Volume 11, numéro 1, juin 2012 Drogues et création littéraire et artistique Sous la direction de Joseph Josy Lévy
Sommaire (8 articles)
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Mot de présentation : drogues et création littéraire et artistique
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La drogue et le journal de voyage contemporain
Lindsey Michael Banco
p. 1–18
RésuméFR :
Cet essai se penche sur les liens entre les représentations du voyage et les représentations des drogues dans les journaux de voyage contemporains. En tant que genre populaire non romanesque, le journal de voyage aide à structurer la perception du public à l’égard du voyage. Cependant, tout comme plusieurs autres formes d’écriture sur les voyages, il dépeint fréquemment les drogues. Nombre de journaux de voyage présentent des écrivains voyageant avec de la drogue, voyageant sous l’effet de la drogue, ou voyageant pour s’en procurer. Les journaux de voyage contemporains présentent souvent le voyage comme étant une métaphore paradigmatique, pourtant problématique, qui sert à comprendre divers genres d’expériences en lien avec la drogue : celles qui servent à acquérir des connaissances sur soi ou à subir des transformations, celles qui vont à la rencontre de l’altérité radicale ou cherchent à la domestiquer sous des formulations néocoloniales. Il est question dans ces pages de deux journaux de voyage relatant l’expérience des drogues, publiés à la fin du 20e siècle : Chasing the Dragon: Into the Heart of the Golden Triangle (1996) de Christopher Cox et Eating the Flowers of Paradise: A Journey Through the Drug Fields of Ethiopia and Yémen (1998) de Kevin Rushby. Mon analyse explore la façon avec laquelle ces récits populaires imaginent la connexion mobilité/intoxication et comment ces connexions font intervenir la double thématique de la mobilité planétaire et de la circulation et de la consommation illicites de substances psychotropes.
EN :
This essay theorizes the relationship between representations of travel and representations of drugs in contemporary nonfiction drug travelogues. As a popular nonfiction genre, the travelogue helps structure public perceptions of travel but, like many other forms of travel writing, frequently depicts drugs. A relatively large number of travelogues feature writers traveling with drugs, traveling on drugs, or traveling for drugs. Contemporary travelogues frequently offer travel as a paradigmatic yet problematic metaphor for understanding various kinds of drug experiences: those that involve acquiring self-knowledge or undergoing transformation, those that involve encountering radical alterity or domesticating it in neo-colonial formulations. At issue here are two drug travelogues published at the end of the twentieth century: Christopher Cox’s Chasing the Dragon: Into the Heart of the Golden Triangle (1996), and Kevin Rushby’s Eating the Flowers of Paradise: A Journey Through the Drug Fields of Ethiopia and Yemen (1998). My analysis explores how these popular accounts imagine the mobility/intoxication nexus and how that nexus engages with the dual thematics of global mobility and the illicit movement and consumption of mind-altering substances.
ES :
Este ensayo estudia los vínculos entre las representaciones del viaje y las representaciones de las drogas en los diarios de viaje contemporáneos. En cuanto género popular y no romanesco, el diario de viaje ayuda a estructurar la percepción del público con respecto al viaje. Sin embargo, al igual que muchas otras formas de escritura sobre viajes, describe con frecuencia las drogas. Una cantidad de diarios de viaje describen el periplo de escritores que viajan con drogas, bajo los efectos de la droga o cuyo objetivo es procurarla. Los diarios de viaje contemporáneos presentan a menudo el viaje como una metáfora paradigmática y, sin embargo, problemática, que sirve para comprender diversos tipos de experiencia relacionadas con la droga: las que sirven para obtener el conocimiento de sí mismo o para experimentar transformaciones, las que van al encuentro de la alteridad radical o las que buscan domesticarla bajo formulaciones neocoloniales. En estas páginas se analizan dos diarios de viaje que relatan la experiencia de las drogas, publicados a fines del siglo 20: Chasing the Dragon: Into the Heart of the Golden Triangle (1996), de Christopher Cox, y Eating the Flowers of Paradise: A Journey Through the Drug Fields of Ethiopia and Yémen (1998) de Kevin Rushby. Mi análisis explora la manera como estos relatos populares imaginan la conexión movilidad/intoxicación y como estas conexiones hacen intervenir la doble temática de la movilidad planetaria y de la circulación y el consumo ilícito de sustancias psicotrópicas.
