Volume 20, numéro 1, juin 2022 Drogue et santé revisitées : institution, appropriation et réinvention des usages Sous la direction de Marc Perreault
Sommaire (11 articles)
Mot de présentation
Éditorial
Drogue et santé revisitées : institution, appropriation et réinvention des usages
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De l’ayahuasca ou la transformation du chamanisme awajun (Pérou)
Sébastien Baud
p. 6–36
RésuméFR :
La différence entre une cure chamanique et une cure psychanalytique, écrivait Claude Lévi-Strauss en 1956, tient au fait que dans la première le médecin parle tandis que dans la seconde, ce soin est dévolu au patient. La différence vaut, dans la société awajun, entre pratiques ayahuasqueras passées et contemporaines. Avec les premières, le chamane « voyait » au-delà de l’opacité des corps et « racontait » les objets pathogènes et leur propriétaire, l’agression chamanique étant un prolongement des conflits entre groupes locaux et bassins fluviaux. Avec les secondes, le malade boit. À lui de « voir » et de « raconter » ; manière aussi pour le « chamane moderne » de ne pas prendre de risque dans un contexte social marqué par un imaginaire sorcellaire, introduit par les missions. Dans cet article, je présente et analyse les usages awajun (famille linguistique jivaro), traditionnels et nouveaux de l’ayahuasca, tels que j’ai pu les observer sur le Haut Marañón (Pérou) depuis une douzaine d’années. J’aborde les questions de l’apparition de nouvelles catégories de praticiens et de l’adaptation des rituels thérapeutiques aux maladies nouvelles ou considérées comme telles, ainsi que la façon dont le chamanisme awajun s’est modifié pour faire face au mépris dont il a été et est l’objet.
EN :
The difference between a shamanic cure and a psychoanalytic cure, wrote Claude Lévi-Strauss in 1956, is that in the first case the doctor speaks, while in the second case this is the patient. I apply this difference in Awajun society between the past and contemporary ayahuasca practices. Historically, the shaman “saw” beyond the opacity of the bodies and “depicted” the pathogenic objects and their owner. In this respect, shamanic aggression is an extension of the conflicts between local groups and river basins. Today, the patient drinks. It is up to the patient himself to “see” and “tell”; a way for the “modern shaman” to not take any risks in a social context characterized by sorcery imaginary (introduced by the missions). In this paper, I present the Awajun (Jivaro linguistic family) uses, traditional and new, of ayahuasca, as I observed them in the Upper Marañón (Peru) for the last twelve years. I analyze the emergence of new categories of practitioners and the adaptation of therapeutic rituals to new diseases or considered as such, as well as how Awajun shamanism changed to deal with the contempt it has been and is subject to.
ES :
La diferencia entre curaciones chamánica y psicoanalítica, escribió Claude Lévi-Strauss en 1956, es que en la primera habla el médico, mientras que en la segunda lo hace el paciente. Esa diferencia, lo hago en la sociedad awajun entre prácticas ayahuasqueras pasadas y contemporáneas. Con las primeras, el chamán “veía” más allá de la opacidad de los cuerpos y “decía” los objetos patógenos y su propietario, siendo la agresión chamánica una prolongación de los conflictos entre grupos locales y cuencas fluviales. Con las segundas, el enfermo bebe. Depende de él “ver” y “narrar”; forma también para el “chaman moderno” de protegerse en un contexto social marcado por un imaginario sobre la hechicería introducido por las misiones. En este artículo, presento los usos awajun (familia lingüística Jivaro), tradicionales y nuevos, de la ayahuasca, tal como los he observado en el Alto Marañón (Perú) durante una docena de años. Analizo la aparición de nuevas categorías de curanderos y la adaptación de los rituales terapéuticos a las nuevas enfermedades o consideradas como tales, así como la forma en que el chamanismo awajun cambió para enfrentar el desprecio de que ha sido y es objeto.
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Esquisse d’une archéologie de la représentation de la maladie comme vecteur de la disparition des Amérindiens
Romain Simenel
p. 37–60
RésuméFR :
Si le génocide amérindien est avéré, ses causes précises restent sujettes à discussion et le degré de l’intentionnalité qui en est à l’origine aussi. Selon une vision commune partagée par de nombreux historiens et démographes, la très grande majorité des Amérindiens disparue lors des premiers siècles de la colonisation le fut sous l’effet d’un « choc viral », en raison de leur vulnérabilité à l’égard des pathogènes venus d’Europe ou d’Afrique. D’où nous vient donc cette idée sur la vulnérabilité des Amérindiens à l’égard des « maladies des blancs » et sur le « choc viral » et est-elle bien fondée ? Cet article propose quelques pistes de recherche pour une archéologie de la représentation de la maladie comme raison principale de la disparition des Amérindiens. En ouverture du propos, une version caribéenne met d’abord à jour tout un autre pan de l’histoire, à savoir celui de la réaction des collectifs amérindiens de l’île de Curaçao face aux épidémies, en recourant aux plantes médicinales. Ce regard décalé nous invite à interroger de plus près la chronologie des épidémies telle que relatée dans les écrits et chroniques des premiers conquistadors pour ensuite poser la question de l’existence d’une pandémie à l’échelle continentale lors des premiers siècles de la colonisation. Parallèlement, l’article met en exergue l’impact du changement brutal de mode de vie, de l’esclavagisme, sans oublier la destruction des systèmes de santé via notamment la prohibition des plantes médicinales et les actes d’attaques biologiques, sur le développement des épidémies. L’article finit par proposer qu’après avoir servi à construire un discours politico-éthique sur la disparition des Amérindiens, ces arguments de vulnérabilité et de « choc viral », principaux supports d’une lecture de l’histoire de la disparition des Amérindiens selon l’angle de la maladie, ont nourri la cause eugéniste avant d’entrer dans le sens commun via un détournement des thèses malthusiennes et darwiniennes.
