Mot de présentation

Usages d’opioïdes et réduction des méfaits : pratiques et traitements émergents[Notice]

  • Michel Perreault,
  • Jorge Flores-Aranda,
  • Élise Lachapelle et
  • Diana Milton

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  • Sous la direction de
    Michel Perreault
    Jorge Flores-Aranda
    Élise Lachapelle

  • avec la collaboration de
    Diana Milton

La crise des surdoses qui sévit actuellement au Canada met en lumière les limites des approches de prévention et de traitement en ce qui a trait à la consommation problématique d’opioïdes. Des taux record de surdoses ont en effet été enregistrés au Canada au cours des dernières années, s’élevant à 21 174 décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes de 2016 à 2020 (Gouvernement du Canada, 2021a). De plus, la pandémie de COVID-19 aurait aggravé cette situation en raison d’un approvisionnement illégal de plus en plus toxique, d’un sentiment accru d’isolement ainsi que d’une disponibilité et d’une accessibilité limitées des services offerts aux personnes qui utilisent des drogues (Gouvernement du Canada, 2021b). Au cours de la pandémie, on note d’ailleurs une augmentation effarante des décès reliés à une surdose, de près de 90 % (Gouvernement du Canada, 2021b). Cette réalité bouleverse les paradigmes régissant les traitements de la dépendance aux opioïdes. Elle impose l’urgence de déconstruire certaines barrières législatives et de développer des services mieux adaptés aux besoins criants des consommateurs d’opioïdes. Au Québec, depuis l’implantation de la première clinique publique offrant un traitement à base de méthadone en 1985, l’offre s’est considérablement élargie avec l’avènement des services à bas seuil d’exigence en 1999 et l’autorisation de recourir à d’autres médicaments agonistes opioïdes oraux comme la buprénorphine-naloxone en 2008 et la morphine à libération lente en 2018. Les chercheurs et les intervenants québécois cherchent néanmoins à améliorer l’offre de services par d’autres options, dont la prescription d’opioïdes injectables et la distribution d’opioïdes de qualité pharmaceutique aux consommateurs vulnérables. Dans la foulée de ces transformations, ce numéro thématique de Drogues, santé et société ouvre un espace de réflexion sur les pratiques orientées vers la réduction des méfaits et lève le voile sur des approches ainsi que des pratiques émergentes. Différentes perspectives y sont développées, dont celle des médias alors que, dans un tour d’horizon original, Thibault et Roy décortiquent en profondeur la « crise des opioïdes » en analysant la manière dont les médias canadiens l’ont couverte. S’appuyant sur le concept de récit d’épidémie, ces auteurs mettent de l’avant les significations particulières attribuées à cet enjeu à travers ses problématisations dominantes d’ordre criminel, médical, politique et institutionnel. Alors que les discours confluent vers l’impératif de réduire le nombre de décès, Thibault et Roy montrent qu’un changement s’opère : l’argumentation passe de l’approche punitive à la régulation des usages de drogues par des logiques de soins. Dès lors, le ton se modifie en faveur de la réduction des méfaits et des perspectives nouvelles sur les traitements sont transmises au public. De leur côté, Poliquin et ses collègues couvrent la perspective des personnes parmi les plus à risque d’être confrontées à une surdose, soit de celles qui consomment les opioïdes par injection. Avec originalité, ces auteurs se penchent sur la perception qu’entretient cette population sur sa santé dans un contexte de consommation et de marginalisation sociale. Il s’en dégage une fine réflexion sur le rapport entre réduction et abstinence, la consommation de substances psychoactives et la volonté de réduction des méfaits dans les programmes et les services sociaux et de santé québécois. Wagner et ses collaborateurs examinent d’ailleurs les barrières à l’accès et à la rétention dans les services, notamment dans les services à bas seuil d’exigence, destinés aux personnes présentant un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes et fortement précarisées. Ce faisant, ils décortiquent la philosophie d’intervention sous-jacente à cette approche, l’offre de soins et de services qu’elle implique, ainsi que le mode d’organisation des services qui lui est propre. Les auteurs précisent également les éléments clés de l’approche à bas seuil …

Parties annexes