Enfances, Familles, Générations
Numéro 38, 2021 Droits et devoirs procréatifs : des normes et des pratiques Sous la direction de Irène-Lucile Hertzog et Marie Mathieu
Sommaire (13 articles)
Articles thématiques
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Pour une analyse globale, internationale et interdisciplinaire du travail procréatif
Irène-Lucile Hertzog et Marie Mathieu
RésuméFR :
Cadre de la recherche : Dans la lignée des analyses féministes matérialistes, cet article revient sur la frontière entre travail dit productif versus reproductif pour en déconstruire les fondements et montrer que derrière l’organisation sociale de la procréation, se trouve un travail dont la responsabilité incombe principalement aux femmes.
Objectifs : Cette introduction vise à questionner la production d’enfants et son refus à l’aide du concept de travail procréatif, intégrant ainsi les différentes tâches qu’implique la (non)procréation, mais aussi l’élevage des enfants. Par ailleurs, il donne à voir l’intérêt de penser le droit du travail procréatif au sein des normes sociales qui encadrent les multiples séquences de la (non)production de nouveaux êtres humains.
Méthodologie : Cet article introductif s’adosse à une revue de la littérature permettant de clarifier les concepts clés de « travail procréatif » et « droit procréatif » mobilisés pour analyser les tâches liées à la procréation, entendue dans un sens élargi, afin de contextualiser les différentes contributions composant ce dossier.
Résultats : Tout en montrant le pouvoir heuristique des choix conceptuels opérés, l’article souligne les espaces de résistance à l’analyse du travail procréatif et ouvre de multiples pistes d’investigation pour prolonger ce dossier en vue d’une appréhension globale, internationale et interdisciplinaire du champ de la procréation.
Conclusion : La grille de lecture proposée pour penser la production d’enfant et son refus, et ce qu’ils impliquent pour les femmes, permet de rendre visible tout un ensemble de tâches ordinaires particulièrement chronophages et pourtant invisibilisées. Elle souligne la nécessité d’intégrer les différentes normativités formant le cadre social du travail procréatif incluant les différentes normes du droit.
Contribution : Cet article offre une synthèse des connaissances sur les concepts mobilisés dans l’analyse des tâches liées à la (non)production d’enfant.
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Toward a Comprehensive, International and Interdisciplinary Analysis of Procreative Work
Irène-Lucile Hertzog et Marie Mathieu
RésuméEN :
Research Framework : In line with materialist feminist analyses, this paper revisits the boundaries between so-called productive versus reproductive work to deconstruct their foundations and show that, behind the social organization of procreation, there is work for which women are primarily responsible.
Objectives : The purpose of this introduction is to examine the production of children and the decision not to have them through the lens of procreative work, thus integrating the different tasks involved in procreation, non-procreation and child rearing. This will also demonstrate the importance of thinking about the right to the work of procreation within the social norms that frame the multiple sequences of the (non)production of new human beings.
Methodology : This introductory paper is based on a review of literature that clarifies the key concepts of “procreative work” and “procreative rights” that are used to analyze the tasks associated with procreation - understood in a broad sense – in order to contextualize the various papers in this issue.
Results : While demonstrating the heuristic power of the conceptual choices made, the paper highlights areas of resistance to the analysis of procreative work and opens up multiple avenues of investigation to broaden this topic for a comprehensive, international and interdisciplinary understanding of the field of procreation.
Conclusion : The interpretation proposed as a framework for thinking about the production of children and the decision to not have them, and what this implies for women, allows an array of everyday tasks that are particularly time-consuming and yet unnoticed to be brought to light. It highlights the need to integrate the different approaches, including legal norms, that constitute the social framework for procreative work.
Contribution : This paper synthesizes knowledge regarding the concepts used to analyze tasks related to the (non)production of children.
FR :
Cadre de la recherche : Dans la lignée des analyses féministes matérialistes, cet article revient sur la frontière entre travail dit productif versus reproductif pour en déconstruire les fondements et montrer que derrière l’organisation sociale de la procréation, se trouve un travail dont la responsabilité incombe principalement aux femmes.
Objectifs : Cette introduction vise à questionner la production d’enfants et son refus à l’aide du concept de travail procréatif, intégrant ainsi les différentes tâches qu’implique la (non)procréation, mais aussi l’élevage des enfants. Par ailleurs, il donne à voir l’intérêt de penser le droit du travail procréatif au sein des normes sociales qui encadrent les multiples séquences de la (non)production de nouveaux êtres humains.
Méthodologie : Cet article introductif s’adosse à une revue de la littérature permettant de clarifier les concepts clés de « travail procréatif » et « droit procréatif » mobilisés pour analyser les tâches liées à la procréation, entendue dans un sens élargi, afin de contextualiser les différentes contributions composant ce dossier.
Résultats : Tout en montrant le pouvoir heuristique des choix conceptuels opérés, l’article souligne les espaces de résistance à l’analyse du travail procréatif et ouvre de multiples pistes d’investigation pour prolonger ce dossier en vue d’une appréhension globale, internationale et interdisciplinaire du champ de la procréation.
Conclusion : La grille de lecture proposée pour penser la production d’enfant et son refus, et ce qu’ils impliquent pour les femmes, permet de rendre visible tout un ensemble de tâches ordinaires particulièrement chronophages et pourtant invisibilisées. Elle souligne la nécessité d’intégrer les différentes normativités formant le cadre social du travail procréatif incluant les différentes normes du droit.
Contribution : Cet article offre une synthèse des connaissances sur les concepts mobilisés dans l’analyse des tâches liées à la (non)production d’enfant.
