Résumés
Résumé
Cadre de la recherche : À l’articulation de la socioanthropologie de la famille et de la santé, la recherche interroge l’intervention de la famille à tous les âges de la vie et à différents temps de la gestion des problèmes de santé en zone rurale.
Objectifs : S’appuyant sur une recherche qualitative que nous avons menée en Lorraine (France), cet article examine les influences et les actions des membres du réseau familial et de l’entourage dans la construction des itinéraires de soins.
Méthodologie : En Lorraine rurale, une enquête socioanthropologique par entretiens semi-directifs a été réalisée de 2013 à 2015 auprès de 48 personnes âgées de 25 à 94 ans. Nous avons enquêté dans des territoires lorrains dits isolés et déficitaires en soins de premiers recours.
Résultats : La population rencontrée a intégré la norme d’individualisation du parcours de soins. Pourtant, la parenté est omniprésente : la sélection des praticiens de santé s’inscrit dans une démarche de domestication du territoire par le réseau familial, la lignée féminine est impliquée dans l’encadrement des soins des plus fragiles ; les conjoints agissent notablement dans des événements imprévus ou graves. Enfin, la parentèle et l’entourage sont mobilisés pour une surveillance vigilante.
Conclusions : Notre étude révèle que l’environnement de santé s’avère un espace domestiqué par la densité des relations de parenté et de proximité, et par l’intégration du système de soins au réseau élargi des familiers.
Contribution : Les solidarités autour de la santé sont issues d’une organisation sociale qui repose d’abord sur le couple, sur la lignée et sur la forte implication des femmes. Les hommes sont aussi des acteurs de ce réseau d’entraide dans des rôles de conduite, d’accompagnement et dans les cas inquiétants ou inhabituels. Les relations de collatérité et la parenté élective sont mobilisées en plus des liens verticaux ; elles incluent le voisinage pour une vigilance flottante et des services à la périphérie du soin.
Mots-clés :
- relations de parenté,
- réseau familial,
- santé,
- famille,
- autonomie,
- couple,
- genre,
- âges de la vie,
- France,
- trajectoire de soins,
- confiance,
- rural
Abstract
Research Framework : Throughout all stages of life and across all phases of managing health problems, the family is at the heart of structuring and organizing care pathways.
Objectives : Based on a qualitative research carried out in Lorraine (France), this article intends to examine the influence and actions of family members in the construction of therapeutic trajectories.
Methodology : A socio-anthropological survey of semi-directive interviews was carried out from 2013 to 2015 with 48 people in rural Lorraine. We investigated ‘isolated’ areas and locations with a shortfall of front-line care.
Results : In the population being studied, though individual standard for paths to care has been fully integrated, family ties remain omnipresent. The selection of health practitioners, for example, is made through a progression of regional processes by the family network. The women are implicated in the provision of care for the most fragile and male spouses act in unforeseen cases and during tragic events. Relatives and familial ties are mobilized to provide individuals in need with a system of vigilant monitoring.
Conclusions : Active across multiple therapeutic trajectories, the family environment is a fundamental factor in the management of health and illness. Gender, age, the type of parents, spatial proximity and economic status were all analyzed to reveal the mechanisms within family interventions. These interactions are the product of a complex exchange of gifts and counter-gifts.
Contribution : The senses of unity generated by issues of health are founded through relationships that include couples, family lineages and the weighty contributions of women. Men are also stakeholders in this network of caregiving, playing leadership roles and in the provision of support during worrisome and more unusual cases. Collateral relationships and elective relationships are also active in these situations along more vertical lines including the provision of a looser connection of supervision and through remote caregiving.
Keywords:
- kinship relations,
- family network,
- health,
- family,
- autonomy,
- couple,
- gender,
- ages,
- France,
- care trajectories,
- trust,
- rural
Corps de l’article
La famille est un cadre social structurant des soins et de la santé. L’omniprésence des femmes dans le travail de soin et de santé domestique a été démontrée (Saillant, 1992 ; Jenson, 1997) particulièrement auprès des enfants (Loux, 1978 ; Bonnet et Pourchez, 2007) et des personnes âgées (Membrado, 1999 ; Pennec, 2002). La place des parents, spécifiquement des mères, en tant qu’agents de transmission des normes sanitaires dans la sphère privée a permis la diffusion de la médicalisation (Foucault, 1976 ; Donzelot, 1977). Les parents sont aujourd’hui perçus soit comme des auxiliaires des actes de soin à l’hôpital, parfois comme des obstacles à ceux-ci, (Mougel, 2009 ; Fedor et Leyssene-Ouvrard, 2007), soit comme des partenaires de la relation thérapeutique (Tates et Meeuwesen, 2001). Des approches pluridisciplinaires émergentes, regroupées sous le terme proximologie, souhaitent définir, dans la relation de soin, les atouts et les inconvénients induits par ces liens entourant les patients (Joublin, 2006). Pourtant, au-delà du groupe domestique, le rôle des membres de la parenté (ascendants, descendants, collatéraux) n’est souvent observé par les sciences sociales que lorsqu’ils entrent dans la catégorie d’action publique d’aidants familiaux de personnes dites dépendantes[1]. Les anthropologues de la santé ont pourtant noté l’importance de la parenté, dans tout le processus de maladie depuis l’identification des symptômes jusqu’au recours à des spécialistes. L’ensemble du processus de maladie est enchâssé dans un cadre complexe familial, culturel et social (Kleinman et al., 1978). Notre objectif est donc, à partir d’une étude réalisée dans des zones rurales en Lorraine (dans l’Est de la France)[2], de déceler les actions des membres du groupe domestique, des membres de la parenté et, plus largement, de l’entourage dans les trajectoires de soins[3].
Or, la famille contemporaine française est marquée par une double tendance : d’une part, une propension à favoriser l’individualisation en son sein, en valorisant l’autonomie de chacun (de Singly, 1993) et, d’autre part, un maintien des solidarités intergénérationnelles (Renaut, 2003 ; Attias-Donfut et Segalen, 2007). La même tension s’observe dans les domaines de la santé – faisant à la fois de l’individu le centre de la relation thérapeutique (Bureau et Hermann-Mesfen, 2014) et la cible des politiques sanitaires (Burton-Jeangros, 2006) – et de la famille, relais et lieu d’application des normes de santé (Meyer, 1977 ; Cresson, 2006).