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Mireille Havet, diariste et toxicomane
Patrick Bergeron
p. 19–28
RésuméFR :
Cet article propose d’examiner les liens entre la toxicomanie et la pratique d’écriture du journal intime à partir de l’exemple de Mireille Havet (1898-1932). Nous mettrons en place quelques repères biographiques et historiques qui nous permettront ensuite de nous concentrer sur le Journal d’Havet. Nous voulons démontrer qu’une dynamique duelle s’y module : l’introspection évolue parallèlement avec une autodestruction que la dépendance à la drogue a rendue irréversible.
EN :
This paper will discuss connections between drug addiction and the practice of diary writing based on the example of Mireille Havet (1898-1932). We highlight various biographical and historical aspects before peering into Havet’s diary. We aim to show that the Journal produces a duality in which self-reflection coincides with a form of self-perdition that drug addiction has made inextricable.
ES :
Este artículo se propone examinar los vínculos entre la toxicomanía y la práctica de la escritura de un diario íntimo a partir de los ejemplos de Mireille Havet (1898-1932). Ubicaremos algunas referencias biográficas e históricas que nos permitirán luego concentrarnos sobre el Diario de Havet. El objetivo es demostrar que en él se modula una dinámica dual: la introspección evoluciona paralelamente con la autodestrucción, que la dependencia de la droga hace irreversible.
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Boire et écrire chez Deleuze, Duras, Bukowski et Chinaski : entre création et transgression
Mouloud Boukala
p. 29–47
RésuméFR :
Cet article interroge les liens entre l’acte de boire et celui d’écrire en philosophie (Gilles Deleuze), en littérature (Marguerite Duras et Charles Bukowski) et au cinéma (Barbet Schroeder). Son but est double : d’une part, montrer si la prise d’alcool met en oeuvre, catalyse ou favorise d’une quelconque manière l’acte de création et, d’autre part, examiner comment l’alcool, porté à l’écran, traduit à la fois un état du corps et un aspect d’une identité sociale – acceptée ou marginalisée – selon les contextes géographiques (France et États-Unis).
La démarche adoptée, résolument comparative, s’inscrit dans le cadre d’une anthropologie des médias. Cette dernière vise la description puis l’analyse de processus situés à l’intersection du ressenti (perçu, vécu) et du représenté. Cet article examine aussi bien les activités (créatrices et prises compulsives d’alcool) que leurs représentations lors d’une entrevue filmée (L’abécédaire de Gilles Deleuze, 1996), de deux émissions de télévision (Apostrophes, 1984 et 1988) et d’une adaptation cinématographique (Barfly, 1987).
Pour chaque auteur abordé, une réflexion autour de la dipsomanie est menée. Elle privilégie les activités créatrices par l’écriture en lien avec la prise d’alcool. Dans un premier temps, l’acte de boire est scruté avec minutie afin d’en dégager certaines spécificités (la quantité, l’évaluation, le sacrifice, l’illusion de la création, la résistance), puis l’étude de ces conduites addictives donne à comprendre comment elles affectent l’ensemble des relations sociales de ces auteurs. Pour chaque corpus étudié, des éléments saillants et des enjeux anthropologiques qui ressortent de ces pratiques éthyliques et créatrices sont mis en lumière en vue d’une analyse comparative.