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La construction genrée de la parenté par le droit de la procréation en France et en Allemagne
Laurie Marguet
RésuméFR :
Cadre de la recherche : Il est classique de présenter l’encadrement juridique de la procréation comme structuré autour des paradigmes d’autonomie, de liberté et de choix, que ce soit en France ou en Allemagne. S’il est indéniable que le droit autorise désormais les individus, et plus particulièrement les femmes, à faire des choix procréatifs, il n’en reste pas moins que le droit encourage davantage certains choix procréatifs au détriment d’autres. Or, la manière dont le droit encadre les choix procréatifs des individus nous dit quelque chose du modèle de la famille « idéale » défendu par l’État. Si ce modèle diffère quelque peu entre les ordres juridiques en fonction du contexte social, historique, culturel ou politique du pays, en France et en Allemagne, ce modèle comprend nombre de similitudes, notamment en ce qu’il fait perdurer un ordre du genre organisé autour de la distinction classiquement établie entre « travail reproductif » (traditionnellement attribué aux femmes) et « travail productif » (traditionnellement réservé aux hommes).
Objectif : Cette recherche s’intéresse à la manière dont les dispositifs juridiques construisent certains idéaux de parenté en encourageant certains choix procréatifs et in fine la constitution de certaines familles et de certaines parentés. Il convient de déconstruire le discours visant à considérer que non seulement les règles juridiques encadrant la procréation sont structurées autour d’une autonomie procréative, mais qu’elles feraient désormais prédominer une logique de « sur-puissance » maternelle, engendrant des inégalités pour les hommes.
Méthodologie : Nous avons analysé les dispositifs juridiques (textes juridiques et jurisprudence) encadrant principalement la contraception, l’accouchement sous X, l’avortement, la procréation médicalement assistée (PMA), mais aussi l’établissement de la filiation.
Résultats : Notre recherche a démontré que le droit encourageait la constitution de la famille « génétique », par hypothèse, hétéronormée et appréhendait de manière différenciée la maternité et la paternité.
Conclusions : Parce qu’il a pour fonction de créer des standards de comportement, le droit « normalise » et ne considère pas comme légitimes tous les choix personnels. Les règles encadrant les techniques de procréation autorisées en France et en Allemagne ne font pas exceptions à ce principe : même si le droit autorise le recours à la contraception, l’accouchement sous X, à l’avortement, ou à la PMA, l’ordre juridique en France et en Allemagne reste réticent à admettre le refus de maternité (bien plus que le refus de paternité), de la même manière qu’il encourage davantage la constitution de familles hétéronormées que celles qui ne le sont pas.
Contributions : Notre travail de recherche permet de mettre en lumière le rôle fondamental du droit dans la légitimation de certains projets parentaux ou de certaines familles.
EN :
Research Framework : In both France and Germany, reproduction law is often presented as structured around freedom, autonomy and choice based paradigms. While it is undeniable that the law now allows individuals, especially women, to make reproductive choices, the fact remains that it further encourages some reproductive choices at the expense of others. The way in which the law frames the reproductive choices of individuals tells us something about the model of the “ideal” family that is put forward by the state. While this model differs somewhat between legal orders depending on the social, historical, cultural or political context in France and Germany, it includes, however, a number of similarities, notably in that it perpetuates a gender order structured around the normalized distinction between “reproductive work” (traditionally attributed to women) and “productive work” (traditionally reserved for men).
Objectives : This research analyzes the way reproductive law constructs an ideal model of kinship by promoting some reproductive choices and encouraging the founding of some types of families. This article aims to deconstruct the narrative surrounding the legal framework of reproduction that is understood as an autonomous choice, which allows women to refuse motherhood in a logic of maternal “over power” that creates inequalities for men.
Methodology : We analyzed the legal framework (legal texts and case law), mainly regulating birth control, childbirth under X, abortion, medically assisted procreation, but also the establishment of filiation (parentage).
Results : Our research has shown that the law encourages the constitution of the “genetic” family, which is assumed to be heteronormative, and can be apprehended in a differentiated way between motherhood and fatherhood.
Conclusions: As the law standardizes behaviours, it “normalizes” individual choices that are not always considered as legitimized. The rules governing authorized procreation techniques in France and Germany are no exception to this principle. Although reproduction law authorizes birth control, anonymous delivery, abortion or medically assisted reproduction in both countries, it remains reluctant to accept the refusal of motherhood (more than the refusal of fatherhood) and instead encourages the founding of a heterosexual family in contrast to a non-heterosexual family.
Contribution: Our research highlights the fundamental role of the law in legitimizing some parental projects or families.
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Les lois européennes du travail procréatif : entre biologisation de la maternité et euphémisation des normes de genre
Sophia Ayada
RésuméFR :
Cadre de la recherche : Cette recherche analyse des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (la Cour) relative au travail procréatif et concernant ainsi des demandeur·esse·s souhaitant avoir accès à des droits spécifiques en tant que mères (biologique, d’intention ou potentielle) ou pères.
Objectifs : Il s’agit de mettre en lumière les lois européennes du travail procréatif, c’est-à-dire les présupposés, analogies et déductions sur lesquelles la Cour construit ses solutions juridiques, applicables en droit social, et d’interroger leurs conséquences matérielles.
Méthodologie : La jurisprudence européenne est examinée sous l’angle du féminisme matérialiste, afin de mettre en perspective son raisonnement dans ces jugements avec les conséquences matérielles sur la vie des femmes auxquels ils conduisent.
Résultats : La Cour différencie la situation juridique des femmes enceintes et en congé de maternité de celles des parents à la suite du congé de maternité. La maternité est conçue comme une réalité avant tout biologique, à l’origine d’une soi-disant vulnérabilité des femmes enceintes et des mères en congé de maternité. Au contraire, le travail parental est perçu comme ne pesant pas structurellement davantage sur les mères que les pères, et la Cour lui applique une approche genderblind fondée sur l’égalité de traitement des hommes et des femmes.