EN :
If the Amerindian genocide is proven, its precise causes remain subject to discussion, as does the degree of intentionality behind it. According to a common vision shared by many historians and demographers, the vast majority of Amerindians disappeared during the first centuries of colonization under the effect of a “viral clash”, because of their vulnerability to pathogens from Europe or Africa. So where does this idea about the vulnerability of Native Americans to “white people’s diseases” and “viral clash” come from, and is it well founded? This article proposes a few avenues of research for an archaeology of the representation of disease as the main reason for the disappearance of the Amerindians. In the opening of the subject, a Caribbean version first brings to light another side of the story, namely that of the reaction of the Amerindian collectives on the island of Curaçao to epidemics, using medicinal plants. This unconventional perspective invites us to take a closer look at the chronology of the epidemics as recounted in the writings and chronicles of the first conquistadors, and then to question the existence of a pandemic on a continental scale during the first centuries of colonization. At the same time, the article compares the impact of the brutal change in lifestyle, slavery, and the destruction of health systems, particularly through the prohibition of medicinal plants and acts of biological attacks, on the development of epidemics. The article ends by proposing that after having served to construct a political-ethical discourse on the disappearance of the Amerindians, these arguments of vulnerability and viral clash, the main supports for a reading of the history of the disappearance of the Amerindians according to the angle of the disease, nourished the eugenicist cause before entering into the common sense via a misinterpretation of the Malthusian and Darwinian theses.
ES :
Si bien el genocidio amerindio está comprobado, sus causas precisas siguen siendo motivo de discusión, así como el grado de intencionalidad que yace en su origen. Según una versión común compartida por numerosos historiadores y demógrafos, la gran mayoría de los amerindios desparecidos durante los primeros siglos de la colonización lo fue bajo el impacto de un “choque viral”, como consecuencia de su vulnerabilidad con respecto a los patógenos llegados de Europa o de África. ¿De dónde viene entonces esta idea sobre la vulnerabilidad de los amerindios con respecto a las “enfermedades de los blancos” y sobre el “choque viral” y está bien fundada? Este artículo propone algunas pistas de investigación en favor de una arqueología de la representación de la enfermedad como razón principal de la desaparición de los amerindios. Para comenzar, una versión caribeña pone al día una parte diferente de la historia, es decir, la de la reacción de los colectivos amerindios de la Isla de Curaçao que recurrieron a las plantas medicinales ante las epidemias. Esta visión peculiar nos invita a interrogar más de cerca la cronología de las epidemias tal como ha sido relatada en las crónicas de los primeros conquistadores, para luego plantear la cuestión de una pandemia a escala continental durante los primeros siglos de la colonización. Al mismo tiempo, el artículo destaca el impacto que tuvieron sobre el desarrollo de las epidemias el cambio brutal de modo de vida, el esclavismo, la destrucción de los sistemas de salud, principalmente a través de la prohibición de las plantas medicinales, y los actos de ataques biológicos. El artículo finaliza proponiendo que, después de haber servido para construir un discurso político-ético sobre la desaparición de los amerindios, estos argumentos de vulnerabilidad y de choque viral, principales apoyos de una lectura de la historia de la desaparición de los amerindios según el ángulo de la enfermedad, han alimentado la causa eugenista antes de entrar en el sentido común a través de un desvío de las tesis maltusianistas y darwinianas.
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Vague virale : surfer en co-inspiration avec les plantes
Julie Laplante et Daniel Alberto Restrepo Hernández
p. 61–89
RésuméFR :
L’urgence sanitaire éveillée aux abords de la viralité COVID-19 a réifié une santé publique qui trace les lignes dures de corps perçus comme entités discrètes à défendre les unes contre les autres. À partir de nos expériences du (dé)confinement au Québec et de nos terrains antérieurs et actuels auprès de guérisseurs et médecines végétales en Colombie et au Cameroun, on s’intéresse aux relations laissées pour compte dans une telle matrice biomédicale, voire celles transversales d’écologies affectives biosociales reliées aux coprésences intimes et contagieuses. À cet égard, une approche anthropologique deleuzoguattarienne permet de penser à la fois l’espace strié du biopouvoir et l’espace lisse des flux et mouvements affectifs de la « vague virale », soit respectivement les rythmes cadencés, mesurables et les rythmes sans mesures des manières de s’agencer à la vague, incluant à travers les constrictions immunologiques. Nous abordons plus précisément la question de respirations végétales dans un monde d’agencements relationnels, aériens et sonores, plus ou moins viables. L’objectif est de maintenir un équilibre dans l’entre-deux permettant de traiter l’ouvert et le fermé de manière souple plutôt que rigide, sans perdre de vue ce(ux) qui s’y manifeste(nt). En naviguant, ou plutôt en surfant la vague virale sur le point de son devenir imprévisible, il s’agit donc de dépasser l’usuel positionnement scientifique de la striation, tout en co-inspirant avec le végétal en (dé)confinement. Notre propos en science mineure ou anexacte vise à rester collé aux manières de cohabiter avec les viralités tout en veillant à l’aspect vital de la contagion.
