Résumés
Résumé
Cet article analyse les expériences de 13 personnes noires occupant des postes de direction et d’enseignement dans des écoles publiques de Montréal. Il vise à comprendre comment la condition de minoritaire influence la carrière enseignante, un domaine où les minorités racisées sont sous-représentées malgré les politiques éducatives ciblant depuis plusieurs décennies l’objectif d’une meilleure représentation de la diversité dans les différents corps d’emploi du monde scolaire. La méthodologie repose sur des entretiens réalisés de février à juillet 2020, période marquée par la pandémie de COVID-19 et la mort de George Floyd. Ces évènements semblent avoir accentué la sensibilité des personnes participantes aux injustices et au racisme dans leur milieu professionnel.
Les témoignages mettent en lumière les défis rencontrés par ces professionnels, notamment le dilemme entre rester fidèle à soi-même ou se conformer aux normes établies. L’article s’appuie sur les théories critiques du racisme pour explorer les stratégies adoptées par ces personnes face aux relations de pouvoir teintées de questions raciales, contribuant ainsi à une meilleure compréhension des obstacles et éventuellement des facteurs d’attraction et de rétention pour les minorités racisées dans l’enseignement.
Abstract
This article analyzes the experiences of 13 Black teachers and principals working in Montreal public schools. It aims to understand how minority status influences teaching careers, a field in which racialized minorities are underrepresented despite educational policies that for several decades have aimed for better representation of diversity in all education employment categories. The methodology is based on interviews conducted from February to July 2020, a period marked by the COVID-19 pandemic and the death of George Floyd. These events seem to have heightened the sensitivity of participants to injustices and racism in their professional environment.
The testimonials highlight challenges these professionals face, including the dilemma of being true to oneself or conforming to established standards. The article draws on critical races theories to explore strategies these individuals adopt when dealing with power relations affected by racial issues, thus contributing to a better understanding of barriers and factors influencing the attraction and retention of racialized minorities to the education field.
Resumen
Este artículo analiza las experiencias de 13 personas negras que desempeñan puestos de dirección y de enseñanza en escuelas públicas de Montreal. Tiene por objetivo entender cómo la condición minoritaria influye en la carrera docente, un área donde las minorías racializadas están insuficientemente representadas pese a las políticas educativas focalizadas desde hace varias décadas en el objetivo de una mejor representación de la diversidad en las distintas profesiones del mundo escolar.
La metodología se apoya en entrevistas realizadas de febrero a julio del 2020, periodo marcado por la pandemia de COVID-19 y la muerte de George Floyd. Estos eventos parecen haber acentuado la sensibilidad de las personas participantes a las injusticias y al racismo en su entorno profesional.
Los testimonios sacan a la luz los retos encontrados por estos profesionales, principalmente el dilema entre ser fiel a uno mismo o conformarse a las normas establecidas. El artículo se apoya en las teorías críticas del racismo para explorar las estrategias adoptadas por estas personas frente a las relaciones de poder impregnadas de asuntos raciales, contribuyendo de esta forma a una mejor comprensión de los obstáculos y al final de los factores de atracción y de retención para las minorías racializadas en la enseñanza.
Corps de l’article
CONTEXTE
La plupart des recherches canadiennes et québécoises qui se sont intéressées à l’expérience des membres du personnel scolaire de minorités racisées[1] se sont surtout attardées sur les enjeux et défis d’insertion professionnelle de personnes enseignantes issues de l’immigration récente/formées à l’étranger (Duchesne, 2018; Niyubahwe et al., 2018). Or, plusieurs membres du personnel issus de minorités sont nés ou sont établis au pays depuis plusieurs décennies (y ayant suivi leur formation scolaire et professionnelle en tout ou en partie). Ils retiennent moins l’attention, mais les défis qu’ils rencontrent n’en sont pas moins importants et ceux-ci peuvent plus difficilement être attribués à la « méconnaissance du système », ou au « décalage entre culture d’origine et culture d’accueil » comme c’est le cas pour leurs pairs d’immigration récente. Il y a déjà presque trois décennies, Henry (1995) notait, au sujet des femmes noires enseignantes au Canada, qu’elles sont « sans voix et leurs luttes invisibles ». La situation semble avoir peu changé depuis. Au Québec, notamment, aucune étude à notre connaissance ne s’est penchée spécifiquement sur les expériences du personnel noir à l’école, bien que des travaux signalent occasionnellement certaines situations de racisme qui les touchent plus particulièrement (ainsi que les personnes perçues comme arabes ou musulmanes) (Larochelle-Audet, 2019; Niyubahwe et al., 2018). En ouvrant une fenêtre sur le quotidien d’une dizaine de personnes noires occupant des postes de direction et d’enseignement dans des écoles montréalaises, cet article contribue à rendre audible leur voix au Québec. Il offre une perspective inédite sur les défis spécifiques que ce sous-groupe peut rencontrer et les manières dont il les relève, contribuant ainsi à une meilleure compréhension de leur réalité.
Ce qu’on sait des expériences du personnel noir ou racisé dans les écoles au Canada et ailleurs
Bien que peu nombreuses, les recherches sur les expériences du personnel noir ou racisé en enseignement au Canada (Henry, 1998 1995; Johnson, 2016; Ryan et al., 2007; Santoro, 2015; Tavares, 2013) rejoignent sensiblement les conclusions des recherches, plus répandues, menées aux États-Unis (Amos, 2010; Bristol, 2018; Gist, 2017; Pizzaro et Kohli, 2020; Montecinos, 2004) et dans d’autres contextes en Europe (Johnson, 2017; Schmidt et Schneider, 2016).
