Résumés
Résumé
Cadre de la recherche : Depuis les années 1990, les pouvoirs publics français développent des politiques sociofiscales qui encouragent les familles à avoir recours à l’emploi à domicile pour déléguer le travail domestique, parental et du care. L’objectif est de favoriser l’aptitude des femmes à tenir des engagements sociaux pluriels. Cela dit, les travaux pointent la persistance des inégalités de classe dans la pratique de la délégation et soulignent la charge de travail qu’elle implique pour les femmes.
Objectifs : L’objectif de cet article consiste à saisir les mécanismes de classe et de genre à l’œuvre dans la pratique de la délégation. Ainsi, il cerne dans quelle mesure le régime de reproduction français contemporain, à savoir le référentiel organisationnel des pratiques de prise en charge des activités qui entretiennent la vie humaine, soulage le travail domestique dans les familles et, en particulier, du côté de femmes.
Méthodologie : À partir d’entretiens semi-directifs menés en Île-de-France dans le cadre d’une recherche doctorale en sociologie auprès de 38 familles, nous allons saisir un ensemble de mesures emblématiques du régime de reproduction d’après des pratiques familiales : les politiques sociofiscales d’incitation pour l’emploi familial.
Résultats : L’analyse montre qu’en laissant inchangé le référentiel organisationnel du régime de reproduction, les politiques sociofiscales d’incitation pour l’emploi familial maintiennent, voire renforcent les inégalités de classe et de genre.
Conclusions : Tant que le régime de reproduction français ne reviendra pas sur les fondements de son référentiel organisationnel, tout porte à croire que les politiques qui encouragent la délégation des activités familiales auront des conséquences inégalitaires.
Contribution : Cet article rend compte de la manière, dont les incohérences entre référentiels d’une part, et pratiques sociales d’autre part, freinent la portée transformatrice des politiques publiques.
Mots-clés :
- politique publique,
- famille,
- travail domestique,
- conciliation travail-famille,
- reproduction humaine,
- France
Abstract
Research framework: Since the 1990s, the French government has developed social and fiscal policies that encourage families to use home-based employment to delegate domestic, parental and care work. The objective was to encourage women’s ability to fulfil multiple social commitments. However, the studies point to the persistence of class inequalities in the practice of delegation and emphasize the workload that it implies for women.
Objectives: This article aims to understand the class and gender mechanisms at work in the practice of delegation. It thus identifies the extent to which the contemporary French reproduction regime, namely the organizational referential for the practices of taking charge of the activities that sustain human life, alleviates domestic work in families and particularly for women.
Methodology: Based on semi-directive interviews conducted in Île-de-France as part of a doctoral research project in sociology with 38 families, we will capture a set of measures emblematic of the reproduction regime through family practices: socio-fiscal incentive policies for family employment.
Results: The analysis shows that by leaving the organizational referential of the reproduction regime unchanged, socio-fiscal incentive policies for family employment maintain and even reinforce class and gender inequalities.
Conclusions: As long as the French reproduction regime does not reconsider the foundations of its organizational frame of reference, we have every reason to believe that policies encouraging the delegation of family activities will have unequal consequences.
Contribution: This article shows how the inconsistencies between referential and social practices hinder the transformative impact of public policies.
Keywords:
- public policy,
- family,
- domestic work,
- work-family balance,
- human reproduction,
- France
Resumen
Marco de la investigación: Desde los años 1990, los poderes públicos franceses desarrollan políticas sociofiscales que favorecen el acceso de las familias al empleo a domicilio para delegar el trabajo doméstico, parental y de cuidados. De este modo, se pretende fomentar la capacidad de las mujeres para tener múltiples compromisos sociales. Sin embargo, las investigaciones señalan la persistencia de las desigualdades de clase en la práctica de la delegación y destacan la carga de trabajo que esta supone para las mujeres.
Objetivos: El objetivo de este trabajo es comprender los mecanismos de clase y de género que operan en la práctica de la delegación. Así, se identifica hasta qué punto el régimen de reproducción francés contemporáneo, es decir, el referencial organizativo de las prácticas de gestión de las actividades que sostienen la vida humana, alivia el trabajo doméstico en las familias y, en particular, del lado de las mujeres.
Metodología: A partir de entrevistas semiestructuradas realizadas con 38 familias en la región de Isla de Francia en el marco de una investigación doctoral en sociología, captamos un conjunto de medidas emblemáticas del régimen de reproducción a partir de las prácticas familiares: las políticas de incentivos sociofiscales para el empleo familiar.
Resultados: El análisis muestra que, al dejar inalterado el referencial organizativo del régimen de reproducción, las políticas de incentivos sociofiscales para el empleo familiar mantienen e incluso refuerzan las desigualdades de clase y de género.
Conclusiones: Mientras el régimen de reproducción francés no cambie los fundamentos de su marco de referencia organizativo, hay muchas razones para creer que las políticas que fomentan la delegación de las actividades familiares tendrán consecuencias desiguales.
Contribución: Este artículo muestra cómo las incoherencias entre referenciales, por un lado, y las prácticas sociales, por otro, obstaculizan el impacto transformador de las políticas públicas.
Palabras clave:
- política pública,
- familia,
- trabajo doméstico,
- conciliación trabajo-familia,
- reproducción humana,
- Francia
Parties annexes
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