C’est dans ces souvenirs, et plusieurs autres, que la lecture de « Le bec sucré » de Vincent Parisien m’a replongé. Son livre rassemble en sept chapitres, sept essais, chacun ayant pour thème le sucre et ses déclinaisons : de la mélasse au sirop d’érable, des nananes aux pâtisseries industrielles, en passant par les boissons gazeuses, les liens entre le sucre et l’Église catholique, et le renouveau observé dans les desserts des dernières années. Mais attention! Vincent Parisien ne se contente pas que d’un panorama de sucreries et de leurs histoires : dans chaque chapitre, il tisse des liens, que ce soit avec la politique, la religion, l’histoire, lointaine ou récente, ou encore certaines références culturelles bien connues des Québécois. Du pudding chômeur en littérature (dans le roman Le Matou) ou au cinéma avec le long-métrage éponyme, de la « beurrée à la m’lasse » dans Les Belles histoires du Pays d’en Haut aux pop-tarts des Têtes à claques, le sucre a su laisser sa trace dans l’imaginaire québécois. Vincent Parisien informe autant qu’il divertit. Le ton est donné dès la présentation des chapitres, les titres consistant plutôt d’onomatopées évoquant la douceur dont il est question, tel le « pschittt! » caractéristique d’une boisson gazeuse, ou encore l’anticipation ressentie à l’évocation de ces délices (« mmmm! »). Au centre du livre se retrouvent quelques recettes, données par des chefs en vogue localement. Que l’information aie été obtenue par entrevue ou par la consultation de documents d’archives, l’auteur nous fait profiter de ses recherches, et dissémine tout au long du recueil faits historiques, anecdotes, statistiques, mises en contexte et autres pépites. Il nous apprend d’ailleurs l’origine de l’appellation du « Faubourg à la m’lasse » : c’est le quartier par où les barils de mélasse arrivaient à Montréal. Chauffés par le soleil, ils explosaient parfois, répandant leur sirop et leur arôme dans le quartier. Vincent Parisien touche brièvement la question des dommages causés par le sucre sur la santé, mais ne s’y attarde pas. Clairement, son objectif est d’offrir aux lecteurs un livre rempli de plaisirs. Les photographies de la boîte Chuck & Twist (alias Charles Boileau et Olivier Laberge) sont en grande partie responsables du ton rétro-nostalgique que l’on retrouve à travers du livre. Entrecoupées d’images d’archives, elles contribuent autant que les textes à donner goût au contenu. Les photographes passent ainsi avec aisance de gros plans de bonbons alléchants à des plans plus larges de présentoirs de pâtisseries, d’une facture rétro lorsqu’il s’agit de pudding chômeur à une autre plus moderne quand vient le temps de parler cupcakes. L’éclairage soft, et la lumière chaude qui se détache des photos de cabane à sucre, nous replongent dans cette ambiance typique, si chère aux Québécois. « Le bec sucré » traite d’ailleurs de l’intérêt renouvelé pour les cabanes à sucres, que ce soit dans la démesure à la Cabane du Pied de cochon de Martin Picard, dans le maintien du traditionnel à la Sucrerie de la Montagne, ou encore par l’ajout de cabanes végétariennes, urbaines ou biologiques… « Le bec sucré » s’inscrit dans la série « Bienvenue au Québec » des Éditions Héliotrope, une série qui souhaite faire l’histoire culturelle en textes et en images des icônes de la Belle Province. La collection comprend jusqu’à maintenant les titres « Sacré dépanneur », « Maudite poutine », « Motel Univers », ainsi que les Montréalo-centriques « Montréal la créative » et « Montréal souterrain ». Que vous soyez amateur d’histoire, foodie ou chercheur, vous saurez trouver de quoi vous divertir et vous instruire avec « Le bec sucré ». …