Corps de l’article
Bien que les substances psychoactives soient souvent étudiées sous le prisme des problèmes associés, des aspects positifs liés à la consommation existent malgré tout. Ce sont ces bienfaits qui incitent de nombreux individus à la consommation, que ce soit pour s’amuser, se détendre, améliorer leur performance ou atténuer des maux physiques. Les probabilités que des conséquences négatives surviennent sont néanmoins bien réelles. Dans ce numéro hors thème de Drogues, santé et société, les différents textes proposés abordent cette notion du risque de la consommation de substances psychoactives auprès d’adolescents et de jeunes adultes principalement.
Pour commencer, Leclair et ses collaborateurs présentent une synthèse des connaissances entourant la consommation d’alcool dans la population générale occidentale. Cette revue de portée fait ressortir la complexité des nombreuses et diverses croyances liées aux émotions que suscite la consommation d’alcool, à ses conséquences et à ses effets, aux normes sociétales entourant cette substance et aux sentiments de contrôle sur son usage. La mise en place des actions de santé publique entourant la consommation d’alcool nécessite un regard nuancé qui tient compte de ces croyances et des facteurs individuels et sociaux qui y sont associés. Ce texte permet au lecteur de mieux comprendre les enjeux entourant la mise en place de politiques qui tendent à amoindrir les conséquences négatives associées à la consommation de cette substance, dont l’usage est accepté, voir encouragé, dans nos sociétés occidentales.
Par la suite, le texte de Yannick Masse démontre comment la consommation de boissons sucrées alcoolisées chez les jeunes est devenue un problème public. À partir de l’approche des problèmes sociaux de Blumer, l’auteur nous entraîne à travers les étapes qui ont permis d’en arriver à l’idée que la consommation de ces boissons alcoolisées chez les jeunes constitue maintenant un problème de société. À titre d’illustration, Masse décortique les sources médiatiques ayant traité du cas d’Athena Gervais, décédée après avoir ingurgité près de trois consommations à haute teneur d’alcool en moins d’une demi-heure. Ce texte permet au lecteur de pousser sa réflexion sur la construction sociale de ce qui constitue une consommation problématique dans la collectivité.
Gueye et ses collaborateurs nous amènent ensuite à considérer les substances psychoactives comme un moyen permettant aux jeunes d’améliorer leur performance intellectuelle ou physique. À partir d’un échantillon d’étudiants âgés de 18 à 24 ans, les auteurs rapportent qu’environ les trois quarts de l’échantillon ont consommé au moins une substance pour ce motif au cours de la dernière année. Bien que des stratégies de sensibilisation soient pertinentes pour réduire les probabilités de conséquences négatives pouvant découler de cette consommation, il apparaît surtout nécessaire de se questionner, comme société, sur les raisons pour lesquelles ce besoin d’améliorer autant nos performances intellectuelles ou physiques se fait tant ressentir. L’étude de Gueye et ses collaborateurs ne fait pas état des problèmes qui ont pu découler de la consommation, mais la forte prévalence notée auprès d’étudiants universitaires ou collégiaux peut soutenir l’idée que les substances psychoactives n’ont pas uniquement des côtés néfastes.
Sans vouloir minimiser la perception du risque, la consommation peut tout de même avoir un impact néfaste, notamment chez de jeunes adultes présentant un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) ou un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Dans leur échantillon d’étudiants universitaires ou collégiaux ayant un TDAH, Lagacé-Leblanc, Massé et Plourde observent un taux élevé de consommation à risque d’alcool ou d’autres drogues. Comparativement aux étudiants qui ne présentent pas de risques associés à leur consommation, ceux qui sont considérés à risque élevé connaissent des atteintes fonctionnelles plus sévères, en particulier concernant leurs études et la manifestation d’autres comportements à risque. Dans une autre étude, réalisée par Poulin et ses collaborateurs, le taux de consommation problématique est très faible chez les adolescents et les jeunes adultes ayant un TSA. Ceux qui présentent un risque élevé sont toutefois plus nombreux à présenter des symptômes dépressifs et à consommer du tabac. Les deux articles cités portent sur des populations différentes, mais le même message se profile à l’horizon. En effet, la consommation en soi n’est pas forcément problématique, mais les personnes qui présentent certains facteurs de vulnérabilité font face à des risques plus élevés liés à leur consommation.
Cette idée se retrouve également dans le dernier article de ce numéro hors thème. À partir d’une recension de la littérature et d’une démarche de consultation effectuée auprès d’acteurs clés (personnes qui consultent, intervenants, gestionnaires), L’Espérance, Loirdighi et Ménard constatent que la présence simultanée d’un traumatisme craniocérébral et d’une consommation de substances psychoactives semble multiplier les obstacles au rétablissement. Les auteurs recommandent un meilleur dépistage de ces deux conditions et une meilleure coordination des soins et des services afin que la réponse soit à la fois adaptée et intégrée.
Les six textes qui constituent ce numéro de Drogues, santé et société abordent différents aspects de la consommation de substances psychoactives auprès de diverses populations, allant des personnes ne présentant aucune problématique particulière à des individus qui consultent auprès des services médicaux ou psychosociaux. Les articles proposés sous-tendent l’idée générale que si la consommation peut procurer les bienfaits recherchés, le risque d’émergence de conséquences négatives est aussi réel, bien que non systématique. Ces textes soulignent ainsi l’importance d’adopter une vision nuancée lorsqu’il est question de consommation, malgré cette tendance à la polarisation du discours dans les sphères publiques et médiatiques.