C’est donc dans ce double mouvement d’individualisation et de maintien des solidarités familiales que nous étudierons les actions des membres du ménage et de la parenté, et leurs limites. Le genre, le lien et les types d’actions seront décrits afin de mettre au jour les formes d’échanges dans lesquels s’insèrent l’encadrement familial des soins (Bloch et Buisson, 1991). L’étude porte sur l’entourage tant des enfants que des adultes et des personnes âgées, souhaitant ainsi aborder les interventions de la famille à tous les âges de la vie, plutôt qu’aux âges de début et de fin de vie, sur lesquels la focale est généralement portée. Bien qu’au fait des enjeux autour des âges où les dépendances sont le plus marquées (à l’enfance et à la vieillesse), l’option est ici de montrer la continuité des logiques d’interventions familiales dans le parcours biographique, tout en déchiffrant les types de liens mobilisés selon les actions en jeu. En effet, la famille intervient à tous les temps de la gestion des problèmes de santé. L’entourage peut apporter à l’individu soutien moral et soutien matériel, mais aussi déceler des symptômes, influencer les comportements d’automédication et les décisions de consultation, conseiller un professionnel ou un service médical, prendre des rendez-vous. La première partie de l’article porte sur la connaissance et le choix des services et des praticiens de santé. La vigilance au quotidien et l’accompagnement chez les professionnels font l’objet d’une deuxième partie, car ces actions mobilisent de façon saillante la famille. Enfin, dans un troisième temps, nous saisirons les logiques d’autonomie individuelle dans leur interaction avec les logiques de couple.
Méthodologie
Notre recherche s’est déroulée dans un contexte territorial particulier, qui définit les contours de l’intervention familiale : elle s’est intéressée aux territoires lorrains dits « isolés » selon l’observatoire des territoires[4] et qualifiés de « déficitaires en soins de premier recours »[5]. Nous avons ainsi enquêté dans les communes les plus éloignées de l’influence des pôles urbains. Les bassins de vie étudiés sont donc peu denses en population, l’offre en services de soins et de santé y est faiblement concentrée et peu diversifiée. Nous y avons mené entre 2013 et 2015 une enquête qualitative par entretiens semi-directifs : 48 personnes (35 femmes et 13 hommes), âgées de 25 à 94 ans, ont été interviewées. Ces personnes présentaient des profils contrastés en termes d’âge, de genre, de niveau de revenu, de catégorie socio-professionnelle, de statut matrimonial et de taille du ménage[6]. Ces mises en contraste cherchaient à traduire la pluralité des populations résidant en zone rurale (Mischi et Renahy, 2008), tout en favorisant une approche intersectionnelle (Bilge, 2010). La population enquêtée a été recrutée par plusieurs voies : des contacts ont été obtenus auprès d’associations, d’organismes de santé, d’institutions médico-sociales, d’acteurs des territoires, par des connaissances ; quelques-uns ont été obtenus par le bouche à oreille. Ce travail qualitatif met donc en évidence des récurrences et des singularités dans une population socialement et territorialement diversifiée.
Domestication des environnements de santé
La concentration des liens de parenté dans les espaces ruraux lorrains engendre une familiarisation du territoire. Les soignants, quant à eux, s’intègrent dans un réseau élargi de proches, et la confiance propre à la relation thérapeutique se construit dans la sphère familiale et avec celle-ci. Ainsi, l’environnement de santé s’avère un espace domestiqué[7], loin des représentations communes et institutionnelles de ces territoires « isolés ».
Un système de santé domestiqué
Dans les zones rurales enquêtées, les « natifs » et les anciens résidents possèdent un réseau de parenté dense dans un secteur géographique proche : huit ménages seulement sur quarante-trois rencontrés n’ont aucun membre de la parenté à proximité de chez eux alors que près de la moitié est entourée par plusieurs membres (enfants, parents ou collatéraux) résidant dans le même village ou le village voisin[8]. La présence de la parenté crée un sentiment de familiarité avec le territoire étudié : « C’est un noyau familial, ici », rapporte cet homme de 77 ans vivant en Meuse. « Je suis bien entourée. On n’est jamais malade seule », explique une femme de 79 ans résidant dans le même département.
La densité des liens ne s’arrête pas aux frontières de la parenté car les individus mobilisent aussi des voisins, des amis, des collègues, voire des soignants devenus des proches ou des proches qui sont praticiens de santé. Ce maillage de relations dépasse la notion d’entourage élaborée par les démographes (Bonvalet et Lelièvre, 2012) bien qu’elle ait le mérite d’inclure les liens d’alliance et de consanguinité dans le réseau des co-résidents et des résidents. Il s’apparente plutôt aux formes de solidarité, de parenté et de voisinage décrites par les ethnologues du XXe siècle (Karnoouh, 1979 ; Zonabend, 1999 [1980]), c’est-à-dire que, sur fond d’affectivité, les liens s’entretiennent, se consolident et se densifient grâce à des dons de biens et de services et à des mécanismes réguliers de réciprocité et d’entraide qui débordent les liens de parenté (Déchaux, 2003 ; Cresson et Mebtoul, 2010). Les résidents plus récents ne sont donc pas exclus de ces réseaux qu’ils parviennent à construire progressivement. Ainsi en est-il de ce jeune couple d’agriculteurs, extérieurs au village, mis à distance dans un premier temps par les résidents, puis intégré dans le réseau d’entraide par son engagement dans les institutions communales et dans une association agricole locale.
La recherche montre que l’entourage participe, en premier lieu, à la domestication du territoire (Descola, 2004) en termes de santé, c’est-à-dire à une appropriation continue des espaces où se déploie l’offre médicale, paramédicale et de soins non conventionnels. Faite de transports, de parcours, d’expériences, d’essais du réseau de santé, de communications dans les liens d’interconnaissance, cette domestication tient pour beaucoup à la transmission et à l’acquisition de savoirs topographiques et de renseignements médicaux relatifs à l’accès à ces services de santé. Dans les réseaux familiaux, amicaux, professionnels, de voisinage et dans d’autres milieux d’interconnaissance (associatifs, syndicaux, politiques, etc.), les femmes – à l’intersection des générations – sont les plus actives dans le partage d’informations qui s’acquièrent dans les discussions de la vie quotidienne ou lors d’événements pathologiques :
En février 2009, j’ai été hospitalisée en pneumologie. J’avais une grande détresse respiratoire et plus d’oxygène dans le sang. […] En sortant de l’hosto, c’est ma fille qui m’a dit : Faudrait aller à Trammont[9], c’est quand même un hôpital où ils font des recherches [un centre hospitalo-universitaire]. Elle connaissait par quelqu’un le chef du service de pneumologie. Elle a fait marcher ses relations et on a eu un rendez-vous dans les deux mois. (Femme, 55 ans, trois enfants, Moselle.)
Les itinéraires thérapeutiques sont ainsi co-construits avec l’entourage, qui véhicule des informations sur les professionnels dits de qualité et ceux à éviter. Ainsi, les enquêtés, quels que soient leur âge et leur situation socio-professionnelle, ont une bonne connaissance de l’offre médicale, paramédicale et non conventionnelle locale : les lieux, horaires, temps d’attente et habitudes d’exercice des professionnels, leur réputation locale, les compétences associées à leurs activités de soin. Les personnes natives des territoires ou y vivant de longue date, en plus de connaître l’offre et l’accès aux soins, parcourent depuis longtemps leur bassin de vie à pied, en voiture, voire en tracteur : ils connaissent ainsi les routes à emprunter selon la saison et la météo, le temps de déplacement estimatif pour rejoindre tel médecin, tel thérapeute ou tel service hospitalier.