Conclusions : L’analyse biologisante de la maternité défendue par la Cour exclut de l’accès à certains droits les mères non biologiques, notamment celle ayant eu recours à la gestation pour autrui (GPA), ainsi que les pères. En outre, les discriminations structurelles ne permettent pas de justifier l’adoption de législations sexospécifiques visant à contrebalancer les inégalités en matière d’assignation au travail procréatif.
Contribution : Cette recherche montre l’ambivalence de la jurisprudence européenne, qui oscille entre un régime d’exception offrant une « protection » des femmes enceintes, et un régime général qui minimise l’ampleur et l’impact discriminatoire des normes légales et sociales relatives au travail procréatif.
EN :
Research Framework : This research analyzes rulings of the European Union Court of Justice relating to reproductive work and thus concerning applicants seeking access to specific rights as mothers (biological, intended or potential) or as fathers.
Objectives : The aim is to highlight the European laws on reproductive work, i.e., the presuppositions, analogies and deductions on which the Court constructs its reasoning and legal solutions, applicable in social law, and to question their material consequences.
Methodology : This research exclusively draws on the European jurisprudence, which is studied from a materialist feminist standpoint. The analysis is firstly discursive, and secondly puts into perspective these discourses with the material consequences of the case law on women’s lives.
Results : The Court understands the concept of maternity as a primarily biological reality, because of the physiological vulnerability of pregnant women and young mothers. On the contrary, parental work is perceived as not structurally burdening mothers more than fathers, and the Court applies a gender-blind approach to it based on the equal treatment of men and women.
Conclusions : The biologizing analysis of motherhood defended by the Court excludes non-biological mothers, especially those who have resorted to surrogate motherhood (GPA), as well as fathers. Moreover, structural discrimination does not justify the adoption of gender-specific legislation to counterbalance inequalities in the assignment of reproductive work.
Contribution : This research shows the ambivalence of European jurisprudence, which oscillates between a regime of exception offering “protection” to pregnant women, and a general regime that minimizes the scope and discriminatory impact of legal and social norms on reproductive work.
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Des normes procréatives sécularisées ? L’opposition catholique française à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules
Séverine Mathieu
RésuméFR :
Cadre de la recherche : Dans le contexte de la nouvelle révision des lois de bioéthique française, entre 2018 et 2020, l’Église catholique est très active, en particulier à propos de l’ouverture de la Procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules.
Objectifs : Cet article se propose d’explorer comment les normes procréatives catholiques, qui voudraient fixer les conditions d’entrée dans la parentalité, sont retraduites dans un argumentaire séculier.
Méthodologie : L’enquête sociologique de type ethnographique repose sur deux formes de matériaux. D’une part des observations réalisées lors des États généraux de la bioéthique qui se sont tenus entre janvier et mai 2018 et d’autre part, une analyse des propositions faites sur le site des États généraux de la bioéthique, ouvert entre janvier et juin 2018. Des interventions faites dans les médias et des documents produits par l’institution catholique sont également utilisés dans cette recherche.
Résultats : Le magistère romain cherche à montrer que ses prescriptions en matière familiale ne se fondent pas sur la foi, mais sur une juste compréhension des mécanismes de la nature. Pour ce faire, les discours de l’institution empruntent à une rhétorique qui fait référence à une bibliothèque séculière.
Conclusions : Dans ce contexte, la mobilisation catholique contre l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules s’attelle à ne pas faire changer le droit, en appelant à des valeurs dites « traditionnelles », les défendant au nom de principes séculiers, expression d’un catholicisme « ostensible » (Hervieu-Léger, 2017), dont les normes n’imprègnent plus le droit procréatif.
Contribution : On voit ici comment, pour faire valoir les normes procréatives qu’elle défend, dans la lignée de sa réprobation de la contraception et de l’avortement, l’institution catholique a recours à des normes séculières qui témoignent également de la sécularisation du catholicisme.
EN :
Research framework : In the most recent revision of the French bioethics laws (2018-2019), the Catholic Church has been very active in regards to a most controversial issue that is the access to ART for lesbian couples and single women.
Objectives : This article explores how the Catholic procreative norms, which are considered by the magisterium as the way of becoming a parent, are translated in a secular argument.
Methodology : Drawing on an ethnographic survey of public debates that preceded and accompanied the present revision of the bioethics law, this article is using two types of data. On the one hand, observations were made during the “États généraux de la bioéthique” that were held between January and May 2018 and, on the other hand, an analysis of the proposals was undertaken by means of their website. Interventions in the media and documents produced by the Catholic Church were also compiled and analyzed.
Results : The Roman Magisterium seeks to show that its recommendations in respect to family matters are not based on faith but rather on the correct understanding of nature’s mechanisms. To enforce its discourse, the Church employs a rhetoric invoking the secular library.
Conclusions : In this context, the French Catholic mobilization against access to ART for lesbian couples and single women is trying to prevent a law change by referring to so-called traditional values and defending them in the name of secular principles. This can be interpreted as the expression of an “ostensible” (Hervieu-Léger, 2017), in which Catholic norms no longer permeate reproductive rights.
Contribution : By endeavouring to impose its procreative norms as well as its condemnation of contraception and abortion, the French Catholic Church resorts to secular norms which demonstrates the secularization of Catholicism.
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La contraception dans Femmes d’Aujourd’hui (1960-2010) : entre visibilisation et assignation de genre du travail procréatif
Margaux Roberti-Lintermans
RésuméFR :
Cadre de la recherche : Femmes d’Aujourd’hui, premier magazine féminin francophone belge, s’adresse majoritairement à un lectorat féminin et transmet un discours sur la contraception, tout en contribuant à sa construction.
