Résumés
Résumé
Le rôle de la religiosité et du genre dans l’élaboration des décisions en matière de fécondité a fait l’objet de nombreuses études ces dernières années. Cette littérature a toutefois mis en évidence une énigme intéressante. Alors que la religiosité a un effet positif sur la fécondité, en partie grâce à la promotion des rôles sexospécifiques traditionnels, l’égalité des sexes s’avère elle aussi avoir eu un impact positif – plutôt que négatif – sur la fécondité. Nous abordons cette ambiguïté dans l’effet de la religiosité et des rôles de genre en examinant leurs effets spécifiques sur les intentions en matière de fécondité et leurs réalisations. Pour ce faire, nous utilisons les données de la première et de la deuxième vagues de l’Enquête Générations et Genre (GGS) et construisons des modèles de régression logistique séparément pour cinq pays européens (Autriche, Bulgarie, France, Géorgie et Russie). Nous développons des modèles mesurant l’influence de la religiosité, les attitudes de genre et la répartition des tâches ménagères selon l’intention d’avoir un (autre) enfant et la réalisation positive de ces intentions (plan d’avoir un enfant) et négative (plan de ne pas avoir un enfant). Nos résultats suggèrent que, quel que soit le contexte du pays, la religiosité et les rôles de genre semblent avoir un effet indépendant sur les intentions en matière de fécondité et leur réalisation.
Mots-clés :
- Attitudes de genre,
- division du travail,
- religiosité,
- intentions de fécondité,
- maternité
Abstract
The role of religiosity and gender in shaping fertility decisions has been the subject of many studies in recent years. This literature has highlighted an interesting conundrum, however. While religiosity has a positive effect on fertility, partly through the promotion of traditional gender roles, gender equality has been found to have a positive – rather than negative – impact on fertility. We address this ambiguity in the effect of religiosity and gender roles by examining their specific effects on fertility intention and realization. We do so by using data from the first and second wave of the Generations and Gender Survey (GGS) and construct separate logistic regression models for five European countries (Austria, Bulgaria, France, Georgia and Russia). We construct models on the influence of religiosity, gender attitudes and the gender distribution of household tasks on the intention to have a(nother) child as well as the realization of positive (plan to have a child) and negative fertility (plan to not have a child) intentions. Our findings suggest that, regardless of the country context, religiosity and gender roles appear to have an independent impact on fertility intentions and their realization.
Keywords:
- Gender attitudes,
- Division of labor,
- Religiosity,
- Fertility intentions,
- Childbearing
Resumen
Durante los últimos años, el rol de la religiosidad y el género respecto a la construcción de las decisiones en materia de fecundidad, ha sido objeto de numerosos estudios. Este tipo de literatura ha mostrado un enigma interesante: si bien la religiosidad tiene un efecto positivo sobre la fecundidad, en parte gracias a la promoción de roles sexualmente estereotipados de manera tradicional, la igualdad de sexos parece también tener un impacto positivo – mas que negativo – sobre la fecundidad. Abordaremos la ambigüedad que se establece entre la religiosidad y los roles de género con el propósito de examinar los efectos específicos que se crean entre las actitudes en materia de fecundidad y sus fines. Para lograr dicho objetivo utilizaremos los datos provenientes de la primera y segunda onda de la Encuesta Generación y Genero (GGS) y construiremos los modelos de regresión logística de manera separada, a través de cinco país europeos (Austria, Bulgaria, Francia, Georgia y Rusia).
Desarrollaremos los modelos midiendo la influencia de la religiosidad, las actitudes de género y la distribución de tareas domésticas de acuerdo a la intención de tener uno (u otro) hijo, la realización positiva de estas intenciones (un proyecto de tener un hijo) y la posibilidad negativa
(un proyecto de no tener un hijo). Nuestros resultados sugieren que, sea cual fuere el contexto del país en estudio, la religiosidad y los roles de género parecen tener un efecto independiente sobre las intenciones en materia de fecundidad y sus fines.
Palabras clave:
- Actitudes de género,
- División del trabajo,
- Religiosidad,
- Intenciones de fecundidad,
- Maternidad
Corps de l’article
Dans le contexte de la migration croissante et de l’augmentation de la diversité ethnique, le rôle de la religiosité, en tant que déterminant de la fécondité, a gagné beaucoup d’attention au cours des dernières décennies[1]. Plus précisément, on a constaté que les gens qui sont plus religieux ont tendance à désirer – et à avoir – plus d’enfants que ceux qui sont moins religieux. Cette relation a été observée dans de nombreuses études et sur la base de différentes mesures de religiosité et d’appartenance religieuse (pour l’Europe[2], pour les États-Unis[3]).
Les principaux mécanismes liant la religiosité et la fécondité résident dans l’enseignement nataliste inhérent à plusieurs religions et dans la valorisation des rôles traditionnels de genre, y compris le rôle des femmes en tant que mères[4]. Les personnes très croyantes sont donc plus susceptibles d’adhérer à l’enseignement de leur religion que leurs homologues moins croyantes, et sont donc plus susceptibles de soutenir des rôles traditionnels de genre et l’importance d’avoir un plus grand nombre d’enfants. De ce point de vue, la religiosité, et donc l’adhésion aux rôles traditionnels de genre, devraient être associés à l’existence de familles plus nombreuses. Cependant, des études récentes ont conclu exactement le contraire en ce qui concerne les rôles de genre. Les attitudes égalitaires entre les sexes et l’équité entre les sexes dans le ménage sont corrélées positivement aux intentions de fécondité[5] et aux décisions en matière de fécondité[6].
La question clé que cette ambiguïté pose par conséquent est de savoir si la religiosité et les rôles de genre (au niveau individuel) fonctionnent indépendamment ou si les rôles de genre expliquent plutôt un lien entre la religiosité et les choix de procréation. Démêler les effets des deux variables est important afin de mieux comprendre le rôle de la religiosité pour la reproduction humaine dans les sociétés modernes. De plus, cette approche nous donnera également un aperçu, au niveau micro, sur la manière dont les rôles de genre sont liés à d’autres variables normatives dans le cadre de la révolution de genre.
Pour étudier le rôle de la religiosité et les rôles entre les sexes sur les choix en matière de procréation, nous utilisons les données longitudinales de la première et deuxième vagues des enquêtes Générations et Genre (GGS) de cinq pays européens (Autriche, Bulgarie, France, Géorgie et Russie). Pour nos analyses, nous nous concentrons sur les hommes et les femmes en âge de procréer (hommes de 18 à 50 ans et femmes de 18 à 45 ans) et examinons leur intention d’avoir des enfants (à la vague 1) et la réalisation de ces intentions (à la vague 2). Nos principales variables indépendantes sont la religiosité, mesurée par la fréquence d’assister à des services religieux, et l’égalité des sexes, mesurée en termes d’attitudes et de comportements. Afin de démêler leurs effets respectifs, nous utilisons une approche par étapes et montrons les effets de l’égalité des sexes et de la religiosité d’abord séparément, puis en combinaison. Nos résultats suggèrent que la religiosité et les variables de genre agissent de manière plutôt indépendante.
