La transformation des organisations éducatives francophones : pourquoi, quoi et comment ?

Les organisations éducatives que sont les écoles primaires et secondaires reflètent en partie notre société. Elles évoluent aux rythmes des contextes et des personnes qui les composent, ainsi qu’au gré de leurs préoccupations, de leurs attentes et de leurs succès. Elles représentent à la fois notre passé, par les savoirs et les pratiques légués, et notre présent, notamment par les politiques et les programmes qu’elles mettent en place. Quant à notre futur, les résultats scolaires et les données probantes recueillies nous permettent d’entrevoir certains de ses défis. Mais comment s’y préparer? Comment, au regard des enjeux contemporains, transformer les organisations éducatives francophones pour les améliorer et, par ricochet, assurer la réussite éducative de toutes et tous?

Les systèmes éducatifs de partout dans le monde doivent composer avec des transformations majeures sur les plans social, économique et technologique. Ces transformations se définissent non pas comme de simples modifications d’éléments spécifiques aux organisations éducatives, mais plutôt comme un processus de réinvention de la façon dont ces dernières s’acquittent au mieux de leur mission première, dans des environnements caractérisés par la complexité généralisée (Hussenot et al., 2022; Juignet, 2015).

Ce numéro de la revue Éducation et francophonie porte sur la question de l’avenir des organisations éducatives dans le contexte actuel marqué par la complexité des défis à relever. L’objectif de cet appel à textes était de donner un aperçu de ce qui s’en vient en matière de transformations et de proposer des pistes pour s’y préparer. Cela nécessitait notamment d’interroger les politiques, programmes et pratiques qui structurent les organisations éducatives, de même que les contextes et rythmes des évolutions qui les caractérisent, mais aussi les personnes qui y sont impliquées, les résultats qu’elles génèrent et les données probantes qui en sont tirées. Force est d’admettre que les articles qui le composent répondent à notre objectif. En effet, en plus d’identifier plusieurs défis actuels et futurs liés aux transformations, ils permettent également d’en comprendre les raisons et de savoir ce qui doit être transformé pour les relever. Plusieurs articles proposent aussi des façons de soutenir les organisations dans la mise en place de ces transformations.

Douze articles théoriques et empiriques ont été retenus à la suite de l’évaluation des nombreuses propositions reçues. Ceux-ci permettent de répondre à nombre de préoccupations des actrices et acteurs de l’éducation. Ils confirment tout d’abord que des transformations profondes sont en cours dans plusieurs organisations éducatives engagées dans un processus de réinvention de leur gestion et de la façon dont elles veulent s’acquitter de leur mission. Les articles témoignent aussi de la nécessité de transformer les organisations éducatives face aux enjeux évoqués, et que celles-ci ne semblent avoir d’autres choix que de modifier, voire bonifier, leurs pratiques de gouvernance et de pilotage, un exercice périlleux à mener quand, en parallèle, on souhaite éviter leur déstabilisation (Brabant et al., 2020; Fullan, 2023).

Il est intéressant de constater que la moitié des articles qui composent le numéro ne viennent pas du Canada. Cela nous fait réaliser que si la transformation des organisations éducatives constitue un enjeu important ici, il l’est également dans plusieurs autres pays du monde francophone, et que nous aurions tout avantage à partager nos expériences et à nous concerter pour profiter des réussites des unes et des autres.

Cette diversité dans la provenance des textes nous a inspiré un ordre de présentation sur la base de leur origine géographique : d’abord ceux d’ici (Canada), puis ceux d’ailleurs (Europe, puis Afrique). Voici ce qu’ils nous apprennent.

CANADA

La stratégie de la Tape sur l’épaule (Ontario)

