Éditorial

Famille et toxicomanie[Notice]

  • Louise Guyon et
  • Marie-Andrée Bertrand

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  • Louise Guyon
    MSc, coordonnatrice du RISQ et du CIRASST
    Responsable du numéro Famille et toxicomanie

  • avec la collaboration de
    Marie-Andrée Bertrand
    Professeure émérite de criminologie de l’Université de Montréal
    Responsable du numéro Famille et toxicomanie

Le premier numéro d’une nouvelle revue scientifique est souvent lourdement chargé de sens : rite de passage ou mesure étalon, il ouvre la porte et donne le ton aux numéros qui emboîteront son pas. Sans prétendre rejoindre tous les objectifs énumérés dans le Mot de bienvenue de Michel Landry, ce numéro sur Famille et toxicomanie a pour objet de présenter à la fois une réflexion et un apport de connaissances sur ce thème. Le choix de privilégier la famille comme sujet pour lancer la revue n’est pas le fruit du hasard. Il reflète l’intérêt du comité de rédaction pour un aspect fondamental associé à la consommation de substances psychoactives et à la toxicomanie. On n’abordera ici qu’une partie du sujet ; il faut garder à l’esprit que beaucoup restera à dire et à discuter. Nous avons conçu ce numéro à la façon d’une conversation qui s’engage et qui devra se poursuivre plus tard, dans un numéro ultérieur. Le premier verre d’alcool, le premier regard sur la substance qui modifie l’humeur et le comportement, le premier plaisir et le premier malaise qu’elle procure sont des expériences qui se vivent le plus souvent dans le milieu familial. La famille constitue le creuset où se développent les comportements et les attitudes face aux différentes substances psychoactives ; ces dernières peuvent être associées à des événements festifs, à des réponses à des stress ou à des souffrances, ou encore à des résolutions de conflits. Nicole Boily et Isabelle Biteaudeau nous font entrer de plain-pied dans l’univers familial des générations contemporaines : un milieu en rupture avec la plupart de ses assises traditionnelles et qui se redéfinit par de nouvelles valeurs, mais aussi par des changements de rapports entre les individus qui le composent. Cette nouvelle démocratie familiale ne sera pas sans effets sur la transmission des attitudes face aux drogues et à l’alcool ni sur les modes d’apprentissage quant à leur utilisation. Le désarroi de plusieurs familles lorsque la consommation d’un membre devient problématique soulève la question du soutien dont elles devraient parfois faire l’objet et met en évidence la nécessité actuelle de miser sur les forces du système familial et d’encourager le potentiel d’actions positives qu’il représente. Mais ce partage familial des valeurs n’agit pas en vase clos, il est imbriqué au coeur d’un édifice plus vaste et plus complexe qui s’est construit dans un lieu, à travers le filtre de générations successives. C’est ainsi que Sylvain Dally remonte la piste du temps jusqu’aux premiers balbutiements d’une perception collective de la signification de l’alcool. De la méfiance implicite des grandes religions vis-à-vis de l’alcool jusqu’aux rites familiaux d’initiation à la fonction unificatrice du vin au sein du groupe de référence, il nous rappelle l’importance sociale d’un produit qui est trop souvent appréhendé à partir de ses effets néfastes, à partir d’une vision parfois trop restrictive de la santé publique. L’article de Louise Guyon et de ses collaboratrices nous plonge dans l’univers des familles à problèmes multiples où l’alcool et la drogue participent à la fois au problème et à sa solution, du moins à court terme. La question vive qu’il suscite est celle de la transmission générationnelle des conduites addictives et de la compréhension qu’on peut tirer de l’étude du parcours de vie de la femme toxicomane, jusqu’à la maternité. Cette interrogation sera reprise plus loin par Hugues Létourneau, qui se centre sur l’optique du mieux-être de l’enfant, mais cette fois, on mettra sur la place publique une perspective que l’on n’a pas l’habitude de prendre en considération : celle selon laquelle maternité et toxicomanie ne sont pas nécessairement antagonistes, selon laquelle …

Parties annexes