Ces dernières font état des défis et obstacles qui jalonnent la trajectoire des acteurs durant la formation et dans le milieu de travail. Aux États-Unis, par exemple, les études soulignent que les candidats à la profession enseignante déclarent souvent se sentir réduits au silence, invisibilisés et marginalisés dans les programmes de formation (Amos, 2010; Gist, 2017; Montecinos, 2004; Pizzaro et Kohli 2020). De manière similaire, ils se sentent isolés dans les milieux de travail. Le taux d’insatisfaction au travail et les départs de la profession sont nettement plus élevés parmi les enseignants de minorités racisées (et notamment parmi les Noirs) par rapport à leurs collègues blancs, et jusqu’à 50 % des premiers abandonneraient la profession enseignante dans les cinq premières années (Achinstein et al., 2010; Darling-Hammond, 1997; Ingersoll, 2002). Selon Ryan et al. (2007), le taux d’attrition du personnel enseignant racisé au Québec et au Canada ne serait pas aussi élevé qu’aux États-Unis; cependant, cette attrition est bien réelle et serait une conséquence de lacunes institutionnelles, de pratiques scolaires inéquitables et de mécanismes discriminatoires à l’embauche. La proportion de membres de minorités occupant des postes de direction en milieu scolaire semble encore plus faible que celle des enseignants (Peters, 2012; Weiner et al., 2021). Weiner et al. (2021) soulignent qu’aux États-Unis les femmes noires en particulier sont sous-représentées dans ces postes.
Cet article présente l’expérience de treize personnes noires, cheffes d’établissement (2) et enseignantes (11) dans des écoles primaires et secondaires publiques à Montréal. Ces données ont émergé des discussions menées avec ces acteurs et actrices au cours d’une recherche qui portait sur l’expérience scolaire d’élèves d’origine haïtienne au secondaire (Lafortune et al., 2018-2020). Afin d’analyser ces données émergentes, nous avons été amenées à considérer les apports des théories critiques sur le racisme et le concept de « racial battle fatigue ». Dans les sections qui suivent, nous présentons les grandes lignes de ce cadre théorique et conceptuel. Nous poursuivons ensuite, avec quelques précisions méthodologiques, les principaux résultats, leur analyse et une brève discussion conclusive qui dégage certaines recommandations et pistes de recherche à approfondir.
L’examen des récits à la lumière des théories critiques et du concept de « Racial Battle Fatigue »
Le postulat clé des théories critiques sur le racisme réside dans l’affirmation que ce dernier, loin d’être une pratique historique dépassée, est ordinaire, systémique et affecte quotidiennement la réalité de nombreuses personnes racisées (Dei, 1997; Delgado et Stefanic, 1993). Le racisme est un phénomène multidimensionnel, un ensemble de pratiques et d’effets de systèmes discriminatoires interreliés touchant des groupes minoritaires, définis en termes « raciaux » ou ethniques (Henry et Tator, 2009).
Selon les théories critiques, dans le domaine de l’éducation, le racisme – qui s’articule étroitement avec les rapports de classe et de genre – traverse l’expérience des élèves et des enseignants racisés, et il est central dans la structuration des inégalités qui les touchent. Il s’actualise dans les lois et politiques scolaires, la construction des connaissances, les discours, les processus (Dumas et Ross, 2016; Ladson-Billings et Tate, 1995; Ledesma et Calderon, 2015; Solorzano, 1997). Face à un discours dominant qui dénie l’expérience du racisme et réduit au silence les personnes qui vivent l’oppression, les théories critiques proposent de produire des contrerécits en leur redonnant la voix et en apprenant d’elles comment le racisme opère dans les institutions et comment elles y résistent (Delgado, 1995).
Se penchant sur les expériences de personnes noires dans un environnement majoritairement blanc, Smith (2004) a mis en évidence le concept de « racial battle fatigue ». Pour l’auteur, cette fatigue ou cet épuisement dans la lutte contre le racisme résulte de la pression physiologique et psychologique exercée sur les groupes racialement marginalisés, et de la somme d’énergie mobilisée pour faire face aux microagressions raciales et au racisme (Smith, 2004; Smith et al., 2007). Il existe des recoupements entre le concept de « racial battle fatigue » et le terme de charge raciale qui rend compte aussi de ce poids invisible que portent des personnes minoritaires, de cette pression psychologique qu’ils vivent dans des contextes où ils sont exposés au racisme (Bagaoui, 2020; Soumahoro, 2020). Smith (2004) souligne que les acteurs et actrices exposés à (ou anticipant) de tels contextes sont susceptibles de développer différents symptômes physiques et psychologiques incluant des maux de tête, de dos et d’estomac; de l’hypertension artérielle; une extrême fatigue; de l’anxiété; des problèmes de sommeil; la perte de confiance en soi et dans les autres; et le retrait social. D’autres études (Okello et al., 2020; Pizzaro et Kholi, 2020; Smith et al., 2011) ont montré que les symptômes peuvent aussi inclure l’hypervigilance, l’hypervisibilité ou l’hyperinvisibilité, l’autocensure, la remise en question de soi et de sa valeur, l’abandon des objectifs personnels, l’adoption des paradigme/pratiques/normes/règles/rôles dominants, le déni du racisme et de ses répercussions sur soi, la colère et sa répression, l’impuissance, le désespoir et la dépression. Nous verrons plus loin comment ce concept se manifeste dans les récits d’enseignantes, d’enseignants et de directrices d’établissement présentés dans l’article, et offre une lentille appropriée pour analyser leurs expériences.