En rapport avec la pénurie de directions d’école, Foka et IsaBelle documentent une stratégie de présélection peu étudiée, mais utilisée depuis longtemps dans les Conseils scolaires de langue française en Ontario pour contrer la pénurie de directions d’école, soit celle de la « tape sur l’épaule ». La stratégie consiste à encourager informellement des membres du personnel enseignant à s’intéresser à un poste de direction afin qu’elles ou ils entreprennent des démarches permettant d’y accéder (Fink, 2011). Cela se déroule surtout à la suite de la reconnaissance de leurs compétences et qualités professionnelles de direction par un supérieur. Du fait des responsabilités de plus en plus grandes confiées aux directions d’école, ainsi que des défis complexes auxquels elles se confrontent à l’intérieur comme à l’extérieur de l’organisation éducative, le nombre de personnes candidates intéressées par ces postes est de plus en plus limité. Aussi, la situation de pénurie de directions scolaires observée, malgré des programmes de planification de la relève misant principalement sur de la formation, oblige à regarder comment susciter des candidatures en amont. Dans leur étude, Foka et IsaBelle explorent les avantages de la présélection informelle utilisée dans les écoles franco-ontariennes. Leurs résultats confirment l’efficacité de la stratégie pour inciter des gens à soumettre leur nom pour occuper un poste de direction d’école. Toutefois, elles attirent l’attention sur le fait que cette stratégie peut aussi constituer une entrave à l’éthique et à l’égalité d’accès à l’emploi. C’est pourquoi elles appellent à poursuivre les recherches sur celle-ci.

De la pensée systémique de gestionnaires de l’éducation (Ontario)

Inspiré des défis de l’école recensés par Lessard en 1994, le texte d’IsaBelle et Dulude part du constat que ceux-ci demeurent encore d’actualité trente ans plus tard. Leur étude vise à comprendre les défis que doivent relever les organisations éducatives, mais aussi les transformations que 10 gestionnaires de l’éducation en milieu francophone en Ontario proposent pour favoriser la réussite éducative des jeunes. Dans un premier temps, les auteures présentent les huit catégories de défis ayant émergé de l’analyse de contenu d’entretiens semi-dirigés. Parmi ceux-ci, la pénurie de personnel scolaire, et l’instabilité des directions d’école et de conseils scolaires ont été citées par neuf gestionnaires. Sachant que le Cadre de leadership de l’Ontario (2013) indique que la pensée systémique constitue l’une des ressources cognitives essentielles pour orienter les pratiques des leaders chevronnés, les auteures ont analysé les données quant aux transformations suggérées pour contrer le principal défi nommé, à partir des quatre caractéristiques de ladite pensée adaptée à un leader scolaire de Shaked et Schechter (2017, 2020).

Les résultats de l’étude montrent que, lorsque les personnes gestionnaires peuvent nommer l’origine et les parties prenantes impliquées dans le défi de la pénurie du personnel scolaire, et qu’elles sont en mesure de juger de l’importance de ce défi sur l’ensemble de l’organisation, force est d’admettre qu’elles citent principalement des sources d’influence externes capables d’agir pour contrer la pénurie du personnel, voire transformer l’organisation éducative.

Les Vox populi ou instances de participation démocratique des élèves au Québec (Québec)

L’article de Fortier-Chouinard, Lemieux et Delobbe analyse le programme d’Élections Québec Vox populi : ta démocratie à l’école!, une initiative présente dans près de 10 % des écoles francophones primaires et secondaires québécoises. L’article dresse un bref historique du programme, dont la mise en place répondait à une recommandation émise en 1998 par le Conseil supérieur de l’éducation, lequel souhaitait voir l’éducation à la citoyenneté figurer dans le curriculum scolaire québécois. Dès 2006, l’article 211.1 de la Loi sur l’instruction publique impose aux commissions scolaires, aujourd’hui les Centres de services scolaires, de se doter d’une politique d’initiation à la démocratie venant, du même coup, enrichir le rôle joué par les conseils d’élèves d’écoles secondaires, ces derniers existant depuis des années.

L’étude s’intéresse aux pratiques démocratiques adoptées par les principales actrices et principaux acteurs du programme Vox populi à travers un sondage en ligne réalisé auprès de trois groupes de personnes ayant participé au programme, soit des élèves délégués de deuxième cycle du secondaire, des responsables des instances participatives et des directions d’établissements.

L’étude révèle une perception positive de l’encadrement offert aux élèves délégués participants dont les instances participatives encouragent le développement d’un esprit critique en leur permettant d’exprimer leurs points de vue sur différents sujets tels que l’organisation d’activités et de projets, ainsi que des actions à poser pour améliorer le contexte social et environnemental à l’école. L’étude montre aussi une surreprésentation des filles dans la composition des instances participatives des écoles participantes, et ce, malgré la sous-représentation des femmes dans les institutions politiques fédérales et provinciales de manière générale. Finalement, les résultats de l’étude indiquent, en cohérence avec la revue de littérature, que le programme Vox populi permet d’atteindre plusieurs de ses objectifs d’amélioration de la démocratie participative dans les établissements scolaires, cela en dépit du fait que les personnes participantes jugent la participation de la direction d’école limitée dans le fonctionnement de l’instance.