EN :
This article examines the relationship between the act of drinking and the act of writing in philosophy (Deleuze), literature (Marguerite Duras and Charles Bukowski) and cinema (Barbet Schroeder). This article has a double-purpose: first, to show whether alcohol intake initiates, catalyses or in any way promotes the act of creation and, then, to examine how alcohol brought to the screen evokes both a state of the body and an aspect of social identity – accepted or marginalized – within geographical contexts (France and the United States). This adopted approach, resolutely comparative, takes place within the area of media anthropology.
The latter aims at describing then analyzing the processes located at the intersection of feeling (perceived, lived) and representation. This article examines both the activities (creative activity and compulsive intake of alcohol) and their representations in a videotaped interview (L’abécédaire de Gilles Deleuze, 1996), two television broadcastings (Apostrophes, 1984 and 1988) and a film adaptation (Barfly, 1987). For each author studied, a reflection on the dipsomania is conducted. It focuses on creative activities by writing in connection with the use of alcohol. At first, the act of drinking is carefully scrutinized in order to identify certain characteristics (amount, assessment, sacrifice, illusion of creation, resistance), then the study of these addictive behaviors help to understand how they affect all social relationships of these authors. For each corpus studied, outstanding elements and anthropological issues which come out of these creative and alcoholic practices are highlighted for comparative analysis.
ES :
Este artículo analiza los vínculos entre el acto de beber y el de escribir en filosofía (Gilles Deleuze), en literatura (Marguerite Duras y Charles Bukowski) y en el cine (Barbet Schroeder). Tiene un doble objetivo: por una parte, mostrar si el hecho de beber alcohol pone en práctica, cataliza o favorece de alguna manera el acto de creación y, por otra parte, examinar de qué manera el alcohol, llevado a la pantalla, traduce a la vez un estado del cuerpo y un aspecto de la realidad social – aceptada o marginalizada – según los contextos geográficos (Francia y Estados Unidos).
El enfoque adoptado, decididamente comparativo, se inscribe en el marco de una antropología de los medios, que apunta a la descripción y el análisis de procesos situados en la intersección entre la sensación (percepción, vivencia) y lo representado. El artículo examina tanto las actividades (creativas y consumo compulsivo de alcohol) como sus representaciones durante una entrevista filmada (L’abécédaire de Gilles Deleuze, 1996), dos emisiones de televisión y una adaptación cinematográfica (Barfly, 1987).
Para cada autor estudiado, se lleva a cabo una reflexión en torno a la dipsomanía, en la que se privilegian las actividades creativas a través de la escritura en relación con el consumo de alcohol. En un primer momento, el acto de beber se escruta con minucia para definir ciertas especificidades (la cantidad, la evaluación, el sacrificio, la ilusión de creación, la resistencia); posteriormente, el estudio de estas conductas adictivas permite comprender de qué manera las mismas afectan el conjunto de las relaciones sociales de estos autores. Por cada corpus estudiado, se ponen en evidencia los elementos sobresalientes y las cuestiones antropológicas que surgen de estas prácticas etílicas y creativas con el objetivo de llevar a cabo un análisis comparativo.