Objectifs : Nous analysons ce discours dans une perspective chronologique longue (1960-2010) au regard des transformations sociétales et législatives en Belgique. Comment la régulation des naissances est-elle présentée ? À qui incombe cette responsabilité ? Comment se transmet-elle ?
Méthodologie : À partir d’une analyse qualitative basée sur un dépouillement systématique de la revue, nous rendons compte de l’évolution du discours sur la contraception.
Résultats : Dimension fondamentale du travail procréatif, la contraception est initialement défendue comme une responsabilité partagée au sein du couple, conformément à l’orientation chrétienne de la revue et de ses journalistes. Par la suite, la régulation des naissances devient progressivement une tâche exclusivement féminine, les différents contraceptifs portés sur les corps des femmes étant alors classés selon des critères d’efficacité mis en avant par le corps médical. Au tournant des années 2000, l’information sur les moyens de contraception se diversifie et laisse place aux critiques dans le courrier des lectrices.
Conclusions : Visibilisant les différentes méthodes dans un objectif qui se veut informatif avant tout, Femmes d’Aujourd’hui fait pourtant la promotion d’une norme contraceptive et procréative. Grâce aux méthodes contraceptives, la maternité peut être accomplie en respect de normes sociales, prescrivant notamment une certaine trame temporelle, où le type de contraceptif change en fonction du projet d’enfant. Enfin, bien qu’elle laisse place au débat via les lectrices ou les journalistes, la presse féminine contribue paradoxalement à l’assignation genrée du contrôle des naissances.
Contribution : Le discours sur la contraception dans Femmes d’Aujourd’hui contribue à diffuser une injonction à la maternité. Nous identifions dans notre recherche des normes procréatives contribuant à cela. Celles-ci évoluent en deux phases liées au contexte sociétal et législatif.
EN :
Research Framework: Femmes d’Aujourd’hui , Belgium’s first French-language women’s magazine, is mainly aimed at a female readership and transmits a discourse on contraception, while contributing to its construction.
Objectives: We analyze it through a long chronological perspective (1960-2010) with regard to societal and legislative transformations in Belgium. How is birth control presented? Who is responsible for it? How is it transmitted?
Methodology: Using a qualitative approach based on a systematic analysis of the review, we report on the evolution of the discourse on contraception as a fundamental dimension of reproductive work.
Results: Contraception is initially presented as a shared responsibility within the couple, in accordance with the Christian orientation of the magazine and its journalists. Subsequently, birth control gradually became an exclusively female responsibility. Contraceptives are classified according to criteria of effectiveness that are put forward by the medical profession. At the turn of the millennium, information on contraceptive methods diversified and gave way to criticism in readers’ letters.
Conclusions: By making the various methods visible with the aim of providing information above all, Femmes d’Aujourd’hui promotes a contraceptive and procreative norm. Thanks to contraceptive methods, motherhood can be achieved in compliance with social norms, prescribing in particular a certain time frame, when the type of contraceptive changes according to a maternity project. Finally, although it leaves room for debate via readers or journalists, the women’s press paradoxically contributes to the gendered assignment of birth control.
Contribution: The discourse on contraception in Femmes d'Aujourd'hui contributes to the diffusion of an injunction to motherhood. In our research, we identify procreative norms that contribute to this. These evolve in two phases linked to the societal and legislative context.
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« Pourquoi vous être mariée si vous ne voulez pas d’enfants ? » Le travail contraceptif au Gujarat, Inde
Lucia Gentile
RésuméFR :
Cadre de la recherche : La Constitution indienne garantit le droit à l’autonomie en matière de reproduction, y compris le droit d’accéder à la contraception. Cependant, les femmes continuent à rencontrer des obstacles importants qui limitent leur autonomie procréative et la stérilisation féminine reste la méthode la plus utilisée.
Objectifs : Cet article s’intéresse à la configuration du travail contraceptif des femmes à Bhuj (Gujarat, Inde), en soulignant les contraintes matérielles, financières et temporelles qui restreignent encore leur autonomie procréative. Ce texte souhaite mettre en évidence la manière dont les usagères des services de planification familiale respectent, critiquent ou contournent les injonctions sociales et légales en matière de contraception.
Méthodologie : Il s’appuie sur une recherche ethnographique réalisée entre 2015 et 2018 dans un hôpital public de la ville de Bhuj et des entretiens menés auprès de 40 femmes.
Résultats : En raison de la pudeur qui entoure la sexualité et de la désapprobation sociale de la manifestation du désir sexuel, les femmes cachent le travail contraceptif qu’elles produisent. La contraception n’est pas seulement un travail invisibilisé, mais il se doit d’être aussi dissimulé par les usagères, afin d’avoir une autonomie procréative. C’est l’une des raisons qui participent au recours croissant à la stérilisation, méthode de contrôle des naissances aujourd’hui privilégiée à Bhuj.
Conclusions : La division du travail contraceptif contribue et renforce des inégalités sociales et de genre. La contraception se confirme comme une responsabilité que les femmes doivent gérer, même si plusieurs formes d’autorité influencent cette gestion. À travers un arbitrage entre les avantages et inconvénients des différentes méthodes, les femmes font preuve d’une agency pragmatique qui leur permet de régir leur parcours procréatif et d’affirmer leur identité sexuelle en tant que femmes fertiles.
Contribution : L’article veut actualiser les recherches existantes sur la planification familiale en Inde, en mobilisant la notion de travail contraceptif.
EN :
Research Framework : The Indian Constitution guarantees the right to reproductive autonomy, including the right to access contraception. However, women continue to face significant barriers to reproductive autonomy and female sterilization remains the most commonly used method.
