Comme ce titre l’indique, l’ensemble des articles rassemblés dans ce numéro permet d’examiner les relations entre la mobilité des familles et la forme urbaine plus ou moins étalée de leur milieu de vie. Les différents travaux analysent les déplacements quotidiens d’enfants, d’adolescents, de jeunes adultes, mais aussi de familles entières, en lien avec les stratégies spatiales, temporelles et parfois d’arbitrage déployées pour réaliser les trajets vers l’école, ou encore vers les lieux de magasinage, de loisirs ou la résidence secondaire. Ce sujet est particulièrement important dans le contexte où les frontières des agglomérations urbaines rejoignent dorénavant la montagne, les lacs, les terres agricoles et les milieux de villégiature et que les déplacements au sein des aires métropolitaines sont de plus en plus dépendants de l’automobile. Un demi-siècle après l’édification des premières banlieues, c’est non seulement l’habitat qui se développe ainsi à la périphérie des villes, mais aussi les pôles d’emploi, le commerce de détail et les services (Mangin, 2004 ; Desse, 2001). Si l’étalement urbain a débuté plus tôt au Canada et aux États-Unis, il n’est dorénavant plus l’apanage de la société nord-américaine. Partout le résultat est le même : la ville s’étale, se disperse, et les résidents – des quartiers plus centraux à ceux de la périphérie – se déplacent plus loin et plus rapidement en grande partie grâce à la voiture privée (Bonnet et Aubertel, 2005 ; Wiel, 2005). Le phénomène d’étalement est tel que le modèle classique de la ville opposant centre/banlieue et celui du quartier comme espace de proximité sont désormais impuissants à expliquer certaines dynamiques urbaines et patrons de mobilité. Depuis le début des années 1990, les chercheurs tentent de saisir ce nouveau modèle de la ville qu’ils peinent à nommer (Bourne, 1996, Rivière D’arc, 2001) : edge city (Garreau, 1991), ville polynucléaire (Remy et Voyé, 1992), métapole (Ascher, 1995), ville franchisée (Mangin, 2004), espace des flux (Castells, 2001) ; Choay (1999) ou Paquot (2003) parlent du « tout urbain » et Webber (1996) de l’urbain « sans lieu ni bornes »; d’autres préfèrent en énumérer les diverses déclinaisons : ville-mobile, ville-territoire, ville-nature, ville polycentrique, ville au choix et ville-vide, par exemple (Chalas, 2000). Pour mieux comprendre cette civilisation de l’automobile (Miller, 2001 ; Featherstone, 2004 ; Urry, 2004), les travaux sur la mobilité quotidienne se sont multipliés. De nombreuses analyses quantitatives, plusieurs réalisées à partir des enquêtes « Origine-Destination », examinent la mobilité des individus (Massot, 1998 ; Vandersmissen, 2006) ; d’autres, plus qualitatives, proposent des typologies de mobilité quotidienne (Daris, 2002 ; Kaufmann et al., 2001; Ramadier, 2007). Ces études sont en général centrées sur la personne dégagée de ses obligations familiales, occultant la négociation et l’arbitrage entre les besoins de déplacement de ses membres (Kaufman, 2005). Elles portent de façon dominante sur les individus, surtout les adultes mais de plus en plus sur les enfants (de Singly, 2002), les adolescents (pour une recension, voir Bachiri, 2006) ou les jeunes adultes. Dans certains cas, on s’est penché sur la mobilité des mères mais sans traiter de celles des pères (Dowling, 2000 ; Prédali, 2005). Beaucoup moins d’études se sont penchées sur l’entrecroisement au quotidien des mobilités des membres d’une même famille ; soulignons à cet effet les études de Gustafson (2001), Luxembourg et Thomann (2007) et Montulet et Hubert (2008) . On connaît aussi très mal la mobilité des familles recomposées et particulièrement celles des enfants en garde partagée (Ortar, 2005). Outre les mobilités liées au travail et aux études, on constate un manque flagrant de connaissances sur la mobilité de loisirs et de vacances, particulièrement les mobilités de week-end et …
Parties annexes
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