MÉTHODOLOGIE
Nous avons déjà signalé que les données présentées dans cet article ont été collectées au cours d’une recherche plus large portant sur l’expérience scolaire d’élèves d’origine haïtienne (Lafortune et al., 2028-2020). À la suite de la collecte de données auprès des jeunes et de leurs parents, des professionnels de l’éducation, membres de la même communauté que ces élèves, étaient invités à partager leur perception : 1) des défis généraux que rencontrent les familles; 2) des facteurs de persévérance et de réussite des élèves; 3) des effets de genre sur le parcours scolaire des jeunes et les éléments qui les expliquent; 4) des enjeux de discrimination et de racisme dans le milieu scolaire et la manière dont ils affectent (différemment ou non) les filles et les garçons d’origine haïtienne; 5) des pistes pour favoriser une meilleure persévérance et réussite éducative des élèves. En tout début d’entretien, nous avons invité les personnes interviewées à se présenter et à nous parler brièvement de ce qui les a conduites à la profession enseignante. Ce dernier point prendra finalement plus de place dans le récit, ainsi que la question du racisme en milieu scolaire touchant les professionnels. Ce sont ces données que nous présentons dans le présent article.
La collecte de données a été réalisée entre février et juillet 2020, d’abord en présentiel (un entretien) puis par vidéoconférence en raison de la crise pandémique de la COVID-19. Tous les entretiens, d’une durée de 1 heure 15 minutes à 2 heures 20 minutes, ont été enregistrés puis retranscrits intégralement. En vue de l’analyse thématique des données présentées dans cet article, nous avons procédé à un codage manuel de celles-ci à partir, notamment, des catégories du cadre conceptuel présenté dans la section précédente incluant l’entrée dans la profession (choix de carrière, formation, débuts) et les défis du métier (ex. : enseigner en milieu défavorisé, susciter le gout d’apprendre chez les élèves); l’influence du contexte de crise (COVID-19, mort de George Floyd); la condition de minoritaire (influence de l’identité noire : préjugés, solitude, pression, racisme, fatigue). Ces axes d’analyse guideront la présentation des résultats et leur discussion dans la section qui suit.
Le tableau ci-dessous esquisse le profil des personnes participantes et participants. Celles-ci travaillent dans des écoles publiques à Montréal. Lorsqu’elles ne sont pas titulaires de classe, elles enseignent des disciplines variées.
Nous concluons cette section avec quelques mots sur la posture de recherche des deux auteures de l’article. Elles-mêmes noires, elles partagent certains vécus des personnes participantes à divers degrés. La chercheuse principale et première auteure (d’origine haïtienne), ayant mené les entretiens, a souvent été prise à témoin par des participantes (ex. : « Tu sais de quoi je parle… », « Tu comprends, tu as vécu ça toi aussi n’est-ce pas? », « Qu’aurais-tu fait? »).
Tout en maintenant une distance nécessaire pour être à leur écoute et les suivre sur leurs propres sentiers sans trop interférer, elle a légitimé son ressenti d’être affectée par les témoignages reçus. La deuxième auteure a participé à la problématisation de l’objet d’étude et à l’analyse des données. Cependant, elle aussi, du fait de ses recherches antérieures, se reconnait parfaitement dans le ressenti dont témoigne la première auteure. Les deux adhèrent en ce sens à la posture de Jay (2009) et Benjamin et al. (2019), reconnaissant que le point de vue du chercheur est situé et par conséquent teinté par ses expériences, quelle que soit sa posture épistémologique.
RÉSULTATS
L’entrée dans la profession enseignante et les défis
En réponse à l’invitation de se présenter et d’évoquer les circonstances les ayant conduites à l’enseignement, environ la moitié des personnes participantes – notamment nées ou socialisées au Québec – relatent que l’enseignement n’était pas leur premier choix de carrière. Certaines y avaient pensé jeunes, mais ont été orientées par leurs parents vers des secteurs perçus comme plus stables et rentables (génie, santé). D’autres ayant des proches dans le domaine ont été inspirées à le rejoindre dès le départ (Jacques, Jasmine, Nathalie). Pour la plupart des personnes participantes, l’enseignement devient un moyen de « changer les choses », de faire une différence dans la vie des jeunes (Griffin et Tackie, 2017; Henry 1995, 1998; Tavares, 2013). Elles expriment leur passion pour leur travail, malgré des conditions d’exercice du métier jugées de plus en plus exigeantes et complexes (ex. : augmentation du nombre d’élèves à besoins particuliers, situations de défavorisation, détresse psychologique des élèves, défis liés à la transmission du gout du savoir et de l’étude). Plusieurs étendent leur engagement au-delà des murs de l’école, contribuant bénévolement dans la communauté, via l’organisation et l’animation d’activités parascolaires (Jean-Pierre, Evelyne), le tutorat ou l’aide aux devoirs (Jacques, Karine, Jasmine, Lucas, Evelyne) ou la participation à des comités de citoyens (Lucas, Evelyne).
L’influence du contexte de crise pandémique de COVID-19 et de la mort de George Floyd
La pandémie a bousculé les pratiques de plusieurs personnes participantes, les incitant à explorer d’autres moyens de joindre les élèves et les familles (téléphones, visites à domicile, réseaux sociaux). Spontanément, certaines vont aussi parler du profilage racial en faisant allusion à la mort de George Floyd et à la violence ciblée envers les minorités et plus particulièrement envers les jeunes (garçons) noirs. Des enseignantes et enseignants du secondaire notamment (Karine, Nathalie, Lucas) soulignent l’urgence de combattre les dynamiques d’exclusion en milieu scolaire dont elles et ils sont témoins.
