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MISE EN CONTEXTE

La diversité : un enjeu prioritaire

Au Canada comme ailleurs, le respect et la valorisation de la diversité constituent des enjeux qui prennent de plus en plus d’importance, comme en témoignent la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (Meyer-Bisch, 2008) ou le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies. Nous constatons que la diversification de nos sociétés entraine d’ailleurs plusieurs organisations à se doter d’un plan bien structuré en matière d’équité, de diversité et d’inclusion (Deschênes et al., 2023), et que nombreux sont les établissements scolaires qui emboitent le pas vers une organisation plus inclusive des services offerts aux personnes apprenantes (Larochelle-Audet et al., 2022). De plus, plusieurs personnes se disant issues de la diversité et leurs alliés s’unissent, se mobilisent et transmettent des messages d’ouverture et de solidarité dans l’espace public afin que les droits de tous et toutes soient respectés (on peut par exemple penser au mouvement Idle No More ou aux nombreuses Marches des Fiertés). Si nous sommes nombreux à réclamer des politiques, des écoles, des institutions, des communautés, des services de santé et des médias plus inclusifs et équitables, c’est parce que les histoires de marginalisation et de discrimination se vivent encore chaque jour. Qu’il s’agisse d’équité en termes de recherche d’emploi pour les femmes musulmanes portant des signes religieux (Beaudoin, 2014), d’accès aux soins de santé sans discrimination pour les femmes autochtones (Collège des médecins du Québec, 2023; Halseth, 2013), ou de recherche de logement pour les individus dont le nom laisse transparaitre une origine ethnique ou culturelle différente du groupe majoritaire (Goyer, 2017), ces histoires nous font croire que les avenues pour améliorer l’inclusion des personnes issues de la diversité dans notre société sont nombreuses.

En tant que membres du RÉVERBÈRE, nous en faisons le constat parce que nous nous intéressons à ces questions, parce que nous voulons contribuer à transformer le monde. De notre position privilégiée, il nous arrive parfois d’être confrontés à ces phénomènes, de les vivre ou d’en être témoins. Que ces expériences soudaines bouleversent, choquent, découragent, paralysent ou mobilisent, nous réalisons alors de l’intérieur et de manière plus sensible toute l’insécurité et la souffrance qui se vivent dans nos propres milieux et communautés.

Dans les prochaines lignes, nous donnerons la parole à de jeunes adultes qui en ont beaucoup à dire sur le chemin qu’il reste à parcourir. Nous espérons que lire leurs propos vous inspirera à poser des actions afin de rendre nos milieux éducatifs plus inclusifs, plus ouverts à une diversité de personnes apprenantes. Les plumes qui composent notre équipe d’autrices et d’auteurs insuffleront un sens authentique et vibrant au terme diversité et lui donneront vie à partir de leurs couleurs et leurs expériences multiples. Issus de trois provinces différentes, ces jeunes ont accepté de participer et de témoigner dans le cadre du Séminaire sur la diversité à l’école organisé par le RÉVERBÈRE à l’automne 2023.

Un séminaire pour repenser l’ouverture à la diversité dans nos écoles

Ce séminaire se voulait un lieu d’échanges entre chercheurs et chercheuses universitaires, acteurs et actrices des milieux scolaires et communautaires ainsi que jeunes qui incarnent cette diversité. Ayant pour objectif de faire de la diversité un objet de réflexion et de dialogue, les discussions étaient éclairées par les connaissances issues de la recherche et par les préoccupations des acteurs et actrices de l’éducation. Plus encore, cette édition du séminaire souhaitait mettre de l’avant la voix des jeunes apprenantes et apprenants, cette dernière étant nécessaire pour entendre leurs points de vue sur les défis qui se vivent à l’école dans la prise en compte de la diversité et les stratégies qu’ils estiment pertinentes pour améliorer le système éducatif.

Cet article résulte donc de deux journées de réflexions et d’échanges sur le thème de la diversité à l’école, journées au cours desquelles les participants et participantes ont cherché des réponses à trois grandes questions : (1) Qu’est-ce que la diversité à l’école? (2) Comment cette diversité est-elle prise en compte? (3) Comment pourrait-on améliorer la prise en compte de la diversité dans nos écoles?