EN :
The health emergency awakened upon the arrival of COVID-19 virality reified a public health which traces the hard lines of bodies perceived as discrete entities to defend one from the other. From our experiences of (de)confinement in Quebec and in previous and actual fieldwork with healers and vegetal medicines in Cameroon and Colombia, we are here interested in the relations left behind in such a biomedical matrix, namely those transversal biosocial affective ecologies linked to intimate and contagious copresence. To these ends, a deleuzoguattarian anthropological approach enables to think both the striated space of biopower and the smooth space of affective movements and flux of the “viral wave”, respectively the cadenced and measurable rhythms and the rhythms without measure of the ways of connecting to the wave, even through immunological constrictions. We address the question of vegetal breathing more specifically in a world of more or less viable relational, aerial and sonorous assemblages. The goal is to maintain balance in the in-between enabling to deal with the open and the closed in a flexible rather than in a rigid manner, without losing sight of what or who is manifesting themselves. Navigating or rather riding the cusp of the wave ever on the point of breaking, we thus aim to surpass the usual scientific positioning of striation while co-inspiring with the vegetal in (de) confinement. Our discussion in minor or anexact science aims to remain close to the ways in cohabiting with viralities while taking into account the vital aspect of contagion.
ES :
La emergencia sanitaria que se suscitó en torno a la viralidad COVID-19 ha reificado una salud pública que traza lineamientos duros en torno a cuerpos percibidos como entidades discretas que deben ser defendidas unas de otras. Basándonos en nuestras experiencias de (des)confinamiento en Quebec y en terrenos precedentes y actuales con sanadores y medicinas en Colombia y Camerún, nos centramos en este artículo en las relaciones medicinales dejadas de lado por la matriz biomédical, incluso en aquellas ecologías afectivas, biosociales y transversales entreveradas a co-presencias íntimas y contagiosas. En este sentido, un enfoque antropológico deleuzoguattariano nos permite pensar tanto en el espacio estriado del biopoder como en el espacio liso de los flujos y movimientos afectivos de la “ola viral”, es decir, respectivamente los ritmos cronometrados, medibles, y los ritmos sin medida que remiten a maneras de agenciarse con la ola inclusive a través de las constricciones inmunológicas. En otros términos, abordamos la cuestión de la respiración con las plantas en un mundo de entreveros relacionales, aéreos y sonoros, más o menos viables. Se trata de mantener un equilibrio en el entrevero que permita tratar los temas de lo abierto y de lo cerrado de manera flexible antes que rígida, sin perder de vista lo(s) que allí se hace(n) presente(s). Navegando o quizás surfeando la ola en su devenir imprevisible, nos planteamos las ideas de superar un posicionamiento científico usual de estriación y de co-inspirar con lo vegetal en (des)confinamiento. Nuestro posicionamiento en ciencias menores o anexactas apunta a dar cuenta de maneras de coexistir con las viralidades, teniendo en cuenta el aspecto vital del contagio.
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Plantes psychotropes, médecines traditionnelles autochtones du Pérou et renaissance psychédélique
IIana Berlowitz
p. 90–116
RésuméFR :
Les systèmes de guérison traditionnels du Pérou – dont certains remonteraient à l’époque préhistorique, selon les estimations – sont reconnus pour leur utilisation saillante des plantes psychotropes. En outre, les traditions de soins rattachées aux montagnes andines, appelées sierra, s’articulent autour du cocaïer (Erythroxylum coca). Pour leur part, les traditions de guérison qui proviennent des déserts de la côte pacifique du nord (costa) sont plutôt caractérisées par l’utilisation du cactus psychoactif huachuma (Echinopsis pachanoi). Finalement les systèmes médicaux qui se sont développés à l’est des Andes, dans les forêts tropicales de l’Amazonie, font appel à diverses plantes psychotropes, dont le tabac (Nicotiana rustica) et l’ayahuasca (Banisteriopsis caapi) sont les plus connus. Le présent article porte sur les traditions de guérison péruviennes, en particulier la branche amazonienne, dans le contexte de la renaissance psychédélique actuelle. Nous soutenons que l’inclusivité culturelle des études cliniques dans le cadre de la reprise des recherches psychédéliques est indispensable, en présentant deux exemples de recherche transculturelle clinique sur le terrain. Le premier inclut une étude collaborative effectuée avec un guérisseur traditionnel amazonien qui se spécialise dans l’utilisation de la plante de tabac à des fins thérapeutiques, tandis que le second met l’accent sur un programme intégratif de traitement des toxicomanies combinant médecine amazonienne et psychothérapie. Ces exemples illustrent des moyens thérapeutiques prometteurs soulignant l’utilité de l’approche transculturelle, non seulement dans le cadre clinique, mais aussi pour l’équité culturelle dans la renaissance psychédélique.