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Quand mon personnage préféré consomme : Usages et représentations des médicaments et des drogues dans la websérie Skins
Christine Thoër et Joseph Josy Lévy
p. 48–69
RésuméFR :
Dans les styles de vie des adolescents et des jeunes adultes, le visionnement de films, de téléséries et de webséries occupe une place importante. Ces productions présentent des personnages et des scénarios qui mettent en scène les différentes problématiques auxquelles ces populations peuvent être confrontées telles que la consommation de drogues et de médicaments. Afin de cerner les modèles proposés, deux saisons de la websérie Skins, produite en Grande-Bretagne et qui remporte un grand succès international, ont été analysées à partir d’une étude de contenu faisant appel à une méthodologie mixte, quantitative et qualitative. Les analyses indiquent que la question des drogues et des médicaments occupe une place importante, le cannabis restant la drogue la plus représentée et utilisée tant par les personnages masculins que féminins. Elle est suivie par l’ecstasy. Si les drogues dures sont peu représentées, le recours aux médicaments à des fins non médicales est bien illustré, en particulier par les antidépresseurs et les traitements pour les troubles de l’érection. La websérie met en scène les étapes d’accès aux substances, leur préparation, leur consommation et même leur revente alors que ces thématiques étaient traitées de façon périphérique dans les productions télévisuelles des années 1990. Les modalités des états de conscience, de la défonce légère aux effets plus extrêmes et dangereux, sont abordées dans Skins. Cela met en évidence la variété des contextes et les fonctions collectives et individuelles de la consommation. Ces substances ne font généralement pas l’objet d’une évaluation négative dans les scénarios qui insistent plutôt sur leur banalisation et sur leur intégration dans le quotidien des jeunes, et ce, sans grands risques pour l’état de santé. Il resterait à cerner le processus de réception de cette série dans les différents contextes nationaux et à voir dans quelle mesure ces contenus influencent les normes et les pratiques de consommation des substances et des médicaments chez les adolescents.
EN :
In the lifestyles of teenagers and young adults, the viewing of movies, TV soaps and web series is an important activity. These productions present characters and scripts which illustrate the various problems these populations are facing, among which the consumption of drugs and medicines. To describe the models represented, two seasons of the popular web series Skins produced in Great Britain and a big success in many countries, were analysed using a content analysis based on quantitative and qualitative methodology. The results indicate that the question of illegal and medical drugs is an important topic, with cannabis as the drug most often represented and used by both male and female characters, followed by ecstasy. If the depiction of hard drugs is rare, non-medical use of prescription drugs is well illustrated, in particular with antidepressants and treatments or erectile dysfunction. The web series stage the phases of access to substances, their preparation, their consumption and even their resale, topics treated in a peripheral way in the TV productions of the 1990s. The states of consciousness, from light effects to extreme and dangerous ones are represented, illustrating the variety of contexts and the collective and individual functions of drug use. These substances are not generally the object of a negative evaluation within the story-line, insistance being put rather on their everyday acceptance and their integration in the everyday life of young people, without great risks for the health. It remains important to document the reception of this web series in various national contexts and to understand its influence on the standards of consumption of illegal substances and prescription drugs by adolescents.
ES :
El visionamiento de películas, series de televisión y de Web ocupa un lugar importante en los estilos de vida de los adolescentes y de los jóvenes adultos. Estas producciones presentan personajes y situaciones que escenifican las diferentes problemáticas a las que pueden verse confrontadas estas poblaciones, como el consumo de drogas o de medicamentos. Con el fin de delimitar los modelos propuestos, se analizaron, a partir de un estudio de contenidos en el que se aplica una metodología mixta, cuantitativa y cualitativa, dos temporadas de la serie Web Skins, producida en Gran Bretaña con un gran éxito mundial. Los análisis indican que la cuestión de las drogas y los medicamentos ocupa un lugar importante, siendo el cannabis la droga más representada y utilizada, tanto por los personajes masculinos como femeninos, seguida por el éxtasis. Si bien las drogas duras están poco representadas, el recurso a los medicamentos con fines no medicinales está bien ilustrado, en particular por los antidepresivos y los tratamientos para los problemas de erección. La serie Web pone en escena las etapas de acceso a las drogas, su preparación, su consumo e incluso su reventa, a diferencia de las producciones televisuales de años 90, en las que estos temas se trataban de manera periférica. En Skin se representan las modalidades de los estados de conciencia, del hundimiento suave a los efectos más extremos y peligrosos, poniendo en evidencia la variedad de contextos y las funciones colectivas e individuales del consumo. En general, estas drogas no son objeto de una evaluación negativa en las escenas, donde se insiste más bien en su banalización e integración en la vida cotidiana de los jóvenes, sin grandes riesgos por su estado de salud. Quedaría por definir el proceso de recepción de esta serie en los diferentes contextos nacionales y ver en qué medida estos contenidos influyen en las normas y prácticas de consumo de drogas y medicamentos entre los adolescentes.
