Résumés
Résumé
Cadre de la recherche : S’inscrivant dans le cadre des études sur les rapports ordinaires à la politique et celui des études migratoires, ce travail entend étudier l’objet classique des socialisations politiques au sein de la structure familiale, en y questionnant le poids des effets des constructions juridiques.
Objectif : Cet article observe les contradictions pouvant s’installer au sein de l’espace familial (« la communauté familiale ») du fait de l’exclusion de certains de ses membres de la « communauté nationale » en raison de leur statut juridique.
Méthodologie : Ce questionnement sera traité à partir d’un corpus d’une trentaine d’entretiens narratifs réalisés auprès de descendants d’immigrés maghrébins âgés de 18 à 45 ans résidant en Île-de-France et dont au moins un des parents est né dans un des pays du Maghreb.
Résultats : D’après nos résultats, le statut juridique différent entre membres d’une même famille ne provoque pas d’effet restrictif sur les transmissions politiques, car elles s’inscrivent dans un faisceau d’échanges plus large. Des adaptations et des stratégies communes peuvent toutefois être mises en place par ces membres dans des situations où le statut juridique s’impose comme contrainte, notamment au moment du vote. Certaines catégorisations issues des constructions juridiques peuvent s’illustrer au sein de l’espace familial à l’image de celle « du bon et du mauvais immigré », et ainsi mettre à l’épreuve les liens familiaux.
Conclusions : Comme toute problématique centrée sur une minorité ethnique, l’étude des socialisations politiques au sein des familles maghrébines impose des précautions épistémologiques. L’approche par le statut juridique nous a permis de limiter les écueils « culturaliste » et « évolutionniste ». Par ailleurs, une approche considérant les socialisations politiques dans leur contexte global offre la possibilité de capter des éléments de compréhension de certains phénomènes spécifiques aux familles immigrées.
Contribution : Ce travail représente une première approche abordant la superposition de ces deux espaces symboliques. Il serait intéressant de continuer la réflexion entamée dans ce travail, afin de démêler avec plus de précision ce qui relève des socialisations primaires et ce qui tient des effets du statut juridique.
Mots-clés :
- socialisation,
- politique,
- politisation,
- ordinaire,
- famille,
- immigrée,
- Maghrébine,
- France,
- citoyenneté,
- nationalité
Abstract
Research Framework : Within the framework of studies on ordinary relations to politics and that of migration studies, this work intends to study the classical object of political socializations within the family structure, by questioning the effects of legal constructions on them.
Objectives : This article observes the contradictions that can arise within the family space (“family community”) due to the exclusion of some of its members from the “national community” because of their legal status.
Methodology : This article is based on thirty narrative interviews conducted with descendants of North African immigrants aged 18 to 45 living in the Île-de-France region and having at least one parent born in a North African country.
Results : According to our results, the different legal status of members of the same family does not have a restrictive effect on political transmissions, as they are part of a wider set of exchanges. However, adaptations and common strategies may be put in place by these members in situations where legal status is imposed as a constraint, particularly at the time of voting. Some categorizations resulting from legal constructs can be illustrated within the family space, such as the “good immigrant/bad immigrant”, and thus put family ties to the test.
Conclusions : As with any problematic focused on an ethnic minority, the study of political socializations within North African families requires epistemological precautions. The legal status approach allowed us to limit the "culturalist" and "evolutionist" pitfalls. Moreover, an approach that considers political socializations in their global context offers the possibility of capturing elements of understanding of certain phenomena specific to immigrant families.
Contribution : This work represents a first approach to the superposition of these two symbolic spaces. It would be interesting to continue the reflection started in this work, in order to disentangle more precisely what comes under primary socializations and what comes under the effects of legal status.
Keywords:
- socialization,
- political,
- politicization,
- everyday,
- family,
- immigrant,
- North-African,
- France,
- citizenship,
- nationality
Resumen
Marco de la investigación : En el marco de los estudios sobre las relaciones ordinarias con la política y los estudios sobre la migración, este trabajo pretende estudiar el objeto clásico de las socializaciones políticas dentro de la estructura familiar, desde el ángulo original de cuestionar el peso de los efectos de las construcciones jurídicas sobre ellas.
Objetivo : El objetivo es observar las contradicciones que pueden surgir dentro del espacio familiar ("la comunidad familiar") debido a la exclusión de algunos de sus miembros de la "comunidad nacional" por su estatus legal.
Metodología : Este cuestionamiento se abordará a partir de un corpus de una treintena de entrevistas narrativas realizadas a descendientes de inmigrantes magrebíes de entre 18 y 45 años residentes en la isla de France y con al menos un progenitor nacido en un país norteafricano.
Resultados : De acuerdo con nuestros resultados, elestatus legal diferente de los miembros de una misma familia no tiene un efecto restrictivo sobre las transmisiones políticas, ya que estas forman parte de un conjunto más amplio de intercambios. Sin embargo, estos miembros pueden poner en marcha adaptaciones y estrategias comunes en situaciones en las que el estatus legal se impone como una limitación, especialmente en el momento de la votación. Sin embargo, ciertas categorizaciones resultantes de las construcciones jurídicas pueden ilustrarse dentro del espacio familiar, como la del "inmigrante bueno y malo", y poner así a prueba los vínculos familiares.
Conclusiones : Como toda problemática centrada en una minoría étnica, el estudio de la socialización política en el seno de las familias magrebíes requiere precauciones epistemológicas. El enfoque del estatuto jurídico ha permitido limitar los escollos "culturalistas" y "evolucionistas". Además, un enfoque que considere las socializaciones políticas en su contexto global ofrece la posibilidad de captar elementos de comprensión de ciertos fenómenos específicos de las familias inmigrantes.
Contribución : Este trabajo representa una primera propuesta de superposición de estos dos espacios simbólicos. Sería interesante continuar la reflexión iniciada en este trabajo, para desentrañar con mayor precisión lo que corresponde a las socializaciones primarias y lo que corresponde a los efectos del estatus jurídico.
Palabras clave:
- socialización,
- política,
- politización,
- ordinario,
- familia,
- inmigrante,
- Norteafricana,
- Francia,
- Ciudadanía,
- Nacionalidad
Parties annexes
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