EN :
Peruvian traditional healing systems, some of which have been estimated to date back to prehistoric times, are known for their prominent usage of psychoactive plants: For curing traditions in the Andean highlands or sierra, it is the coca bush (Erythroxylum coca) that plays the protagonist role. Healing traditions that have arisen in the deserts of the northern Pacific coast (costa), on the other hand, are characterized by the usage of the psychoactive huachuma cactus (Echinopsis pachanoi). Finally, medical systems that have evolved east to the Andes in the tropical forests of the Amazon make use of diverse psychoactive plants, of which especially tobacco (Nicotiana rustica) and ayahuasca (Banisteriopsis caapi) are known. The present contribution takes reference to the Peruvian healing tradition and mainly its Amazonian branch in the context of the ongoing psychedelic renaissance. We argue that culturally inclusive studies are critical in the scope of the revival of psychedelic research and present two examples of cross-cultural clinical field research in this context. The first one involved a collaborative study with an Amazonian traditional healer specializing in the usage of the tobacco plant for therapeutic purposes, while the second one focused on an integrative Peruvian addiction treatment program, in which Amazonian medicine is combined with psychotherapy. The examples point to promising therapeutic means and underscore the importance of an intercultural approach in view of both clinical utility and cultural equality in the psychedelic renaissance.
ES :
Los sistemas de curación peruanos, algunos de los cuales se estima que existen desde tiempos prehistóricos, son conocidos por su prominente uso de plantas psicoactivas: Para las tradiciones de la sierra andina, es la planta de la coca (Erythroxylum coca) la que juega el rol protagonista. Por otra parte, las tradiciones curativas que surgieron en los desiertos de la costa pacífica del norte, se caracterizan por el uso de un cactus psicoactivo llamado huachuma (Echinopsis pachanoi). Finalmente, los sistemas de curación que evolucionaron al este de los Andes, en los bosques tropicales de la Amazonía, hacen uso de diversas plantas psicoactivas, de los cuales son especialmente conocidos el tabaco (Nicotiana rustica) y la ayahuasca (Banisteriopsis caapi). El presente artículo hace referencia a la tradición curativa peruana, y principalmente a su rama amazónica, en el contexto del renacimiento psicodélico. Argumentamos que en el ámbito actual del resurgimiento de la investigación científica sobre sustancias psicoactivas, los estudios culturalmente incluyentes son fundamentales. En ese contexto presentamos dos ejemplos de estudios de campo clínicos interculturales. El primero involucra un estudio transdiciplinario colaborativo que incluye un curandero amazónico especializado en el uso de la planta del tabaco para fines terapéuticos. El secundo se enfoca en un programa de tratamiento de adiciones integrativo en la Amazonía peruana, el cual combina la medicina amazónica con psicoterapia. Los ejemplos apuntan a sistemas terapéuticos prometedores y subrayan la importancia de un abordaje intercultural, tanto a la vista de la utilidad clínica, como de la equidad cultural en el renacimiento psicodélico.
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La communauté internationale de l’ayahuasca : mondialisation et différence
Alhena Caicedo
p. 117–139
RésuméFR :
La communauté internationale de l’ayahuasca est une réalité mondiale qui rassemble aujourd’hui des acteurs disparates, des intérêts variés, des représentations et des pratiques diverses. Cet article a pour but d’explorer certaines caractéristiques de la production symbolique qui crée et recrée la communauté internationale de l’ayahuasca, le type de relations qu’elle génère, ses effets ainsi que les modes de représentation, de conception et de pensée entourant ce psychotrope d’origine amazonienne, ses utilisateurs, la diversité et la défense de ses utilisations. Deux aspects me paraissent particulièrement notoires. Le premier concerne les thématiques, les idées et les approches associées à la perception générale de ce que l’on considère comme constituant la communauté, soit les modèles internes de référence qui construisent l’identité et une certaine idée du « nous ». Le deuxième porte sur la relation de cette communauté internationale avec les Autochtones et l’Amazonie en tant que références ambiguës, c’est-à-dire considérées comme faisant partie de la communauté, tout en étant perçues comme des éléments externes renvoyant à une idée d’origine et d’authenticité. Explorer la façon dont cette production s’articule avec l’existence d’une hégémonie localisée — dans le sens d’une capacité concentrée d’orientation et de régulation de la circulation des personnes et des biens culturels par les pays développés ou du Nord — m’intéresse tout particulièrement. La mondialisation produit un effet « universalisant » qui recouvre et incorpore l’éventail de manifestations produites à l’échelle nationale ou locale, considérées comme étant hiérarchiquement inférieures ou moins prépondérantes. En ce sens, mon propos vise à redonner du poids et de la valeur à la production spatiale locale et nationale, coordonnées essentielles pour la compréhension de la (géo)politique de l’ayahuasca.