Revue de littérature
Liens au niveau micro entre la religiosité, l’égalité des sexes et la fécondité
Les choix de fécondité des personnes peuvent être influencés de diverses manières par leur religion et leur religiosité. Tout d’abord, les enseignements religieux encouragent activement leurs membres à avoir de grandes familles[7]. Certains de ces enseignements peuvent être trouvés directement dans des textes religieux (par exemple la Bible : « soyez féconds et multipliez ») ou dans des documents officiels d’organisations religieuses (par exemple dans le Catéchisme de l’Église catholique). De nombreuses religions découragent également l’utilisation de contraceptifs pour encourager les naissances, en particulier pour l’Église catholique, alors que la position du christianisme orthodoxe et des Églises protestantes en Europe est plus permissive[8].
Dans les pays européens sécularisés d’aujourd’hui, le niveau d’attachement à la religion a été considéré comme jouant un rôle croissant dans la détermination du comportement de la fécondité[9]. Dans la plupart des études, cet attachement est estimé par la fréquence de la participation aux services religieux ou par l’auto-évaluation de son propre degré de religiosité. En étant plus exposés aux enseignements pronatalistes, on suppose donc que les gens qui sont plus religieux sont plus susceptibles de suivre de tels enseignements. Cette influence directe des enseignements de l’Église est souvent résumée dans l’hypothèse de « théologie particularisée[10] ». Selon cette hypothèse, des doctrines religieuses spécifiques liées à la reproduction (par exemple, à la contraception ou à la taille de la famille) se traduisent directement dans les attitudes et les comportements des adeptes[11]. En effet, de nombreuses études ont montré que les personnes religieuses affichent un niveau de fécondité plus élevé que les personnes moins religieuses dans une multitude de pays[12]. Cela est valable à la fois pour les intentions de fécondité et les décisions en matière de fécondité[13].
Mais l’impact observé de la religiosité sur la fertilité n’est pas uniquement motivé par les enseignements natalistes. Comme l’a soutenu Goldscheider[14], l’influence indirecte de la religiosité est aussi importante. En général, la plupart des religions soutiennent les normes traditionnelles sur la division des rôles entre les sexes à la maison, dans la main-d’oeuvre et dans la sphère publique[15]. De même, selon Seguino[16], la religiosité est associée à des attitudes plus traditionnelles sur les rôles de genre ainsi que des comportements de genre plus traditionnels. Des exemples remarquables incluent l’Église catholique qui autorise seulement les hommes à devenir prêtres[17] ou les religions en général parlant d’un dieu paternel et soulignant le rôle maternel des femmes. L’émancipation des femmes et l’égalité totale entre les hommes et les femmes sont découragées par la plupart des religions[18]. D’un point de vue théorique, il s’ensuit que la promotion des rôles traditionnels de genre peut être une voie clé reliant la religiosité et la fécondité.
La littérature sur le genre des dernières décennies a toutefois conclu exactement le contraire : dans les sociétés modernes, les attitudes sexospécifiques traditionnelles et l’inégalité entre les sexes au sein de la famille semblent avoir un effet négatif plutôt que positif sur la fécondité. Dans ces sociétés, les femmes sont de plus en plus présentes sur le marché du travail, tandis que les hommes ne se sont pas autant engagés dans les tâches ménagères. Si les femmes doivent effectuer les tâches ménagères et s’occuper seules des enfants, en plus de leurs responsabilités professionnelles, cela crée un double fardeau qui entrave la formation et l’expansion de la famille. Dans une étude sur les Pays-Bas et l’Italie, Mills, Mencarini et al.[19] ont constaté que les femmes faisant face à de longues heures de travail et à la maison sont moins susceptibles d’avoir un autre enfant. En revanche, dans les couples plus égalitaires, une partie des tâches ménagères est transférée des femmes à leurs partenaires. En raison du fardeau réduit, les femmes sont plus susceptibles, dans ce contexte, d’avoir l’intention d’avoir un autre enfant[20].
La juxtaposition de ces deux corps de littérature conduit à une contradiction : d’une part, la religiosité, en encourageant les rôles traditionnels de genre, a un effet positif sur les décisions des individus en matière de fécondité, d’autre part, les rôles traditionnels de genre, en soi, ont des effets négatifs sur la fécondité. Malgré cet apparent paradoxe concernant les liens entre religiosité, rôles traditionnels de genre et fécondité, les études sur l’effet simultané de ces variables sur la fécondité, au niveau micro (individuel), sont rares. Nous avons connaissance de seulement deux études considérant la religiosité et l’égalité des sexes simultanément. Premièrement, Guetto, Luijkx et al.[21] ont adopté une approche comparative et démontré que dans les pays ayant un contexte davantage religieux et traditionnel, la religiosité au niveau individuel et l’égalité des sexes jouent un rôle plus important dans la fécondité des femmes que dans les pays plus égalitaires et laïques. Deuxièmement, la thèse de Jeppsen[22] basée sur la World Values Study a testé l’existence d’un effet de médiation, dû à la religion, sur la relation entre l’égalité des sexes et la fécondité. Les résultats ne fournissent cependant aucune preuve d’un tel effet médiateur.
Niveau macro : le contexte de cinq pays
Lorsqu’on considère la relation entre l’égalité des sexes, la religiosité et la fécondité, il est important de tenir compte du contexte macro dans lequel les décisions relatives à la fécondité sont prises. En plus du développement socio-économique, une composante clé pour comprendre les dynamiques de fécondité réside dans le contexte de genre (« gender regime »)[23]. En fait, les études récentes ont identifié la « révolution incomplète des genres » comme étant un facteur important de la baisse de la fécondité[24]. Cette thèse est basée sur les tensions croissantes qu’éprouvent les femmes en tentant de combiner leurs obligations familiales et professionnelles. Ces tensions peuvent être atténuées par des mesures politiques qui améliorent l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, mais l’égalité des genres, et donc la révolution complète, ne sera atteinte que lorsque les hommes s’impliqueront davantage dans le travail domestique et la garde des enfants[25]. En Europe, la plupart des pays n’ont pas encore achevé la révolution de genre, mais les changements en cours, incluant une attitude plus égalitaire entre les genres et la laïcisation croissante[26], constituent un cadre intéressant pour notre étude. Dans ce cadre, les liens au niveau micro-individuel entre les attitudes de genre et la religiosité appellent à une meilleure compréhension.
Dans cette étude, nous avons inclus des données provenant de cinq pays : deux pays d’Europe occidentale (Autriche et France) et trois pays d’Europe de l’Est (Bulgarie, Géorgie et Russie). Tous ces cinq pays diffèrent grandement en termes de contexte institutionnel. L’Autriche et la France sont généralement classées dans la littérature sur l’État-providence comme appartenant au modèle conservateur avec des dépenses élevées pour les familles, mais un soutien limité pour les familles à deux revenus, bien qu’au cours des dernières années elles se soient rapprochées d’un modèle davantage basé sur l’égalité des sexes[27]. La Bulgarie, la Géorgie et la Russie appartiennent au groupe des pays postcommunistes avec une politique familiale plus ambivalente[28]. Pendant la période communiste, ces pays ont encouragé l’emploi féminin à temps plein, tout en soulignant le rôle des femmes dans le ménage. Après la transition, certaines de ces politiques familiales, telles que les dispositions relatives à la garde des enfants, ont été limitées, abandonnées ou ont perdu leur pertinence en raison de la forte inflation des années 1990[29]. Cela s’est rajouté à la situation difficile sur le marché du travail et a conduit les femmes à poursuivre un rôle plus traditionnel dans la famille.