L’ensemble de ces informations partagées construit alors un territoire familier et familial de santé à distance des définitions institutionnelles qualifiant ces territoires d’« isolés » ou de « déficitaires ».
De surcroît, l’entourage participe au choix des professionnels. Mme Passant, 55 ans, travailleuse social, mariée, trois enfants et trois petits-enfants, raconte :
Mes filles… Les deux sont suivies là-bas [par son gynécologue]. Elles ont accouché avec lui. Et ma mère [âgée de 95 ans] est aussi suivie par lui. Je donne toutes les adresses à ma mère [éclats de rire] ! Quand j’allais chez le Mougenot [son précédent gynécologue], elle allait aussi chez le Mougenot. Et maintenant, elle va chez lui [éclats de rire] ! Nous, on est une histoire de famille. On a confiance en l’autre. Un amène l’autre là où il faut.
La relation de confiance qu’entretient Mme Passant avec ses proches est à l’origine du choix de plusieurs professionnels de santé. Les informations transmises par l’entourage permettent alors de recourir à des acteurs de santé « de confiance »[10]. Une autre interviewée, mère de famille de trois enfants, assistante maternelle en Meuse, le confirme quand elle évoque son médecin généraliste : « Notre médecin, c’est une bonne vivante. C’est comme ça, c’est comme ça ! Si elle a envie de vous le dire, voilà. Elle le dira en face. Donc, ça passe mieux avec elle. Donc, c’est à elle qu’on a toujours eu affaire et elle a toujours suivi plus ou moins ma dernière [fille]. Disons que je lui fais entièrement confiance. »
Les patients ruraux ne diffèrent donc pas de l’ensemble des usagers de la médecine actuelle, dont un des critères d’observance est la confiance (Sarradon-Eck, 2007). Pour nos interlocuteurs, la confiance revêt une double dimension puisqu’elle fait référence, d’une part, à celle accordée au professionnel de santé, à sa pratique, à son expertise, et d’autre part, à la confiance dans les membres de la parenté et leurs recommandations :
Comment [je] l’ai choisi [le médecin traitant] ? C’est le seul qui me plaisait et c’est notre voisin, ici [il habite juste derrière sa maison]. C’est un peu pratique, aussi [rires]. Et puis, tout le monde me disait qu’il était bien.
Est-ce que certains de vos proches sont aussi suivis par lui ?
On y est tous ! Les mamies, les tontons… On y est tous. (Femme, 36 ans, deux enfants.)
Le choix des praticiens, la connaissance de l’offre de soins, l’intérêt pour certaines pratiques de santé sont alors intégrés aux pratiques des membres de la parenté. Ainsi, en Meuse, M. Schmitt, retraité de 64 ans, anciennement contrôleur de performance, confie que lui, son épouse, sa fille et ses deux petits-enfants (qui résident dans le même village, à 500 mètres les uns des autres) ont le même médecin généraliste, le même ophtalmologue que sa fille, infirmière, connaît par ses liens professionnels. Les grands-parents emmènent parfois les petits-enfants chez le médecin, avec qui la fille travaille également. M. Schmitt fait preuve d’une assez bonne connaissance des pratiques de sa fille, du moins envers ses enfants, et il accompagne sa femme chez leur médecin ou la conduit chez les spécialistes dans les grands centres urbains de la région. Il s’intéresse également aux pratiques alimentaires dites alternatives, dans une démarche d’amélioration de la santé familiale, en assistant à des conférences et en achetant des ouvrages qu’il fait découvrir à sa conjointe, sa fille et ses petits-enfants. La santé est ainsi intégrée dans un tissage de relations et de pratiques qui circulent au sein de cette lignée familiale, un homme étant, dans ce cas, un acteur central de cette dynamique.
La connaissance, l’appréhension et la formation des territoires de santé s’avèrent donc insérées dans un ensemble familial qui comprend à la fois des savoirs individuels et collectifs, et des liens d’interconnaissance « profanes » et professionnels. Largement influencés par les récits d’expérience de leur entourage, les informateurs cherchent à consulter les praticiens de santé les plus expérimentés, les plus proches et les plus accessibles au niveau tant géographique que relationnel et social.
Des professionnels de santé familiers
Il n’est pas rare que les professionnels et les acteurs de santé consultés soient connus de longue date ou qu’ils appartiennent, au sens (parfois très) large, à la parenté ou au voisinage. Certains praticiens sont consultés depuis plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années (10, 20, 30 ans sont des propos récurrents) et, souvent, par plusieurs membres de la parentèle. Ils suivent différentes générations (de la femme de 90 ans à son arrière-petit-fils âgé de quelques mois) et plusieurs membres des réseaux de la parenté, du voisinage, mais aussi des amis ou encore des collègues. D’aucuns sont des « familiers » parce qu’ils sont des amis de classe d’âge ou de lointains voisins que l’on est autorisé à appeler par son prénom, voire à tutoyer. Les patients des médecins généralistes exerçant dans les zones étudiées ici connaissent plusieurs éléments de la biographie de ceux-ci : lieu de résidence, situation matrimoniale et familiale, lieux où ils ont étudié ou exercé auparavant, liens de parenté qu’ils entretiennent avec des habitants du village, comme en témoigne cet extrait d’entretien :
[Q]uand j’étais jeune, on allait à Darmet, c’était un médecin tout jeune, c’était un médecin de Mertil. Et puis après, on est allé à Darmet parce que c’était un cousin, un gars de la famille éloignée qui s’est installé. Donc on était amis, on est allé le voir. Quand il a arrêté, on a repris celui de Lavielle, comme ça, quoi. C’est une histoire d’amitié [rires], de famille-amitié. Bon, puis maintenant, je vous dis : si ça ne convient pas avec celui-là, parce qu’on sait jamais, si ça ne va pas avec lui, j’irai à Mertil. Sur les quatre médecins, j’en connais bien trois. Puis on se tutoie. Donc, en plus, c’est des copains. (Homme, 70 ans, Vosges.)
