Enfances, Familles, Générations
Numéro 12, printemps 2010 L’enfant et la ville Sous la direction de Marie-Soleil Cloutier et Juan Torres
Sommaire (8 articles)
Introduction
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L’enfant et la ville : notes introductoires
Marie-Soleil Cloutier et Juan Torres
p. i–xv
RésuméFR :
La relation entre l’enfant et la ville suscite l’intérêt grandissant des praticiens et chercheurs de diverses disciplines à travers le monde. Cette introduction propose de resituer les analyses contemporaines à la croisée de l’évolution des transformations urbaines et des changements dans les représentations de l’enfance. Se dessinent notamment des correspondances entre les diverses perspectives théoriques du rapport personne-environnement et la manière de concevoir l’enfant. Ainsi, la passivité des individus, implicite dans l’approche de disjonction, évoque la vision déterministe de l’enfance : on se préoccupe alors des effets de la ville sur une population « sans défense ». L’approche de conjonction présente au contraire l’enfant comme un acteur dynamique et conduit à explorer la ville au travers de son regard. Ce changement de posture amène les chercheurs et les praticiens à chercher à comprendre et à façonner avec les enfants leur milieu de vie. Par une brève présentation des contributions des collaborateurs à ce numéro, les auteurs signalent les principaux enjeux qui se dégagent des analyses autour de la mobilité des écoliers du primaire d’un point de vue urbanistique, de la socialisation au risque routier chez les enfants d’un point de vue psychologique, de la prise en compte des adolescents lors de l’aménagement des quartiers, des stratégies de survie de jeunes travailleurs ambulants dans le contexte urbain d’un pays en développement et de l’impact d’un dispositif d’apaisement de la circulation sur l’autonomie des enfants du point de vue de la géographie urbaine.
EN :
The relationship between the child and the city has been arousing growing interest amongst practitioners and research workers across the world. The present introduction is intended to contextualize contemporary analysis, placing it at the confluence of urban change and new approaches to representations of childhood. What emerge more especially are the connections between the various theoretical standpoints as to the relationship between the individual and the environment, and the way in which the child is viewed. Thus, the passivity of the individual which is implicit in a disjunctive approach calls up the determinist concept of childhood, where the main concern is the impact of the city on a “defenseless” population. The conjunctive approach, on the other hand, views the child as a dynamic player and invites the researcher and the practitioner to explore the city with the child’s eyes. This change of perspective leads them to attempt to understand and work with children to shape their environment. Through a short presentation of the various articles which make up this number, the authors provide an overview of the main issues that emerge from studies which include the mobility of primary school children as seen by the town planner, the psychologist’s view of the socialization of traffic risk as it affects the child pedestrian, the consideration to be given to adolescents when designing or developing urban neighbourhoods, the survival strategies practiced by young itinerant workers in the urban surroundings of a developing country, and the impact of traffic “pacifying” measures on children in a context of urban geography.
Articles thématiques
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Offrir aux adolescents des banlieues des expériences d’habitat positives dans leur quartier
Benjamin A. Shirtcliff
p. 1–23
RésuméFR :
La population d’adolescents habitant les milieux suburbains est très importante. Cette réalité est cependant encore trop récente pour être prise en compte par les praticiens de l’aménagement, ce qui expliquerait pourquoi l’environnement physique des adolescents est rarement conçu pour répondre à leurs besoins. Le présent article traite des besoins fondamentaux des adolescents vivant en banlieue et suggère aux concepteurs des moyens d’améliorer leur qualité de vie en créant des lieux de repli dans leur quartier. Les valeurs et besoins particuliers des adolescents serviront à évaluer la qualité des espaces ouverts suburbains. Nous nous intéresserons essentiellement à l’environnement physique, en nous appuyant sur des études dans les domaines de la psychologie, de la sociologie, de la psychologie de l’environnement ainsi que sur l’histoire des transformations urbaines et sur les théories et pratiques en architecture de paysage. Une étude de cas portant sur un projet inspiré du nouvel urbanisme servira de fondement critique et permettra l’examen des espaces ouverts à la lumière des critères issus de la littérature.