Le tableau 1 présente quelques indicateurs au niveau macro pour les cinq pays de notre échantillon. En termes de développement économique, il existe d’énormes disparités entre ces pays. La Bulgarie, la Russie et surtout la Géorgie traînent derrière l’Autriche et la France en termes de développement socio-économique. Ces différences deviennent apparentes lorsqu’on compare leur PIB par habitant et leurs indices de développement humain. Des différences notables existent également dans la sphère de l’inégalité entre les sexes, représentée par l’indice multidimensionnel d’inégalités de genre développé par l’ONU. La Géorgie s’avère avoir la plus forte inégalité entre les sexes, suivie par la Russie, la Bulgarie, l’Autriche et la France. Remarquablement et malgré ces différences dans le développement socio-économique et l’égalité des sexes, les femmes sont présentes sur le marché du travail dans une mesure similaire dans les cinq pays, à en juger par l’écart entre les taux d’emploi des hommes et des femmes. En termes de révolution de genre, ces cinq pays ne peuvent donc plus être considérés comme traditionnels et sont en pleine révolution de genre. (Voir tableau page suivante)
Une autre variable importante est la religion et la religiosité. Alors que la Bulgarie, la Russie et la Géorgie sont dominées par les chrétiens orthodoxes, la France et l’Autriche sont des pays à prédominance catholique. Le nombre de chrétiens d’autres dénominations que celle dominante est faible dans tous les pays. Tous ces pays ont aussi d’importantes minorités musulmanes. Il y a aussi de nombreuses personnes qui ne sont affiliées à aucune religion dans tous ces pays.
Contributions
Dans cet article, nous examinons comment la religiosité, les attitudes des rôles de genre et la division sexuelle des tâches ménagères façonnent les intentions de fécondité et leur réalisation dans cinq pays européens. Ce faisant, nous élargissons les résultats précédents de quatre façons principales.
Premièrement, nous distinguons les attitudes et les comportements de genre afin de saisir la nature complexe de l’égalité des genres et sa relation avec la fécondité qui ne peut être exprimée en une seule variable[30]. Les attitudes sexospécifiques décrivent les opinions individuelles sur le rôle des femmes et des hommes dans la société et la sphère privée, tandis que les comportements sexospécifiques se rapportent à la distribution réelle des tâches ménagères, telles que le nettoyage, la vaisselle ou faire les courses.
Deuxièmement, nous examinons à la fois les intentions de fécondité et leur réalisation. L’avantage de cette approche est de suivre le processus de prise de décision qui mène à une naissance de manière plus complète et plus étroite que dans les études où seules les intentions ou seuls les comportements sont analysés. De cette façon, nous sommes en mesure de déterminer où exactement la religiosité, les attitudes de genre et le comportement de genre influencent les choix de procréation. Il est possible que certaines variables ne soient importantes que pour la formation les intentions, sans avoir d’effet sur leur réalisation. Cela devient évident par exemple quand il s’agit de la religiosité[31]. Une étude récente a révélé que la religiosité tend à opérer principalement à travers des intentions de fécondité et a peu d’effet sur la réalisation de ces intentions[32]. De plus, nous allons plus loin et analysons séparément la réalisation d’intentions positives (le plan d’avoir un enfant) et négatives (le plan de ne pas avoir d’enfant). La position critique de certaines religions sur la contraception, par exemple de l’Église catholique[33], signifie que la religiosité pourrait avoir un impact négatif décisif sur les couples pour réaliser leur plan de ne pas avoir d’enfant dans un délai fixé. Les adeptes étant découragés d’utiliser des méthodes modernes de contraception et de mettre fin à une grossesse non planifiée, ils peuvent devenir parents même s’ils n’envisagent pas de le faire.
Troisièmement, nous analysons séparément les choix des hommes et des femmes. Des recherches antérieures ont montré que la relation entre l’égalité des sexes et les intentions de fécondité et leur réalisation est moins claire pour les hommes que pour les femmes[34]. Les effets pour les hommes sont généralement plus faibles et il est toujours débattu dans quelle direction l’influence s’effectue. Alors que Puur, Oláh et al.[35] ont trouvé que les hommes avec des attitudes de genre plus égalitaires tendent à désirer et avoir plus d’enfants que les hommes avec des attitudes traditionnelles. Westoff et Higgins[36] ont trouvé le contraire. De même, la répartition des tâches ménagères selon le sexe peut également affecter différemment la fécondité des hommes et celle des femmes. Une distribution plus traditionnelle des tâches ménagères, par exemple, en allégeant le fardeau des hommes, peut les encourager à avoir plus d’enfants, tout en ayant l’effet inverse sur les femmes.
Enfin, nous réalisons nos analyses pour cinq pays différents. Tel que discuté plus tôt dans la sous-section « macro », il est fort probable que les relations entre l’égalité des sexes, la religiosité et la fécondité soient affectées par les différents contextes économiques, culturels ou traditionnels entre les pays. Par exemple, d’autres études ont déjà montré que l’effet de la religiosité sur les décisions en matière de fécondité varie entre les pays[37]. De ce fait, il était important d’effectuer nos analyses pour chacun des cinq pays séparément.
Données et méthodes
Nos données sont constituées des vagues 1 et 2 de l’Enquête Générations et Genre (GGS). Plus précisément, nous avons comparé l’intention de fécondité des répondants à la vague 1 (mesurée en termes d’intention d’avoir un enfant dans les trois prochaines années) avec sa réalisation ou non trois ans plus tard – à la vague 2. Ces données longitudinales pour nos variables clés sont disponibles pour cinq pays (Autriche, Bulgarie, France, Géorgie et Russie)[38]. La première vague a été recueillie au cours de 2004 à 2009. La deuxième vague a été recueillie environ trois ans plus tard. Nous avons limité l’échantillon aux femmes âgées de 18 à 45 ans et les hommes âgés de 18 à 50 à la première vague, qui étaient féconds, et vivaient ensemble avec un partenaire (n = 18 935). Nous avons en outre limité l’échantillon aux personnes ayant répondu à la question sur les intentions de fécondité (n = 15 266), et ayant participé à la vague 2 (n = 11 573), ce qui correspond à un taux d’attrition du panel de 24,2 %, allant de 15 % en Géorgie à 29 % en Russie (voir ci-dessous et le tableau 2 pour plus d’informations à ce sujet). L’échantillon final contient 11 224 individus, après la prise en considération des valeurs manquantes.
Principales variables
Nous considérons les intentions de fécondité au cours des trois prochaines années dans notre étude. Comme elles se réfèrent à un plan concret d’avoir un enfant ou non dans un délai fixé, elles sont fréquemment considérées comme un bon prédicteur du comportement réel[39]. Cela s’applique en particulier aux intentions de fécondité formulées sur une courte période[40]. Les intentions ont été posées dans le GGS comme suit : « Avez-vous l’intention d’avoir un (autre) enfant au cours des trois prochaines années ». La réponse a été donnée sur une échelle de quatre points allant de « définitivement oui » à « définitivement non ». Nous avons dichotomisé les données en un simple résultat oui/non, afin d’analyser la réalisation d’intentions positives (avoir un enfant) et négatives (ne pas avoir d’enfant).