Le choix des autres professionnels de santé proches spatialement dentistes, kinésithérapeutes, infirmiers ou infirmières, sages-femmes dépend de facteurs identiques. Proximité géographique, familiale et sociale déterminent les préférences individuelles et collectives. Cette sage-femme mosellane précise, par exemple, qu’elle a une large clientèle car « [elle est] native du secteur » : « Les gens me connaissent sur le secteur et la moitié du canton, c’est mes cousins. J’ai une famille assez élargie sur le secteur. »
Le choix et la régularité de fréquentation chez un pharmacien relève de la même logique : sortant de chez leur médecin régulier, les personnes se rendent généralement directement à « leur » pharmacie, qu’ils fréquentent de longue date. Leur fidélité se poursuit même en cas de reprise de l’officine par un autre pharmacien. Les ménages ont souvent tissé des relations privilégiées avec le personnel de la pharmacie, qui est apprécié pour son amabilité, sa gentillesse et ses conseils. Certains professionnels de pharmacie sont parfois un parent, un voisin, une voisine du village ou d’un village proche, et passent apporter des produits de soins et de santé aux personnes à mobilité réduite, renforçant ainsi le lien de proximité. En dehors de ces relations privilégiées, les pharmacies organisent aussi des tournées pour porter les médicaments à domicile, ce qui contribue également à produire des relations électives. Les propos de cette femme de 60 ans, mère de 3 enfants en Moselle, résument bien les déterminants de sa préférence pour une pharmacie en particulier :
Est-ce que vous avez l’habitude d’aller dans une pharmacie en particulier ?
Toujours la même. […] Avant, c’était Fabre mais maintenant, depuis quelques années, c’est Ober. Depuis toujours. Ma mère va aussi depuis toujours à la même. Et parce qu’il y a la cousine à mon mari qui y travaille, quand j’ai besoin d’un médicament, elle me le ramène. Quand y a un médicament qu’il n’y a pas [en stock], elle me le ramène. Après, pour mes beaux-parents, quand je n’ai pas leur carte vitale, elle me le fait quand même parce qu’elle sait qui c’est [mes beaux-parents].
La pharmacie est désignée par le patronyme du propriétaire, comme les autres professionnels de proximité, marquant ainsi la personnalisation de l’environnement de santé.
Les habitudes familiales et transgénérationnelles justifient aussi le recours à certains thérapeutes qui exercent dans des circuits non conventionnels. Cette Mosellane de 60 ans, mère de trois enfants, évoque la transmission familiale de la coutume de consulter des « guérisseurs » réputés capables de soigner des affections de la peau :
Mes parents m’emmenaient chez des gens qui font des prières, à la maison [à leur domicile]. Et je suis allée avec mon papa chez une femme et, de ce jour-là, je n’ai plus jamais eu d’eczéma. […] Mais on a toujours été chez des guérisseurs. Quand mes enfants étaient petits, j’avais été pour le muguet. […] Parce qu’il y avait aussi un monsieur [thérapeute non déclaré] à Grosjean. […] Avec ma mère, on est déjà allé chez lui, pour le zona. […] Mais on connaissait toujours quelqu’un. Moi, j’étais allée pour mon fils chez quelqu’un pour des verrues.
Les contacts des guérisseurs non déclarés se transmettent également entre proches, amis, voisins et collègues (Kessler-Bilthauer, 2013), comme le confirme une femme de 33 ans dont le fils aîné, âgé de 7 ans souffre d’énurésie nocturne. Une collègue – qui occasionnellement garde ses enfants – devenue amie lui a indiqué un guérisseur réputé dans la région et l’a incitée à le consulter.
De manière générale, la recherche révèle que les recommandations des proches sont suivies par nos interviewés, qui estiment leur jugement pertinent et fiable. Cependant, le recours aux médecins spécialistes dépend de facteurs plus complexes dans ces territoires ruraux éloignés des grands pôles urbains, où se concentre l’offre en médecine spécialisée et hospitalière. Si l’influence des proches demeure prépondérante dans la préférence pour l’un ou l’autre spécialiste, la saturation de certains services ou centres hospitaliers, le manque, voire l’absence de certains praticiens, poussent parfois les informateurs à privilégier la rapidité pour l’obtention d’un rendez-vous ou la disponibilité du professionnel. Ces facteurs expliquent le fait que les ménages sont contraints d’étendre leur territoire de santé habituel pour aller consulter loin de chez eux des professionnels qu’ils ne connaissent pas ou qui ne leur ont pas été recommandés.
La relation thérapeutique recherchée repose néanmoins, dans la plupart des cas, sur une relation médecin-malade qui mime la proximité sociale. Elle implique des rapports que les enquêtés définissent comme « simples » c’est-à-dire dans laquelle les médecins se mettent à la portée de leurs patients en dissimulant ou atténuant la hiérarchie sociale de la situation[11]. La relation thérapeutique, insérée dans une ambiance familière et conviviale, crée un climat de confiance et de sympathie qui tend à instaurer, du point de vue des enquêtés, des rapports propices aux échanges. Certains spécialistes, correspondant à cette attente, sont donc appréciés et leur adresse, diffusée dans le réseau familial et voisin.
Toutefois, malgré cette proximité avec les professionnels de santé, les patients n’hésitent pas à en changer lorsque la confiance est rompue (Dodier, 2007). Cette rupture – particulièrement avec le médecin traitant – intervient lorsque la relation soignant-soigné n’est plus satisfaisante, lorsque les pratiques sont jugées inappropriées, que le diagnostic et les thérapies sont perçus comme inefficaces, voire ont entraîné des séquelles pour soi ou pour un proche. La défiance envers un professionnel circule donc aussi dans le réseau familial. Les personnes cherchent alors un professionnel de santé répondant à leurs attentes, suivant à nouveau les conseils et les suggestions de ceux qui les entourent. La proximité sociale et spatiale avec le médecin traitant n’empêche donc pas certaines exigences ou demandes d’efficacité, et la nécessité de gages de confiance.
Les recommandations de l’entourage, l’appréciation de l’efficacité du médecin, de la sympathie de la relation thérapeutique pour soi et pour ses proches, les expériences et les ajustements personnels et de l’entourage, nous ont conduites à constater que la population enquêtée faisait montre d’empowerment dans son choix des professionnels fréquentés et dans ses démarches de soin, à l’intérieur d’un cadre familial. À travers le réseau de parenté, elle s’approprie le système de santé environnant clairsemé en maximisant son usage par les connaissances qu’en dispense l’entourage et par l’insertion des professionnels dans le champ de l’entraide. Les liens de parenté agissent également par une présence intensive dans les trajectoires des personnes fragilisées.
Une surveillance et un accompagnement rapprochés
L’implication de la famille et de l’entourage se déploie dans différentes actions quotidiennes relatives aux soins et à la santé, déjà décrites par la littérature (p. ex., Fontaine et al., 2007). Une hiérarchie s’opère entre des aides ponctuelles, qui s’insèrent dans le cadre d’échanges réciproques au sein du réseau de voisinage ou de parenté, et un accompagnement personnel, intime, qui fait appel aux relations verticales de parent / enfant et aux relations entre conjoints.