Influence du coenseignement parent-enseignant sur le leadership de direction (Ontario)

L’article de Ruminot et Ndiaye porte sur l’influence du coenseignement parent-enseignant sur le leadership pédagogique d’une direction d’école. Les auteures montrent comment, dans un environnement éducatif en constante évolution où les organisations éducatives sont confrontées à des défis multiples, les directions d’école sont contraintes de repenser leurs façons de faire l’école. Sur le plan pédagogique, le coenseignement parent-enseignant apparaît alors comme une approche novatrice et prometteuse qui renforce l’engagement, la motivation, et le bien-être de tous les élèves. Pour améliorer la pratique enseignante et l’engagement des élèves, ainsi que celui de leurs parents (ou tuteurs, le cas échéant) en situation postpandémique, la direction d’une école secondaire franco-ontarienne a lancé en 2022-2023 un projet pilote impliquant quatre-vingts élèves, huit parents et un enseignant. À partir des données recueillies à l’occasion de ce projet, Ruminot et Ndiaye explorent l’influence du coenseignement parent-enseignant sur le leadership pédagogique d’une direction d’école, dans le but de comprendre précisément dans quelle mesure cette collaboration pourrait transformer les pratiques de leadership des directions d’école. Basées sur un modèle de recherche-développement et utilisant le journal de bord comme méthode de collecte de données, les analyses qualitatives révèlent la nécessité d’adopter un leadership pédagogique engagé et facilitateur. Ce type de leadership favorise une meilleure communication, collaboration et compréhension mutuelle au sein de la communauté éducative. L’étude aboutit à la conclusion que le coenseignement parent-enseignant possède le potentiel de renforcer le partenariat entre l’école et les familles, tout en dynamisant la vitalité de l’école francophone.

Les centres scolaires communautaires canadiens pour élargir l’espace francophone (Ontario et Nouvelle-Écosse)

Dias et Hisholm partent du constat que le monde de l’éducation en contexte francophone minoritaire fait face à des enjeux contemporains auxquels il tente de répondre en mettant à contribution des organisations éducatives ancrées dans leur milieu, à l’image des centres scolaires communautaires. En partenariat avec un organisme communautaire sans but lucratif en transition vers ce modèle de centre, elles ont étudié la manière dont ce dernier contribue à l’épanouissement de la population francophone minoritaire qu’il dessert. L’article exploite les données recueillies de quinze centres scolaires communautaires situés dans sept provinces et un territoire du Canada. À l’aide de la méthodologie de benchmarking des idées, la recherche a recensé les défis et les pratiques réussies identifiés pour illustrer les points communs et les différences que vivent ces centres. Ce résultat a permis de communiquer les constats de l’étude au partenaire communautaire, afin que ce dernier puisse évaluer et mettre en oeuvre des changements servant à améliorer sa capacité à répondre aux défis actuels et futurs, par l’entremise de son nouveau centre.

Le modèle du centre scolaire communautaire, examiné à partir d’un cadre conceptuel incluant la théorie de la vitalité linguistique, le concept de capital social et les principes de l’École communautaire citoyenne, propose des pistes prometteuses dans le but d’élargir la conception des organisations éducatives francophones actuelles vers une approche communautaire et inclusive, soucieuse de la vitalité des communautés dans l’espace francophone.

Les compétences interculturelles comme outil nécessaire à l’éducation francophone d’aujourd’hui

Avec son article, Sara Zoghbi s’intéresse aux défis que rencontre le personnel enseignant d’établissements scolaires français installés à l’étranger. En effet, formés à partir du référentiel de compétences des métiers du professorat du ministère de l’Éducation nationale français, ces enseignantes et enseignants reçoivent une formation limitée sur l’enseignement en situation interculturelle.

L’étude de Zoghbi prend appui sur la pédagogie interculturelle qui prend en compte toutes les variables culturelles susceptibles d’être rencontrées par le personnel d’éducation, et la perception interculturelle qui, elle, met l’accent sur l’élimination des hiérarchies culturelles. Elle invite ainsi à une prise de conscience des diversités et des habitudes culturelles qui influencent les interactions au sein des écoles. La chercheuse a mené une étude mixte qui analyse les défis que vivent les personnels d’éducation locaux et expatriés, et qui met l’accent sur les besoins d’adaptation des pratiques pédagogiques d’un pays francophone du Moyen-Orient.