La réalisation de ces intentions de fécondité a été calculée en utilisant des données rétrospectives de la vague 2, dans lesquelles nous avons vérifié si une naissance avait eu lieu entre les deux vagues ou si l’enquêtée ou sa partenaire était enceinte (lors de la vague 2). Sur la base de ces données, nous avons pu déterminer si des intentions de fécondité positives ou négatives ont été réalisées ou non. Par exemple, quand un répondant a déclaré à la vague 1 qu’il n’avait pas l’intention d’avoir un enfant dans les trois prochaines années, et qu’il n’a pas eu d’enfant entre les vagues 1 et 2, cela signifie que son intention négative a été réalisée.
En ce qui concerne nos variables explicatives, nous avons considéré les attitudes de genre, le comportement de genre et la religiosité. Les attitudes sexospécifiques sont représentées par un indice qui a été construit sur la base de quatre affirmations sur les attitudes envers les relations de genre. Une approche similaire a été adoptée par Aassve, Fuochi et al.[41]. Les répondants ont été invités à donner leur opinion sur chaque affirmation, en utilisant une échelle de Likert en cinq points (de « tout à fait d’accord » à « tout à fait en désaccord »).
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Dans un couple, il vaut mieux que l’homme soit plus âgé que la femme
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Si une femme gagne plus que son partenaire, ce n’est pas bon pour la relation
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Dans l’ensemble, les hommes font de meilleurs leaders politiques que les femmes
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Lorsque les emplois sont rares, les hommes devraient avoir plus droit à un travail que les femmes
Nous avons ensuite calculé le score moyen des quatre affirmations pour chaque répondant, ce qui donne un indice d’attitudes de genre allant de 1 (attitude de genre moins traditionnelle) à 5 (attitude de genre la plus traditionnelle). La cohérence interne de ces éléments peut être considérée comme acceptable avec un alpha global de Cronbach de 0,68. Dans les pays, la gamme alpha de Cronbach varie de 0,51 en Russie à 0,64 en France.
Pour la division des tâches ménagères par sexe, nous avons utilisé une approche similaire à celle de Neyer, Lappegård et al.[42] et construit un index capturant l’implication des hommes dans les tâches ménagères. Nous avons considéré la distribution des tâches en ce qui concerne faire la cuisine, les courses, la vaisselle et passer l’aspirateur. Pour chacune de ces tâches, on a demandé aux personnes interrogées dans les enquêtes si elles avaient été réalisées par elles ou par leur partenaire. Les réponses possibles incluaient « toujours le répondant », « habituellement le répondant », « le répondant et le partenaire », « habituellement le partenaire », « toujours le partenaire », « toujours/habituellement d’autres personnes dans le ménage » ou « toujours/habituellement d’autres personnes hors ménage ». Pour les hommes, nous avons attribué un score de 3 lorsque le partenaire fait la tâche tout le temps, de 2 lorsque le partenaire fait la plupart du temps et de 1 lorsque la part est égale, le répondant le fait plus souvent ou quelqu’un d’autre le fait. Pour les femmes un score de 3 a été donné quand elle le fait tout le temps, 2 quand elle le fait la plupart du temps et 1 lorsque la tâche est partagée également, fait par quelqu’un d’autre ou la plupart du temps/toujours fait par le partenaire. À la suite de Neyer, Lappegård et al.[43], nous avons combiné les cas rares où les hommes font plus de tâches ménagères que les femmes avec les cas où les tâches ménagères sont partagées équitablement. Nous avons fait la moyenne des scores pour chaque répondant, conduisant à un indice d’implication des ménages allant de 1 (distribution la moins traditionnelle) à 3 (distribution la plus traditionnelle). Dans ce cas, l’alpha de Cronbach s’élevait à 0,73 pour l’ensemble des pays, et varie de 0,79 en Bulgarie à 0,61 en France.
Notre troisième variable explicative principale est la religiosité et est approximée par la fréquence de la participation aux services religieux et a été posée dans la plupart des pays en permettant aux répondants d’indiquer à quelle fréquence ils assistent par année, mois ou semaine. Nous avons catégorisé ces réponses à travers les pays en les recodant en : « jamais », « moins que mensuelle » et « mensuelle et plus souvent ».
Afin de tenir compte des significations différentes que la fréquentation peut porter dans les différentes religions, nous incluons l’appartenance religieuse dans notre modèle comme variable de contrôle. Nous distinguons les chrétiens, les non-chrétiens et les personnes non affiliées[44]. En outre, nos modèles incluent également les variables de contrôle suivantes : l’âge du répondant, le nombre d’enfants biologiques, si le répondant avait un enfant de moins de 10 ans, l’état matrimonial, le niveau d’éducation (basé sur les catégories CITE (La Classification internationale type de l’Éducation) : faible 0-2, moyen 3-4 et haut 5-6) et le statut d’emploi. Les données sur les variables de contrôle ont toutes été recueillies à la vague 1.
Méthodes
En raison de la nature dichotomique de nos variables dépendantes (intentions de fécondité et leur réalisation), nous avons utilisé des modèles de régression logistique pour examiner les effets de la religiosité ainsi que les attitudes et les comportements de genre. Le premier modèle se consacre aux déterminants des intentions de fécondité, et ensuite sur la réalisation de ces intentions en distinguant la réalisation des intentions positives et négatives. Afin d’examiner les effets de nos variables de genre et la religiosité à fond, nous suivons une approche par étapes. Dans la première étape, nous incluons seulement les indices de genre (et les variables contrôles), dans la deuxième étape seulement la religiosité, et dans la troisième étape à la fois les indices de genre et la religiosité. Par ailleurs, nous avons aussi considéré la possibilité que les variables de genre et la religiosité agissent par l’intermédiaire d’effets d’interaction. Dans une dernière étape, nous avons donc inclus les variables de genre et la religiosité en plus de leurs interactions.
En raison de l’hétérogénéité non observée et de sa variance entre les modèles de différentes variables ou échantillons, il n’est pas possible de comparer les coefficients logit[45]. Par conséquent, au lieu des coefficients logit ou ratios de probabilité, nous rapportons les effets marginaux moyens de nos modèles. Les effets marginaux moyens sont l’un des moyens suggérés par Mood afin de comparer la taille des effets et les valeurs p des modèles de régression logistique. Dans nos tableaux, ces effets marginaux moyens sont exprimés en pourcentage et montrent le changement moyen de la probabilité de l’événement pour chaque valeur d’une variable par rapport à la catégorie de référence (dans le cas des variables catégoriques) ou pour chaque augmentation par un point d’une variable continue.
Comme déjà mentionné, l’attrition dans notre enquête varie entre 15 % en Géorgie à 29 % en Russie. Il existe deux études sur les conséquences de l’attrition des panels et leur impact sur la fiabilité des données GGS. Pour l’Autriche, Buber-Ennser[46] n’a trouvé aucun impact de l’attrition sur la fiabilité des données, alors que Régnier-Loilier et Guisse[47] ont trouvé pour la France des effets significatifs de l’âge, du sexe, de l’éducation et de la nationalité sur la probabilité d’abandon de l’échantillon. Il était donc nécessaire de procéder à un contrôle de robustesse afin de s’assurer que ces cas ne faussent pas les résultats. Nous l’avons fait en utilisant deux modèles d’intentions de fécondité : un où nous avons restreint l’échantillon à ceux qui étaient présents aux deux vagues, et un où nous avons abandonné l’obligation d’être présent à la vague 2 (les résultats du modèle supplémentaire sont disponibles sur demande). Les différences entre ces deux modèles se sont avérées négligeables dans chaque pays et l’exclusion de ces répondants n’a pas eu d’impact significatif sur les résultats.
