Résumés
Résumé
La représentation de l’opium dans les arts visuels occidentaux semble bien assujettie au signifiant flottant du pharmakon de Platon dont le sens peut facilement s’inverser et devenir remède bénéfique ou poison maléfique. De remède universel avec la thériaque, la polypharmacie à base d’opium qui fonctionnera jusqu’au XVIIIe siècle, en passant par les sirops contre la toux pour les enfants, la valeur médicinale de l’opium fera d’abord l’enjeu des représentations visuelles pour, par la suite, verser dans un univers onirique ou l’opium devient une médication du spleen. De l’exotisme à l’érotisme, les rêves opiacés des fumeurs renvoient à un Orient fantasmé que les artistes auront plaisir à figurer. De la conception d’un empoisonnement exquis au remède pernicieux, le motif de l’opium dans la peinture marque une fascination pour cette drogue et fournit des prétextes aux artistes pour élaborer des dispositifs formels savants en vue d’impliquer le spectateur et de suggérer les expériences sensorielles du fumeur.
Notre contribution porte sur les images et les motifs figuratifs privilégiés par les artistes pour représenter l’opium, les fumeurs et les fumeries d’opium. Il s’agit d’interroger les thèmes traités, entre autres, les lieux du monde de l’opium, mais aussi l’atmosphère de rêverie, de langueur, que la représentation du fumeur, arrimé à sa pipe, expose, tel un voyageur dans un paradis illicite. À travers divers médiums graphiques et picturaux, provenant tant de l’histoire de la médecine que de l’illustration populaire, en passant par les oeuvres orientalistes du XIXe siècle, notre analyse tente de comprendre les stratégies figuratives mises en place par les artistes afin de mieux saisir les enjeux socioculturels attachés à l’opium.
Mots-clés :
- arts visuels,
- opium,
- thériaque,
- morphine,
- dispositifs formels
Abstract
The depiction of opium in Western visual art seems as ephemeral as Plato’s positions in his Pharmacy, in that it can be considered either a beneficial remedy or an evil poison. A universal remedy along with theriaca, the opium-based poly-pharmacy, including cough syrups for children, functioned until the XVIIIth century. The medicinal value of opium was first represented visually, falling into an onieric universe where opium became medication for the spleen. From exoticism to eroticism, the opiate dreams of these smokers took them to fantastic Oriental settings in which the artists took great pleasure. From the concept of an exquisite poisoning to that of a pernicious remedy, the motif of opium in painting marks a fascination for this drug and provides pretexts for artists to draw up formal scholarly arrangements, drawing the spectator into the smoker’s sensorial experiences.
Our contribution focuses on the figurative images and motifs chosen by artists to represent opium, the smokers and the opium dens. We examine the themes used, including settings in the world of opium as well as the dreamlike, languorous atmosphere illustrated by the smoker, armed with his pipe travelling through an illicit paradise. Through various graphic and pictorial mediums, from the history of medicine to popular illustrations and oriental works from the XIXth century, our analysis seeks to understand the figurative strategies used by artists with a view to improving our understanding of the socio-cultural issues attached to opium.
Keywords:
- visual arts,
- opium,
- theriaca,
- morphine,
- formal arrangements
Resumen
La representación del opio en las artes visuales occidentales parece sujeta al significante flotante del pharmakon de Platón, cuyo sentido puede invertirse fácilmente para convertirse en remedio benéfico o veneno maléfico. De remedio universal en la triaca, la polifarmacia a base de opio que funcionará hasta el siglo XVIII, pasando por los jarabes contra la tos para los niños, el valor medicinal del opio será el objeto, en primer lugar, de las representaciones visuales, para caer luego en un universo onírico en el que el opio deviene el remedio para la melancolía. Del exotismo al erotismo, los sueños opiáceos de los fumadores representan un Oriente fantaseado que los artistas tendrán el placer de figurar. De la concepción del envenenamiento exquisito al remedio pernicioso, el motivo del opio en la pintura marca una fascinación por esta droga y brinda pretextos a los artistas para elaborar dispositivos formales complejos destinados a implicar al espectador y sugerirle las experiencias sensoriales del fumador.
Nuestra contribución tiene como objeto las imágenes y los motivos figurativos privilegiados por los artistas para representar el opio, los fumadores y los fumaderos de opio. Se trata de interrogar los temas tratados, entre otros, los lugares del mundo del opio y también la atmósfera de ensoñación, de languidez que expone la representación del fumador, arrimado a su pipa, como un viajero en un paraíso ilícito. A través de diversos medios gráficos y pictóricos, provenientes tanto de la historia de la medicina como de la ilustración popular, pasando por las obras orientalistas del siglo XIX, nuestro análisis trata de comprender las estrategias figurativas aplicadas por los artistas para captar mejor las implicaciones socioculturales asociadas con el opio.
Palabras clave:
- artes visuales,
- opio,
- triaca,
- morfina,
- dispositivos formales
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Parties annexes
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