Objectives : This article looks at the configuration of women’s contraceptive work in Bhuj (Gujarat, India), highlighting the material, financial and temporal constraints that still limit their reproductive autonomy. This paper aims to highlight the way in which women users of family planning services respect, criticize or circumvent social and legal injunctions regarding contraception.
Methodology : This research is based on ethnographic fieldwork conducted between 2015 and 2018 in a public hospital in the city of Bhuj (Gujarat, India) and interviews with 40 women.
Results : Because of the modesty that surrounds sexuality and the social disapproval of the manifestation of sexual desire, women hide the contraceptive work that they produce. Contraception is not only an invisibilized procreative work, but it must also be invisibilized by the users, in order to have a reproductive autonomy. This is one of the reasons that contribute to the increase use of sterilization, which is the preferred method of birth control in Bhuj today.
Conclusions : The division of contraceptive labour contributes to and reinforces social and gender inequalities. Contraception is asserted as a responsibility that women must manage, even if several forms of authority influence this management. However, through a trade-off between the advantages and disadvantages of the different methods, women demonstrate a pragmatic agency that allows them to regulate their reproductive journey and to affirm their sexual identity as fertile women.
Contribution : The article aims to update existing research on family planning in India, by mobilizing the notion of contraceptive work.
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Esquiver le stigmate lié à l’avortement : le « travail d’invisibilisation » comme renforcement du travail procréatif
Laurine Thizy
RésuméFR :
Cadre de la recherche : Partant du constat que l’avortement demeure une pratique stigmatisée, cet article analyse les stratégies d’invisibilisation mises en place par les femmes ayant avorté d’une première grossesse afin de contourner la stigmatisation.
Objectif : Cet article montre comment le « travail d’invisibilisation » mis en place par les avortées (gestion du secret, dissimulation des signes de grossesse, du parcours de soin et de l’avortement…) renforce le travail procréatif assigné aux femmes. En cela, il contribue à reproduire des asymétries genrées.
Méthodologie : Les données utilisées sont issues d’entretiens semi-directifs menés en France auprès de femmes entre 17 et 38 ans ayant avorté d’une première grossesse (n=49). Elles sont complétées par des observations ethnographiques dans plusieurs centres d’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) français.
Résultats : Dans le cadre d’une première grossesse interrompue, le dévoilement de l’avortement se réalise dans un entre-soi féminin, principalement auprès des amies et des mères des avortées. Les partenaires sexuels sont des soutiens d’autant plus ambigus que la relation de couple n’est pas établie. L’invisibilisation de l’avortement se traduit par des stratégies de justification alternative des absences au travail comme à l’école, pour préserver l’intimité et éviter une stigmatisation sexuelle et contraceptive. Dans l’espace domestique, la dissimulation, plus rare, s’avère difficile : elle suppose de masquer les signes de grossesse et les traces du parcours de soin. La prise en charge médicale de l’avortement expose quant à elle à une stigmatisation de l’échec contraceptif.
Conclusion : Se prémunir de la stigmatisation de l’avortement peut être nécessaire pour éviter le discrédit des avortées. Le travail d’invisibilisation varie selon les caractéristiques sociales des avortées (âge, situation conjugale) et les motifs de la stigmatisation (sexualité, représentation du fœtus, échec contraceptif).
Contribution : Cet article contribue à l’analyse internationale de l’abortion stigma en le resituant dans une perspective matérialiste attentive au travail procréatif accompli par les femmes. Il montre également les spécificités de la stigmatisation abortive en France.
EN :
Research Framework : Given that abortion remains a social stigma, this paper analyzes how women who experiment a first pregnancy termination use invisibilization strategies to avoid stigma.
Objectives : We show how the “invisibilization labour” developed by women who have had an abortion (management of secrecy, concealment of the signs of pregnancy, of the care process and of the abortion...) strenghtens the procreative labour to which women are assigned. In this way, this “invisibilization labour” contributes to the reproduction of gendered asymmetries.
Methodology : Data were collected by a combination of semi-structured interviews with women aged from 17 to 38, whose first pregnancy resulted in an abortion (n=49), and also of ethnographical observations in several abortion centers in France.
Results : Making abortion invisible means controlling speech. Abortion disclosure occurs with female peers, such as friends or mothers for the younger ones. Sex partners are ambiguous allies, especially when the relationship is unstable. It also means controlling action by justifying absences from work and school in order to avoid sexual stigma. At home, concealing abortion is not so easy, because it is difficult to hide pregnancy symptoms and signs of medical care. In hospitals, the abortion stigma rather stems from contraceptive failure.
Conclusion : To protect themselves from abortion stigma, women who had their pregnancy terminated implement an “invisibilization labor”. The particular form taken by that labor depends on the woman’s social characteristics (age, marital status) and the types of stigma (sexuality, representation of the fetus, contraceptive failure).
Contribution : Viewed from the perspective of materialist gender sociology, this paper contributes to the analysis of abortion stigma that puts emphasis on women’s reproductive labour.
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Les représentations sociales des fournisseuses de gamètes en Espagne : derrière le « don » d’ovocyte, un travail invisibilisé et dévalorisé ?
María Isabel Jociles, Ana María Rivas et Ariadna Ayala Rubio
RésuméFR :
Cadre de la recherche : L’Espagne se classe au premier rang en Europe en matière de « don » d’ovules. Leur production et leur commercialisation constituent aujourd’hui l’un des marchés les plus lucratifs du système économique national.
Objectifs : Comment les femmes cédant leurs ovules comprennent-elles ce « don » ? Dans une société où le « don » d’ovocytes est formalisé comme un acte bénévole et altruiste, comment les « donneuses » conçoivent-elles et considèrent-elles la rémunération qu’elles obtiennent pour cet acte ?