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Les volutes de la peinture : l’opium au défi des images
Florence Chantoury-Lacombe
p. 70–89
RésuméFR :
La représentation de l’opium dans les arts visuels occidentaux semble bien assujettie au signifiant flottant du pharmakon de Platon dont le sens peut facilement s’inverser et devenir remède bénéfique ou poison maléfique. De remède universel avec la thériaque, la polypharmacie à base d’opium qui fonctionnera jusqu’au XVIIIe siècle, en passant par les sirops contre la toux pour les enfants, la valeur médicinale de l’opium fera d’abord l’enjeu des représentations visuelles pour, par la suite, verser dans un univers onirique ou l’opium devient une médication du spleen. De l’exotisme à l’érotisme, les rêves opiacés des fumeurs renvoient à un Orient fantasmé que les artistes auront plaisir à figurer. De la conception d’un empoisonnement exquis au remède pernicieux, le motif de l’opium dans la peinture marque une fascination pour cette drogue et fournit des prétextes aux artistes pour élaborer des dispositifs formels savants en vue d’impliquer le spectateur et de suggérer les expériences sensorielles du fumeur.
Notre contribution porte sur les images et les motifs figuratifs privilégiés par les artistes pour représenter l’opium, les fumeurs et les fumeries d’opium. Il s’agit d’interroger les thèmes traités, entre autres, les lieux du monde de l’opium, mais aussi l’atmosphère de rêverie, de langueur, que la représentation du fumeur, arrimé à sa pipe, expose, tel un voyageur dans un paradis illicite. À travers divers médiums graphiques et picturaux, provenant tant de l’histoire de la médecine que de l’illustration populaire, en passant par les oeuvres orientalistes du XIXe siècle, notre analyse tente de comprendre les stratégies figuratives mises en place par les artistes afin de mieux saisir les enjeux socioculturels attachés à l’opium.
EN :
The depiction of opium in Western visual art seems as ephemeral as Plato’s positions in his Pharmacy, in that it can be considered either a beneficial remedy or an evil poison. A universal remedy along with theriaca, the opium-based poly-pharmacy, including cough syrups for children, functioned until the XVIIIth century. The medicinal value of opium was first represented visually, falling into an onieric universe where opium became medication for the spleen. From exoticism to eroticism, the opiate dreams of these smokers took them to fantastic Oriental settings in which the artists took great pleasure. From the concept of an exquisite poisoning to that of a pernicious remedy, the motif of opium in painting marks a fascination for this drug and provides pretexts for artists to draw up formal scholarly arrangements, drawing the spectator into the smoker’s sensorial experiences.
Our contribution focuses on the figurative images and motifs chosen by artists to represent opium, the smokers and the opium dens. We examine the themes used, including settings in the world of opium as well as the dreamlike, languorous atmosphere illustrated by the smoker, armed with his pipe travelling through an illicit paradise. Through various graphic and pictorial mediums, from the history of medicine to popular illustrations and oriental works from the XIXth century, our analysis seeks to understand the figurative strategies used by artists with a view to improving our understanding of the socio-cultural issues attached to opium.
ES :
La representación del opio en las artes visuales occidentales parece sujeta al significante flotante del pharmakon de Platón, cuyo sentido puede invertirse fácilmente para convertirse en remedio benéfico o veneno maléfico. De remedio universal en la triaca, la polifarmacia a base de opio que funcionará hasta el siglo XVIII, pasando por los jarabes contra la tos para los niños, el valor medicinal del opio será el objeto, en primer lugar, de las representaciones visuales, para caer luego en un universo onírico en el que el opio deviene el remedio para la melancolía. Del exotismo al erotismo, los sueños opiáceos de los fumadores representan un Oriente fantaseado que los artistas tendrán el placer de figurar. De la concepción del envenenamiento exquisito al remedio pernicioso, el motivo del opio en la pintura marca una fascinación por esta droga y brinda pretextos a los artistas para elaborar dispositivos formales complejos destinados a implicar al espectador y sugerirle las experiencias sensoriales del fumador.
