Résumés
Résumé
Cet article confronte les caractérisations qui ont été données de la dépendance aux médicaments psychotropes par la psychopharmacologie et la psychopathologie, d’une part, à la manière avec laquelle les consommateurs les plus réguliers gèrent leur usage, d’autre part. L’étude des données issues de la recherche psychiatrique montre combien les définitions du phénomène ont été marquées avec le temps, comme pour les toxicomanies en général, par une individualisation de la causalité : la dépendance aux médicaments psychotropes y est rapportée soit à une susceptibilité particulière aux produits, soit à l’étayage d’une structure de personnalité. Une campagne d’entretiens effectuée auprès des usagers permet de montrer que l’organisation des consommations chroniques s’alimente à des principes similaires. Lorsque le recours aux médicaments bénéficie de la légitimité d’une cause dite « externe », physiologique ou environnementale, la chronicité rencontre une certaine tolérance et s’articule à une gestion routinière des produits. En revanche, lorsque l’usage régulier s’associe au diagnostic d’une défaillance personnelle, sa gestion s’avère beaucoup plus problématique.
Mots-clés:
- psychopharmacologie,
- addiction,
- dépendance,
- chronicité,
- benzodiazépines,
- antidépresseurs,
- médecine générale,
- usages,
- individualisation
Abstract
This article compares the psychopharmacological and psychopathological characterizations of dependence on psychotropic drugs on the one hand to the way in which regular consumers manage their use on the other. The data obtained from psychiatric research show that this phenomenon (like that of substance abuse in general) is frequently attributed to an individual causation: the dependence on psychotropic drugs is linked either to a physiological (over)sensitivity to drugs, or to a particular structure of personality. Quite surprisingly, users with regular consumptions do not differ much. When the use of drugs is attributed to an “external” cause, be it organic or environmental, chronicity is somewhat accepted and consumption becomes a routine. But when the use is associated with a diagnosis of some personal fault, it turns out to be much more problematic.
Keywords:
- psychopharmacology,
- addiction,
- dependence,
- chronicity,
- benzodiazepines,
- anti-depressants,
- general medicine,
- use,
- individualization
Resumen
Este artículo compara, por una parte, las caracterizaciones que hicieron la psicofarmacología y la psicopatología de la dependencia a los medicamentos y, por la otra, la manera como los consumidores más regulares manejan su uso. El estudio de los datos que surgen de la investigación psiquiátrica muestra hasta qué punto las definiciones del fenómeno, tal como ocurre en el caso de las toxicomanías en general, han sido marcadas, con el tiempo, por una individualización de la causalidad: la dependencia de los medicamentos psicotrópicos se relaciona ya sea con una susceptibilidad particular a los productos o con el apuntalamiento de una estructura de personalidad. Una campaña de entrevistas llevadas a cabo con consumidores permite mostrar que la organización del consumo crónico se alimenta en principios similares. Cuando el recurso a los medicamentos cuenta con la legitimidad de una causa llamada “externa”, fisiológica o ambiental, la cronicidad encuentra una cierta tolerancia y se integra dentro de un manejo rutinario de los productos. Por el contrario, cuando el uso regular se vincula con el diagnóstico de una falla personal, su gestión se hace mucho más problemática.
Palabras clave:
- psicofarmacología,
- adicción,
- dependencia,
- cronicidad,
- benzodiazepinas,
- antidepresivos,
- medicina general,
- usos,
- individualización
Parties annexes
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