Méthodologie : Cet article présente l’analyse d’entretiens approfondis menés avec 38 « donneuses » d’ovules, issues de différentes régions d’Espagne, participant actuellement ou ayant participé au processus de « don ». Entre 18 et 49 ans, elles occupent pour la plupart des emplois précaires, elles sont au chômage et/ou elles sont étudiantes non boursières.
Résultats : Les « donneuses » d’ovules ne conçoivent pas leur contribution à l’industrie de la reproduction humaine comme un travail salarié.
Conclusions : Même si ces femmes jouent un rôle prépondérant dans le processus de « don » d’ovules, leur contribution est bien souvent sous-estimée. Pourtant, leur implication est nécessaire à la concrétisation de projets familiaux de personnes souhaitant devenir parents. Elles contribuent également au bon fonctionnement de l’activité des cliniques d’assistance à la procréation et à l’approvisionnement des banques de gamètes.
Contribution : Tout en présentant l’organisation sociale du « don » d’ovules en Espagne, cet article révèle la manière dont le travail reproductif effectué par les femmes produisant et cédant leurs ovocytes est invisibilisé et dévalorisé. De plus, il rend compte de la façon dont les « donneuses » d’ovules sont expropriées de leur matériel biologique, expropriation faiblement rémunérée et dont elles ne tirent qu’une faible part des bénéfices. Cette exploitation des femmes à travers le « mode biomédical de reproduction » et l’invisibilisation de leur travail est rendue possible grâce à l’anonymat des « dons », la coordination phénotypique, les modes de consentement, une compensation économique, et plus largement par une métaphore du « cadeau » et d’une idéologie de l’altruisme.
EN :
Research Framework: Spain ranks first in Europe in the egg “donation” sector. The production and marketing of human oocytes constitute one of the most lucrative markets in the country.
Objectives: How do women who offer their eggs understand this donation? In a society where egg “donation” is formally recognized as a voluntary and altruistic act, how do “donors” perceive and consider the remuneration they receive for this practice?
Methodology: In-depth interviews were conducted with 38 egg donors from different regions of Spain, including current and past donors, aged between 18 and 49 years. Most interviewees held precarious jobs, were unemployed, and/or were students without scholarships.
Results: Egg “donors” did not view their contribution to the human reproductive industry as work, let alone as waged work.
Conclusions: Although these women play an essential role in the egg donation process, they are often undervalued. Yet their participation is necessary for the achievement of the family projects of intentional parents. They also contribute to the proper functioning of assisted reproduction clinics and to supplying gamete banks.
Contribution: By presenting the social organization of egg donation in Spain, this article sheds light on how the reproductive work carried out by women that produce and give up their eggs is rendered invisible and undervalued. In addition, it gives an account of how biological material is expropriated from egg “donors” – an expropriation that is inadequately compensated and from which they do not benefit. This exploitation of women through the “biomedical mode of reproduction” and the invisibilization of their work is made possible thanks to “donor” anonymity, phenotypic coordination, modes of consent, economic compensation, and, more broadly, the use of the “gift” metaphor and the ideology of altruism.
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La triple journée des femmes enceintes : l’encadrement des grossesses en France, entre droits des femmes et devoirs des mères
Elsa Boulet
RésuméFR :
Cadre de la recherche : Dans le contexte français, les grossesses sont encadrées par un ensemble de dispositions légales (droits de la santé, de la sécurité sociale, du travail) et de pratiques médicales (parcours de soins type). Cet article interroge l’encadrement du temps de la grossesse et les tensions entre différentes temporalités. Les femmes enceintes sont assignées à des responsabilités supplémentaires au nom de la « protection » du fœtus qui viennent s’ajouter au travail domestique et, pour nombre d’entre elles, au travail rémunéré.
Objectifs : L’article analyse le rôle ambivalent et les effets différenciés de l’encadrement légal et médical des grossesses.
Méthodologie : Il s’appuie pour cela sur une enquête par entretiens et observations réalisée en Île-de-France entre 2014 et 2017. Trente femmes enceintes ont été interrogées, dont onze à plusieurs reprises. Les observations concernent différentes étapes du suivi de grossesse à l’hôpital, principalement les inscriptions, les consultations, et les cours de préparation à la naissance.
Résultats : L’encadrement des grossesses assigne aux femmes la responsabilité individualisée de garantir la santé du fœtus. Le parcours de soin est intensif et repose sur une disponibilité permanente des femmes, rendue possible par la subordination du temps professionnel aux impératifs médicaux. Les salariées cherchent à minimiser l’impact de leur grossesse sur leur lieu de travail en mettant en œuvre des stratégies de séparation du temps médical et du temps professionnel.
Conclusions : L’accès aux soins est largement effectif en France et le droit garantit une couverture médicale pour les femmes enceintes, mais celle-ci ressort en même temps de l’obligation de soins. Cette obligation est inégalement contraignante selon les ressources des femmes. Du côté de droit du travail, les mesures dites protectrices sont peu effectives, car peu appliquées par les employeurs et mobilisées partiellement par les salariées ; celles qui sont le mieux situées dans les rapports de classe et dans la hiérarchie professionnelle ont davantage de marge de manœuvre.
Contribution : Cet article contribue à la sociologie de l’articulation des temps sociaux, à la sociologie de la santé, et à la sociologie des inégalités sociales.
EN :
Research framework: In France, the management of pregnancies rests upon a set of legal measures (health, social insurance, and labour rights) and stabilized medical practices (standard prenatal care). This paper questions the time management of pregnancies and tackles the contradiction between several temporalities. Pregnant women are entrusted with specific tasks and responsibilities for the fetus’ sake, this third shift adds up to domestic labour and in many cases to paid labour.
Objectives: This paper analyzes how the legal frame and the medical control have ambiguous and unequal effects for pregnant women.