Résultats
Résultats descriptifs
Le tableau 3 montre la répartition de nos échantillons en fonction des intentions de fécondité et de leur réalisation. À la première vague, 20 % à 33 % des hommes et 17 % à 33 % des femmes avaient l’intention d’avoir un ou un autre enfant au cours des trois prochaines années. En Bulgarie et en Russie, moins de répondants avaient l’intention d’avoir un (autre) enfant que dans les trois autres pays. Parmi les répondants qui prévoyaient avoir un enfant, entre 21 % et 57 % des hommes et entre 25 % et 62 % des femmes ont effectivement eu un enfant entre les deux vagues. Le taux de réalisation des intentions positives est particulièrement faible dans les pays postcommunistes, ce qui contraste fortement avec la situation de l’Autriche et de la France, où les taux de réalisation sont beaucoup plus élevés. Parmi les répondants ayant déclaré une intention négative, plus de 90 % des répondants de chaque pays ont réalisé leur intention de ne pas avoir d’enfant.
En ce qui concerne nos variables de genre, les hommes et les femmes ont des attitudes sexospécifiques plus traditionnelles dans les pays postcommunistes, avec les opinions les plus traditionnelles exprimées en Géorgie. En ce qui concerne la répartition par sexe des tâches ménagères, le contraste se situe davantage entre la Géorgie, qui a en moyenne les arrangements les plus traditionnels, et les autres pays. En ce qui concerne la fréquence de présence à des services religieux, les femmes sont légèrement plus religieuses que les hommes. La France semble être le pays le moins religieux, tandis qu’en Géorgie, les répondants fréquentent les services religieux le plus fréquemment. En ce qui concerne la dénomination religieuse, nous voyons que la distribution dans l’échantillon analytique reflète la distribution décrite ci-dessus dans la section sur le contexte au niveau macro. (Voir tableau 3 page suivante.)
Nous avons également calculé les corrélations entre les indices de genre ainsi que les coefficients de corrélation de rang entre la religiosité et les deux indices de genre pour chacun des pays séparément. Ces corrélations se sont avérées faibles, suggèrant déjà que ces variables sont largement indépendantes[48].
Déterminants des intentions de fécondité
Les effets des attitudes sexospécifiques, la division sexuelle des tâches ménagères et la religiosité sur la probabilité d’avoir un (autre) enfant au cours des trois prochaines années sont représentés dans le tableau 4 pour les hommes. Dans le premier modèle, seules les variables d’égalité des sexes ont été incluses. En Géorgie et en France, les hommes ayant des attitudes sexospécifiques plus traditionnelles sont plus susceptibles d’avoir l’intention d’avoir un (autre) enfant. En revanche, en Bulgarie, les attitudes sexospécifiques plus traditionnelles sont associées à une moindre probabilité d’avoir une intention de fécondité. Dans les cinq pays, la répartition par sexe des tâches ménagères, représentée par « l’indice de participation des ménages », n’a pas d’effet significatif sur les intentions de fécondité des hommes. Le modèle 2 traite de l’effet de la religiosité et laisse de côté les effets des deux variables de genre. Dans les trois pays postcommunistes, les hommes qui fréquentent les services religieux plus fréquemment sont plus susceptibles d’avoir l’intention d’avoir un (autre) enfant. En revanche, en France et en Autriche, ce n’est pas le cas.
Le troisième modèle incorpore toutes les variables afin de déterminer l’effet conjoint de la religiosité et de nos variables d’égalité des genres. En comparant la taille des effets et les niveaux de signification de ce modèle avec ceux des deux modèles précédents, nous pouvons observer si les variables de genre absorbent en partie l’influence de la religiosité ou si elles se comportent de façon indépendante les unes des autres. Comparés aux modèles 1 et 2, les coefficients significatifs restent pratiquement les mêmes dans le modèle 3, ce qui indique que la religiosité et l’égalité des genres opèrent de manière plutôt indépendante. (Voir tableau 4 page précédente.)
Le tableau 5 présentent les résultats pour les femmes. Contrairement aux résultats pour les hommes, les attitudes de genre ne montrent aucun effet significatif sur les intentions de fécondité des femmes dans aucun des pays. En Russie, l’indice de participation des ménages a un effet négatif, indiquant qu’avec une répartition plus traditionnelle des tâches ménagères entre hommes et femmes, les femmes sont moins susceptibles d’avoir l’intention d’avoir un (autre) enfant. Mis à part quelques effets significatifs pour les femmes assistant aux services religieux moins d’une fois par mois en Russie et en France, il n’y a pas d’effet positif systématique de la religiosité sur les intentions de fécondité. Plus important encore, la même observation concernant les changements de coefficients dans le modèle 3 par rapport aux modèles 1 et 2 s’applique aussi aux femmes. Ces résultats suggèrent que la religiosité et les attitudes de genre fonctionnent indépendamment l’une de l’autre pour déterminer les intentions de fécondité des femmes et des hommes. (Voir tableau 5 page 206.)
Déterminants de la réalisation des intentions positives et négatives de fécondité
Le tableau 6 représente les modèles de réalisation des intentions positives de fécondité pour les hommes. Seuls les répondants qui ont indiqué à la vague 1 qu’ils avaient l’intention d’avoir un enfant (supplémentaire) sont inclus dans le modèle. Aucun effet significatif de l’une ou l’autre des variables d’équité entre les sexes n’existe dans ce cas. Ce n’est que dans le cas des hommes français que la fréquence de fréquentation des services religieux est un déterminant important du comportement de procréation. Les hommes français qui assistent aux offices religieux moins d’une fois par mois sont plus susceptibles de réaliser l’intention d’avoir un enfant dans les trois années suivantes que les hommes qui n’y vont jamais. (Voir tableau 6 page 208.)
Les effets pour les femmes sont représentés dans le tableau 7. Le seul effet significatif des variables de genre dans ce cas peut être observé en Russie. Dans ce pays, une distribution plus traditionnelle des tâches ménagères selon le genre encourage la réalisation des intentions positives de fécondité. En outre, les femmes très religieuses en Bulgarie et en France sont beaucoup plus susceptibles de réaliser des intentions positives que les femmes qui ne fréquentent jamais les services religieux. En France, on peut également observer un effet confessionnel, les femmes affiliées à des religions non chrétiennes étant plus susceptibles de réaliser des intentions de fécondité positives que les femmes chrétiennes. (Voir tableau 7 page 210.)
Quant au modèle 3, la même situation ressort des intentions de fécondité parmi les hommes et les femmes. Les coefficients du modèle 3 sont à peine différents de ceux des modèles 1 et 2, ce qui indique que l’égalité entre les sexes et la religiosité fonctionnent indépendamment les unes des autres non seulement pour les intentions de fécondité, mais aussi pour leur réalisation. (Voir tableaux 8 et 9 pages 212 et 214.)