Il y a quelque chose qui s’est allumé en moi. […] Je ne veux plus laisser passer sous silence des injustices que je vois […]; je ne vais pas tourner ma tête de l’autre côté pour dire : « Bof, c’est une blague. » Ce n’est pas qu’une blague, ça perpétue des préjugés qui ne sont pas corrects. (Karine)
Ce sursaut entrainé par le contexte de pandémie de COVID-19 et la mort de George Floyd semble aussi avoir provoqué une prise de conscience accrue de leur condition de minoritaire dans le milieu scolaire. Pour Karine et Jasmine, l’entretien a d’ailleurs offert une plateforme pour de se faire entendre, semblable à d’autres initiatives auxquelles elles ont contribué ou participé (marches publiques, pétitions, vidéos de sensibilisation, groupes de soutien en ligne).
Les récits des personnes participantes mettent en évidence des situations, liées à leur condition de minoritaire, que nous avons regroupées en cinq catégories : leur sentiment d’hypervisibilité et par ailleurs d’invisibilité dans l’espace scolaire, l’exigence d’impeccabilité, le poids des demandes et des attentes parfois discordantes, la violence des dynamiques racistes, la solitude et la fatigue.
La condition de minoritaire au quotidien
Entre hypervisibilité et invisibilité
La plupart des personnes participantes nées (6/7) ou ayant grandi au Québec (2/3) rapportent avoir été très souvent la seule personne noire de leur environnement (quartier, écoles, collège, université). Évoquant des expériences parfois traumatisantes de peur (ne pas pouvoir aller au parc à cause des skinheads), de solitude et de rejet vécues durant leur enfance et adolescence, elles estiment que ces vécus leur permettent de mieux comprendre et de soutenir les élèves racisés (Henry, 1995; Johnson, 2017). Cette expérience d’être la seule personne noire se prolonge dans le milieu professionnel pour quatre participantes (Jasmine, Nathalie, Magda, Gabrielle), qui relatent leur sentiment d’hypervisibilité et tantôt d’invisibilité à l’école. Hypervisibles, elles ont l’impression de ne pas être à leur place et de détonner dans l’espace scolaire, et elles ressentent une incertitude sur la manière d’agir ou de répondre. Jasmine explique en ce sens :
Pendant longtemps, et jusqu’à récemment, j’essayais de ne pas trop parler de moi. Parce que je voulais plus leur montrer que c’est, peut-être, être québécois qui est plus intéressant. […] Je surveillais le ton de ma voix. J’essayais de ne pas trop m’avancer, de faire attention à ce je dis. (Jasmine)
Claude, au Québec depuis dix ans et enseignant depuis cinq ans, privilégie aussi la discrétion pour éviter de « faire de vagues ». Pizzaro et Kohli (2020) signalent cette retenue chez des personnes enseignantes afro-américaines qui se sentent contraintes de modérer leur discours (éviter certains sujets, choisir les « bons » mots, adopter le « bon ton de voix ») afin de ne pas heurter la majorité. Au fil du temps, toutefois, certains et certaines s’affirment davantage et osent exprimer leurs différences (Jean-Pierre, Lucas, Magda, Evelyne et Gabrielle). Jasmine semble résumer l’état d’esprit de plusieurs en soulignant que l’enjeu est finalement « d’être soi-même ou de s’ajuster au cadre ».
L’affirmation de soi permet également de contrer l’invisibilité ressentie lorsque leurs apports (valeurs, héritages, points de vue, réalisations, compétences leadeurship, statut) sont ignorés ou dévalorisés. Faisant écho aux témoignages recueillis par Jay (2009), Evelyne, Gabrielle, Jean-Pierre et Magda rapportent des attitudes et propos de collègues et de parents remettant en cause leurs compétences, légitimité et autorité.
Des fois c’est des propos de certains parents : « C’est pas une Noire qui va venir me dire quoi faire avec mes enfants », ou « C’est pas une Haïtienne qui va venir me dire quoi faire avec mes enfants. » Ou ça va être comme : « Je préfère parler avec une autre direction. » […] Ou s’ils arrivent et voient l’adjointe qui est là, ils vont se retourner vers l’adjointe, parce qu’on prend pour acquis que c’est elle la directrice. […] pour moi, tous ces propos-là, ce sont des cicatrices que je garde. Tu me rappelles d’où je viens, les enjeux que j’ai devant moi, mais qui ne m’empêchent pas d’avancer. (Gabrielle)
L’exigence d’impeccabilité
L’Hypervisibilité/l’invisibilité s’accompagne aussi d’une hypervigilance et d’une exigence d’impeccabilité face aux soupçons, exprimés ou non, concernant leurs capacités (Jay, 2009; Johnson, 2017; Rollock, 2021). Il s’agit d’être « impeccable » (Magda), de « faire son affaire vraiment top notch » (Jean-Pierre), « parler un bon français, être sûre de ne pas faire d’erreurs, faire attention à son écrit, ne pas faire de fautes d’orthographe pour pas qu’on dise que cette prof noire-là ne sait pas écrire » (Jasmine). On constate aussi que cette exigence d’impeccabilité conduit certaines participantes à décliner des responsabilités, ayant anticipé ou redoutant la pression psychologique qu’elles engendreront. Ce faisant, elles restreignent du même coup leurs perspectives de développement professionnel.
