : A birth, the formation of a couple or even a separation are all events that place exiled families in anthemic situations, between the stability generated by these family events, which implies a projection into the future, and the insecurity of asylum procedures, which forces them to remain stuck in the present. These family events are used in different ways by migrant families: either as a means of emancipation, as a factor of “vulnerability” in an attempt to improve living conditions, or as experiential knowledge.
Conclusions : The temporalities of asylum procedures and of family changes clash to the point of generating situations of great instability. Furthermore, the superimposition of statuses (that of asylum seekers, woman and mother) leads to paradoxes and even feelings of ambivalence in the daily lives of these women housed in centres.
Contribution : Looking beyond the realities of France, the article reflects on the experiences of women asylum seekers in shelters from the perspective of their family projects. In this way, we are able to move away from the asylum procedures imposed on exiles, and graps subjectivity through family changes. Following on the sociology of the family and the emergency context, we understand how families are constructed, and how links are made and broken.
Keywords:
- migrant shelter,
- exile,
- ethnography,
- France,
- subjectivity,
- family reconfiguration
Resumen
Marco de investigación : Para ello, el estudio se basa en la intersección de dos campos teóricos: la condición del exilio y la sociología de la familia.
Objetivo : El artículo pretende analizar los procesos familiares entrelazados con los procedimientos de asilo.
Metodología : Se realizó un trabajo de campo etnográfico de dos años (2018-2019) en un Centro de Alojamiento de Emergencia para Migrantes (CHUM) y un centro (CPA) gestionado por una asociación. Las familias alojadas proceden principalmente de Albania, Afganistán, Sudán, Eritrea y Somalia.
Resultados : Un nacimiento, la formación de una pareja o una separación son acontecimientos que colocan a las familias exiliadas en situaciones contradictorias, entre la estabilidad generada por estos acontecimientos familiares, que implica una proyección hacia el futuro, y la inseguridad de los procedimientos de asilo, que impone un bloqueo en el presente. Estos acontecimientos familiares son utilizados de diferentes maneras por las familias migrantes: a veces como medio de emancipación, a veces como factor de "vulnerabilidad" en un intento de mejorar las condiciones de vida, y a veces como conocimiento experiencial.
Conclusiones : Las temporalidades de los procedimientos de asilo y las de los cambios familiares chocan hasta el punto de generar situaciones de gran inestabilidad. Además, la superposición de estatus (el de solicitante de asilo, mujer y madre) provoca paradojas e incluso sentimientos de ambivalencia en la vida cotidiana de estas mujeres alojadas en centros.
Contribución : Más allá de las realidades francesas, el artículo ofrece una visión de las experiencias de las mujeres solicitantes de asilo en los centros de acogida a través del prisma de sus proyectos familiares. De este modo, nos permite alejarnos de los procedimientos de asilo tal y como se imponen a los exiliados y aprehender las subjetividades a través de los cambios familiares. Siguiendo con la sociología de la familia, en el contexto de las emergencias comprendemos cómo se construyen las familias y cómo se crean y rompen los vínculos.
Palabras clave:
- centro de acogida de inmigrantes,
- exilio,
- etnografía,
- Francia,
- subjetividad,
- reconfiguración familiar
Parties annexes
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