Du traitement des réponses à son questionnaire, elle constate notamment que 30 % des 37 personnes répondantes parmi le personnel enseignant expatrié ont bénéficié d’une formation avant son départ de France, et que 32 % mentionnent avoir rencontré des situations conflictuelles dues aux différences culturelles. L’étude montre que, malgré ces défis, plus d’un tiers des personnes interrogées se sentent bien intégrées dans la société d’accueil. Toutefois, 65 % d’entre elles ressentent un certain malaise quant à leur intégration, ce qui traduit un problème d’adaptation notable. En conséquence, la chercheuse conclut sur l’importance d’offrir une formation interculturelle appropriée au personnel enseignant du système éducatif français à l’étranger.

EUROPE

Appel à une pragmatique de la rencontre en leadership scolaire (France)

Dans cet article, le sociologue Christophe Mauny s’interroge sur la possibilité d’assurer un acte productif collectif. Il voit dans le concept de rencontre un analyseur heuristique du processus de leadership. Selon lui, le leadership se caractérisant moins par les attributs de la fonction (ce qu’on lui reconnaît) que par l’activité du leader (ce qu’il fait), car maîtriser les déterminants structurels et fonctionnels de l’organisation scolaire est certes nécessaire, mais certainement pas suffisant. Et c’est justement là, en appui d’une approche pragmatique de leadership, que la rencontre vient conjuguer la cohérence et la convergence de la guidance du collectif pour garantir la stabilité et la transformation des organisations.

La proposition de Mauny explore trois entrées réflexives, soit créer les proximités, créer les synergies et structurer l’autonomie collective. L’auteur explique la manière dont ces entrées permettent respectivement de mobiliser des énergies au confluent des proximités géographique, cognitive, sociale, organisationnelle et institutionnelle, de faire vivre la rencontre en conjuguant les trois actes que sont (i) conventionner pour s’accorder, (ii) réguler les engagements et (iii) reconnaître la qualité du travail accompli. C’est ainsi, selon lui, que le leader peut assurer un acte productif collectif.

Qui impliquer pour faire évoluer les pratiques enseignantes? (Suisse)

Zappella, Meia, Carron et Gremion présentent une étape d’une recherche-action et formation menée dans le domaine de l’inclusion scolaire entre 2019 et 2023 en Suisse romande. Le texte rend compte des enseignements tirés de l’observation (ou le suivi) de cinq duos composés d’une personne enseignante titulaire et d’une personne en formation à l’enseignement. L’interaction se faisait dans la perspective de faire évoluer durablement les pratiques enseignantes et de contribuer au développement professionnel des personnes participantes. La personne titulaire demandait de l’aide pour différencier ses pratiques d’enseignement, alors que la personne étudiante devait l’accompagner dans ce domaine, en lui faisant profiter de ce qui avait été appris en formation initiale. L’article se focalise sur les motivations qui ont conduit les deux types de protagonistes à s’engager dans cette coformation, leur manière de collaborer, et l’intérêt et les apports qu’ils ont perçus en matière de développement professionnel.

L’analyse des verbatim de leurs discussions pré et post leçon différenciée révèle à la fois le potentiel du dispositif pour engager rapidement les protagonistes dans une collaboration profonde, mais également la nécessité d’impliquer d’autres personnes dans leur collaboration, notamment la direction d’établissement. Les auteurs discutent finalement du rôle des directions d’établissement dans l’accueil des personnes enseignantes novices et esquissent des pistes pour maximiser ses effets.

Une formation fondée sur l’expérience pour soutenir les directions d’école primaire françaises dans la transformation de leur organisation du travail (France/Canada)