Dans les tableaux 8 et 9, les résultats des modèles sur la réalisation des intentions négatives sont présentés. Dans ce cas, un effet positif signifie qu’il y a une plus grande probabilité de ne pas avoir d’enfant entre les vagues. Seuls les répondants qui ont indiqué qu’ils ne voulaient pas d’enfant au cours des trois prochaines années sont inclus. Les résultats de ces modèles devraient être pris cependant avec prudence, étant donné que la grande majorité des personnes interrogées dans notre échantillon ont réalisé leurs intentions négatives en matière de fécondité et qu’il y a eu peu de naissances non désirées. Les hommes très religieux sont moins susceptibles que les hommes qui n’assistent jamais à des services religieux de réaliser des intentions négatives uniquement en France. En Russie, les hommes non affiliés à une religion sont plus susceptibles de réaliser des intentions négatives. Dans le cas des femmes, les attitudes sexospécifiques traditionnelles sont associées à une moindre probabilité de réaliser des intentions négatives en Russie. En Géorgie, les femmes non chrétiennes sont moins susceptibles que les femmes chrétiennes de réaliser des intentions négatives. Comme dans le cas précédent, il existe peu de différences dans les coefficients entre le modèle 3 et les deux autres modèles, ce qui signifie que la religiosité et l’égalité des sexes fonctionnent indépendamment.
Les effets d’interaction entre genre et religiosité
Malgré le fait que nos résultats suggèrent que les variables de genre et la religiosité opèrent indépendamment sur les décisions en matière de fécondité, il est possible qu’il y ait un processus d’interaction entre ces variables. Par exemple, il est possible que l’effet de la religiosité sur la fécondité soit plus élevée pour les individus possédant des attitudes sexospécifiques très traditionnelles. Dans un tel cas, il s’agirait d’un mécanisme de modération. Afin de tester le tout, nous avons donc produit un modèle supplémentaire en ajoutant une série de termes d’interaction entre les variables de genre et la religiosité. Le tableau 10 résume ces résultats en indiquant dans quels pays et pour quels modèles les interactions étaient statistiquement significatives en plus de la direction négative ou positive de l’effet d’interaction entre parenthèses. Les résultats complets sont disponibles sur demande. Les résultats indiquent qu’il y a en effet un processus d’interaction mais seulement pour quelques pays, et seulement pour certaines variables et modèles. L’absence de résultats systématiques complique donc les interprétations et les conclusions que nous pouvons en tirer, mais suggère dans leur ensemble que les effets de médiations ne jouent pas un rôle important.
Discussion et conclusion
Le but de cet article était de démêler l’effet de la religiosité et des attitudes de genre sur les intentions de fécondité et leur réalisation. Notre principale question était de savoir si l’impact de la religiosité sur la fécondité s’explique principalement par l’influence de la religiosité sur l’égalité des sexes ou si la religiosité et les attitudes et comportements sexospécifiques ont des effets indépendants. Nous avons utilisé une approche par étapes en introduisant tout d’abord uniquement les variables de genre, suivies dans une seconde étape d’uniquement la religiosité et dans une troisième étape des effets combinés. Trois conclusions clés se dégagent.
Tout d’abord, si nous regardons les variables liées à l’égalité des sexes, il n’y avait que quelques résultats qui étaient statistiquement significatifs. En ce qui concerne les attitudes sexospécifiques, notre conclusion selon laquelle les hommes français et géorgiens ayant des attitudes sexospécifiques plus traditionnelles sont plus susceptibles d’avoir un (autre) enfant appuie les conclusions de Westoff et Higgins[49], mais le résultat opposé pour les hommes bulgares s’aligne davantage avec les résultats de Puur, Oláh et al.[50]. En ce qui concerne les effets de la division entre hommes et femmes des tâches ménagères sur la formation et la réalisation des intentions de fécondité, nous n’avons trouvé aucun effet significatif, sauf une exception. Dans nos modèles, seulement dans le cas des femmes russes, les intentions de fécondité ont été négativement affectées par une division traditionnelle du travail ménager selon le genre, ce qui serait conforme à ce que suggèrent d’autres études pour d’autres pays[51]. Cet impact négatif sur les intentions a cependant été contrebalancé par l’impact positif d’une division traditionnelle sur leur réalisation. Pour les hommes, la division sexuelle des tâches ménagères n’était en aucun cas statistiquement significative. Une raison possible pour ce résultat pourrait être liée au faible nombre d’hommes qui font plus de tâches ménagères que leur partenaire féminine dans tous les pays de notre échantillon. Par conséquent, seuls quelques hommes se trouvent dans une situation où le travail domestique devient particulièrement pénible et entrave les projets d’avoir d’autres enfants. Cependant, les hommes surestiment souvent leur part dans le travail domestique, ce qui pourrait avoir un impact sur la comparabilité de nos résultats entre hommes et femmes[52]. Le rôle de l’équité entre les sexes dans le ménage pourrait être abordé plus en profondeur dans les prochaines études, par exemple en incorporant des variables supplémentaires, telles que la satisfaction à l’égard de la répartition des tâches ménagères[53].
Deuxièmement, en ce qui concerne les effets de la religiosité sur les intentions de procréation, ils étaient surtout visibles dans les pays postcommunistes et pour les hommes seulement : ceux qui fréquentaient l’église étaient plus susceptibles d’envisager d’avoir des enfants dans les trois prochaines années. Pour ce qui est de la réalisation des intentions, peu de relations significatives ont été constatées, avec une religiosité ayant un effet positif sur la réalisation d’intentions positives en Bulgarie (uniquement pour les femmes) et en France. De plus, notre attente que les personnes les plus religieuses soient moins susceptibles de réaliser des intentions de fécondité négatives en raison de la position critique de certaines religions sur la contraception et l’avortement[54] n’a été confirmée que chez les hommes français (pour lesquels les personnes les plus religieuses étant moins susceptibles de réaliser leurs intentions négatives) et les hommes russes (pour lesquels les personnes non affiliés à une religion étaient plus susceptibles). Il faut noter, cependant, que le taux de réalisation des intentions de fécondité négatives est élevé et qu’il y a peu de cas où les intentions négatives ne sont pas réalisées.
Donc, en ce qui concerne les résultats sur les effets spécifiques des attitudes et des comportements de genre ainsi que de la religiosité, peu de résultats significatifs peuvent être observés et dans l’ensemble, les résultats ne montrent pas de tendance claire entre les pays. Bien que nos résultats descriptifs révèlent des différences marquées dans les taux de réalisation des intentions de fécondité entre les pays postcommunistes et les pays d’Europe occidentale (en accord avec les études antérieures[55]), ces différences ne sont pas reflétées dans les effets spécifiques de la religiosité et le genre. De même, nous n’avons trouvé aucune différence systématique entre les hommes et les femmes. Il demeure que d’un point de vue théorique, il était important de faire les analyses séparément pour les hommes et les femmes puisque les attitudes ou comportements traditionnels (ou égalitaires) peuvent avoir des conséquences différentes sur les situations personnelles dans lesquelles les décisions en matière de fécondité sont prises pour les hommes et les femmes.