Nuestra contribución tiene como objeto las imágenes y los motivos figurativos privilegiados por los artistas para representar el opio, los fumadores y los fumaderos de opio. Se trata de interrogar los temas tratados, entre otros, los lugares del mundo del opio y también la atmósfera de ensoñación, de languidez que expone la representación del fumador, arrimado a su pipa, como un viajero en un paraíso ilícito. A través de diversos medios gráficos y pictóricos, provenientes tanto de la historia de la medicina como de la ilustración popular, pasando por las obras orientalistas del siglo XIX, nuestro análisis trata de comprender las estrategias figurativas aplicadas por los artistas para captar mejor las implicaciones socioculturales asociadas con el opio.
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« Art de dire » Rastafari : créativité musicale et dagga dans les townships sud-africains
Julie Laplante
p. 90–106
RésuméFR :
Le mouvement rastafari, et son expansion à l’échelle mondiale, est un témoignage du succès d’un « art de dire » par l’expression musicale. Technique du corps et des sens, la création de la musique peut se lier à l’éthos d’un peuple. Il s’agit dans cet article de comprendre les conditions de créativité musicale au sein du quotidien rastafari des townships du Cap en Afrique du Sud. Ainsi, comment la création musicale s’insère-t-elle au coeur du mouvement rastafari sud-africain, en quoi ce processus est-il porteur de signification, voire gage de survie au quotidien ? Et plus particulièrement, quelle est la place de la plante sacrée dagga (cannabis, marijuana) dans ce processus, dont l’usage hors du mouvement est légiféré comme criminel, et dont l’usage en son sein apparaît libérateur, voire thérapeutique ? Voilà le défi de cet article qui pourra être relevé grâce à une famille musicienne/herboriste rastafari sud-africaine et à une anthropologie des sens. Dans le mouvement rastafari qui s’est érigé explicitement contre l’oppression d’un monde colonial en Jamaïque dans les années 1930, le processus de créativité musicale apparaît comme un mode de « mieux-être dans le monde », mode où les mots et les sons sont nettement privilégiés comme médium de changement social. En ce qui concerne son Herbe, la dagga, ses fonctions y sont multiples, tant sur le plan culturel que biologique, s’entrelaçant à la créativité musicale selon les ancrages positionnels particuliers des acteurs.
EN :
The Rastafarian movement, and its expansion on a worldly scale, testifies to the success of an “art of saying” through musical expression. Body and sensorial technique, creating music is linked to the ethos of a people. In this paper I aim to comprehend the conditions of musical creativity in the everyday of Rastafarians in the townships of Cape Town in South Africa. Hence how does creating music enter at the heart of the South African Rastafarian movement and in what is this process carrier of meaning, even a part of daily survival? More particularly, what is the place of its sacred plant dagga (cannabis, marijuana) in this process that, albeit criminalized outside the movement, appears to be liberating, even therapeutic within the movement? This is the comprehensive challenge set for this article and it is a South African Rastafarian family of musicians/herbalists and an anthropology of the senses which help us meet it. In this movement explicitly arising against colonial oppression in Jamaica in the 1930s, the musical creative process appears as a better ‘way of being in the world’ in which words and sounds are clearly privileged as the medium for social change. With regards to its Herb, dagga, its place is multiple, cultural as well as biological, intermingling within musical creativity according to the actors’ particular positioning.