L’article de Buffet, Dionne et Moussay porte sur la charge de travail des directions d’école primaire en France, celle-ci étant devenue de plus en plus lourde et s’inscrivant dans des environnements complexes (Hussenot et al., 2022). Après avoir souligné le peu d’études menées sur la question et constaté que la formation offerte aux directions d’école ne répondait pas à leurs besoins (Bargeton, 2021; Lemoine, 2022; Abraham et al., 2024), les auteures se sont posé la question à savoir en quoi et comment un espace d’expression de l’expérience du travail permet le développement de l’activité des directions d’école et l’organisation de leur travail. Elles ont alors conçu une intervention-recherche inspirée de l’approche culturelle et historique du développement humain (Vygotski, 1934/1997, 1931/2014) et de la théorie psychologique de l’activité (Léontiev, 1976, 1975/2021), laquelle visait à amener les directions d’école participantes à établir un rapport subjectif quant à leurs responsabilités. L’intervention-recherche s’est appuyée sur la méthode de l’instruction au sosie pour analyser l’activité de 16 directions d’école primaire françaises quant aux situations de travail avec les familles et les partenaires. Les résultats révèlent, entre autres, l’importance de la mise en place d’espaces de discussions entre pairs. Aussi, la méthode de l’instruction au sosie leur a semblé toute désignée pour soutenir les directions d’école primaire françaises dans le quotidien de l’organisation du travail.

Résilience et rétention des personnes nouvellement enseignantes dans les écoles urbaines en contexte défavorisé (Belgique)

L’article de Colignon, Marz et Van Nieuwenhoven documente les facteurs de résilience de sept personnes nouvellement enseignantes dans des écoles urbaines bruxelloises accueillant un public défavorisé dans un contexte de pénurie du personnel enseignant. Le cadre théorique de leur étude explore le lien étroit entre les concepts de résilience et d’engagement, tout en s’inspirant de l’approche basée sur les atouts. Ce cadre inscrit la résilience, pendant longtemps considérée comme une caractéristique individuelle (Beltman, 2020), dans une perspective systémique au travers de l’approche écologique du développement (Bronfenbrenner et Morris, 2007), permettant ainsi de la concevoir comme un processus collectif. Il intègre une approche basée sur les atouts (asset-based) et valorisant les forces des milieux (Garven et al., 2016).

Les résultats de l’étude indiquent le caractère dynamique de la résilience qui se développe par le biais de l’interaction de facteurs individuels et contextuels. Le premier facteur identifié réfère à un alignement des valeurs du personnel enseignant avec ceux de l’école. Le second facteur est la disponibilité et le soutien disponible à l’école pour accéder aux ressources nécessaires pour répondre aux besoins. Le troisième facteur renvoie à l’atmosphère positive et collaborative qui règne à l’école et qui offre au personnel enseignant un cadre où il se sent à l’aise de participer au changement et d’assumer des rôles sur le plan organisationnel. Finalement, le quatrième facteur aborde tout le volet du « prendre soin » des personnes nouvellement enseignantes. Les auteures concluent sur le rôle crucial que joue la direction d’école dans cette dynamique en permettant au personnel enseignant d’échanger, en se rendant disponible et à l’écoute, en façonnant une culture d’école axée sur le bien-être.

AFRIQUE

Effets des mutations des structures déconcentrées de l’éducation au Sénégal en contexte de gestion axée sur les résultats (Canada/Sénégal)

L’article de Anne, Sall et Sakho analyse les effets des mutations organisationnelles des Inspections de l’Éducation et de la Formation (IEF) au Sénégal, plus d’une décennie après l’adoption de la gestion axée sur les résultats (GAR) comme stratégie de gouvernance de l’éducation. La méthodologie retenue pour le travail, basée sur un cadre théorique inspiré du modèle de production de la performance de Van Dooren et de ses collaborateurs, comportait une analyse textuelle relative à l’organisation et au fonctionnement des IEF accomplie par des entrevues individuelles menées auprès de treize actrices et acteurs, soit un du Ministère et douze d’un échantillon de quatre IEF, en vue de recueillir leurs impressions sur les mutations organisationnelles et leurs répercussions.

Dans leur texte, les auteurs montrent comment l’environnement de ces structures intermédiaires déconcentrées a été grandement influencé par les évolutions imposées par un contexte international postbureaucratique visant l’amélioration des pratiques et de la performance, et ce, jusqu’à influencer plutôt négativement le sens que les actrices et acteurs donnaient à leurs interventions.

Hétérogénéité des tâches et des pratiques de direction d’établissements scolaires du cycle secondaire au Bénin : 15 études de cas (Canada/Bénin)

La recherche d’Alladatin et Soumanou sur les directions d’établissements d’enseignement secondaires au Bénin documente la gestion de plus en plus complexe d’écosystèmes internes et externes des organisations scolaires qui impose aux directions d’école des responsabilités plus exigeantes. Afin de mieux comprendre cesdites responsabilités, les chercheurs ont analysé les tâches de 15 directions d’établissements d’enseignement secondaire au Bénin.

