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Existe-t-il un exercice plus difficile que de conclure sur le thème de ce numéro ? Comment ne pas simplement répéter ce qui a été dit par d’autres ? Comment éviter la synthèse ennuyeuse ? Je propose donc une synthèse très personnelle, basée sur des concepts souvent évoqués pendant le colloque de Toronto.

(R)évolution

Les bibliothèques font face à des évolutions technologiques et sociologiques marquantes, qui remettent en question leur réelle capacité à affronter l’avenir. Historiquement, elles se définissent par rapport aux collections et à leur diffusion. Or, aujourd’hui, ces dernières ne sont plus au coeur de leur mission : les bibliothèques doivent par conséquent aller au-delà et devenir tout à la fois des lieux de travail, de formation, de socialisation, d’expérimentation, de construction de soi, de loisirs. Elles doivent être créatrices de lien social, ce qui est un noble but dans nos sociétés où l’individualisation des modes de vie interroge et inquiète. Elles ont donc l’obligation de se définir par rapport aux services proposés à la collectivité et aux individus. Une mutation profonde, très profonde…

Le personnel des bibliothèques joue un rôle-clé dans la réussite du processus en cours, ce qui implique un élargissement et un approfondissement des compétences : relationnelles, pédagogiques, en matière de communication, de marketing, de médiation culturelle et numérique, en matière informatique et de gestion. Cela ne signifie néanmoins pas que les bibliothécaires doivent être à la fois des responsables en ressources humaines, des assistants sociaux, des animateurs socioculturels, des enseignants, des informaticiens et des comptables ! Et cela ne veut pas non plus dire que les bibliothèques ont surtout besoin de gestionnaires et de programmeurs… Mais elles requièrent un personnel qui soit capable de faire face aux défis actuels et à venir.

Leadership

Il est important d’avoir de bons leaders dans nos bibliothèques. Être leader équivaut à être capable de contribuer de manière significative à créer un environnement de travail positif, lequel a un impact sur la productivité, l’efficience et la qualité du vivre-ensemble. Être leader, c’est valable pour chacun, dans sa fonction : il faut transformer les professionnels en leaders, ce qui génère épanouissement personnel, revalorisation et redynamisation. Mais être leader dans le bon sens du terme, cela s’apprend et se travaille…

Formation continue

Les approches de formation continue dans les bibliothèques sont ressenties comme positives, car elles permettent d’améliorer leurs prestations, même si on relève souvent quelque scepticisme quant au renforcement de leur efficience… Grâce à une formation continue dûment réfléchie en fonction d’une stratégie institutionnelle dûment pensée, on peut viser l’amélioration des services à la clientèle et une véritable culture de l’excellence.

Gestion du changement, motivation

Motiver est essentiel : il ne faut pas vouloir tout changer à la fois, il faut plutôt modifier les comportements en douceur, en les axant sur les besoins, afin d’être vraiment ouvert à tous les publics, y compris les nombreuses minorités auxquelles les bibliothèques se doivent de prêter une attention soutenue. C’est ainsi qu’il faut développer de nouveaux rôles pour les bibliothécaires (gestion des données et des métadonnées, stratégie en matière de contenus numériques, médiation, etc.). Dans tous les cas, pour faciliter la gestion du changement, il convient non seulement de beaucoup communiquer et de motiver le personnel, mais aussi de tendre à une « organisation apprenante ».

RH

Une gestion professionnelle et proactive du personnel est très importante, celui-ci étant la clé du changement. L’évolution du métier de bibliothécaire a des impacts managériaux certains, sans compter le fait qu’il faut être bien armé pour gérer les résistances et le stress.

Valeur ajoutée

Les bibliothèques doivent créer de la valeur. Elles doivent donc favoriser, chez leurs clientèles, l’autonomie, la responsabilité, la persévérance, la curiosité, la capacité à évaluer, etc.

De mon point de vue de formateur des bibliothécaires de demain, j’aimerais insister sur l’importance d’une formation évolutive et si possible « anticipative », afin de donner aux bibliothécaires la capacité d’assumer les mutations en cours et à venir, en toute confiance et sérénité. En plus de faire évoluer leurs compétences, il s’agit aussi de leur donner les moyens de toujours mieux connaître leurs publics et, surtout, leurs « non-publics », afin qu’ils puissent axer leurs prestations sur les besoins existants et à venir, en évitant toute forme d’exclusion. Cela implique aussi de leur donner le réflexe de formation tout au long de la vie, qui n’est pas (encore) un acquis absolu…

Il convient enfin d’inscrire l’action des bibliothécaires dans un cadre éthique, fort bien défini par l’IFLA et de nombreuses associations professionnelles nationales, ce qui donne du « relief » à une profession encore méconnue et lui procure la reconnaissance dont elle a tant besoin.