Methodology: It draws on interviews and ethnographic observation conducted in the Paris’ region from 2014 to 2017. Thirty women were interviewed during their pregnancy, amongst whom 11 were interviewed twice or three times. Hospital care was observed from different places and times: registration, appointments with a midwife or obstetrician, antenatal classes.
Results: The management of pregnancy assigns an individualized responsibility to women for guaranteeing the fetus’s health. Health care for women can be intensive and rests upon their permanent availability for it. This is made possible by subordinating their professional timetable to health care requirements. Employees seek to minimize the impact of their pregnancy in their workplace by separating medical time and professional time.
Conclusions: Access to health care is largely effective and the legislation ensures that all pregnant women get prenatal care, which makes it at the same time an obligation for women. This obligation is more or less constraining depending on women’s resources. Measures concerning pregnant workers are not so beneficial as employers often do not abide by them, and employees only partially use them. Middle- or upper-class workers and those on the upper levels of the occupational hierarchy benefit more from these measures than others.
Contribution: This paper contributes to the sociology of work-life balance, to the sociology of health and to the sociology of inequalities.
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Être (re)connue dans la pharmacie : délivrance d’une contraception « en crise » en France et contournement de l’autorité (para)médicale
Leslie Fonquerne
RésuméFR :
Cadre de la recherche : Cet article est basé sur une recherche de doctorat en sociologie portant sur les prescriptions et les usages de contraception orale, dans un contexte marqué par « la crise de la pilule ». Il interroge les modalités de délivrance et d’achat de contraception orale, en particulier en cas d’ordonnances défaillantes.
Objectifs : En se centrant sur le moment particulier du « travail contraceptif » qu’est l’achat de contraception orale, l’objectif est de mettre au jour les stratégies développées par les usagères pour accéder à leur contraception orale, face aux logiques non médicales parfois discriminantes du personnel de pharmacie.
Méthodologie : Cet article s’appuie sur des matériaux de terrain de type qualitatif recueillis entre janvier 2014 et août 2018. D’une part, soixante-seize entretiens ont été menés auprès de dix-sept usagères de pilules, de leurs mères et de trente-cinq professionnel·le·s de santé habilité·e·s à prescrire ou délivrer une contraception. D’autre part, près de cent consultations médicales et gynécologiques ont été observées en structures médicales publiques et privées.
Résultats : La fonction de l’ordonnance varie selon la génération des pilules : garantissant le remboursement de celles de deuxième génération et opérant davantage comme un outil de contrôle médical pour les pilules de troisième et quatrième générations. Pourtant, en cas de défaillance d’ordonnance (dépassée ou absente), ces dernières pilules semblent plus accessibles que les premières. En outre, la variable à cet accès relève moins de logique médicale que du degré de familiarité entre l’usagère et le personnel de pharmacie, qui recourt à l’âgisme au détriment des plus jeunes. Par conséquent, les usagères mobilisent leurs mères pour contourner l’autorité (para)médicale.
Conclusions : Le « travail contraceptif » inhérent à un usage de contraception orale nécessite un contrôle de soi et des compétences qui vont bien au-delà de l’ingestion quotidienne de pilules. Parallèlement, les logiques non médicales opèrent comme outils de contrôle social d’accès à la contraception.
Contribution : Le moment particulier du « travail contraceptif » qu’est l’achat de la pilule est peu étudié. Cet article envisage l’ordonnance de pilules comme un outil facultatif.
EN :
Research Framework: This article is based on a doctorate research project in sociology studying the prescriptions and uses of oral contraception in a “pill scare” context. It questions how oral contraception is dispensed and purchased, particularly in faulty prescription cases.
Objectives: By focusing on the specific step of the purchase of oral contraception, this paper intends to reveal the strategies developed by users to access oral contraception in the context of sometimes-discriminatory, non-medical logic of pharmacy staff.
Methodology: This article is based upon qualitative fieldwork data collected throughout January 2014 to August 2018. On the one hand, seventy-six interviews were conducted with seventeen contraceptive pill users, their mothers, as well as thirty-five healthcare professionals authorized to prescribe or dispense contraception. On the other hand, nearly one hundred medical and gynaecological consultations were observed in both public and private medical facilities.
Results: The prescription’s function varies according to the pills’ generation: guaranteeing the refund of second-generation pills and acting more as a medical monitoring device for third- and fourth-generation pills. However, if there is an issue with the prescription (whether it is missing or expired), the latter seems more accessible than the former. Moreover, the variable in terms of accessibility is not as much a matter of medical logic than one of familiarity between the user and the pharmacy staff, in which case they use ageism to the disadvantage of the youngest. Consequently, users mobilize their mothers to bypass (para)medical authority.
Conclusion: The contraceptive use requires self-control and skills that go far beyond daily pill ingestion. At the same time, non-medical logics operate as devices of social control in regards to contraception accessibility.
Contribution: The purchase of oral contraception, a specific step in the ‘‘contraceptive work’’, remains under-researched. Thus, this article questions the prescription of pills as a dispensable tool.
Hors-thème
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Pourquoi le programme québécois « Agir tôt » est-il controversé ?
Michel Parazelli, David Auclair et Marie-Christine Brault
RésuméFR :
Cadre de la recherche : La prévention précoce prédictive des troubles de comportement et d’apprentissage oriente progressivement depuis plus de 20 ans des politiques sociales et éducatives en petite enfance au Québec. Un exemple frappant est le récent programme, Agir tôt, dont l’existence est justifiée par les résultats de l’Enquête québécoise sur le développement des enfants de maternelle (EQDEM) qui utilise l’Instrument de mesure du développement de la petite enfance (IMDPE).