EN :
The ayahuasca international community is a global reality which currently gathers different social actors, various interests, and diverse representations and practices related to this psychoactive of amazonic origin. The objective of this article is to explore some characteristics of the symbolic production that creates and recreates the ayahuasca international community, the sort of relations it configures and its effects; as well as the ways in which ayahuasca, its diverse users and uses, and their defense are represented and conceived. I will center on two major aspects. First, the topics, ideas, and approaches related to the general perception of that considered as the community, i.e., the internal referents through which a certain “identity” and a notion of “us” is articulated. Second, the relation this international community keeps with indigenous peoples and the Amazonia as ambiguous referents which, while thought of as part of the community, are perceived at the same time as outsiders that remit to an idea of origin and authenticity. Mainly, I am interested in exploring how that symbolic production is linked to the existence of a localized hegemony, in the sense of a concentrated capacity of developed or Global North countries to direct and regulate the transit of people and cultural goods. Globalization produces an “universalizing” effect that encompasses and subsumes in its interior a whole variety of manifestations produced at the national and local levels, which are construed as hierarchically inferior or less overarching. Thus, my purpose is to highlight the weight and value of local and national production as essential coordinates in order to understand the (geo)politics of ayahuasca.
ES :
La comunidad internacional de la ayahuasca es una realidad global que actualmente convoca actores disímiles, intereses variados, representaciones y prácticas diversas alrededor de este psicoactivo de origen amazónico. La intención de este artículo es explorar algunas características de la producción simbólica que crea y recrea la comunidad ayahuasquera internacional, el tipo de relaciones que orienta y sus efectos; así como las formas en que se representan, conciben y piensan la ayahuasca, sus usuarios, la diversidad de sus usos y la defensa de los mismos. Dos aspectos me parecen significativos, el primero tiene que ver con temas, ideas y enfoques asociados a la percepción general de aquello que se considera la comunidad, algo así como los referentes internos que generan identidad y alguna idea de “nosotros”. El segundo tiene que ver con la relación de esta comunidad internacional con los indígenas y la amazonía como referentes ambiguos, que a la vez que se consideran parte de la comunidad, son percibidos como exterioridades que remiten a una idea de origen y autenticidad. Me interesa sobre todo explorar cómo dicha producción está articulada con la existencia de una hegemonía localizada, en el sentido de una capacidad concentrada de direccionamiento y regulación del tránsito de personas y bienes culturales por parte de los países desarrollados o del norte global. La globalización produce un efecto “universalizante” que cobija y subsume a su interior la variedad de manifestaciones producidas a escalas como lo nacional o lo local, que se suponen jerárquicamente menores o menos abarcantes. En ese sentido, mi intención es volver a darle peso y valor a la producción espacial local y nacional como coordenadas esenciales para comprender la (geo)política de la ayahuasca.
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L’appropriation culturelle et identitaire, une entrave aux processus de guérison autochtone
Marie-Noëlle Petropavlovsky
p. 140–171
RésuméFR :
Les Autochtones sont engagés aujourd’hui dans un processus de reconstruction culturelle qui passe par une réappropriation de leurs langues et de leurs savoirs, et qui s’inscrit dans un mouvement plus global de guérison autochtone. Leur démarche s’accompagne notamment d’actions qui visent à prévenir l’appropriation de leurs cultures et à dénoncer les représentations erronées de l’autochtonie.
La reconstruction culturelle est portée par un refus d’être assimilés à la société dominante. Les Autochtones visent la coexistence et non l’inclusion dans le monde euro-américain. Les relations entre les Autochtones et non-Autochtones sont donc marquées avant tout par la dichotomie. Cependant, les réseaux de cérémonies de guérison autochtones que nous avons observés se situent aux antipodes de celle-ci. Ils se développent en dehors des réserves et attirent principalement une zone grise de l’autochtonie peu documentée à ce jour ainsi que de nombreux Blancs et quelques minorités visibles. Ces réseaux sont l’héritage de William Commanda (1913-2011), chef anishinàbe de la réserve de Kitigan Zibi, qui a pris l’initiative, il y a quelque cinquante ans, de diffuser les savoirs de son peuple à tous, Autochtones et non-Autochtones.
Alors que les Autochtones dénoncent le fait que l’appropriation culturelle perturbe leur processus de reconstruction culturelle et de guérison, nous voyons sur le terrain les participants emprunter et s’approprier les ressources symboliques autochtones sans états d’âme. Nous nous proposons d’explorer les modalités de diffusion et d’appropriation de ces ressources en nous posant la question de savoir si ce phénomène relève, sur le terrain, d’habitus coloniaux ou bien se produit-il un début de guérison de la relation dans la lignée de la vision de Commanda ?
EN :
Indigenous people are engaged today in a process of cultural reconstruction that involves a reappropriation of their languages and knowledge, and which is part of a more global movement of indigenous healing. Their approach is notably supported by actions aimed at protecting their cultures from appropriation and denouncing erroneous representations of autochthony.
The cultural reconstruction is driven by a refusal to be assimilated into the dominant society. Indigenous people seek coexistence and not inclusion in the Euro-American world. The relations between Indigenous and non-Indigenous people are therefore marked above all by dichotomy. However, the networks of Indigenous healing ceremonies that have been observed are at odds with this dichotomy. They are developing outside of Indigenous reserves and attracting a gray area of autochthony that is little documented to date, in addition to many Whites and sometimes visible minorities. It appears that these ceremonial networks are the legacy of William Commanda (1913-2011), Anishinàbe chief of the Kitigan Zibi reserve, who took the initiative, some fifty years ago, to disseminate the knowledge of his people to everyone, Indigenous as well as non-Indigenous.