Adoptant une démarche méthodologique originale combinant l’observation directe (shadowing) et l’entretien d’autoconfrontation simple, l’analyse des données recueillies révèle que si les directions d’école vivent une grande fragmentation de leur travail entre diverses tâches de gestion (liées aux ressources, administratives, pédagogiques et liées aux relations avec la communauté), celles relatives aux tâches administratives accaparent la plus grande part de leur temps et de leur énergie, reléguant au second plan leurs autres tâches de direction.

Les chercheurs en appellent à une transformation de l’organisation scolaire au Bénin pour soutenir les directions d’école. Ils proposent, in fine, la professionnalisation de la fonction, la mise en place d’une formation initiale universitaire obligatoire en gestion scolaire et la constitution d’équipes administratives bien formées pour soutenir la direction d’école.

EN GUISE DE CONCLUSION

L’avenir des organisations éducatives repose sur leur capacité à répondre aux défis actuels tout en anticipant les besoins futurs. C’est en s’engageant résolument dans des transformations axées sur l’innovation, l’inclusion et l’équité qu’elles peuvent devenir des moteurs de réussite éducative pour toutes et tous. Les différentes contributions de ce numéro nous l’illustrent en présentant plusieurs initiatives prometteuses et inspirantes développées à travers le monde francophone, et à partir de la voix de plusieurs actrices et acteurs de l’éducation.

Mais cette ambition de transformation visant à garantir un système éducatif à la fois performant et équitable exige des efforts concertés de la part non seulement des personnels enseignants, des professionnels et des directions d’écoles, mais aussi des gouvernements, des familles et des communautés. Dans un précédent numéro de la revue Éducation et francophonie qui portait sur le leadership éducatif et la gouvernance des systèmes éducatifs (2018), Pelletier concluait en ces termes : « Somme toute, s’il peut y avoir des “pratiques inspirantes”, diriger en éducation n’a pas de modèle unitaire de copier-coller de ce qu’il faut faire; c’est d’abord un apprentissage sur soi, un engagement de soi à l’égard des autres et pour les autres, suivant chaque contexte donné » (p. 7). Plus de six ans plus tard, force est de constater que les organisations éducatives francophones sont plus que jamais appelées à s’ajuster face aux nombreux défis actuels et futurs que représente une gestion qui serait, par exemple, plus éthique, plus équitable et plus performante (Fullan, 2023; Gravelle et Bissonnette, 2018; St-Vincent et al., 2017); axée sur le bonheur et le bien-être (Al Alam, 2020; Jackson et Bingham, 2018; Marsollier, 2017); imprégnée des valeurs de vérité, de réconciliation et d’inclusion (Côté, 2021; Deschênes et Pelletier, 2021; Lavoie et al., 2021); collaborative entre les différentes parties prenantes (FNCSF, 2012); respectueuse de l’environnement et du développement durable (UNESCO, 2017); sensible à l’écoanxiété qui se manifeste de plus en plus chez les élèves, les membres du personnel et la population en général (Desmarais et al., 2022); efficace devant les différentes expressions de la violence (Barrett DeWiele, 2021; Bowen et al., 2018; Michalon-Brodeur et al. 2018); plus sensible à la langue française et qui respecte la pluralité de ses personnes locutrices (Bélanger et Dulude, 2020; Dalley et Tcheumtchoua Nzali, 2022; Gérin-Lajoie, 2018); ou encore une gestion qui tient compte des enjeux éthiques de l’utilisation de l’intelligence artificielle (Collin et Marceau, 2021). Ce ne sont là que quelques défis et enjeux que la pandémie de COVID-19 n’aura certainement pas atténués.

Heureusement, cette collaboration existe entre les différents acteurs de l’éducation pour mener des recherches sur des pistes de solutions, conditions sine qua none pour identifier des actions bénéfiques pour la réussite des élèves, a fortiori pour atteindre l’école communautaire citoyenne (Martineau Vachon, 2018). Mais, au-delà de cet élément porteur d’espoir, on peut encore se demander si les transformations actuelles et futures de nos organisations éducatives permettront à ces dernières de devenir le vaisseau amiral de notre société. Gageons que oui, et travaillons-y.