Veille et attention quotidiennes
La veille exercée de façon constante auprès des personnes âgées ou handicapées est une forme notable d’encadrement de la santé des individus par l’entourage. Ce sont les enfants, en premier lieu, les filles mais aussi les fils, résidant dans le même village ou le village voisin, qui exercent d’abord cette vigilance. Celle-ci se décline en plusieurs niveaux de veille, allant de la visite hebdomadaire, du passage quotidien « pour voir si tout va bien », à la surveillance plus intensive des symptômes que présente le parent. Au chapitre des ménages de plus de 75 ans, onze des quatorze enquêtés ont ainsi un contact quotidien ou hebdomadaire, avec au moins un de leurs enfants[12]. Plusieurs enquêtés de la génération pivot rapportent qu’ils se rendent chez leurs parents chaque jour, adoptant une répartition genrée des aides passages et surveillance du fils, entretien du linge et préparation des repas par la belle-fille (Pennec, 2002 ; Weber et al., 2003).
La veille peut être plus intensive lorsqu’une ou plusieurs des filles se chargent particulièrement de la trajectoire de soins. Tel est le cas de Mme Bernard, veuve de 79 ans et ancienne agricultrice, qui habite seule à Arguide. Originaire d’un village limitrophe, elle n’a jamais quitté la Meuse. Elle détient un permis de conduire, une voiture et se déplace de temps en temps. Parmi ses quatre enfants (deux pharmaciennes, deux agriculteurs), deux vivent dans la même rue, un dans un village proche et l’autre dans un département limitrophe. Sa fille la plus proche exerce une veille quotidienne par une visite matinale. Forte de son savoir, elle dit évaluer la santé de sa mère et appeler le médecin pour qu’il passe l’examiner si elle le pense nécessaire ; elle trouve que sa mère n’est pas suffisamment attentive à sa santé. Elle lui rapporte de son lieu de travail tous les médicaments prescrits, mais aussi des compléments alimentaires qu’elle trouve utiles ainsi que des produits esthétiques. Elle en procure également à son mari, ses enfants et son frère. La veuve Bernard a le même médecin traitant que ses deux filles et un de ses fils. Elle se rend chez lui tous les mois pour le renouvellement de ses médicaments. C’est souvent cette même fille qui vient la chercher et qui l’emmène (parfois c’est son autre fille ou ses fils).
Lorsque la famille est peu disponible ou absente, le voisinage vient quelquefois pallier en partie cette absence. Tel est le cas de Mme Lapel, 62 ans, veuve, atteinte de polyarthrite depuis 16 ans, en difficulté pour se mouvoir. Sa fille, qui réside à 300 mètres, lui fait une partie de ses courses et passe quotidiennement. En contrepartie, Mme Lapel garde ses petits-enfants quelques heures par jour. Depuis un an, les infirmières du SSIAD (Service de soins infirmiers à domicile) s’occupent d’elle tous les soirs et son voisin, âgé de 80 ans, lui ouvre et ferme les volets et fait son petit-déjeuner tous les matins. Ce lien privilégié s’explique par la longue amitié qu’entretenait son époux avec ce voisin, qui, au décès du premier, a pris en charge la veille matinale de cette amie malade, en complément de sa fille.
Des services de voisinage aussi réguliers sont rares ; le plus souvent, ils se déclinent en une vigilance flottante pour voir si les volets sont ouverts le matin et prévenir les enfants en cas de doute sur le bien-être de la personne âgée (Membrado et Mantovani, 2014). Les services de voisinage peuvent être également inexistants, comme pour Mme Pierre, qui ressent un soupçon du voisinage du fait de sa maladie et n’a jamais pu créer de liens de solidarité bien qu’elle réside dans le même village depuis onze ans.
Une veille particulière s’exerce aussi à l’attention de jeunes enfants. Les parents et grands-parents, en particulier les grands-mères et les tantes, et parfois des marraines, sont les plus attentives à la santé des enfants. Les ascendantes sont d’autant plus influentes lorsqu’elles les gardent quotidiennement ou plus ponctuellement, puisqu’elles les orientent, voire les conduisent auprès de différents acteurs de santé. C’est le cas de cette femme de 44 ans, mère de deux enfants, qui a emmené la fille de sa cousine, avec l’accord de celle-ci, chez un guérisseur pour soigner ses verrues : elle a pris elle-même le rendez-vous, a accompagné l’enfant chez ce thérapeute et a récité les prières nécessaires au traitement. Elle justifie son intervention par le fait qu’elle est sa marraine et qu’elle connaît les bienfaits de ces recours alternatifs.
Les liens de parenté verticaux grand-parent / parent / petit-enfant sont donc les plus présents dans la veille quotidienne de la santé des interviewés. Des parentes plus éloignées s’investissent aussi dans les trajectoires d’enfants qu’elles gardent, tandis que le voisinage exerce une vigilance plus flottante mais continue.
Conduite et accompagnement dans le système de soins
Les voisins proches sont plus actifs dans la conduite pour emmener les personnes sans véhicule à un rendez-vous médical ou faire des courses ; ces deux services étant considérés comme équivalents. Constatant l’absence de services de transport en commun, M. Lapointe observe, dans son village des Vosges : « C’est souvent des personnes, des voisins qui les accompagnent, c’est souvent comme ça que ça se passe. Il n’y a pas d’autre chose et puis, souvent, les enfants sont pas loin, les voisins les emmènent aux courses. Comme là, il y en a une [femme âgée], en bas [du village], elle demande. On l’a déjà emmenée chez l’ophtalmo, par exemple. Pour ses courses, c’est une dame qui vient toutes les semaines. »
Les hommes s’avèrent actifs dans le transport tant qu’il s’agit de conduire du domicile au lieu de rendez-vous. Cette tâche s’inscrit dans les rôles sexués qui leur sont attribués.
Ainsi, sans permis de conduire ni véhicule, sans enfant à proximité, Mme Zibel, âgée de 78 ans, sollicite l’un ou l’autre membre du voisinage, dont certains sont des cousins, lorsqu’elle doit se rendre chez son médecin.
Ces transports par des proches font partie des solidarités de parenté et de voisinage inscrites dans un ensemble de dons, de contre-dons (Mauss, 2002 [1923-24]) et de relations réciproques tissées au long de ces années passées dans le village (Zonabend, 1999 [1980]) ; elles ne s’apparentent aucunement à des solidarités qui iraient de soi sans avoir été construites et entretenues[13]. Mme Zibel l’explicite en rapportant qu’elle a gardé les enfants de plusieurs familles du village et rendu de nombreux services, notamment de ménage ; les voisins sollicités lui « rendent ainsi quelque chose », dit-elle, en la conduisant chez le médecin. Elle sollicite particulièrement une jeune voisine qu’elle a gardée lorsqu’elle était enfant, transformant ainsi ce lien de voisinage en lien de parenté élective (Fine, 1998).
Certains interlocuteurs rationnalisent leur recours à l’entourage pour les véhiculer en affirmant « faire des économies à la Sécurité sociale ». On peut penser, toutefois, que ces personnes préfèrent rendre le parcours plus familier, à la fois plus individualisé et plus personnalisé qu’un transport public, en étant accompagnées par un ou une proche, afin de réduire la distance sociale au système de santé. C’est ce que suggère aussi une forme d’accompagnement plus étroite encore.