As Indigenous people speak out against the fact that cultural appropriation disrupts their process of cultural reconstruction and healing, we see participants in the field borrowing and appropriating Indigenous symbolic resources without qualms. We propose to explore the dynamics of dissemination and appropriation of these resources by asking the question whether this phenomenon is part of colonial habit or could it be the onset of healing of the relationship in line with Commanda’s vision?
ES :
Los autóctonos están comprometidos en la actualidad en un proceso de reconstrucción cultural que para por una reapropiación de sus idiomas y sus conocimientos y que se inscribe en un movimiento más global de sanación autóctono. Su enfoque se acompaña en particular de acciones destinadas a prevenir la apropiación de sus culturas y a denunciar las representaciones erróneas de la pertenencia autóctona.
La reconstrucción cultural se expresa por un rechazo de ser asimilados a la sociedad dominante. Los autóctonos tienen como objetivo la coexistencia y no la inclusión en el mundo euroamericano. Las relaciones entre autóctonos y no autóctonos están marcadas, por lo tanto y antes que nada, por la dicotomía. Sin embargo, las redes de ceremonias de sanación autóctonas que hemos observado se sitúan en las antípodas de esta. Se desarrollan fuera de las reservas y atraen principalmente una zona gris de la autoctonía poco documentada en la actualidad, numerosos blancos y algunas minorías visibles. Estas redes son la herencia de William Commanda (1913-2011), jefe anishinàbe de la reserva de Kitigan Zibi que, hace alrededor de cincuenta años, tomó la iniciativa de difundir los conocimientos de su pueblo a todos, autóctonos y no autóctonos.
Mientras los autóctonos denuncian el hecho de que la apropiación cultural perturba su proceso de reconstrucción cultural y de sanación, vemos a los participantes en el terreno utilizar y apropiarse sus recursos simbólicos sin consideración. Nos proponemos explorar las modalidades de difusión y de apropiación de estos recursos y nos preguntamos si este fenómeno deriva, en el terreno, de hábitos coloniales o bien si se produce un comienzo de sanación de la relación en la línea de visión de Commanda.
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Perception des consommateurs de cannabis dans les débats sur sa légalisation au Canada
Line Beauchesne
p. 172–209
RésuméFR :
Dans cet article, nous nous interrogeons sur un aspect des débats qui ont eu cours lors de la légalisation du cannabis au Canada, soit la distinction entre les consommateurs autorisés de cannabis à des fins médicales et les consommateurs que plusieurs intervenants des débats ont qualifié d’usagers « récréatifs » ou « non médicaux ». L’objectif est de comprendre comment la séparation des consommateurs de cannabis en deux catégories distinctes avant ces débats a influencé la manière de concevoir les problèmes à résoudre dans ce processus législatif (lois et réglementations fédérales, provinciales, territoriales et municipales) et les solutions proposées. Nous aborderons d’abord l’origine de cette division factice entre deux catégories de consommateurs, l’une dont les usages sont légitimes, l’autre dont les usages demeurent suspects, car l’accès au cannabis à des fins thérapeutiques s’est fait dans une période où les autres usages demeuraient prohibés. Par la suite, nous verrons comment cette distinction a d’une part rendu aveugle les intervenants de ces débats aux effets de l’industrie du cannabis sur le marché qui allait se développer et, d’autre part, comment elle a fait en sorte que l’objectif et les stratégies des politiques sur le tabac furent privilégiés à l’égard de ces consommateurs. Nous verrons notamment qu’au niveau fédéral, la légalisation relative au cannabis fut présentée comme une manière de contrôler autrement cet usage afin de le diminuer au maximum et qu’au niveau des provinces, des territoires et des municipalités, des interdits de consommation du cannabis fumé se sont répandus dans un grand nombre de lieux publics. Dans le même temps, des politiques demandaient d’accommoder adéquatement les consommateurs autorisés de cannabis à des fins médicales dans les milieux de travail et les institutions et s’assuraient que les sanctions en matière de cannabis au volant ne soient pas abusives à leur égard.
EN :
In this article, we ask ourselves about one aspect of the debates that have taken place during the legalization of cannabis in Canada, namely the distinction between authorized users of cannabis for medical purposes, and users targeted by this legalization, which many people in the debates have characterized as recreational or non-medical users. The goal is to understand how the construction of cannabis users in two distinct categories, long before these debates, influenced how to design the problems to be solved in this legislative process (federal, provincial, territorial and municipal laws and regulations) and the proposed solutions. We first address the origin of this distinction, which has created an artificial division between two categories of users, one whose uses are legitimate, the other whose uses remain suspect, because this access to cannabis for therapeutic purposes occurred at a time when other uses remained prohibited. Subsequently, we see how this distinction, on the one hand, blinded the effects of the cannabis industry on the cannabis market that was about to develop. On the other hand, this distinction has ensured that, in response to the public’s fears about these recreational users, the objective and strategies of tobacco policies have been given priority towards these consumers. Thus, at the federal level, the legalization of cannabis was presented as a way of controlling this use in a more efficient way than prohibition, and at the provincial, territorial and municipal level, prohibitions on the use of smoked cannabis have spread in a large number of public places. At the same time, governments called for an appropriate accommodation of authorized cannabis users for medical purposes in workplaces and institutions and ensured that the penalties for cannabis and driving were not abusive to them.
