Résumés
Résumé
L’article expose l’importance de la qualité de la commande, élément essentiel à la réalisation d’un projet de bibliothèque de qualité. Des conditions qui permettront à l’architecte concepteur de transcender le programme et de réaliser un projet inspirant et adapté aux besoins des usagers.
Abstract
This article describes the importance of the quality of the mandate, an essential element in the creation of a first-rate library. There are conditions that will permit the architect to transcend the programme and achieve an inspiring project, adapted to the needs of the users.
Resumen
El artículo expone la importancia del tipo de encargo, elemento esencial en la concreción de un proyecto de biblioteca de alta calidad. Se detallan las condiciones que permitirán al arquitecto diseñador trascender el programa y llevar a cabo un proyecto inspirador y adaptado a las necesidades de los clientes.
Corps de l’article
C’est à titre d’architecte en programmation que je propose cet article. Dans l’imaginaire populaire, les architectes conçoivent et dessinent les bâtiments. Cependant, tous les architectes ne sont pas des concepteurs; certains peuvent travailler à créer un cadre dans lequel des projets de qualité pourront se réaliser. Ils veillent ainsi à la qualité de la commande.
Comme architecte de projets au sein d’une équipe de maîtrise d’ouvrage à l’UQÀM, j’ai été amené à aménager et à réaménager plusieurs bibliothèques du campus, et ce, dans le respect de l’architecture des bâtiments de l’institution, oeuvres conçues par des firmes d’architectes externes : la bibliothèque centrale ainsi que celles des sciences de l’éducation, des arts, des sciences et de musique, l’audiovidéothèque, la microthèque et plusieurs centres de documentation.
Un de mes premiers mandats, avant même l’ouverture du nouveau campus en 1976, fut de réaménager l’accueil de la bibliothèque centrale, les besoins de cette dernière ayant évolué depuis la programmation initiale. Je fus dès lors confronté à la réalité de l’évolution constante des programmes et des besoins des bibliothèques universitaires. La visite de bibliothèques d’autres institutions me confirma cette réalité. Mon séjour au sein de l’UQÀM m’amena à travailler en étroite collaboration avec les bibliothécaires, leur personnel et leurs clientèles. J’étais celui qui devait adapter les constructions existantes à l’évolution continuelle des besoins.
J’étais souvent dans la position d’expliquer aux usagers le bien-fondé et la manière de tirer parti de la conception qui leur avait été livrée, sinon d’adapter cette dernière à l’évolution continuelle des besoins. Il va sans dire que cette cohabitation avec l’usager me forçait à toujours développer des solutions éminemment pratiques dans le respect du concept architectural développé par mes collègues architectes, sous peine de voir les usagers se tourner vers d’autres pour satisfaire leurs impératifs fonctionnels. Les échanges continus avec les bibliothécaires m’ont amené à mieux comprendre leurs besoins et ceux des usagers; le mot d’ordre fut la préoccupation de livrer des espaces conviviaux et fonctionnels, commodes à réaménager sans occasionner une interruption des services ou des coûts importants.
Les bibliothèques universitaires servent une clientèle qui est généralement spécialisée et captive : professeurs, chercheurs, étudiants. Elles n’occupent pas toujours un édifice qui leur est exclusivement dédié et leur conception peut être parfois subordonnée à celle des autres fonctions du pavillon où elles logent, la fonction principale — laboratoires, auditoriums, salles de cours — dictant souvent le concept du bâtiment. Il en va différemment des bibliothèques publiques. Elles doivent absolument exprimer leur mission culturelle et sociale afin d’attirer et de retenir les clientèles de tous les âges, conditions sociales, cheminements intellectuels ou culturels, et s’adresser à tous les publics, qu’ils soient habitués ou non à leur fréquentation. Certains vont jusqu’à les qualifier de « troisième lieu de vie »[2].