En effet, la trajectoire de soins de certaines personnes est davantage encore imbriquée dans la parenté lorsque, pour des consultations inhabituelles, des événements du parcours biographique, des accidents, des maladies aiguës ou chroniques, un parent ou plusieurs d’entre eux interviennent dans les décisions de consultation, prennent rendez-vous, accompagnent – au sens étymologique du terme, « prendre comme compagnon »[14] – la personne au service de santé ou au cabinet médical, voire restent à son chevet.
Des personnes âgées, résidant seules, et leurs enfants se retrouvent dans ces configurations, mais pas seulement. Ainsi, Mme Fivel, 55 ans, fille de Mme Charmes, 94 ans, prend tous les rendez-vous pour sa mère, l’accompagne chez les spécialistes, organise le ballet des professionnels qui se rendent au domicile de sa mère :
Parce que ça fait un moment, c’est moi qui prends les rendez-vous pour ma mère parce que sinon elle sait plus, elle mélange tout, elle a 36 calendriers. Donc, je lui dis au jour le jour ce qu’elle a de prévu. Donc la podologue, pour le soin des pieds. J’ai vu qu’elle faisait aussi des massages type relaxation. Mais là, il faut aller chez elle [au cabinet]. Oh, je me suis dit : « Ça lui ferait aussi du bien. » Pour la marche, quoi. Et je vais essayer aussi de lui trouver une esthéticienne qui vient à domicile.
Mme Fivel justifie l’organisation des soins de son ascendante à la fois par l’embarras perçu de la vieille dame face à un emploi du temps médical quotidien chargé (soins infirmiers le matin et le soir, visites à domicile du médecin traitant, soins orthopédiques et esthétiques, rendez-vous chez le dentiste, gynécologue et autres spécialistes), et par le souci qu’elle a du bien-être de son ascendante. La fille assure auprès de sa mère une protection rapprochée (Weber, 2007) et prend la direction de la gestion de sa santé. La descendante intervient donc en amont des demandes maternelles de soins, en décidant du type de soins et de professionnels dont elle aurait besoin et dont elle pourrait bénéficier. Mme Fivel est d’ailleurs en contact étroit avec les infirmiers à domicile afin d’être mise au courant quand sa mère annule des rendez-vous. Ces femmes s’inscrivent dans une éthique de la sollicitude envers leur parente (Paperman et Laugier, 2006), mais aussi dans une forme de contre-don des soins dans la lignée féminine[15]. Cette ingérence dans la trajectoire des ascendants s’oppose à l’injonction d’autonomie du monde médical (Ménoret, 2015).
Mme Marin, quant à elle, 60 ans, veuve, ancienne aide à la vie scolaire en école maternelle, résidant en Moselle et sans véhicule, sollicite ses enfants – particulièrement ses filles – pour l’accompagner. Ainsi, lorsqu’elle se rend chez des spécialistes dans la ville voisine, elle prend seule le train, mais rejoint sa fille à la gare, qui l’accompagne ensuite aux rendez-vous médicaux. Sa seconde fille l’emmène chez le dentiste et l’ophtalmologiste, et sa puînée intervient pour l’inciter à consulter un gynécologue. Elle raconte, à la manière d’une expédition familiale, comment elle et trois de ses enfants, fumeurs, sont partis en voiture pour rencontrer un magnétiseur dans un autre département :
Un magnétiseur, pour arrêter de fumer. Et ça a marché, ça va faire 10 ans, là ! J’ai mon fils, je ne sais pas où il l’a déniché, d’ailleurs, et il y a été. Et de tout le temps m’en parler, m’en parler ; un jour on a décidé d’y aller. On était quatre à partir. C’était moi, mes deux filles et mon fils. Tout le monde fumait, oui. Et puis, il [son fils] m’a dit : « Oh, il faut quand même qu’on essaye d’arrêter de fumer. » Et puis, nous voilà partis. […] Le magnétiseur, il était dans les Vosges. On a carrément été dans les Vosges. Il nous a magnétisés et il nous a donnés de la tisane à boire.
Certes, la conduite par des enfants peut sembler indispensable dans le cas de Mme Marin, qui n’a pas de véhicule. Mais le fait qu’elle évoque cette consultation comme une sorte « d’aventure » pour améliorer la santé du groupe apparente alors celle-ci à un acte qui soude le lien de descendance, par l’accomplissement en commun des démarches de soins.
Un réseau similaire est mobilisé lors d’une hospitalisation imprévue d’un enfant. Parents et grands-parents se relaient au chevet de l’enfant malade, créant une chaîne de surveillance qui implique à la fois le couple parental et la lignée féminine : « Moi, je faisais le dimanche soir, lundi matin jusqu’au mercredi. Le mercredi, maman elle venait avec ma fille, elles descendaient. Je prenais la voiture de ma mère, ma fille et je venais ici [à son domicile]. On restait là jusqu’au dimanche soir. Le samedi matin, quand le boulot [à la ferme] était fini, mon mari remontait avec la voiture de ma mère remplacer ma mère jusqu’au dimanche soir. » (Femme, 42 ans, agricultrice.)
La fréquentation régulière des hôpitaux n’entraîne par une telle mobilisation familiale : ainsi, Mme Lapel, ancienne boulangère, ne sollicite ni sa fille, ni son voisin proche pour se rendre au centre hospitalier universitaire régional. Atteinte d’une maladie chronique, elle se dit habituée de ces services de transport et hospitaliers qu’elle fréquente chaque semestre, et tient à s’y rendre seule.
Les accompagnements intensifs de la part des descendants et des ascendants se construisent plutôt autour d’enquêtés issus de classes populaires, anciens ouvriers ou agriculteurs (Vinel, 2017). Des descendants, plus jeunes, souvent des filles mais pas seulement, et plus aguerris au système médical et à ses normes, apparaissent comme des médiateurs rassurants entre la personne et les médecins. Le lien de descendance est mobilisé pour sécuriser l’événement et l’accès aux services inconnus. Inconnus en ce qu’ils ne sont pas familiers, mais aussi du fait d’une moindre connaissance des normes, des savoirs, des gestes, du vocabulaire qui y sont employés (Boltanski, 1971 ; Véga, 2014). Inconnus aussi en termes de conséquences et de résultats possibles de la consultation. La situation socio-économique du patient et son âge n’épuisent donc pas toutes les explications du recours à ces accompagnants. Souvent perçu de façon ambiguë, voire négative ou instrumentalisée par le milieu médical (Lawler, 2002 ; Fedor et Leyssene-Ouvrard, 2007), cet encadrement familial de la trajectoire de soins sécurise affectivement et émotionnellement le patient lors du recours à ces professionnels hors du territoire de santé familier. La sécurisation par les proches facilite l’entrée dans le système de soins grâce à leurs « compétences rassurantes » et parce qu’ils constituent une « ressource affective » (Thibault-Wanquet, 2008).