Pour la planification de ces journées, nous nous sommes basées sur des pratiques qui favorisent l’inclusion d’une diversité de personnes apprenantes, telles que la conception universelle de l’apprentissage (Bergeron et al., 2019), la différenciation pédagogique (Paré et Prud’homme, 2014) et la gestion inclusive de la classe (Gaudreau, 2017), tout en prenant soin de laisser une ouverture aux participants et participantes afin que les sujets qui leur tiennent à coeur soient au centre des réflexions.

Les participantes et participants ont débuté le séminaire par un jeu de rôle dans lequel ils ont pu réfléchir aux privilèges de divers individus dans les institutions de nos sociétés et à l’absence de privilèges pour une variété d’individus marginalisés, à divers degrés. Ils ont ensuite réfléchi collectivement à partir de mots-clés aux concepts de diversité, d’inclusion, d’équité et de marginalisation. De façon individuelle et par écrit, nous leur avons ensuite proposé de tenter de répondre à la question « Qu’est-ce que la diversité à l’école? » et de définir en quoi, par leurs expériences personnelles, ils sont devenus au fil du temps experts et expertes de la diversité. Par l’échange et la discussion en sous-groupes, les participants et participantes ont ensuite été amenés à faire ressortir les bons coups en termes de pratiques favorisant l’inclusion et le bien-être de tous et toutes dans nos écoles et les changements qu’ils souhaiteraient y voir. Plus tard, nous les avons invités à utiliser d’autres formes d’expression pour réagir à la diversité et à ses enjeux. Par une activité guidée par une illustratrice de profession et une autre animée par des coachs d’improvisation, les jeunes ont poursuivi leur réflexion sur le thème de la diversité en ayant comme point d’ancrage cette fois un vécu plus personnel et en utilisant les émotions et l’expression corporelle.

Dans le cadre du séminaire, les jeunes ont également pu entendre les préoccupations et les recommandations de jeunes Québécois et Québécoises à l’issue de la Grande Consultation Jeunesse 2023, événement rassemblant plus de 150 jeunes, et exposer leur point de vue à un membre de la Coalition Interjeunes sur ces recommandations.

Les jeunes adultes auteurs et autrices de cet article ont conclu leur participation au séminaire par une présentation en tant qu’experts et expertes jeunesse des enjeux prioritaires selon eux, à tous les membres du RÉVERBÈRE (chercheurs et chercheuses, acteurs et actrices des milieux scolaires et communautaires) présents lors du séminaire. À leur choix, cette présentation a pris la forme d’un balado diffusé en direct (photo 1) avec une période de questions et d’échanges avec le public.

Figure 1

Photo du Balado diffusé en direct

Photo du Balado diffusé en direct

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Coécrit par 10 jeunes, cet article vise à transmettre la voix de ces jeunes issus de la diversité afin qu’ils puissent être entendus et qu’ils aient la possibilité de collaborer à la recherche de solutions aux problèmes qui les concernent.

NOTICES BIOGRAPHIQUES DES AUTEURS ET AUTRICES DE L’ARTICLE

Maeve Allena Bennett

Impliquée dans sa communauté en Nouvelle-Écosse, Maeve aime apprendre de nouvelles choses. Au fil de son parcours, elle a développé une expertise sur l’intersectionnalité, riche de 20 ans d’expériences et de réflexions. Elle désire améliorer l’expérience scolaire des jeunes.

Sara Nemer Gonzalez

Sara habite à Halifax, mais est originaire du Mexique. En plus d’étudier en administration des affaires, elle s’intéresse à la photographie, à la vidéo et aime le contact avec la nature. Elle souhaite participer à la réflexion collective pour enrichir ses connaissances et apporter son expérience.

Anna-Belle Hébert

Anna-Belle aime la vie, tout simplement. Elle croit fortement que l’engagement peut changer les choses et c’est pourquoi elle souhaite partager son cheminement personnel et ses expériences.

