IntroductionIntroduction[Notice]

  • Lilyane Rachédi et
  • Carolina Kobelinsky

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  • Lilyane Rachédi
    Université du Québec à Montréal, École de travail social
    rachedi.lilyane@uqam.ca

  • Carolina Kobelinsky
    Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, Université Paris Nanterre
    carolina.kobelinsky@cnrs.fr

Inopinée ou attendue, comme un spectre, un événement à anticiper ou une réalité à gérer, la mort en contexte de migration réactive les questions liées à l’inscription spatiale et temporelle que partagent les hommes et les femmes qui circulent entre différents pays. Une mort qui survient est chaque fois une occasion de reproduire ou de reconfigurer des relations sociales au sein des communautés migrantes ou des familles transnationales. Un décès peut aussi devenir le révélateur des liens et des tensions entre les personnes migrantes et le pays d’origine ou la société où elles habitent (voir le travail pionnier de Chaïb [2000]). Les morts en migration suscitent la réflexion sur ce que doit être la « bonne mort », au regard de ce qui est mis en place par les différentes institutions locales comme par les populations qui « reçoivent » ces défunts pour les traiter, mais également pour prendre en charge les personnes migrantes en fin de vie (Gunaratnam 2013) ou en situation de deuil (Rachédi et Halsouet 2017). L’articulation entre la mort et la migration a, jusqu’à récemment, suscité relativement peu de travaux dans le domaine des sciences sociales (Lestage 2012). Au cours des dernières années, un nouvel engouement pour la thématique a commencé à émerger, probablement en réponse à l’actualité brûlante entourant les migrants morts en Méditerranée en tentant de rejoindre l’Europe (Albahari 2015 ; Babels 2017). Ces nouvelles réflexions s’inspirent en partie des travaux antérieurs sur les morts à la frontière entre les États-Unis et le Mexique (De León 2015 ; Magaña 2011). En ce qui concerne le Canada et le Québec, des chercheurs et des doctorants issus des sciences sociales et juridiques (Bussières 2009 ; Labescat 2016 ; Saris et Acem 2015) étudient la thématique des morts et des endeuillés sous des angles variés et à partir de différents enjeux contemporains. Au Québec, par exemple, la revue Frontières, une publication interdisciplinaire en études sur la mort et le deuil, rassemble de nombreux travaux fascinants et riches sur cette thématique. Cependant, encore trop peu d’études prennent en compte la dimension migratoire dans les expériences de celles et ceux qui restent, c’est-à-dire les vivants. Le constat est le même avec les politiques, les lois et les normes qui touchent à la gestion des morts et des cadavres. Ceci étant dit, nous constatons que des analyses et des travaux intéressants émergent spécifiquement au croisement des besoins des musulmans et des lieux de sépulture (Belkodja 2017 ; Dabby et Beaman, à paraître ; Fall et Dimé 2011). Les présentes contributions s’inscrivent dans les thématiques de travail de l’équipe franco-québécoise dirigée par Lilyane Rachédi (Québec) et Carolina Kobelinsky (France). Le réseau Morts en contexte migratoire (MECMI) fédère l’ensemble des enquêtes menées dans le cadre de cette coopération internationale. Ce numéro propose de traiter, d’une part, des politiques entourant la gestion et la mobilité des morts en mettant en relief les pratiques développées par les différents acteurs impliqués dans la trajectoire des morts (endeuillés, administrateurs, services funéraires, agences frontalières, réseaux, etc.). D’autre part, dans une perspective critique, il souhaite faire réfléchir aux impacts de ces politiques sur les vivants, les deuilleurs (Molinié 2006), mais aussi sur les espaces funéraires « contraints » à la diversité. Enfin, c’est en documentant les expériences vécues par les migrants lorsque la perte d’un être cher se produit à distance que plusieurs auteurs de ce numéro proposent de rendre visibles les défis et les barrières multiples (juridiques, financières, etc.) qui peuvent faire obstacle au processus de deuil. Parallèlement, des stratégies, des collectifs et des réseaux sont mobilisés par les migrants endeuillés pour atténuer les …

Parties annexes