ES :
El movimiento rastafari y su expansión a escala mundial es un testimonio del éxito de un “arte de decir” a través de la expresión musical. Técnica del cuerpo y de los sentidos, la creación de la música puede vincularse al etos de un pueblo. En este artículo se trata de comprender las condiciones de creatividad musical dentro del cotidiano rastafari de las townships del Cabo en África del Sur. ¿De qué manera la creación musical se introduce en el corazón del movimiento rastafari sudafricano, de qué modo este proceso es portador de significación, incluso de garantía de supervivencia en el cotidiano? Y, más particularmente, cuál es el lugar que ocupa la planta sagrada dagga (cannabis, marihuana) en este proceso, cuyo uso fuera del movimiento está legislado como criminal y cuyo consumo en su seno aparece como liberador, hasta terapéutico? Este es el desafío que se plantea en este artículo, desafío que podrá resolverse gracias a una familia de músicos y herboristas rastafaris sudafricanos y a una antropología de los sentidos. En el movimiento rastafari, que se erigió explícitamente contra la opresión de un mundo colonial en la Jamaica de los años 30, el proceso de creatividad musical aparece como un modo de “mayor bienestar en el mundo”, modo en el que se privilegian claramente las palabras y los sonidos como medio de cambio social. En lo que concierne a su Hierba, la dagga, sus funciones en dicho mundo son múltiples, tanto en el plano cultural como en el biológico, entrelazándose con la creatividad musical según los anclajes posicionales particulares de los actores.
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« Ils ont voulu m’envoyer en cure. » De la bohème à l’artiste survivant, évolution de la figure du musicien drogué
Mario Blaise
p. 107–122
RésuméFR :
De nombreux artistes musiciens sont connus pour leurs problèmes de drogue et leur in-carnation de la vie de bohème. À travers leurs discours et témoignages dans les médias et leurs oeuvres sur la drogue et leur vie, il est intéressant d’étudier la construction de la figure de la bohème et de l’artiste maudit dans ses interactions entre public, médias et artistes. Ces figures héritées du romantisme du XIXe siècle restent encore actives pour une nouvelle génération de musiciens, alors qu’apparaît avec les rock-stars rescapées des années 1960-1970 la figure du survivant ancien drogué, pour qui les drogues ont pu correspondre à un moment de son parcours créatif. Depuis, il s’en est sorti et n’a plus besoin des drogues pour créer. L’attrait de la cure de sevrage se trouve du même coup renforcé comme renouveau personnel et créatif et comme moyen d’expression et de prise en charge de problèmes de toutes sortes.
EN :
Several musicians are known for their drug related problems and for their incarnation of the bohemian lifestyle. Through their stories and positions in the media about drug, ad-diction and life, our interest is the social construction of the bohemian and black roman-tic figures between media, the public and the artist. These nineteen century figures are still active for the new generation of rock musicians. But is coming a new figure, with the rock-star from the 60-70’s, the ex-addict survivor. He used to take drugs during his ar-tist career. Now that he is clean, he doesn’t need drug anymore to create. Getting in a drug rehabilitation center is therefore becoming more popular as it appears to be a pos-sible creative revival, and a way to deal with all kind of troubles.
ES :
Numerosos son los artistas músicos conocidos por sus problemas de droga y su encarnación de la vida bohemia. A través de sus palabras y sus testimonios en los medios y de sus obras sobre la droga y sus vidas, es interesante estudiar la construcción de la figura de la bohemia y del artista maldito en las interacciones entre público, medios y artistas. Estas figuras heredadas del romanticismo del siglo XIX son todavía activas para una nueva generación de músicos, mientras que con las estrellas del rock escapadas de los años 60 y 70 aparece la figura del sobreviviente ex drogadicto, para quien las drogas pudieron corresponder a un momento de su trayectoria creativa. Desde entonces, salió de las drogas y ya no las necesita para crear. El atractivo de una cura de desintoxicación se refuerza al mismo tiempo como renovación personal y creativa y como medio de expresión y manejo de problemas de todo tipo.