Dominique Noël Kouawoua

Dominique aime la danse, les voyages et rencontrer de nouvelles personnes. Par son expérience, elle souhaite contribuer à la recherche sur la question de la diversité à l’école.

Kibangou Bryan Kervin Mouangassa

Amateur de photographie et aimant réfléchir aux enjeux sociaux, Bryan considère que chacun et chacune est unique et fait donc partie de la diversité. Ainsi, la question de la diversité à l’école l’interpelle et nourrit sa curiosité.

Françoise Muaka

Françoise est étudiante en dernière année au baccalauréat en administration des affaires à l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse. Ses expériences en milieux universitaire et scolaire l’ont amenée à développer une expertise sur la question de la diversité.

Yaël Orsot

Étudiant en sciences politiques à l’Université d’Alberta, Yaël est membre actif d’une communauté francophone minoritaire. Les questions de différences sociales l’interpellent particulièrement.

Delon Petiquay

Les intérêts de Delon comprennent la musique et les voyages, mais avant tout la famille. L’étudiant originaire de Wemotaci et habitant à Trois-Rivières depuis neuf ans est devenu expert en adaptation de tous genres.

Sylvia Petiquay

Originaire de Wemontaci, Sylvia habite maintenant Trois-Rivières. Ses intérêts comprennent les sports, l’artisanat et la nature. Elle possède une longue expérience des réalités autochtones et souhaite contribuer à changer le système en mieux pour sa communauté.

Jimmy Sciacca

Jimmy aime les arts, la nature et l’humain. Expert de l’ouverture d’esprit et de la recherche de compréhension de l’autre, il a envie que la société change pour que toutes et tous soient respectés.

Figure 2

Photo des auteurs et autrices de l’article lors du Séminaire sur la diversité à l’école

Photo des auteurs et autrices de l’article lors du Séminaire sur la diversité à l’école

Sur la photo, dans l’ordre de gauche à droite : Eve-Marie Gélinas, Françoise Muaka, Dominique Noël Kouawoua, Yaël Orsot, Kibangou Bryan Kervin Mouangassa, Maeve Allena Bennett, Sara Nemer Gonzalez, Anna-Belle Hébert, Jimmy Sciacca, Sylvia Petiquay et Delon Petiquay.

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DIVERSITÉ À L’ÉCOLE : TÉMOIGNAGES ET PERSPECTIVES DES JEUNES POUR UNE ÉCOLE INCLUSIVE

Qu’est-ce que la diversité pour nous ?

La diversité à l’école est un sujet qui inclut divers enjeux. Une question préliminaire qu’il faut se poser est celle de la définition de la diversité. Qui fait partie de la diversité? Qu’est-ce qu’elle induit? Suis-je vraiment différent ou différente? La diversité, c’est incorporer un grand nombre de différences, quelles qu’elles soient, dans un contexte social. Prendre en considération la diversité est le fait de tenir compte des besoins, des valeurs, des attentes des personnes afin de faire régner l’égalité dans une école, dans une communauté. La diversité consiste à respecter les nombreuses différences : culturelles, religieuses, morales, de genre, d’orientation sexuelle, de capacité physique, etc. S’intéresser à la diversité, c’est aussi s’intéresser aux différentes origines ethniques, celles d’ailleurs dans le monde, comme celles des allochtones et des diverses nations autochtones du Canada. Il importe donc de s’intéresser à la diversité qui se vit partout dans la société. Bref, s’intéresser à la diversité, c’est construire une société plus inclusive.