Troisièmement, un des résultats qui se dégage clairement de nos analyses est le fait qu’il n’y avait pas de différences substantielles dans les coefficients de religiosité et les variables d’égalité de genre entre le modèle combiné (étape 3) et les modèles où les variables explicatives ont été introduites séparément. Par ailleurs, les modèles avec interactions entre les variables de genre et la religiosité ont montré qu’il y aurait peut-être des effets modérateurs entre ces variables, mais l’absence de résultats systématiques jette certains doutes sur ce possible mécanisme. Nous concluons plutôt que la religiosité et l’égalité des genres opèrent de manière indépendante. Les attitudes sexospécifiques, le comportement sexuel en matière de tâches ménagères et la religiosité semblent exercer des effets additifs dans le processus de décision reproductrice. Cela ne vient pas étayer l’hypothèse de Goldscheider[56] selon laquelle l’effet positif de la religiosité sur la fécondité passe essentiellement par la promotion des rôles traditionnels.
Il y a plusieurs explications possibles à cette conclusion. En raison de la montée de l’égalité des sexes, les religions elles-mêmes auraient pu adopter leurs positions et leurs enseignements sur les rôles de genre afin de refléter cette nouvelle réalité. Cela devient évident dans le cas de l’Église catholique d’Autriche, par exemple, qui exige de meilleures politiques concernant la réconciliation entre le travail et la famille[57]. Cependant, un mécanisme différent peut fonctionner dans d’autres pays, pour la plupart postcommunistes, où l’Église continue de promouvoir les rôles traditionnels de genre (par exemple en Russie[58]). Une relance générale des rôles traditionnels de genre s’est produite dans les pays postcommunistes[59], accompagnée de la perte d’emplois et de la réduction des effectifs de garderie fournis par l’État, ce qui a conduit les femmes à assumer un rôle plus traditionnel dans la famille[60]. La fréquentation religieuse après la chute du communisme n’a toutefois connu une reprise que dans quelques pays[61]. Ainsi, la renaissance des rôles traditionnels de genre n’a pas été accompagnée ou entraînée par un renouveau de la religiosité à une échelle similaire, ce qui a affaibli l’association entre la religiosité et les rôles traditionnels de genre.
Les effets indépendants dans nos modèles suggèrent donc que l’hypothèse de « théologie particularisée », qui suppose que les enseignements pronatalistes explicites de nombreuses religions encouragent la décision d’avoir beaucoup d’enfants, peut être plus importante qu’on ne le pensait auparavant. Si les religions s’adaptent davantage et adaptent l’égalité des sexes dans leurs enseignements, les enseignements directs natalistes pourraient devenir encore plus pertinents pour les décisions de fécondité des personnes plus religieuses. À la lumière de la diminution des fréquences de participation à des services religieux pour les religions traditionnelles, davantage de personnes religieuses constituent déjà un groupe de personnes hautement sélectionnées et sont destinées à le devenir encore davantage[62].
Avec nos résultats, nous fournissons une nouvelle perspective sur l’interaction entre la religiosité et l’égalité des sexes dans la prise de décision en matière de fécondité. Contrairement à notre hypothèse issue de la littérature, la religiosité n’exerce pas son influence nataliste à travers la promotion des rôles traditionnels de genre[63]. Dans le contexte de la révolution sexuelle, où l’association entre égalité des sexes et fécondité est passée de négative à positive, et où certaines religions commencent elles-mêmes à promouvoir l’égalité des genres, la question se pose à savoir si cela est également le cas dans les sociétés où les rôles traditionnels de genre sont encore dominants. Comme aucun des pays considérés dans notre échantillon ne peut être classifié comme étant « vraiment » traditionnel, une piste de recherche future est d’étendre l’analyse aux pays où les rôles traditionnels sont dominants et où peu de femmes sont sur le marché du travail et où donc la révolution féminine n’est pas encore amorcée. À en juger par l’écart de participation de la main-d’oeuvre féminine et masculine, c’est par exemple le cas dans de nombreux pays musulmans et en Inde[64]. Une alternative est de regarder la situation des pays occidentaux à un moment plus tôt dans le temps quand ils étaient dans une phase antérieure de la révolution féminine.
Finalement, il faut souligner que nos résultats sont basés sur tous les hommes et toutes les femmes, et non pas sur des modèles par parité, c’est-à-dire sur l’intention et la réalisation d’avoir un premier, deuxième ou troisième enfant, en raison de la faible taille des échantillons. Des études antérieures suggèrent cependant qu’il existe différents effets de parité en ce qui concerne l’égalité des sexes (en particulier, en considérant la décision d’un premier et deuxième enfant séparément[65]) et la religiosité[66]. Dans les prochaines études, il serait donc crucial de prendre en compte ces différences.
Parties annexes
Notes
-
[1 ]
E. P. Kaufmann, Shall the Religious Inherit the Earth ? : Demography and Politics in the Twenty-First Century, Londres, Profile Books, 2010. S. Hubert, The impact of Religiosity on Fertility, Wiesbaden, Springer VS, 2015.
-
[2 ]
Ibid. N. Peri-Rotem, « Religion and Fertility in Western Europe : Trends Across Cohorts in Britain, France and the Netherlands », European Journal of Population, vol. 32, no 2, 2016, 231-265. C. Berghammer, « Church attendance and childbearing : evidence from a Dutch panel study, 1987-2005 », Population Studies, vol. 66, no 2, 2012, p. 197-212.
-
[3 ]
T. Frejka et C. F. Westoff, « Religion, Religiousness and Fertility in the US and in Europe », European Journal of Population, vol. 24, no 1, 2007, p. 5-31. S. R. Hayford et S. P. Morgan, « Religiosity and Fertility in the United States : The Role of Fertility Intentions », Social Forces, vol. 86, no 3, 2008, p. 1163-1188.
-
[4 ]
R. Inglehart et P. Norris, Rising Tide - Gender Equality and Cultural Change around the World, Cambridge, Cambridge University Press, 2003. K. McQuillan, « When Does Religion Influence Fertility ? », Population and Development Review, vol. 30, no 1, 2004, p. 25-56.
-
[5 ]
G. Neyer, T. Lappegård, D. Vignoli, « Gender Equality and Fertility : Which Equality Matters ? », European Journal of Population, vol. 29, no 3, 2013, p. 245-272.
-
[6 ]
A. Aassve, G. Fuochi, L. Mencarini, D. Mendola, « What is your couple type ? Gender ideology, housework sharing, and babies » Demographic Research, vol. 32, 2015, p. 835-858.
-
[7 ]
K. McQuillan, op. cit.
-
[8 ]
A. Srikanthan et R. L. Reid, « Religious and Cultural Influences on Contraception », Journal of Obstetrics and Gynaecology Canada, vol. 30, no 2, 2008, p. 129-137.
-
[9 ]
A. Adsera, « Marital Fertility and Religion in Spain, 1985 and 1999 », Population Studies, vol. 60, no.2, 2006, p. 205-221. A. Adsera, « Religion and changes in family-size norms in developed countries », Review of Religious Research, vol. 47, no 3, 2006, p. 271-286.
-
[10]
C. Goldscheider, Population, Modernization, and Social Structure, Boston, Little, Brown and Company, 1971.
-
[11]
J. Knodel, R. S. Gray, P. Sriwatcharin, S. Peracca, « Religion and reproduction : Muslims in Buddhist Thailand », Population Studies, vol. 53, no 2, 1999, p. 149-164.