Mais ces accompagnements par des membres de la lignée sont réservés aux cas critiques, lors d’une hospitalisation, d’une consultation exceptionnelle, d’un rendez-vous délicat. Dans le cadre des actes de santé au quotidien, le couple – lorsqu’il existe – est davantage engagé.
Trajectoires « autonomes » et logiques de couple
Une majorité des enquêtés tiennent un discours d’autonomie dans leurs décisions de soins et de prise de rendez-vous médicaux. Mme Armand, par exemple, âgée de 73 ans, affirme consulter son ophtalmologue de sa propre initiative, suite à un autodiagnostic : « Les yeux, oui. J’y étais il y a pas si longtemps : quand je vois que ça va pas, quoi. De moi-même. » (Moselle)
Ces discours, qui sont le fait d’adultes, seuls, en couple, avec ou sans enfant, de toute catégorie sociale, mais sans problème de santé majeur, s’avèrent en conformité, d’une part, avec les modèles d’autonomie que le système médical et le « parcours de soins coordonné »[16] encouragent (Dodier, 2007 ; Ménoret, 2015), et d’autre part, avec les demandes des patients à être reconnus comme des acteurs et des sachants dans leur choix et leur trajectoire (Barbot, 2002). Pourtant, une analyse attentive des entretiens laisse apparaître des négociations dans la sphère domestique, particulièrement dans le couple. Les propos de cette Mosellane de 44 ans, mariée, deux enfants, révèlent la complexité des déterminants des logiques de décision de soins :
C’est moi qui avais demandé à me faire hospitaliser, parce que ça allait plus. Ça faisait trois jours que je dormais à la maison, je voulais plus me lever, je voulais plus rien faire. Mon médecin m’en avait parlé mais je ne voulais pas parce que je me disais : « Mais qu’est-ce qu’ils vont faire, mon mari, les enfants… mes animaux ? Sans moi, ils vont être perdus. » Et ça a traîné un mois et demi et après, j’en pouvais plus, quoi. Voilà, c’est pour ça que j’ai demandé d’aller à l’hôpital.
L’assignation de cette femme à ses rôles de mère et d’épouse pèse amplement dans le retard sur sa résolution à être hospitalisée. Présentée comme individuelle, sa décision est le fruit d’un processus négocié dans lequel les contraintes de genre sont marquées : elle compose entre son besoin d’être soignée – « ça n’allait plus » –, les incitations de son médecin et ses rôles professionnels et familiaux.
Ainsi, si une partie des déplacements et des consultations se font seuls, les décisions de se rendre chez le médecin, la gestion des médicaments, la conduite, voire la consultation se font en interaction dans des couples où les rapports inégalitaires de genre apparaissent par une plus grande implication des femmes dans la gestion des pharmacies et des consultations médicales des enfants et des époux. De surcroît, la revendication d’individualité et d’autonomie se limite aux pratiques routinières : le conjoint intervient dès lors que le problème est jugé grave, exceptionnel ou accidentel. Habituée au système de soins, Mme Berlot, par exemple, précise que lors de son œdème de Quincke, son mari l’a accompagnée : « La fois-là, c’est mon mari qui m’a emmenée. Parce que c’est impressionnant. » De même, M. et Mme Pernic, âgés de 72 et 77 ans, petits entrepreneurs à la retraite dans les Vosges, se rendent séparément chez le même médecin généraliste, chacun organisant son emploi du temps selon ses occupations. Cependant, lorsque Mme Pernic entreprend de solliciter des professionnels dans une région frontalière pour « essayer » un ostéopathe, elle est cette fois accompagnée par son époux. De même, elle accompagne son conjoint lorsqu’il doit se rendre chez divers spécialistes pour des symptômes inquiétants et irrésolus par le médecin généraliste.
On retrouve la même logique dans l’accompagnement des itinéraires de soins des enfants en bas âge ; les visites habituelles chez le pédiatre ou le médecin généraliste sont organisées par les mères. « Ça a toujours été moi qui amène les enfants aux [sic] médecins. Et je sais que mon mari, quand il avait le temps pour les premières visites, il venait avec », exprime cette femme de 40 ans (infirmière, deux enfants, Moselle). Lorsque la situation est inhabituelle, voire inquiétante, le père des enfants peut être présent aux consultations ou aux visites hospitalières. Ainsi, un père de deux enfants, résidant en Moselle, accompagne, avec son épouse, leur fille aînée atteinte de drépanocytose pour les visites et les examens trimestriels qu’exige le suivi de sa maladie chronique dans un service de pédiatrie de l’hôpital universitaire d’un département voisin ; au contraire, il est absent des consultations médicales habituelles pour des vaccins ou de petites pathologies.
Le couple de parents est, ainsi, l’une des relations premières investies dans la trajectoire de soins. Les soins dans et par le couple sont d’ailleurs encouragés par les politiques publiques, particulièrement lorsque les personnes perdent leur possibilité d’agir seules au quotidien (Fontaine et al., 2007 ; Voléry, 2013). La trajectoire des époux et des enfants résidant à domicile est plus particulièrement encadrée par les épouses et les mères, comme d’autres études en attestent (Saillant, 1992 ; Cresson, 2006). Certaines femmes cumulent alors la gestion de leur propre trajectoire de soins, avec celle de leurs enfants, de leur conjoint, voire de leurs parents. Toutefois, les hommes ne sont pas totalement absents de l’encadrement des trajectoires de soins de leurs conjointes et de leurs enfants. Ils sont mobilisés surtout lorsque l’événement est inattendu, inquiétant ou potentiellement grave.
Conclusion
Les adultes vivant en zone rurale lorraine revendiquent une autonomie dans la gestion de leur santé, concordant ainsi aux normes du « patient contemporain » (Bureau et Hermann-Mesfen, 2014). Pourtant, le couple, la lignée et, de façon plus ponctuelle, le voisinage et les membres de la parenté plus éloignée assurent un encadrement intensif des trajectoires de soins. L’offre médicale, paramédicale et non conventionnelle est connue par le biais de l’entourage, qui apporte conseils et expériences, incite à consulter tel professionnel, telle clinique ou tel service hospitalier. Le territoire de santé est donc domestiqué par une densité d’informations et de fréquentation qui inclut tant la topographie que les temps d’attente des professionnels et la réputation d’efficacité, de gentillesse ou d’attention. Les savoirs partagés, les transmissions intrafamiliales créent un ensemble commun de pratiques et de savoirs en santé. De plus, les acteurs de santé locaux sont intégrés dans l’univers des familiers (parents, amis), bien qu’ils puissent être abandonnés si leurs actions ne sont plus satisfaisantes pour soi ou pour des proches. La confiance dans les services de soins dépend ainsi autant du réseau de familiers qui y a conduit que de l’expérience active de ces services.