ES :
En este artículo nos interrogamos sobre un aspecto de los debates que tuvieron lugar con motivo de la legalización del cannabis en Canadá: la distinción entre los consumidores autorizados de cannabis con fines médicos y los consumidores que numerosos participantes en dichos debates calificaron de usuarios “recreativos” o “no médicos”. Se trata de comprender de qué manera la separación de los consumidores de cannabis en dos categorías distintas antes de los debates influyó en la manera de concebir los problemas que había que resolver en ese proceso legislativo (leyes y reglamentaciones federales, provinciales, territoriales y municipales) y las soluciones propuestas. Abordaremos en primer lugar el origen de esta división ficticia entre dos categorías de consumidores, una de ellas cuyo uso del cannabis es legítimo y la otra cuya utilización sigue siendo sospechosa, puesto que el acceso al cannabis con fines terapéuticos se concretó en un período en el que los otros usos permanecían prohibidos. A continuación, veremos de qué manera esta distinción, por una parte, impidió a los participantes en estos debates ver los efectos que la industria del cannabis tendría en el mercado a desarrollar y, por otra parte, hizo que el objetivo y las estrategias de las políticas sobre el tabaco fueran privilegiados con respecto a estos consumidores. Veremos principalmente que a nivel federal la legislación relativa al cannabis se presentó como una manera de controlar de otro modo este uso con el fin de disminuirlo al máximo y que, a nivel de las provincias, territorios y municipalidades, la prohibición sobre el consumo del cannabis fumado se extendió a una gran cantidad de lugares públicos. Al mismo tiempo, las políticas estaban destinadas a acomodar adecuadamente a los usuarios autorizados de cannabis con fines médicos en los medios de trabajo y en las instituciones y se aseguraban de que las sanciones en materia de cannabis al volante no fueran abusivas para ellos.
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Significations de la santé pour des personnes s’injectant des drogues et hautement précarisées
Hélène Poliquin
p. 210–238
RésuméFR :
Introduction. Les personnes qui font usage de drogues par injection (PUDI) et qui sont hautement marginalisées sont, comme tout individu, appelées à s’autoresponsabiliser face à leur santé. Méthode. Cette étude qualitative, inspirée du cadre théorique de l’interactionnisme symbolique, a cherché à comprendre ce que signifie la santé pour des personnes en consommation active de drogues par injection. Vingt-six entrevues individuelles semi-dirigées et deux groupes focalisés ont été réalisés auprès de 30 personnes participantes. Les données ont été analysées thématiquement. Résultats. Tout en étant presque synonyme de capacités pour vivre, pour les personnes participantes, la santé est avant tout subjective et valorisée pour ce qu’elle apporte à l’existence. Elle représente essentiellement une ressource permettant de fonctionner, d’être autonome et de se réaliser, ce qui contribue également à la valorisation de soi. Les participants se disent responsables de leur santé et mentionnent plusieurs comportements, habitudes et attitudes qui favorisent leur santé. Toutefois, témoignant d’une perspective large de la santé et dépassant les dimensions individualistes, ils ont également ciblé plusieurs déterminants de la santé qui relèvent de l’environnement, de la société et des politiques publiques. De ce fait, ces derniers soulèvent les limites de la promotion de la santé par le biais de l’appel à l’autoresponsabilisation fait aux individus et soulignent l’importance de s’attarder aux facteurs structurels comme les programmes et les politiques en place, le soutien et la solidarité sociale. Conclusion. En plus de déconstruire certaines idées reçues, cette étude met en lumière le caractère polysémique de la santé qui est comprise ici comme étant la capacité de fonctionner, un état de bien-être, une ressource ainsi qu’une responsabilité pouvant contribuer à valoriser certaines personnes qui sont en santé tout en contribuant à nourrir la discrimination envers d’autres personnes qui ont perdu leur santé. Ces résultats peuvent contribuer à aiguiller les programmes et les interventions des services de santé et des services sociaux destinés aux personnes qui s’injectent des substances psychoactives.
EN :
Introduction. Persons who inject drugs (PWID) and who are highly marginalized are, like all individuals, called upon to take responsibility for their own health. Method. This qualitative study, inspired by the theoretical framework of symbolic interactionism, sought to understand what health means for people who actively inject drugs. Twenty-six semi-structured individual interviews and two focus groups were conducted with 30 participants. The data was analyzed thematically. Results. While being almost synonymous with the capacity to live, for the participants, health is above all subjective and valued for what it brings to life. It is essentially a resource for functioning, for being autonomous and for achieving self-fulfillment, which also contributes to self-esteem. Participants claim to be responsible for their health and identify several behaviors, habits and attitudes that promote their health. However, demonstrating a broad perspective of health far beyond individualizing dimensions, participants also identified several determinants of health that relate to the environment, society and public policies. As a result, their perspectives point to the limits of health promotion through calls to be more responsible made to individuals and rather stress the importance of focusing on structural factors such as existing programs and policies, support and social solidarity. Conclusion. In addition to dispelling certain stereotypes, this study sheds light on the polysemic nature of health, as much as the ability to function, a state of well-being, a resource as well as a responsibility that can contribute to enhance the value of certain people who are healthy and while it can contribute to discriminate against others who have lost their health. These findings can help guide health and social interventions and programs for people who inject psychoactive substances.