On demandait toujours qui voudrait être responsable d’école… C’est pas un poste en soi, mais c’est dans ce sens que si jamais la direction n’est pas là… Puis j’ai toujours évité de faire ça parce que… hum, j’avais toujours peur que, si jamais il arrive quelque chose… Je ne le verbalisais pas, mais je me disais à l’intérieur, ils vont dire : « C’est l’Haïtienne, c’est la prof noire qui l’a fait. » Donc, j’avais toujours cette… cette hésitation. Je veux dire, je ne veux pas me mettre dans une position où… (Jasmine)
Les demandes et attentes discordantes
Les personnes participantes font en outre l’objet de diverses attentes et sollicitations débordant leurs tâches professionnelles strictes : intervenir en qualité de personne médiatrice auprès d’élèves racisés ou assurer leur prise en charge sans y être formellement tenue, servir de porte-parole pour l’école auprès des familles noires/racisées, assumer la responsabilité des initiatives relatives à « la diversité ». Elles acceptent volontiers d’endosser ces rôles, tout en reconnaissant la charge de travail supplémentaire induite. Santoro (2015) évoque ce « poids » pour des personnes enseignantes minoritaires de porter souvent seules la responsabilité des activités liées à la diversité dans leur milieu, sans soutien ni temps additionnel, tandis que d’autres se démettent de cette charge, aspirant à rester « just a normal teacher ». De même, l’attribution du rôle de « modèles » ethniques aux personnes minoritaires peut servir de prétexte à l’institution pour se dédouaner de ces obligations. Il convient de rappeler en ce sens que si les personnes enseignantes noires/racisées peuvent jouer un rôle significatif auprès des élèves, le fait d’être une personne noire/minoritaire ne garantit pas l’efficacité ou la supériorité de l’intervention pas plus que celui d’être blanc ne justifie l’inaction ou ne cautionne l’inaptitude (dans Jay, 2009).
Les attentes et demandes peuvent aussi être discordantes, incitant les acteurs et actrices à s’engager auprès des élèves et des familles, tout en leur recommandant de « ne pas en faire trop » (Evelyne), de « ne pas être trop proche » (Magda) (Griffin et Tackie, 2017; Pizzaro et Kohli, 2020). Evelyne, Nathalie et Magda rapportent que leur proximité avec des élèves suscite soupçon et agacement dans leur milieu professionnel respectif. Quant à Jean-Pierre, il sera finalement poussé à la porte au terme de l’année scolaire, entre autres, semblerait-il, pour ses prises de position en faveur des élèves.
La violence des dynamiques racistes
Douze des treize personnes participantes ont affirmé avoir été victimes et/ou témoins de racisme dans leur milieu. Ce racisme tantôt insidieux, tantôt violent, se manifeste de diverses manières (croyances, discours, attitudes, comportements, pratiques et modes de fonctionnement) de la part de la hiérarchie, des collègues, des parents d’élèves de la majorité et des minorités, et des élèves eux-mêmes. Les personnes participantes mentionnent notamment des procédures de recrutement ou de promotion perçues comme injustes qui nuisent à l’avancement professionnel de personnes racisées (Carole, Magda, Evelyne) (Pizzaro et Kohli, 2020), des commentaires déplacés ou du harcèlement de collègues (Lucas, Magda), des actes et des propos explicitement racistes de parents ou d’élèves (Jean-Pierre, Gabrielle).
Ça a commencé [par] une histoire avec un collègue et ça a dégénéré… pendant deux ans. […] C’était des remarques, des commentaires désagréables tout le temps… des fois c’était sur ce que je portais, sur mon physique, sur ce que je pouvais ou ne pouvais pas faire. […] J’ai porté plainte et j’ai eu gain de cause, mais ça n’a pas été facile. J’en parle et aujourd’hui encore, c’est comme une blessure… (Magda)
Selon les personnes interviewées, les incidents ciblant les élèves noirs/racisés et leurs parents sont bien plus fréquents que ceux visant le personnel. Ils et elles citent notamment la suspicion qui pèse sur les élèves noirs en cas d’infractions disciplinaires et la tolérance zéro à leur égard (11/13 des personnes participantes), le manque d’intérêt, le mépris et les préjugés exprimés ouvertement par certains membres du personnel à leur endroit dans les couloirs de l’établissement ou dans le salon du personnel, des orientations disproportionnées en classes spéciales, et les insultes et les propos dégradants rapportés par les élèves. Claude (5 ans d’expérience) est l’unique participant à n’avoir relevé aucune expérience de racisme, ni en tant que victime ni en tant que témoin. Cela dit, il ajoutera plus loin dans l’entrevue :
On est une minorité, il faut faire plus d’efforts que les autres. Juste ton nom [le sien a une consonance étrangère] est un obstacle parfois […]. Moi, il n’y a rien qui peut m’affecter. Je me dis que quand une porte se ferme, il y en a une autre qui s’ouvre. J’essaie toujours de prendre du recul pour analyser la situation. Je vais juste aller ailleurs si ça ne marche pas.
Ryan et al. (2007) notent que les personnes qui viennent d’arriver dans un nouveau pays, pleines d’espoir, adoptent souvent cette attitude optimiste et évitent d’évoquer les barrières du monde du travail auxquelles certaines minorités sont confrontées.
La fatigue et la solitude
Toutes ces situations (hypervisibilité/invisibilité, hypervigilance, exigence d’impeccabilité, attentes et demandes discordantes, cumul de microagressions) et l’énergie déployée pour y faire face contribuent à la fatigue des personnes participantes (Jay, 2009; Pizzaro et Kohli, 2020; Smith 2004). Cette fatigue est exacerbée pour ceux et celles qui la vivent dans la solitude, en tant que seules personnes professionnelles noires dans leur milieu, et qui ne peuvent compter sur le soutien d’autres collègues racisés ou alliés (particulièrement au primaire où la diversité ethnique et de genre est moindre) (Bristol, 2018). Deux enseignantes (Jasmine et Magda), dont l’une a traversé une longue période de dépression, et une directrice d’école (Gabrielle) témoignent avec beaucoup d’émotion de la lourdeur du quotidien.