J’ai eu le privilège de faire partie, à titre de responsable de la programmation, du Bureau de la planification et de la gestion du projet de la Grande Bibliothèque. Ce bureau était chargé de l’orientation immobilière, basée sur un programme fonctionnel et technique détaillé, des orientations conceptuelles, du budget et de l’échéancier de réalisation, le tout dans le cadre d’un concours international d’architecture qui déterminerait les architectes mandatés pour la conception et la réalisation du projet. En termes pratiques, cela signifiait servir de représentant du client — le bibliothécaire — auprès des architectes concepteurs, ingénieurs et spécialistes de toutes les disciplines responsables de la réalisation du projet, une sorte de « client-expert » qui comprend les besoins de l’usager, mais aussi le langage, les modes de représentation et la technique des architectes concepteurs. Le projet de la Grande Bibliothèque a été reconnu pour la qualité de sa réponse aux attentes de l’institution et par un taux de fréquentation spectaculaire.
Je m’attarderai maintenant à analyser de quelle façon, du point de vue du programme et du concept — les contraintes financières, contractuelles et de calendrier ne faisant pas l’objet du présent article —, un projet de bibliothèque publique devrait se matérialiser pour atteindre un haut niveau d’excellence.
Le programme fonctionnel et technique
Sans entrer dans les détails, le programme fonctionnel et technique doit identifier qualitativement et quantitativement les clientèles, les fonctions et leurs interrelations, les personnels, les quantités d’espaces, de rayonnages et d’équipements, ainsi que les qualités techniques requises pour atteindre les objectifs du projet. Ces quantités doivent être établies de façon précise et réaliste.
Le programme doit éviter de donner des solutions conceptuelles, mais plutôt chercher à faire comprendre aux architectes concepteurs le fonctionnement et les attentes de la bibliothèque. Une introspection doit être faite afin de s’assurer de l’équilibre et de la pertinence de ce programme, notamment en regard des quantités, des coûts et des espaces. Le programme doit en plus établir les objectifs, les enjeux et les contraintes particuliers du projet. Il est également l’outil de communication essentiel à la réussite du projet. Le fonctionnement harmonieux et efficace de la bibliothèque en dépendra.
Le concept architectural
Ce concept architectural doit en plus transcender le programme afin de créer un lieu inspirant qui attirera et fidélisera les clientèles visées, parce qu’elles prendront plaisir et intérêt à visiter le lieu et s’y sentiront bien; c’est ici que la qualité de la commande et la créativité de l’architecte concepteur peuvent faire la différence dans le projet.
La description des projets présentés dans l’ouvrage Architectures de la connaissance au Québec[3] nous permet de constater que la qualité des projets est la plupart du temps associée à la mise en valeur d’éléments qui dépassent les exigences fonctionnelles et techniques du programme, laissant ainsi comprendre qu’elles sont entièrement satisfaites. Ces éléments peuvent avoir été prescrits par le client bibliothécaire ou proposés par l’architecte concepteur. Ils peuvent être de plusieurs ordres et seront source d’inspiration pour le concepteur. Ce sont les éléments qui enrichiront le projet et permettront d’exprimer l’essence du bâtiment. Ces sources peuvent être de nature historique, intellectuelle, humaine ou technique, dont voici quelques exemples.
La mission du projet est un élément fondamental du programme. Elle peut s’appuyer sur un contexte historique, culturel, social et peut évoquer la valeur de symbole recherchée. Les éléments contextuels permettent d’inscrire le bâtiment sur son site; l’intégration du bâtiment au tissu urbain est primordiale. Ce contexte comprend notamment les réseaux de circulation et de transports, les liens avec les réseaux piétons et la possibilité d’animation du quartier d’insertion. Une étude historique et patrimoniale du site, de son environnement et du bâtiment à réaménager ou à agrandir le cas échéant, sera un outil qui guidera les architectes concepteurs et contribuera à faire adopter le bâtiment par ses usagers et ses voisins, ou à tirer parti et mettre en valeur l’architecture d’un bâtiment réutilisé. La topographie du site, l’environnement naturel, la végétation environnante et la recherche d’un mode de développement durable contribueront à donner un sens aux espaces et à l’organisation des lieux.
