Résumés
Résumé
Cadre de la recherche : S’inscrivant dans une recherche interrogeant les effets de l’expérience migratoire sur les parcours conjugaux, cet article s’intéresse aux modalités des réagencements observés. Si la lecture des travaux existants amène au constat des répercussions inégales du départ sur les rapports de genre (entre contraintes et espaces d’autonomie, notamment pour les femmes), la question du « comment » des transformations à l’œuvre reste encore à explorer (Catarino et Morokvasic, 2005).
Objectifs : En abordant l’espace conjugal comme un lieu traversé par des rapports de pouvoir, il s’agit de voir comment la situation migratoire intervient dans la formulation des règles de la vie conjugale et de quelles manières elle forme une ressource à disposition des individus dans le cadre des rapports de force conjugaux.
Méthodologie : Ce travail s’appuie sur les résultats d’une recherche doctorale principalement basée sur la conduite de quarante entretiens biographiques menés auprès de femmes émigrées d’Afrique de l’Ouest et centrale résidant en France.
Résultats : Trois modes de mobilisation de la situation migratoire, par les migrantes elles-mêmes ou par leur conjoint, ont été mis au jour : la migration comme lieu d’un cadre normatif pourvoyeur d’autres « règles du jeu » à faire valoir dans le couple et ses pratiques ; comme lieu d’une dette administrative imposée à un(e) conjoint(e) rejoignant(e) ; ou comme projet alternatif à une situation conjugale insatisfaisante. Ces usages de la migration se cristallisent autour d’enjeux d’autonomie.
Conclusions : La ressource migratoire se voit sollicitée comme levier d’action pour modifier, concrètement, les formes de la vie conjugale.
Contribution : Il est ici question de mettre en relief les résonances de l’expérience migratoire dans l’espace conjugal, invitant à la compter parmi les ressources mobilisables par les individus.
Mots-clés :
- migration,
- pouvoir conjugal,
- ressources,
- genre
Abstract
Research framework: As part of a survey investigating the effects of the migratory experience on marital courses, this article discusses the modalities of rearrangements observed. An examination of the existing literature led us to notice the unequal consequences of migration on gender relations (between constraints and spaces of autonomy, especially for women), and yet the question of “how” such shifts are taking place remains to be explored (Catarino and Morokvasic, 2005).
Objectives: By considering the marital sphere as a locus crossed by power relations, what is at stake is to understand how the migratory situation affects the definition of the rules of marital life and in which ways it constitutes a resource available to individuals within the marital balance of powers.
Methodology: This work is based on the results from forty biographical interviews carried out during a doctoral research project with women who have emigrated from western and central Africa and settled in France.
Results: Three types of mobilization of the migratory situation, adopted by the migrant women themselves or by their partners, have been highlighted: migration as a locus of a normative framework providing new “rules” within the couple and its practices; as a locus of an administrative debt enforced on a joining partner; or as an alternative project to an unsatisfying marital situation. These uses of migration are crystallized in autonomy issues.
Conclusions: The migratory resource is used as leverage to concretely alter the forms of marital life.
Contribution: Herein, this article spotlights the effects of the migratory experience on the marital sphere, leading us to count it among the resources available to individuals.
Keywords:
- migration,
- marital power,
- resources,
- gender
Parties annexes
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