EN :
The population of adolescents living in suburban environments over urban environments is pervasive and yet remains a relatively new construct for the design professions to consider—presenting a gap in how the physical environment is designed to meet their needs. This paper discusses the basic needs of suburban adolescents and suggests how designers can improve their quality of life by creating places of retreat within their neighborhood. Values and needs specific to suburban adolescents are used to assess the quality of suburban open spaces. The focus of this paper is on the physical environment, with background supported by studies from the fields of psychology, sociology, and environmental psychology, history of urban change, and theory and practice in landscape architecture. A case study of a New Urbanism development serves as the critical basis from which real open spaces are reviewed in light of criteria drawn from the literature.
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Les adolescents travailleurs ambulants de lima : stratégies familiales de survie et métropolisation en amérique latine
Robin Cavagnoud
p. 24–43
RésuméFR :
L’objectif de cet article est de montrer comment, dans un contexte de grande précarité, les enfants utilisent la rue comme espace mobilisateur de ressources pour assurer la survie de leur fratrie. Les stratégies qu’ils mettent en oeuvre s’inscrivent dans un contexte sociohistorique de métropolisation massive dont la description permet de saisir l’origine de leur pratique quotidienne dans le sous-emploi urbain. Cet article s’appuie sur une méthodologie résolument qualitative basée sur des études de cas et sur les sociologies de l’enfance et de la précarité. Si le lien entre le travail ambulant des adolescents et la métropolisation de Lima est évidente selon une articulation entre les sphères micro et macrosociologique, cette corrélation n’a de sens que si on la replace par rapport à l’utilisation de la rue comme espace ressources. Dans les trois cas d’adolescents travailleurs étudiés, la rue symbolise à la fois l’espace d’occupation d’enfants pour leur survie et la métropole en expansion.
EN :
The objective of the present article is to demonstrate how children, living in a very insecure context, use the streets as a space where resources can be developed in such a way as to ensure the survival of their siblings. The strategies they employ are part and parcel of a socio-historical context of massive metropolization that, looked at closely, allows one to trace back the origins of their daily activities to urban unemployment.. This article is rooted in an unashamedly qualitative methodology based on case studies on the sociologies of the child and of insecurity. Though itinerant adolescent labour and the metropolization of Lima can be clearly seen to hinge on the linkage between the micro and macro-sociological spheres, this correlation only makes sense when the use of the street as a resource space is taken into account. In the three cases of working adolescents studied here, the street symbolizes both the space used by children to ensure their own survival and an expanding metropolis.
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Les parents et les déplacements entre la maison et l’école primaire : quelle place pour l’enfant dans la ville?
Paul Lewis et Juan Torres
p. 44–64
RésuméFR :
La forme urbaine et l’organisation du système scolaire ont une influence sur la mobilité des enfants et, en particulier, sur leurs déplacements scolaires. Les habitudes, les perceptions et les choix des parents pèsent tout autant. Le présent article porte sur les relations entre les considérations et les comportements parentaux, d’une part, et les modes de déplacement des enfants lors des déplacements entre la maison et l’école, d’autre part. Il prend appui sur une enquête par questionnaire menée par le Groupe de recherche ville et mobilité auprès de 1495 parents d’élèves du primaire (écoles publiques et privées, francophones et anglophones) de Montréal et de Trois-Rivières entre 2006 et 2008. On observe un lien entre les pratiques de déplacement des écoliers et les perceptions parentales au sujet de la sécurité dans le quartier et de l’importance du transport actif. On observe également un lien entre le mode de transport des parents et celui des enfants lors des trajets scolaires.