La diversité est un prisme à travers lequel nous pouvons observer et appréhender la complexité du monde qui nous entoure. Elle incarne les multiples façons dont les individus et leurs expériences se croisent et interagissent au sein de nos sociétés. Cette richesse d'existences et de perspectives est essentielle à l'enrichissement mutuel et au progrès collectif. La diversité n’est pas un simple état ou une condition, c'est un processus dynamique et évolutif, un processus par lequel une société ou un groupe de personnes ajuste ses modes de vie actuels pour accueillir et intégrer des personnes issues de divers horizons et conditions. « La diversité, c’est en quelque sorte les différentes identités et expériences de chaque personne apprenante. C’est le sac à dos invisible que chacun amène en classe et qui influence l’apprentissage et toute la vie scolaire. »

On est parfois porté à penser que la diversité représente la situation d’une minorité d’individus dans notre société. Toutefois, en prenant un pas de recul, on peut rapidement se rendre compte que nous sommes toutes et tous, d’une façon ou d’une autre, différents. De plus, nous croyons que le sens même du mot diversité, tel que traité dans cet article, existe en grande partie parce que les gens issus des groupes minoritaires ne sont pas suffisamment impliqués, reconnus et inclus dans la société. Nous insistons :

Suis-je vraiment différent ou différente? Oui il y a la couleur de la peau, la culture, les croyances... Ok. Mais à l’école? Je suis là comme les autres! Comme les autres, j’ai besoin d’apprendre. Comme les autres, j’ai besoin d’acquérir des notions de base pour pouvoir faire quelque chose demain. Compter, écrire, apprendre à s’exprimer, analyser, penser de façon critique... Comme les autres, je suis ici pour apprendre. On a tous et toutes le droit d’apprendre. Je le sais, je suis différent ou différente. Mais on l’est tous et toutes.

Penser à une école inclusive, c’est parler de diversité, d’inclusion, d’équité, mais aussi de marginalisation. Des mots lourds de sens qui peuvent signifier plusieurs choses. Voici ce que ces mots veulent dire pour nous :

Figure 3

Diversité, équité, inclusion et marginalisation

Diversité, équité, inclusion et marginalisation

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Quels sont les défis actuels dans la prise en compte de la diversité à l’école?

La diversité peut parfois se diluer dans le quotidien et être perçue comme une idée théorique plutôt qu'une réalité concrète à gérer et à améliorer continuellement. Cela met en évidence l'importance de concevoir la diversité comme un processus en constante évolution. Parfois les établissements d’enseignement n’arrivent pas à répondre adéquatement aux besoins relatifs à l'inclusion, transformant potentiellement l'institution en un espace de différenciation plutôt qu'en un lieu d'intégration pour tous et toutes, en particulier pour les personnes racisées ou autres groupes minoritaires. Une prise en charge insuffisante de la diversité peut mener à une intégration lacunaire et difficile pour les individus concernés. Cela peut non seulement affecter leur expérience et leur succès académique, mais aussi limiter les opportunités d'apprentissage et de croissance pour la communauté dans son ensemble.

En tant que personnes apprenantes, les exemples de défis dont nous avons été témoins ou que nous avons vécus dans la prise en compte de la diversité sont nombreux. On vit toutes sortes de choses dans nos vies, parfois des évènements [qui ne sont] pas faciles. On ne sent pas toujours une compréhension de la part des membres du personnel éducatif qui s’attendent à ce qu’on fonctionne dans le cadre comme si tout était normal. Parfois, on sent des jugements sur nous ou on a l’impression qu’ils nous perçoivent d’une façon négative. C’est comme s’ils ne voient qu’une partie de ce que nous sommes. Ou encore, on sent parfois qu’ils pensent qu’on n’est pas capable ou qu’on n’a pas le potentiel. « On devrait sentir, comme apprenant ou apprenante, que l’école est là pour nous, [et] non pas contre nous. Ces situations peuvent briser le lien de confiance que nous avons envers l’école. »

En effet, on constate que les préjugés et les inégalités sont encore bien présents à l’école. Précisons que les préjugés peuvent aussi venir des pairs. On se souvient du cas d’un élève immigrant qui a été systématiquement exclu et ostracisé par ses pairs en raison de son accent et de ses différences culturelles. Malgré ses efforts pour s’intégrer, il a été victime de moqueries et de commentaires désobligeants, ce qui a eu des répercussions sur son bien-être émotionnel et son expérience scolaire.