Un autre facteur susceptible d’accentuer la fatigue est le déni ou la minimisation des microagressions et de leurs effets. Tout au long de leur récit, cinq personnes participantes (Jasmine, Jean-Pierre, Carole, Magda, Gabrielle) remettent épisodiquement en question la légitimité ou la vigueur de leurs ressentis. Ils et elles tendent à individualiser certaines manifestations du racisme et, jugeant leurs réactions démesurées, s’attribuent dès lors la responsabilité de « travailler sur soi » pour se contenir, en affichant ce masque dont parlent Okello et al. (2020) qui leur permet de jouer le jeu de l’intégration et de « continuer à vivre et à pousser » (Okello et al., 2020, p. 428). Mais par ailleurs, cette nécessité de continuer à vivre et à pousser se heurte (Magda et Gabrielle) à la perception que, malgré les efforts et les luttes, les changements sont incertains dans un horizon proche et le racisme gagne même du terrain au lieu d’en perdre. Alors, la fatigue, couplée à un certain découragement, s’amplifie. La majorité des personnes participantes est néanmoins plus optimiste, percevant que la société bouge et voyant dans la jeune génération, quelle que soit son origine, une ouverture et une sensibilité accrues aux enjeux du racisme – et par conséquent les germes du changement.
DISCUSSION
L’objectif de l’article était de partager et d’analyser les expériences de membres du personnel noir en enseignement et dans des postes de direction dans le milieu scolaire québécois. Nous voulions attirer l’attention sur les défis quotidiens et persistants auxquels ils sont confrontés, au-delà de l’étape initiale de l’insertion professionnelle qui capte généralement le plus l’intérêt. Les théories critiques et le concept de « racial battle fatigue » éclairent leurs récits et mettent en lumière la centralité de la « race » dans leurs expériences. Les personnes interviewées exercent leur profession avec enthousiasme et l’envisagent comme une « mission auprès des jeunes » (Henry, 1995) et une manière de « redonner à la communauté ». Cela dit, leurs expériences, d’abord et avant tout marquées par leur condition de personnes noires et de minoritaires, sont teintées d’un fort sentiment d’hypervisibilité et d’invisibilité, d’une exigence d’impeccabilité, de pressions supplémentaires liées à leur rôle de modèles et d’intermédiaires auprès des élèves et des familles, de violences racistes. Ces situations correspondent aux réalités décrites par les tenants des théories critiques relativement aux expériences des minorités dans des espaces majoritairement blancs (Dumas et Ross, 2016; Ladson-Billings et Tate, 1995; Ledesma et Calderon, 2015; Solorzano, 1997). Nous avons attiré l’attention sur le fait que les expériences des acteurs et actrices sont particulièrement difficiles dans les contextes où ils sont les seules personnes noires, et surtout au niveau primaire qui est moins diversifié que le secondaire (Bristol, 2018). Les dynamiques d’exclusion, de marginalisation et de violences racistes dont les personnes participantes sont témoins, et qui touchent les élèves au niveau primaire, semblent aussi davantage les affecter, du fait que les enfants de cet âge sont plus vulnérables et ne sont pas en mesure de se défendre ni de vraiment reconnaitre ce qu’ils et elles vivent (Lafortune et al., 2020-2025). Les conditions d’exercice du métier semblent aussi particulièrement difficiles pour l’une des cheffes d’établissement rencontrées (Gabrielle) qui ne dispose d’aucun réseau de soutien formel (comme le personnel enseignant) ni d’espace de parole où partager son vécu (Griffin et Tackie, 2017). La « charge raciale » entraine une fatigue importante chez plusieurs personnes participantes (Smith, 2004) qui la nomment explicitement. Cette fatigue est insidieuse et sous-estimée par d’autres (Pazzaro et Kholi 2020) qui n’en prennent que graduellement la mesure.
Les personnes participantes recourent majoritairement à des stratégies individuelles pour vivre leur condition de minoritaire au quotidien, tout en s’appuyant sur des ressources collectives. Les stratégies individuelles consistent ordinairement à fournir plus d’efforts pour se montrer « irréprochable », à se surveiller, à montrer qu’on fait ce qu’il faut pour s’intégrer. Dans des circonstances précises, pour désamorcer ou dénoncer une situation oppressive, l’acteur ou l’actrice va utiliser l’humour et le sarcasme (Evelyne, Gabrielle, Salim), confronter l’autre (Jacques, Jean-Pierre, Lucas), porter plainte, démissionner, se réorienter professionnellement/changer de milieu de travail (Magda). À cet égard, les postures et stratégies sont variables d’un individu à l’autre et chez le même individu. Ils et elles ne sont ni dans une posture constamment victimisante/dénonciatrice et défaitiste, ni, non plus, dans une résilience à toute épreuve. Selon les circonstances, leurs analyses de la situation et leurs ressources, les personnes interviewées font le choix de faire silence ou de se faire entendre, de suspendre leurs actions ou de les maintenir.
La communauté, incluant les lieux de culte les associations communautaires, offre un soutien crucial à la majorité (10/12). Des travaux réalisés aux États-Unis (dans Okello et al., 2020; French et al., 2020) ont mis en évidence l’importance de l’appui de la communauté pour faire face à un enjeu systémique comme le racisme. Les personnes participantes que nous avons rencontrées y trouvent non seulement un lieu d’engagement pour donner plus de sens à leurs expériences, mais aussi un espace de soutien et d’entraide. La famille et les réseaux de pairs (association de professionnels racisés, groupes Facebook) sont aussi des espaces de soutien.
CONCLUSION
Nous tenons à rappeler que les données présentées dans ce texte ont émergé librement du discours des personnes participantes, sans sollicitation préalable des chercheuses. Ces données ont émergé dans un contexte global marqué par la crise pandémique de COVID-19 et les mouvements de dénonciation des injustices raciales à la suite de l’assassinat de l’Afro-Américain George Floyd. Leur richesse constitue la force principale de cet article.