EN :
The urban structure and organization of the school system impact children’s mobility and more specifically their modes of travelling to and from school. These are affected to a similar extent by parental habits, perceptions and choices. The present article deals with the relationship between parental considerations and behaviours on the one hand and the modes of transportation governing the movement of children from home to school and back again on the other. This study is based on a survey carried out by the Groupe de recherche ville et mobilité, involving 1495 parents of primary level pupils (French-language and English- language public and private sector schools) in Montreal and Trois-Rivières between 2006 and 2008. A linkage will be observed between the forms of transportation used by school children and parental representations with regard to neighborhood safety and the importance of active transportation. Linkage will also be observed between the parents’ and the children’s modes of transportation to and from school.
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La mobilité des enfants à l’épreuve de la rue : impacts de l’aménagement de zones 30 sur leurs comportements
Florence Huguenin-Richard
p. 66–87
RésuméFR :
Un grand nombre d’aménagements urbains de l’espace public cherche à « pacifier » le trafic automobile afin d’améliorer le cadre de vie (moins de bruit, moins de pollution), de mieux partager la rue entre les différents usagers et surtout d’assurer un bon niveau de sécurité pour les plus vulnérables. C’est le cas des zones 30, une pratique largement développée dans les villes françaises. La question que pose cet article est la suivante. En réduisant la vitesse et le trafic automobile, ces aménagements répondent aussi aux enjeux du transport durable qui vise, entre autres, à promouvoir la marche à pied. Qu’en est-il au sujet plus spécifique de la mobilité des enfants, dont nous savons qu’elle se caractérise pour l’essentiel par une faible part de déplacement autonome et une dépendance marquée à l’automobilisme ? Autrement dit, la mise en zone 30 d’un quartier permet-elle une mobilité plus autonome des enfants et une plus grande pratique de la marche à pied ? Pour y répondre, une série d’observations non participantes a été menée dans différents sites en zone 30 à Paris.
EN :
In many cases, urban planning of public spaces aims at “pacifying” automobile traffic in such a way as to improve the living environment (less noise, less pollution), to achieve a more equitable sharing of the street amongst its various users and, above all, to provide a high level of security for those who are the most vulnerable. This development is to be seen in the speed- controlled “Zones 30,” which are widespread in French cities.
The question we ask in the present article is whether, by reducing the speed and the number of automobiles, we are also making a positive contribution to the issues linked to sustainable transportation, including that of promoting walking per se. And what impact does it have on the more specific problem of child mobility which, as we know is essentially characterized by a low level of independent urban displacement and a major dependence on car travel? In other words, does the introduction into the neighborhood of a Zone 30 allow children to move around more autonomously, to walk more? To answer this question a series of non-participant observations were carried out in different Zone 30 areas in Paris.
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Socialisation au risque et construction sociale des comportements de l’enfant piéton : éléments de réflexion pour l’éducation routière
Marie-Axelle Granié
p. 88–110
RésuméFR :
L’objectif de cet article est de faire un état des lieux des courants de recherche sur le comportement de l’enfant piéton en milieu urbain et de pointer le poids de la socialisation au risque dans la construction de ces comportements. Sont abordées notamment la différenciation entre règles institutionnelles et normes sociales et la catégorisation des règles comportementales sur lesquelles s’appuie l’enfant lors de ses déplacements dans la ville. À titre d’exemple, sont évoqués les résultats de recherches sur les facteurs psychosociaux explicatifs des différences de sexe dans l’accidentologie routière. En conclusion, des pistes d’action en termes d’éducation routière, découlant de la prise en compte de la construction sociale des comportements de l’enfant piéton, sont relevées.
EN :
The intent of the present paper is to make an inventory of research trends regarding the behaviour of the child pedestrian in the urban environment and to pinpoint the role played by the socialization of risk in the construction of these behaviours. We will be looking more specifically at the differentiation between institutional regulations and social standards and the categorization of the rules of behaviour on which the child bases itself when moving around the city. Examples given include an examination of psychosocial factors that explain gender differences with respect to accidentology, or road accident research. The article concludes by noting the courses of action that have been instituted as regards road safety education, thanks to the recognition of the need for a social construction of child pedestrian behaviours,.