Il faut donc faire attention de ne pas marginaliser des individus ou des sous-groupes. Tu rentres à l’école au primaire, t’es tout neuf à l’école, et déjà on divise les élèves en groupes au lieu de tous les mettre ensemble. Ça fait une hiérarchie entre les élèves, comme si certains étaient meilleurs que d’autres.

La hiérarchie, c’est aussi celle entre le personnel éducatif et nous, les élèves. Sur le terrain, certains membres du personnel éducatif exercent un pouvoir ou veulent prendre un pouvoir. Par le passé, parfois on s’est fait punir ou on s’est fait refuser des choses qui étaient essentielles pour nous. On s’est parfois même fait refuser l’accès à du matériel adapté ou à des mesures d’adaptation alors que nous y avions droit. Nos droits devraient être respectés, sans que nous ayons à lutter pour qu’ils le soient.

En somme, les défis de la prise en compte de la diversité sont nombreux et variés, englobant l'accès aux ressources, l'inclusion des personnes étudiantes immigrantes, des parents étudiants, des personnes appartenant à la communauté 2SLGBTQIA+ ainsi que des personnes neurodivergentes. Chacun de ces défis requiert une réponse spécifique (à la question de la diversité) et adaptée, soulignant la nécessité d'une approche holistique (qui prend en compte tous les types de diversités) et inclusive dans la gestion de la diversité au sein des établissements d’enseignement.

QUELLES ACTIONS CONCRÈTES PEUVENT AMÉLIORER LA PRISE EN COMPTE DE LA DIVERSITÉ À L’ÉCOLE?

La reconnaissance du besoin d'être plus accueillant, accueillante et inclusif, inclusive est le point de départ essentiel de toute démarche en faveur de la diversité. La prise en compte de la diversité doit permettre à tous et à toutes, quelles que soient leurs conditions ou leurs origines, de s'orienter et de réussir dans le système éducatif. La diversité demande de développer de nouveaux repères et de comprendre qu’il faut s’adapter. Même si on sent une belle évolution dans la société, il y a encore beaucoup à faire. À l’école, la diversité a besoin d’être repensée pour être prise en compte. Il ne suffit pas de mettre en place certaines accommodations, il faut redéfinir ce qui tombe sur le parapluie du normal. Il faut s’engager. Voici quelques pistes.

Sur le plan organisationnel

Il serait important de mieux former le personnel des écoles et aussi de façon continue, jusqu’à la retraite. Pas juste aux trois ans! On évolue tout le temps et le monde évolue, il faut que le personnel éducatif soit à jour. Beaucoup d’enseignantes ou d’enseignants ont besoin de revisiter leurs visions des choses, leur ouverture et leur état d’esprit. Travailler leurs préjugés et éviter de reproduire les stéréotypes. Ils doivent être confortables avec la diversité. « Si nous les jeunes, nous espérons avoir une bonne éducation et une école plus ouverte à la diversité, alors il faut que les adultes s’éduquent! »

Plusieurs thématiques sont possibles, par exemple les identités et les orientations sexuelles, les religions, la drogue, etc. Ça prend de l’ouverture!

Il y a beaucoup de personnes intervenantes et de personnes enseignantes qui sont bienveillantes, mais c’est important de leur offrir de bonnes conditions de travail pour que ces personnes puissent faire ce qu’elles veulent faire. Il faut que leur travail et leur implication soient reconnus. Elles doivent être assez payées et avoir de bonnes conditions. Il faut aussi s’occuper d’elles et leur offrir du soutien quand elles vivent des choses difficiles. Il y en a beaucoup qui font ça par passion, mais on a l’impression que les meilleures personnes lâchent parce qu’on ne les soutient pas assez.

Parfois on a l’impression que l’argent est mal dépensé. Quand on veut améliorer notre école, quand on veut du matériel ou quand on veut faire des activités, on reçoit des refus. Par contre, on voit que certains groupes, eux, on leur offre de belles activités. Certains programmes ont droit à beaucoup plus. Ça crée un sentiment d’injustice. C’est aussi eux qui reçoivent plus d’attention. Il faut valoriser tous les groupes sociaux, pas juste les plus performants.