En matière de recommandations, il nous semble primordial de soutenir et de favoriser le développement des réseaux de soutien que mobilisent déjà certaines personnes participantes. Il est nécessaire et urgent également de sensibiliser les décideurs de l’organisation scolaire (centre de services scolaire, ministère de l’Éducation), les syndicats du personnel enseignant et de direction d’école ainsi que les différents acteurs du milieu scolaire aux expériences partagées par les personnes participantes (p. ex. : par le biais de formation, d’ateliers d’échanges, de capsules vidéos visant à rendre visibles ces expériences). Ils pourront ainsi soutenir l’agentivité du personnel racisé en vue non seulement de survivre, mais de s’épanouir dans leur milieu professionnel. Ces efforts contribueraient aussi à un meilleur climat de travail pour toutes et tous, et permettraient de mieux soutenir l’expérience scolaire des élèves. Les expériences positives du personnel racisé diffusées au sein des communautés pourraient par ailleurs permettre d’attirer et de retenir plus de membres de minorités dans la profession enseignante.
En terminant, il est impératif de poursuivre les recherches sur les expériences du personnel enseignant/de direction des minorités racisées (noires, arabes, asiatiques, latinos). Ces recherches manquent au Québec et au Canada. La collecte et la diffusion de données quantitatives (statistiques) sur ces populations, réclamées depuis plusieurs années (Gérin et al., 2003; Ryan et al., 2007), permettraient de réaliser un portrait exhaustif de leur situation (présence, profils, attrition, etc.) dans les milieux scolaires, ce qui pourrait permettre de guider les politiques et stratégies de recrutement, de formation et de rétention. Par ailleurs, des travaux qualitatifs approfondis permettraient de mieux comprendre les réalités, les besoins, les ressources et les stratégies de ces professionnelles et professionnels (qui peuvent être similaires ou différentes selon les groupes ou les contextes). Dans la même perspective, une attention particulière devrait être accordée aux expériences d’autres professionnelles et professionnels de minorités racisées intervenant dans les écoles (psychoéducateurs, travailleurs sociaux, etc.). La formation initiale et continue dans le domaine de l’éducation devrait aussi accorder davantage de place aux enjeux de diversité sociale et ethnoculturelle dans les milieux scolaires, en mettant notamment l’accent sur les questions de discrimination et de racisme.
Parties annexes
Note
-
[1]
L’expression « personne racisée » désigne une « personne appartenant, de manière réelle ou supposée, à un des groupes ayant subi un processus de racisation, c’est-à-dire un processus politique, social et mental d’altérisation » (Ligue des droits et libertés). Le terme racisé met en évidence le caractère socialement construit des différences et de leur essentialisation. Il met l’accent sur le fait que la race n’est ni objective, ni biologique, mais qu’elle est une idée construite qui sert à représenter, catégoriser et exclure l’« Autre ».
Bibliographie
- Achinstein, B., Ogawa, R. T., Sexton, D. et Freitas, C. (2010). Retaining teachers of color: A pressing problem and a potential strategy for “hard-to-staff” schools. Review of educational research, 80(1), 71-107.
- Amos, Y. T. (2010). “They don’t want to get it!” Interaction between minority and White pre-service teachers in a multicultural education class. Multicultural Education, 17(4), 31-37.
- Bagaoui, R. (2020). La charge raciale et la diversité ethnoculturelle. Radio-Canada : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1282296/charge-raciale-discrimination-racisme-diversite-ethnoculturelle-capsule-connais-ton-voisin
- Benjamin, C., Cosaque, C. C. et Lapointe, D. (2019). La positionnalité et la recherche critique : diversité de construction d’un même objet et émergence de la critique. Perspectives critiques et analyse territoriale. Presses de l’Université du Québec.
- Bristol, T. J. (2018). To be alone or in a group: An exploration into how the school-based experiences differ for Black male teachers across one urban school district. Urban Education, 53(3), 334-354.
- Darling-Hammond, L. (1997). Doing what matters most: Investing in quality teaching. https://files.eric.ed.gov/fulltext/ED415183.pdf.
- Dei, G. J. S. (1997). Beware of false dichotomies: Revisiting the idea of “Black-focused” schools in Canadian contexts. Journal of Canadian Studies, 31(4), 58-79.
- Delgado, R. (1995). The Rodrigo chronicles: Conversations about America and race. NYU Press.
- Delgado, R. et Stefancic, J. (1993). Critical Race Theory: An Annotated Bibliography. Virginia Law Review, 79(2) 461-516.
- Duchesne, C. (2018). Langue, culture et identité : défis et enjeux de l’intégration professionnelle des enseignants d’immigration récente en contexte francophone minoritaire. Alterstice, 8(2), 13-24.
- Dumas, M. J. et Ross, K. M. (2016). “Be real black for me” imagining BlackCrit in education. Urban Education, 51(4), 415-442
- French, B. H., Lewis, J. A., Mosley, D. V., Adames, H. Y., Chavez-Dueñas, N. Y., Chen, G. A., et Neville, H. A. (2020). Toward a psychological framework of radical healing in communities of color. The Counseling Psychologist, 48(1), 14-46.
- Gérin-Lajoie, D. et Demers, S. (2003). La diversité ethnique et raciale au sein du personnel enseignant des écoles minoritaires de langue française en Ontario. Dans H. Duchesne (dir.). Recherches en éducation francophone en milieu minoritaire : regards croisés sur une réalité mouvante (205-223). Presses universitaires de Saint-Boniface. https://ustboniface.ca/reefmm/file/09Gerin-Lajoie.pdf
- Gist, C. D. (2017). Voices of aspiring teachers of color: Unraveling the double bind in teacher education. Urban Education, 52, 927-956.