ES :
Introducción. Las personas que usan drogas por inyección (PUDI) y que están extremadamente precarizadas están llamadas, como toda persona, a responsabilizarse por su salud. Método. Este estudio cualitativo, inspirado en el marco teórico del interaccionismo simbólico, busca comprender lo que significa la salud para las personas que hacen un consumo activo de drogas por inyección. Se llevaron a cabo veintiséis entrevistas individuales semidirigidas y dos grupos focalizados con 30 participantes. Los datos fueron analizados de manera temática. Resultados. Para las personas participantes la salud, siendo prácticamente sinónimo de la capacidad de vivir, es ante todo subjetiva y se valoriza por lo que aporta a la existencia. Representa esencialmente un recurso que permite funcionar, ser autónomo y realizarse, lo que contribuye en gran medida a la auto valorización. Los participantes se dicen responsables de su salud e identifican numerosos comportamientos, hábitos y actitudes que la favorecen. Sin embargo, han identificado también diversos determinantes de la salud que dependen del medio ambiente, de la sociedad y de las políticas públicas, lo que expresa una perspectiva amplia de la salud y supera las dimensiones individualizantes. Por esta razón, dichas políticas plantean los límites de la promoción de la salud por medio del llamado a la auto responsabilización de los individuos y subrayan más bien la importancia de detenerse en factores estructurales tales como los programas y las políticas establecidas, el apoyo y la solidaridad social. Conclusión. Además de derribar ciertos prejuicios, este estudio muestra el carácter polisémico de la salud, vista tanto como la capacidad de funcionar, un estado de bienestar, un recurso y una responsabilidad que pueden contribuir a valorizar a ciertas personas que gozan de buena salud, contribuyendo al mismo tiempo a establecer mecanismos de discriminación hacia otras personas que han perdido la salud. Estos resultados pueden contribuir a canalizar las intervenciones y los programas de salud y sociales destinados a las personas que se inyectan sustancias psicoactivas.
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Un enjeu éthique dans les sites d’injections supervisées avec un bas seuil d’exigence
Jacques Quintin et Joëlle Boivin
p. 239–256
RésuméFR :
Au Québec, les intervenants qui exercent leur mandat à l’intérieur de sites d’injections supervisées sont souvent confrontés à des enjeux éthiques qui touchent une population vulnérable et marginale. Les intervenants sont coincés entre le désir de soutenir les usagers et l’importance du respect des règlements pour assurer le bon fonctionnement du service et la sécurité des usagers dans un souci d’offrir un accès équitable. À partir d’un cas fictif, qui illustre le soi-disant manque de collaboration d’un usager ayant un comportement perturbateur et menaçant, il s’agit de décrire la difficulté et les tensions entre différentes perspectives dans le champ de l’intervention sociale. Notre démarche est phénoménologique et herméneutique avec une visée pragmatique. Les cadres théoriques d’Aristote et de Ricoeur nous serviront d’appui. Nous proposons l’idée que les sites d’injections supervisées offrent un lieu de partage, d’écoute et de dialogue, voire un lieu de réflexion, de délibération et de prise de décision à l’intérieur d’une communauté de recherche, au sein de laquelle les usagers, même en état d’intoxication, ont un rôle social à jouer dans une résolution d’un problème éthique.
EN :
In Quebec, workers who carry out their mandate within supervised injection sites are often faced with ethical issues that affect vulnerable and marginalized populations. Workers are caught between the desire to support users and the importance of respecting regulations to ensure the proper functioning of the service and the safety of users in order to provide equitable access. Using a fictitious case, which illustrates the so-called lack of collaboration of a user with disruptive and threatening behaviour, the aim is to describe the difficulty and tensions between different perspectives in the field of social intervention. Our approach is phenomenological and hermeneutic with a pragmatic focus. The theoretical frameworks of Aristotle and Ricoeur will serve as a support. We propose the idea that supervised injection sites offer a place for sharing, listening and dialogue, and even a place for reflection, deliberation and decision-making within a research community, in which users, even in a state of intoxication, have a social role to play in the resolution of an ethical problem.
ES :
En Quebec, el personal que ejerce su mandato en los sitios de inyección supervisados se ven a menudo confrontados con cuestiones éticas que afectan a una población vulnerable y marginal. Se ven atrapados entre el deseo de apoyar a los usuarios y la importancia de respetar los reglamentos para asegurar el buen funcionamiento del servicio y la seguridad de los usuarios, con la preocupación de ofrecer un acceso equitativo. A partir de un caso ficticio, que ilustra la supuesta falta de colaboración de un usuario que presenta un comportamiento perturbado y amenazador, se trata de describir la dificultad y las tensiones entre diferentes perspectivas en el campo de la intervención social. Nuestro método es fenomenológico y hermenéutico con un objetivo pragmático. Los marcos teóricos de Aristóteles y de Ricoeur nos servirán de apoyo. Proponemos la idea de que los sitios de inyección ofrecen un lugar para compartir, escuchar y dialogar, quizás un lugar de reflexión, de deliberación y para tomar decisiones dentro de una comunidad de investigación en el seno de la cual los usuarios, incluso en estado de intoxicación, juegan un papel social en la resolución de un problema ético.