On fait beaucoup d’efforts pour avoir une éducation et avoir une bonne vie. On doit souvent travailler en plus d’aller à l’école pour subvenir à nos besoins. Ce n’est pas toujours facile de faire les deux en même temps. Les programmes de subvention pour nous aider ne sont pas adaptés et pas suffisants. Il faudrait réellement mettre la lumière sur ces défis, car ça nous rend encore plus vulnérables. Il faut des politiques d’aide financière qui favorisent la diversité et l’équité dans le milieu scolaire.

Sur le plan des attitudes et de la pédagogie

Une école plus inclusive dépend beaucoup des intervenants et intervenantes, des professeurs et professeures, des surveillants et surveillantes, etc. Tous ces membres du personnel éducatif ont le pouvoir d’affecter des vies, ce n’est pas rien! On sait qu’ils ont choisi ce métier et qu’il y a une raison. Ces gens se lèvent le matin pour nous. On sait qu’ils veulent bien faire, ils sont gentils généralement. On comprend aussi qu’ils ont leurs propres problèmes. Ils font des erreurs parfois. C’est souvent de l’ignorance. Ce n’est pas grave de faire des erreurs, on pense par contre que l'important c'est d’être capable de les reconnaitre et de s’excuser si c’est nécessaire.

Il faut aussi diversifier les façons d’apprendre et d’enseigner en classe. Ça peut être au niveau des outils, par exemple utiliser des livres numérisés et des ordinateurs fonctionnels. Nous souhaitons que le personnel enseignant diversifie ses façons d’enseigner, que ce soit par la mise en place de travaux interactifs, de projets pédagogiques, de lectures variées ou de présentations. Nous aimerions également que les outils technologiques soient plus exploités, comme les sites web conçus pour l’apprentissage. Il faut aussi bien sûr mettre en place les mesures d’accommodement. Le faire, c’est démontrer une volonté d'adaptation aux besoins individuels pour égaliser les chances de succès. Parfois on n'est pas toujours à l’aise d’aller voir les profs individuellement pour de l'aide en classe, on ne veut pas être ciblé. Donc, quand les profs font des ateliers en sous-groupes sur des aspects particuliers, ça aide.

Accepter et prendre en compte la diversité, c’est [de faire] plus de travaux et d’activités où on parle des différences dans la société, par exemple aborder le thème des personnes trans. Comment peut-on s’entendre si l’on ne se connait pas? Si l’on n’est pas informé? Il faut mettre en valeur la diversité à travers des activités concrètes. D’ailleurs, le matériel ou les livres sont parfois désuets et ils partagent des informations qui sont fausses ou qui véhiculent des préjugés. Mais ça va dans les deux sens : si on veut que le personnel éducatif s’améliore et change, il faut aussi que les élèves s’améliorent. Les élèves devraient également avoir des activités de formation pour qu’ils comprennent bien la diversité. Tout le monde doit s’éduquer et essayer de devenir un meilleur humain. Si c’est ce qu’on demande au personnel éducatif, il faut se le demander à nous en tant que personne apprenante. Il faut qu’on s’élève en même temps. Puisque les thématiques de la diversité sont assez générales, ça peut rentrer dans plein de matières, comme en français ou en histoire. Ça peut se faire en créant des associations d’apprenants et d’apprenantes sur la diversité. Bref, il faut mettre en place une culture d’inclusion par des programmes d’éducation à la diversité qui enseignent aux acteurs et actrices de l'éducation et aux élèves.

C’est important de rappeler qu’il y a encore beaucoup d’intimidation qui se vit à l'école. C’est problématique. Parfois on a l’impression que les victimes d’intimidation vivent plus de conséquences que les personnes qui intimident. Les personnes qui intimident devraient avoir des conséquences qui mènent à un arrêt de la situation. Elles devraient comprendre que ce n’est pas accepté à l’école. On a l’impression que les interventions actuelles ne permettent pas que la violence, les menaces et l’expression de préjugés arrêtent. On a toutes et tous le droit à l'éducation, au respect, à la vie. D’ailleurs, il importe de mettre en place des ateliers qui permettent de bien comprendre nos droits. Il faut donc mettre en place des mécanismes pour surveiller et résoudre les incidents de discrimination, pour inciter à dénoncer, fournir un soutien aux victimes et prendre des mesures disciplinaires contre les auteurs ou autrices de discrimination.