- Griffin, A., et Tackie, H. (2017). Through our eyes: Perspectives from black teachers. Phi Delta Kappan, 98(5), 36-40.
- Henry, A. (1995). Growing up Black, female, and working class: A teacher's narrative. Anthropology & Education Quarterly, 26(3), 279-305.
- Henry, A. (1998). Taking back control: African Canadian women teachers' lives and practice. https://books.google.ca/books?hl=fr&lr=&id=Fa_Gfc0JAo8C&oi=fnd&pg=PP11&dq=african+canadian+women+teachers+lives&ots=CLhGhbXFuH&sig=bzQgCLy8nwU8XtnSM8waoPTmmMc&redir_esc=y#v=onepage&q=african%20canadian%20women%20teachers%20lives&f=false
- Henry, F., et Tator, C. (2009). Racism in the Canadian university. Toronto: University of Toronto Press.
- Ingersoll, R. M. (2002). The teacher shortage: A case of wrong diagnosis and wrong prescription. NASSP bulletin, 86(631), 16-31.
- Jay, M. (2009). Race‐ing through the school day: African American educators' experiences with race and racism in schools. International Journal of Qualitative Studies in Education, 22(6), 671-685.
- Johnson, L. (2016). Boundary spanners and advocacy leaders: Black educators and race equality work in Toronto and London, 1968-1995. Leadership and Policy in Schools, 15(1), 91-115.
- Johnson, L. (2017). The Lives and Identities of UK Black and South Asian Head Teachers: Metaphors of Leadership. Educational Management Administration & Leadership, 45(5), 842-862
- Ladson-Billings et Tate, W. F. (1995). Toward a critical race theory of education. Teachers college record,97(1), 47-68
- Lafortune, G., Kanouté, F., Plante, I (2018-2020). Subvention CRSH-Développement savoir : Exploration des effets croisés du contexte d’acculturation et du genre sur l’expérience scolaire de jeunes d’origine haïtienne au secondaire.
- Larochelle-Audet, J. (2019). Organisation et re-production des rapports de domination dans les distributions dissymétriques du travail enseignant : une enquête du point de vue d’enseignant· es de groupes racisés [thèse de doctorat, Université de Montréal].
- Ledesma, M. C. et Calderón, D. (2015). Critical race theory in education: A review of past literature and a look to the future. Qualitative Inquiry, 21(3), 206-222.
- Montecinos, C. (2004). Paradoxes in multicultural teacher education research: Students of color positioned as objects while ignored as subjects. International Journal of Qualitative Studies in Education, 17, 167-181.
- Niyubahwe, A., Mukamurera, J. et Sirois, G. (2018). Comment les enseignants immigrants formés à l’étranger vivent-ils les relations interpersonnelles et professionnelles à leur entrée dans le milieu scolaire québécois? Alterstice, 8(2), 25-36.
- Okello, W. K., Quaye, S. J., Allen, C., Carter, K. D. et Karikari, S. N. (2020). “We Wear the Mask” : Self-Definition as an Approach to Healing from Racial Battle Fatigue. Journal of College Student Development, 61(4), 422-438.
- Peters, A. L. (2012). Leading through the challenge of change: African-American women principals on small school reform. International Journal of Qualitative Studies inEducation,25(1), 23-38.
- Pizarro, M. et Kohli, R. (2020). “I stopped sleeping” : Teachers of color and the impact of racial battle fatigue. Urban Education, 55(7), 967-991.
- Ryan, J., Pollock, K. et Antonelli, F. (2007). Teacher and administrator diversity in Canada: Leaky pipes lines, bottlenecks and glass ceilings. In annual conference of the Canadian Society for the Study of Education, Saskatoon, SK.
- Rollock, N. (2021). “I would have become wallpaper had racism had its way”: Black female professors, racial battle fatigue, and strategies for surviving higher education. Peabody Journal of Education, 96(2), 206-217.
- Santoro, N. (2015). The Drive to Diversify the Teaching Profession: Narrow Assumptions, Hidden Complexities. Race, Ethnicity and Education, 18(6), 858-876.
- Solorzano, D. G. (1997). Images and words that wound: Critical race theory, racial stereotyping, and teacher education. Teacher education quarterly, 5-19.
- Soumahoro, M. (2020). Le triangle et l'hexagone: réflexions sur une identité noire. La Découverte.
- Schmidt, C. et Schneider, J. (dir.). (2016). Diversifying the teaching force in transnational contexts: Critical perspectives. Springer.
- Smith, W. A. (2004). Black faculty coping with racial battle fatigue: The campus racial climate in a post-civil rights era. A long way to go: Conversations about race by African American faculty and graduate students, 14(5), 171-190.
- Smith, W. A., Hung, M. et Franklin, J. D. (2011). Racial battle fatigue and the miseducation of Black men: Racial microaggressions, societal problems, and environmental stress. Journal of Negro Education, 80(1), 63-82.
- Smith, W. A., Allen, W. R. et Danley, L. L. (2007). “Assume the position... you fit the description” psychosocial experiences and racial battle fatigue among African American male college students. American Behavioral Scientist, 51(4), 551-578.
- Tavares, K. A. (2013). Disrupting the discourse: Canadian Black women teachers in the lives of marginalized students [thèse de doctorat : York University]. https://yorkspace.library.yorku.ca/server/api/core/bitstreams/e9ec2dfc-015f-4b7e-b82d-7cca640bdd4c/content
- Weiner, J. M., Cyr, D., et Burton, L. J. (2021). Microaggressions in administrator preparation programs: How black female participants experienced discussions of identity, discrimination, and leadership. Journal of research on leadership education, 16(1), 3-29.