Objectif : Cet article se veut une invitation au débat en interrogeant les soubassements normatifs de ces programmes gouvernementaux.
Méthodologie : Notre démarche scientifique repose sur une posture épistémologique critique et utilise une méthodologie inductive qui s’inscrit dans un courant critique de la recherche qualitative. À partir des textes décrivant l’IMDPE et le programme Agir tôt, nous avons interrogé les concepts et les valeurs idéologiques mobilisés pour orienter a) la compréhension du développement de l’enfant et de ses difficultés et b) la finalité visée par ces intentions programmatiques et politiques.
Résultats : Notre analyse a révélé des biais théoriques et méthodologiques et a identifié une normativité spécifique sous-jacente à ces pratiques préventives controversées, dont le choix d’interpréter les faits à partir d’une biologie des comportements.
Conclusions : Ce programme s’inscrit en droite ligne avec la rationalité biomédicale de la prévention précoce prédictive en considérant comme des vérités absolues, d’une part des hypothèses sur le développement du cerveau, et d’autre part une interprétation béhavioriste de la normalité.
Contribution : Notre recherche démontre que ces biais sont largement ignorés non seulement par les parents, mais par les gestionnaires et les professionnels de la petite enfance. Une conséquence est de confisquer la responsabilité et la parole des parents contraints de devoir apprendre par des experts ce que devraient être leurs besoins.
EN :
Research framework : In Quebec, social and educational policies in early childhood have been gradually guided for more than 20 years by early predictive prevention of behavioural and learning disorders. A striking example is the recent program “Agir tôt”, whose existence is justified by the results of the Quebec Survey of Child Development in Kindergarten (QSCDK) which uses the Early development instrument (EDI).
Objective : This article invites debate by questioning the normative foundations of these governmental programs.
Methodology : Our scientific approach is based on a critical epistemological posture, as well as inductive and part of a critical trend of qualitative research. By analyzing the texts describing the EDI and “Agir tôt” program, we questioned the concepts and ideological values used to guide a) the understanding of the development of the child and its difficulties and b) the purpose of these intentions and policies.
Results : Our analysis revealed theoretical and methodological biases and identified a specific normativity underlying these controversial preventive practices, including the choice to interpret the evidence from the stance of behavioural biology.
Conclusions : This program is in line with the biomedical rationality of predictive early prevention by considering as absolute truths: on the one hand, hypotheses about brain development and, on the other hand, a behaviourist interpretation of normality.
Contribution : Our research shows that these biases are largely ignored not only by parents, but by early childhood managers and professionals. A consequence is to take away the responsibility and the voice of parents that are then forced to learn from experts what their needs should be.
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« J’avais peur, mais maintenant, c’est chez moi » : parcours de femmes réfugiées en situation monoparentale à Montréal
Marie Fally
RésuméFR :
Cadre de la recherche : Le nombre de personnes déplacées dans le monde s’élève aujourd’hui à 82,4 millions (UNHCR, 2021). L’UNHCR demeure critique des faibles quotas accordés aux personnes réfugiées au Canada et conseille depuis 2018 d’accorder la priorité d’accueil aux populations les plus vulnérables, notamment les femmes seules avec enfants qui sont au cœur de cette recherche. Si elle incarne une réalité variée dans les pays d’origine, la monoparentalité en contexte de migration forcée devient synonyme de précarité, d’instabilité et d’inégalités sociales et économiques, et à plus forte raison en contexte de pandémie mondiale.
Objectifs : L’objectif est de s’interroger sur les stratégies que ces femmes mettent en place pour s’ancrer dans la société québécoise et pour faire face aux défis qui leur sont propres.
Méthodologie : L’article prend appui sur des données recueillies par entrevues semi-dirigées auprès de trois femmes réfugiées en situation de monoparentalité à Montréal.
Résultats : Ces mères doivent jongler entre émotions tumultueuses, défis quotidiens et responsabilités familiales. Leurs parcours illustrent les manières dont se superposent résilience et agentivité dans la gestion des dynamiques familiales ainsi que dans les expériences d’installation.
Conclusions : Les transformations familiales et les défis de la migration forcée poussent les mères réfugiées à reconstruire non seulement leur chez-soi, mais aussi leur individualité de femme, et de mère, ce qui remet en cause les perspectives parfois réductrices sur la maternité et la résilience.
Contribution : La présentation des données issues de cette recherche permet de nuancer les concepts de résilience et d’agentivité en cernant leur complexité et leur ambivalence, tout en révélant comment les mères se reconstruisent après une expérience de migration forcée.
EN :
Research Framework : The number of displaced people in the world now stands at 82.4 million. The UN Refugee Agency (UNHCR) remains critical of the low quotas granted to refugees in Canada and since 2018 one of its recommendations has been to prioritize vulnerable populations, in particular single women with children, who are at the heart of this research. In the context of forced migration, being a single mother often rhymes with precarity, instability and socio-economic inequalities, which have all been dramatically multiplied with the pandemic.
Objectives : The objective is to examine the strategies these women put into place to anchor themselves in Quebec society, and to face the daily challenges in their lives.
Methodology : The article is based on data collected through semi-structured interviews with Montreal-based single refugee mothers.
Results : These mothers find themselves juggling between tumultuous emotions, daily challenges, and familial responsibilities. Their journeys illustrate the ways in which resilience and agency intersect in the management of family dynamics as well as in settlement experiences.
Conclusions : Family transformations and the challenges of forced migration push refugee mothers to rebuild not only their home, but also their individuality as women and mothers, which challenges the often-reductive perspectives on motherhood and resilience.
Contribution : The results presented allow to nuance the concepts of resilience and agency while highlighting their ambivalence and their complexity. They also reveal the ways refugee mothers rebuild their lives after experiencing forced migration.