Hors-thème
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La complexité et la pluralité des expériences maternelles en contexte de violence conjugale
Chantal Bourassa
p. 111–126
RésuméFR :
L’étude présentée dans le cadre de cet article porte sur la complexité et la pluralité des expériences maternelles des femmes violentées par leur conjoint. Nous avons analysé des entrevues qualitatives effectuées auprès de 12 femmes francophones du Nouveau-Brunswick ayant vécu de la violence conjugale. Selon les résultats, celles-ci sont parvenues, en dépit du contexte de violence, à trouver la force et le courage pour réaliser adéquatement leur rôle maternel. Cependant, toutes les mères étaient de l’avis que le contexte de violence constituait une contrainte dans l’exercice de leur maternité. Également, les difficultés financières, les problèmes de santé mentale et les expériences antécédentes de violence avaient créé des embûches dans l’accomplissement de leur rôle maternel. Enfin, la fatigue, la frustration, la ressemblance du fils au père et le sentiment d’être dépassée par ses responsabilités familiales étaient des sources d’ambivalence maternelle chez les mères. Cette ambivalence pouvait aboutir, dans certains cas, à des comportements violents à l’égard des enfants.
EN :
This study, as presented herein, deals with the complexity and plurality of the maternal experiences of women who have been the victims of spousal rape. We have used qualitative interviews of 12 New Brunswick francophone women who had experienced marital violence. The results demonstrate that despite the context of violence, these women found the strength and courage to carry out their maternal role in a sufficient manner. However, each of these mothers believe that the context of violence constituted a factor of stress as regards the exercise of her maternal role. Added to this, financial difficulties, problems of mental health and earlier violent experiences created obstacles to the fulfilment of their maternal role. Finally, weariness, frustration and the living resemblance of father and son, together with the feeling of being unable to cope with their family responsibilities were all sources of maternal ambivalence for these mothers. And, in certain cases, this ambivalence could translate into violent behaviour towards their children.
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Les perceptions d’adolescents cérébrolésés, de leurs parents et des professionnels impliqués dans leur inclusion sociale
Jérôme Gauvin-Lepage et Hélène Lefebvre
p. 127–147
RésuméFR :
Cette étude qualitative a pour but d'explorer les perceptions d’adolescents, de leurs parents et de professionnelles quant à l'inclusion sociale d’adolescents ayant vécu un traumatisme craniocérébral (TCC) modéré. Le modèle écologique de Bronfenbrenner (1979, 1986), adapté par Lefebvre et Levert (2005) auprès de la clientèle TCC, est utilisé comme cadre de référence. Des entrevues semi-dirigées ont été réalisées auprès d’adolescents cérébrolésés et leurs parents. Les résultats montrent que les perceptions des familles portent sur différents aspects de leur vie, indiquant une multitude de répercussions qui facilitent ou contraignent l’inclusion sociale de l’adolescent TCC modéré. En général, les professionnelles partagent les mêmes perceptions qu’eux. Les résultats de cette étude devraient permettre aux professionnels de la santé une meilleure compréhension de l'inclusion sociale vécue par ces personnes, en plus d'offrir des balises permettant à ceux-ci de mieux soutenir l'inclusion sociale d’adolescents TCC et de venir en aide aux familles dans cette situation difficile.
EN :
The intention of this qualitative study is to explore the way in which adolescents, their parents and professionals perceive the social inclusion of adolescents who have suffered a moderate craniocerebral trauma (CCT). Our terms of reference will be Bronfenbrenner’s ecological model (1979, 1986), as adapted by Lefebvre and Levert (2005) for use with a CCT case mix. Semi-structured interviews were carried out with brain-damaged adolescents and their parents. The results show that families’ perceptions touch on different aspects of their lives, pointing to a wide range of repercussions that may facilitate or restrict the social inclusion of an adolescent suffering from a moderate CCT. In general, professionals share these same perceptions. The results of the present study should offer health professionals a better understanding of social inclusion as experienced by these adolescents, while at the same time providing the former with guidelines allowing them to better support the social inclusion of CCT adolescents and to help families living through this difficult situation.