Introduction au numéro[Notice]

  • Carl Lacharité et
  • Anne Quéniart

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Parler du père et de la paternité est devenu une activité particulièrement fréquente dans les sociétés occidentales modernes. Elle est le fait des chercheurs et des professionnels de divers domaines tels que la santé, l’éducation, les services sociaux et la justice, des décideurs publics et des planificateurs des interventions de l’État, des médias écrits et audiovisuels et même des pères et des mères eux-mêmes. Le père est donc devenu l’objet d’une pratique discursive tout à fait sans précédent dans l’histoire de nos sociétés. En fait, on semble aujourd’hui mettre en question le père et la paternité un peu comme on a, au début du siècle précédent, mis en question la mère et la maternité : ce statut et ce rôle social sont maintenant placés sous surveillance. L’émergence de nouveaux modes de problématisation de la paternité a graduellement imposé l’apparition de trois processus sociaux distincts mais interreliés, à savoir : Quelles sont les raisons qui sous-tendent cette pratique générale de mise en question de la paternité? Quelles finalités vise-t-elle? Quelles sont les conditions qui la balisent? Être père, aujourd’hui, signifie occuper un espace social traversé par des exigences et des obligations juridiques, morales, éthiques, affectives et cognitives. Par exemple, ce n’est plus uniquement la réussite sociale des enfants qui organise les exigences et les obligations auxquelles sont confrontées les pères, c’est aussi (sinon plus) le bien-être et le développement global de chacun de ces enfants. Être père, c’est donc être en relation directe, précoce et continue avec un ou plusieurs enfants. Comment les hommes sont-ils préparés et soutenus pour mettre en oeuvre cette relation spécifique? Comment arrivent-ils à s’organiser mentalement pour entrer dans l’univers affectif et cognitif des enfants, à chaque étape de leur développement? Être père, c’est aussi être en relation avec plusieurs autres adultes ayant une responsabilité directe envers l’enfant, c’est établir des liens de partenariat avec la mère de ce dernier, son éducatrice, son enseignante, son médecin, et ainsi de suite. Pour le père ayant de jeunes enfants, il faut souligner que ces partenaires sont principalement des femmes. D’ailleurs, l’entrée de l’homme dans la paternité signifie bien souvent une entrée dans un monde de femmes. Comment l’homme négocie-t-il son rapport aux femmes de l’entourage de l’enfant? Quelles expériences et quelles connaissances a-t-il des espaces sociaux principalement occupés par des femmes et des règles du jeu qui y ont cours? Comment se fait-il connaître et reconnaître par celles-ci? Comment vit-il l’absence relative d’autres hommes dans ces espaces sociaux? Comment fait-il valoir sa contribution spécifique à l’intérieur du réseau de l’ensemble des autres personnes qui se préoccupent de son enfant? Finalement, être père c’est aussi inscrire la présence de l’enfant dans les relations qu’un homme entretient avec les autres hommes de son entourage. Comment ses relations aux hommes se transforment-elles lorsqu’il devient père? Comment son statut de père est-il (ou a-t-il la permission d’être) visible dans les divers contextes sociaux auxquels il participe en dehors de sa famille? Comment est-il soutenu dans l’exercice de son rôle paternel par les autres hommes de son entourage? Comment son projet identitaire, et en particulier la façon dont il est reconnu et authentifié par les autres hommes de son entourage, évolue-t-il avec la présence d’enfants dans sa vie? Les articles présentés dans ce numéro abordent certaines de ces questions. Le numéro est divisé en trois sections. La première section fait le point sur la paternité à partir de divers points de vue et regards. Tout d’abord, Christine Castelain-Meunier brosse l’histoire de la paternité occidentale sur les plans institutionnels, juridiques et culturels, en s’attachant plus particulièrement au cas français. Ensuite, Daniel Paquette analyse la paternité …