La prise en compte de l’ergonomie des environnements de travail et d’utilisation des lieux assurera le confort et la sécurité tant du personnel que des usagers. La convivialité, la clarté du concept allègeront le besoin de signalisation et faciliteront la fluidité de l’utilisation des lieux. L’usager se sentira à l’aise et le personnel aura plus de temps pour s’adonner à des tâches autres que de guider l’usager à l’intérieur des multiples services et possibilités offerts par la bibliothèque. L’ensoleillement naturel mettra les espaces en valeur et servira de point de départ à un éclairage artificiel agréable et efficace.
Le traitement acoustique et les espaces communicants permettront de faire naître des atmosphères tantôt fébriles, tantôt reposantes, créant une bibliothèque aussi vivante et interactive qu’apaisante. L’expression des nouvelles technologies de communication peut engendrer une atmosphère dynamique et stimulante. La conception organisationnelle, volumétrique et spatiale du projet, les matériaux, leur mise en oeuvre, leur esthétique donneront forme à l’expression des contraintes et des sources d’inspiration énoncées ci-dessus. Cette dimension du bâtiment, la plus visible à l’usager, celle qui lui confère son identité propre, est l’outil que l’architecte concepteur utilise pour exprimer sa créativité en réponse aux sources d’inspiration.
Le suivi d’un projet de bibliothèque
Plusieurs bibliothèques réalisées récemment ont fait l’objet d’un concours d’architecture. Cette méthode, encadrée par l’Ordre des architectes du Québec, offre l’avantage de permettre une évaluation comparative d’esquisses soumises par plusieurs architectes effectuée par un jury. Le jury, composé d’une majorité d’architectes, permet la meilleure appréciation possible du concept par le client. Les commentaires du jury peuvent de plus servir au lauréat à améliorer son concept.
Hors concours, une autre approche consiste à procéder au choix de l’architecte, sans qu’un concept soit soumis, sur la base de sa capacité à produire le meilleur projet possible telle que démontrée dans un dossier répondant aux critères de l’appel d’offres de services professionnels. Un comité de sélection composé de représentants du client et ayant en son sein une majorité d’architectes aura établi les formes de l’appel d’offres et conseillera le donneur d’ouvrage.
Que ce soit à la suite d’un concours ou non, l’évolution du concept et du projet qui en découle devrait être suivie pendant la période de réalisation par un comité de design, recevant et commentant le projet proposé aux étapes clés de sa réalisation; les effets de ce comité seront d’aider à la fois le client bibliothécaire à apprécier le projet proposé et l’architecte concepteur à enrichir son projet et à s’assurer qu’il répond aux besoins du client.
La vie future du projet
La bibliothèque servira sa clientèle pendant de nombreuses années. L’évolution des besoins, des techniques et des clientèles requièrent que l’évolution et l’expansion de la bibliothèque soient rendues possibles autant par une conception fluide et souple permettant des réaménagements intérieurs — mobiliers, systèmes électromécaniques et structuraux — avec un minimum d’inconvénients et de coûts que par un agrandissement sur le site.
Parties annexes
Notes
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[1]
L’auteur est architecte. Pendant 30 ans, il a oeuvré comme chargé de projets au Service de la planification et des aménagements à l’UQÀM, puis comme responsable de la programmation et de la coordination opérationnelle dans les équipes de maîtrise d’ouvrage de projets institutionnels à l’UQÀM et à la Grande Bibliothèque du Québec. Ces projets ont été conçus et réalisés par des firmes d’architectes externes.
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[2]
Lacroix, Yvon-André. 2013. Lieu d’appropriation et de partage pour l’esprit et le coeur. In Architectures de la connaissance, sous la direction de Jacques Plante. Québec : Les Publications du Québec, 32.
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[3]
Plante, Jacques (dir.). 2013. Architectures de la connaissance au Québec. Québec : Les Publications du Québec.