Il faut également plus de services pour les élèves à l’école. Il faut plus de personnes professionnelles pour les élèves, par exemple des psychologues. En effet, il faut que ces personnes soient en mesure de nous aider rapidement, pas dans deux semaines! Il serait nécessaire d’offrir des ateliers personnels qui aident à se préparer à la vie autonome.

Il faudrait que les liens entre les personnes enseignantes et les élèves soient basés sur une relation humaine, que ça soit moins hiérarchique. Il faut qu’on apprenne à se connaitre. « Prendre en compte la diversité, ça exige d’être attentionné envers l’autre et d’avoir de l’empathie. C’est comprendre ce que l’autre est, ce qu’il vit. »

L’enseignant ou l’enseignante a des choses qu’on n’a pas, mais nous aussi on a des choses qu’ils n’ont pas. On peut apporter. C’est un système basé sur l’entraide. Cette relation plus égalitaire, ça veut aussi dire éviter des pratiques qui imposent des règles trop strictes. C’est créer un système qui va être tolérant, qui va comprendre les différentes réalités culturelles et qui va être assez flexible pour que les règles soient ajustées en fonction de notre unicité. On peut penser par exemple à mettre en place des politiques d’admission moins strictes ou accepter les accommodements culturels. C’est un système qui ne vise pas à contrôler et qui évite l’expression de jugements. Ça peut paraitre banal, mais par exemple, éviter de faire des commentaires sur l’apparence physique.

Dans l’école, il faudrait aussi bien accueillir les élèves quand ils arrivent dans un environnement éducatif et bien accompagner les transitions, les passages d’un établissement à l’autre. L’école secondaire, par exemple, peut être très intimidante. Il faut se situer dans l’école, se faire des amis, des amies, il y a tellement à apprendre! Si on accueillait mieux, les écoles seraient plus sécurisantes. Il faut que les écoles soient des safe space, qu’elles soient des lieux de rencontres, de partages et d’échanges entre les élèves.

D’autres pistes ont été discutées, comme en témoignent ces images prises lors du séminaire.

Figure 4

Photos prises lors du séminaire

Photos prises lors du séminaire

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Une multitude d’autres pistes pourraient être envisagées pour rendre les écoles plus inclusives. Plusieurs écoles mettent déjà en oeuvre des pratiques qui peuvent inspirer, comme l’organisation d’activités qui permettent aux personnes étudiantes de s’unir, des activités qui favorisent l’engagement social et le sentiment d’appartenance envers le milieu éducatif. Voici quelques bons coups que nous avons pu observer dans nos milieux respectifs.

Figure 5

Bons coups relever lors du séminaire

Bons coups relever lors du séminaire

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CONCLUSION

En conclusion, la prise en compte de la diversité, avec ses nombreux visages et défis, est un processus continu nécessitant un engagement constant de la part des établissements d’enseignement. S'il faut miser sur une approche proactive et réfléchie en matière d'inclusion, il importe parallèlement de reconnaitre et d'adresser les défis actuels pour bâtir un environnement véritablement accueillant et équitable pour tous et toutes. Nous pensons que notre perspective, celles des personnes apprenantes, est essentielle dans le projet inclusif. C’est un impératif si nous souhaitons que l’inclusion puisse enrichir le milieu éducatif par l’échange de perspectives et qu’elle puisse, enfin, favoriser une compréhension mutuelle accrue.

Maintenant, quelles actions entreprendrez-vous pour rendre votre milieu éducatif plus inclusif?

En complément à cet article, des jeunes issus de la diversité se sont mobilisés pour partager leurs idées et leurs points de vue sous forme de vidéo. Pour savoir ce qu’ils avaient à dire, cliquez ici : https://vimeo.com/999255313/2263b9a830?share=copy