Ce deuxième numéro thématique de la revue Drogues, santé et société aborde un courant actuel d’intervention publique en matière de drogue, à la fois sociosanitaire, communautaire, politique, éducatif et clinique. Né sur le terrain comme champ de pratiques novatrices pour contrer la menace de transmission du VIH chez les toxicomanes, au début des années 1980, dans certains pays occidentaux, la réduction des risques et des méfaits est aujourd’hui un courant en expansion à l’échelle de la planète. Ce dernier, au fil du temps, est devenu terrain d’investigation pour la recherche et la réflexion, opportunité pour le renouvellement des interventions préventives et curatives auprès des consommateurs et défi majeur au regard des politiques publiques sur les drogues. Le courant, identifié chez les Anglo-saxons depuis le milieu des années 1980 sous le vocable de Harm Reduction, est ici désigné comme Réduction des risques et des méfaits afin d’intégrer les appellations européenne et québécoise du phénomène de même que la réalité d’un continuum d’interventions incluant des actions aussi bien éducatives que de prise en charge. Le présent dossier comporte sept contributions originales. Il propose un itinéraire nécessairement fragmentaire de la réalité québécoise actuelle de la réduction des risques et des méfaits mais un itinéraire que nous croyons représentatif des tendances, débats, innovations et difficultés de l’heure dans le domaine : d’une part, la reconfiguration des contraintes politiques et des contrôles sociosanitaires ; d’autre part, la progression d’une compréhension de la réalité des consommateurs et d’une compassion à leur égard ; et, sur le terrain, des gains bien réels en conscientisation et en collaboration, tant chez les usagers que chez les intervenants, autour des conséquences, individuelles et collectives, découlant de la consommation de substances psychoactives. Pour n’en mentionner que deux, la question des moyens et des finalités chez les gens engagés au coeur de l’action et celle de la cohabitation parfois difficile des perceptions du phénomène chez les nombreux acteurs impliqués témoignent du type d’enjeux qui animent aujourd’hui ce champ de pratiques et de réflexion. Le texte d’ouverture de Carrier et Quirion est une proposition théorique de fond comme il s’en est peu écrit sur le sujet mais que le recul de quelques vingt années de pratiques rend aujourd’hui possible et pertinente. S’appuyant sur des thèses sociologiques et critiques contemporaines, les auteurs questionnent les prétentions et l’apparent succès politique de la réduction des risques et des méfaits qu’ils associent à une extension plutôt qu’à une remise en question des modalités politiques et thérapeutiques de contrôle en présence dans le champ de l’usage des drogues illicites. Dans une autre perspective, qui s’attache à comprendre le phénomène du point de vue des principaux protagonistes, le texte de Roy, Nonn, Haley et Morissette ainsi que celui de Carrier et Lauzon rendent compte de la réalité des usagers de drogues par injection (UDI) de la région de Montréal au moyen d’approches qualitatives. Les lecteurs pourront mieux y saisir le rapport entre les trajectoires de vie des jeunes usagers et les pratiques d’injection à risque, sujet peu exploré dans la littérature internationale à ce jour ; ils seront également à même de prendre conscience des perceptions et des besoins des consommateurs marginalisés en regard de l’implantation de lieux d’injection de drogues illicites (LIDI) sur le territoire montréalais. Dans un registre plus analytique mais en continuité avec l’appréciation qualitative précédente, le texte de Haley, Roy et Leclerc propose une revue exhaustive de la situation et des avenues d’intervention préventive concernant la transmission du VIH et de l’hépatite C chez les jeunes UDI, domaine d’urgence en santé publique et où les connaissances font encore dramatiquement défaut. Perreault, Tremblay et …
Réduction des risques et des méfaits[Notice]
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Pierre Brisson
M.A., Programmes de toxicomanies, Faculté de médecine, Université de SherbrookeCarole Morissette
MD, FRCPC, Direction de santé publique, Régie régionale de la santé et des services sociaux, Montréal-centre