Ces formes de solidarité sont issues d’une organisation sociale qui repose d’abord sur le couple et la lignée (ascendants, descendants) et sur la forte implication des femmes. Les hommes sont aussi des acteurs de ce réseau d’entraide dans des rôles de conduite, d’accompagnement et dans les cas inquiétants ou inhabituels. Les relations de collatérité et la parenté élective sont mobilisées en plus des liens verticaux ; elles incluent le voisinage, pour une vigilance flottante, et des services à la périphérie du soin. Les relations d’aide de l’entourage et de la parenté s’organisent selon des liens de réciprocité entretenus au fil des ans et des générations, et peuvent donc exclure des individus qui ne s’insèrent pas dans ces réseaux, mais aussi en inclure de nouveaux.
Le couple (lorsqu’il est présent) interagit continuellement sur la santé, avec une prépondérance de l’action des conjointes. La famille a alors un rôle de prescription et de sécurisation de l’entrée dans le système de soins, qui tient d’une part à la médiatisation entre l’univers connu, domestique, et le système normatif médical moins connu, et d’autre part à un balisage affectif et émotionnel des trajectoires incertaines.
Parties annexes
Notes
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[1]
La littérature sociologique est abondante sur cette question (p. ex., Weber et al., 2003 ; Clément et Lavoie, 2005).
-
[2]
Coordonnée par Virginie Vinel, la recherche, intitulée Médicamp, a été soutenue par la Maison des Sciences de l’Homme Lorraine, le CNRS, l’Université de Lorraine et la région Lorraine. Nous remercions Ingrid Voléry et Laetitia Lamongie de leurs contributions à cette recherche et à ses résultats.
-
[3]
Si l’anthropologie utilise plutôt l’expression « itinéraires thérapeutiques », Raymond Massé, quant à lui, parle de « cheminements thérapeutiques » (1997). Nous utilisons ici les expressions « itinéraires de soins » ou « trajectoires de soins », avec le souci de tenir compte, à la suite des interactionnistes (Strauss, 1992), des actions et acteurs en jeu dans le cheminement des interviewés. Nous mettons l’accent sur des moments clés de cette trajectoire, où les interventions de la parenté sont apparues particulièrement saisissantes sur notre terrain d’enquête. La notion de « soin » recouvrant un grand nombre d’actes relatifs au corps (Gagnon et Saillant, 1999), la recherche a porté sur les dimensions plus médicales du soin : repérage des symptômes, usages des services de santé, médicaux, paramédicaux, parallèles (telles que l’homéopathie, l’acupuncture) et non conventionnels (guérisseurs, magnétiseurs, thérapeutes non déclarés). L’enquête a également porté sur les traitements domestiques, qui comprennent l’usage tant de médicaments allopathiques que de tisanes, d’onguents, de crèmes, de remèdes homéopathiques, d’huiles essentielles. Les frontières entre la cure et le care sont donc poreuses (Mol, 2009), mais nous n’englobons ici ni les gestes d’hygiène, de toilette, d’alimentation, ni la gymnastique ou le sport.
-
[4]
Site de l’observatoire des territoires : http://www.datar.gouv.fr/observatoire-des-territoires/fr/node. Typologie zonage en aires urbaines (ZAU 2010).
-
[5]
Agence Régionale de Santé de Lorraine, schéma régional d’organisation des soins (SROS-PRS) – 2012, cartographie en ligne : http://carto.ars.sante.fr.
-
[6]
Les 2/5 de la population rencontrée sont à la retraite, de l’agriculture et de professions intermédiaires. Le revenu mensuel par ménage s’étend de 900 € à 4000 €. Un ménage sur 10 est en situation de précarité (perception de minimas sociaux, chômage, travail non déclaré, surendettement), 5 sont en invalidité liée à une maladie de longue durée, mais une majorité est propriétaire de son logement. Au moment de l’enquête, 7 personnes ont moins de 35 ans, 15 ont entre 36 et 50 ans, 8 ont entre 51 et 65 ans, 5 ont entre 66 et 75 ans, et 13 ont 76 ans ou plus.
-
[7]
En interrogeant les catégories nature / culture, Descola (2004) montre que l’opposition entre espaces domestiques et espaces sauvages est un mode de catégorisation contingent aux histoires et aux cultures observées. Ainsi, les territoires qui peuvent apparaître comme « isolés », « déserts » aux yeux des urbains sont des lieux domestiqués par la population locale. Ils sont rendus familiers et sont humanisés par leur fréquentation quotidienne, et ils portent les traces matérielles et immatérielles de la présence humaine passée et actuelle. Les espaces sauvages se définissent par opposition aux espaces domestiqués, et sont habités d’êtres (animaux non-humains) renvoyés aux frontières de la société.
-
[8]
On ne peut pas imputer cette densité à un biais de l’enquête, car le recrutement des enquêtés a pris plusieurs voies très distinctes (voir notre rubrique « Méthodologie »). La densité des liens de parenté dans les zones rurales est constatée dans d’autres régions de l’est de la France (Amiotte-Suchet et Chevalier, 2012). Elle est également présente en zone urbaine, y compris dans la région francilienne, de façon plus diffuse et diversifiée (Bonvalet et Lelièvre, 2012).
-
[9]
Les noms des lieux et des personnes qui figurent dans cet article sont anonymisés.
-
[10]
Seul un couple vosgien consulte annuellement des spécialistes parisiens : l’homme et la femme sont tous deux d’anciens cadres, ils ont vécu plusieurs années dans la région parisienne et y possédent un appartement.
-
[11]
Sur les transformations de la relation médecin-malade et la mise en cause du modèle paternaliste, voir notamment Baszanger (1986) et Dodier (2007).
-
[12]
Un seul ménage n’a pas de descendance et deux n’ont aucun contact régulier avec leur descendance, qui réside loin.
-
[13]
Ces territoires ruraux ne sont donc pas des « communautés » dans lesquelles les liens seraient nécessairement solidaires et pérennes. L’idée de communauté villageoise a été déconstruite par des anthropologues, qui ont souligné, d’une part, que si les villages sont des lieux d’interconnaissance, ce sont aussi des lieux de fort contrôle social ; d’autre part, que le village est traversé par des hiérarchies sociales (en fonction des positions sociales ou professionnelles) et des segmentations différentes selon la région (p. ex., le hameau, le quartier) (Maget, 1954).
-
[14]
http://www.cnrtl.fr/etymologie/accompagner.
-
[15]
Ces configurations d’aide sont décrites par la littérature sociologique mais plus souvent du côté des aidants et du poids que ce rôle fait peser sur leur existence (Membrado, 1999). Les sociologues soulignent aussi que cette aide a des limites et est associée à l’intervention des professionnels, particulièrement lorsque les soins sont quotidiens et intimes (Mallon, 2011 ; Voléry et Vinel, 2016).
-
[16]
Entendu ici dans la définition institutionnelle établie par le Code de la sécurité sociale de la Loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, concernant le parcours de soins coordonné par le médecin généraliste.
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