-
[12]
T. Frejka et C. F. Westoff, op. cit. S. Hubert, op. cit. N. Peri-Rotem, op. cit.
-
[13]
D. Philipov et C. Berghammer, « Religion and fertility ideals, intentions and behaviour : a comparative study of European countries », Vienna Yearbook of Population Research, vol. 5, 2007, p. 271-305.
-
[14]
C. Goldscheider, « Religion, Family, and Fertility : What do we Know Historically and Comparatively », dans R. Derosas et F. W. A. van Poppel (Eds.), Religion and the Decline of Fertility in the Western World, Dordrecht, Springer, 2006, p. 41-57.
-
[15]
R. Inglehart et. P. Norris, op. cit.
-
[16]
S. Seguino, « Help or Hindrance ? Religion’s Impact on Gender Inequality in Attitudes and Outcomes », World Development, vol. 39, no 8, 2011, p. 1308-1321.
-
[17]
C. Y. Haskins, « Gender Bias in the Roman Catholic Church : Why Can’t Women be Priests ? », University of Maryland Law Journal of Race, Religion, Gender & Class, vol. 3, no 1, 2003, p. 99-124.
-
[18]
K. Klingorová, K. et T. Havlicek « Religion and gender inequality : The status of women in the societies of world religions », Moravian Geographical Reports, vol. 23, no 2, 2015, p. 2-11.
-
[19]
M. Mills, L. Mencarini,, M. L. Tanturri, K. Begall, « Gender equity and fertility intentions in Italy and the Netherlands » Demographic Research, vol. 18, 2008, p. 1-26.
-
[20]
G. Neyer, T. Lappegård, D. Vignoli, op. cit.
-
[21]
R. Guetto, R. Luijkx, S. Scherer, « Religiosity, gender attitudes and women’s labour market participation and fertility decisions in Europe », Acta Sociologica, vol. 58, no 2, 2015, p. 155-172.
-
[22]
C. Jeppsen, Religion, Gender Equality and Fertility, University Park, Pennsylvania State University, 2015.
-
[23]
T. Anderson et H. Kohler, H. « Low Fertility, Socioeconomic Development, and Gender Equity », Population and Development Review, vol. 41, no 3, 2015, p. 381-407.
-
[24]
F. Goldscheider, E. Bernhardt, T. Lappegård, « The Gender Revolution : A Framework for Understanding Changing Family and Demographic Behavior », Population and Development Review, vol. 41, no 2, 2015, p. 207-239. G. Esping-Andersen et F. C. Billari, « Re-theorizing Family Demographics », Population and Development Review, vol. 41, no 1, 2015, p. 1-31.
-
[25]
G. Esping-Anderson et F. C. Billari, op. cit.
-
[26]
R. Lesthaeghe, « The Unfolding Story of the Second Demographic Transition », Population and Development Review, vol. 36, no 2, 2010, p. 211-251.
-
[27]
O. Thévenon, « Family Policies in OECD Countries : A Comparative Analysis », Population and Development Review, vol. 37, no 1, 2011, p. 57-87.
-
[28]
H. J. M. Fenger, « Welfare regimes in Central and Eastern Europe : Incorporating post-communist countries in a welfare regime typology », Contemporary Issues and Ideas in Social Sciences, vol. 3, no 2, 2007, p. 1-30.
-
[29]
B. Deacon, « Eastern European welfare states : the impact of the politics of globalization », Journal of European Social Policy, vol. 10, no 2, 2016, p. 146-161.
-
[30]
A. Aassve, G. Fuochi, L. Mencarini, D. Mendola, op. cit.
-
[31]
D. Philipov, « Theories on fertility intentions : a demographer’s perspective », Vienna Yearbook of Population Research, vol. 9, 2012, p. 37-45.
-
[32]
C. Berghammer et I. Buber-Ennser, Religion and the realization of fertility intentions - A comparative study of four European countries, Vienna, GGP User Conference, 2015.
-
[33]
A. Srikanthan et R. L. Reid, op. cit.
-
[34]
G. Neyer, T. Lappegård, D. Vignoli, op. cit.
-
[35]
A. Puur, L. S. Oláh, M. I. Tazi-Preve, J. Dorbritz, « Men’s childbearing desires and views of the male role in Europe at the dawn of the 21st century », Demographic Research , vol. 19, 2008, p. 1883-1912.
-
[36]
C. F. Westoff et J. A. Higgins, « Relationships between men´s gender attitudes and fertility : Response to Puur et al.’s » « Men’s childbearing desires and views of the male role in Europe at the dawn of the 21st century », Demographic Research, vol. 21, 2009, p.65-74.
-
[37]
D. Philipov et C. Berghammer, op. cit.
-
[38]
Les vagues 1 et 2 du GGS sont également disponibles dans les pays suivants mais ne sont pas incluses ici pour trois raisons : (1) dans le cas de l’Italie et des Pays-Bas, les variables sur les attitudes sexospécifiques n’étaient pas disponibles, alors qu’en Australie et de Hongrie, la religiosité n’était pas incluse ; (2) dans le cas de la Tchéquie, de l’Allemagne et de la Lituanie, le taux d’attrition à la vague 2 était important et nous laissait un échantillon trop petit pour nos analyses ; et (3) dans le cas de la Pologne, les données de la vague 2 n’ont été publiées qu’après la rédaction de ce document.
-
[39]
A. Régnier-Loilier et D. Vignoli, « Fertility Intentions and Obstacles to their Realization in France and Italy » Population, English edition, vol. 66, no 3, 2011, p. 360-390.
-
[40]
L. Dommermuth, J. Klobas, T. Lappegård, « Realization of fertility intentions by different time frames » Advances in Life Course Research, vol. 24, 2015, p. 34-46.
-
[41]
A. Aassve, G. Fuochi, L. Mencarini, D. Mendola, op. cit.
-
[42]
G. Neyer, T. Lappegård, D. Vignoli, op. cit.
-
[43]
Ibid.
-
[44]
Le nombre de cas dans chaque pays était trop faible pour permettre une ventilation plus détaillée par dénomination.
-
[45]
C. Mood, « Logistic Regression : Why We Cannot Do What We Think We Can Do, and What We Can Do About It », European Sociological Review, vol. 26, no 1, 2009, p. 67-82.
-
[46]
I. Buber-Ennser, « Attrition in the Austrian Generations and Gender Survey », Demographic Research, vol. 31, 2014, p. 459-496.
-
[47]
A. Régnier-Loilier et N. Guisse, Sample attrition and distortion over the waves of the French Generations and Gender Surveys, GGP Technical Paper, 2012.
-
[48]
Le coefficient de corrélation le plus faible est -0,121 pour les hommes en Russie entre la religiosité et la disvision sexuelle des taches ménagères. La correlation la plus forte entre ces deux variables est de 0,168 pour les hommes autrichiens.
-
[49]
C. F. Westoff et J. A. Higgins, op. cit.
-
[50]
A. Puur, L. S. Oláh, M. I. Tazi-Preve, J. Dorbritz, op. cit.
-
[51]
M. Mills, L. Mencarini, M. L. Tanturri, K. Begall, op. cit. G. Neyer, T. Lappegård, D. Vignoli, op. cit.
-
[52]
J. Baxter, « Gender Equality and Participation in Housework : A Cross - National Perspective », Journal of Comparative Family Studies, vol. 28, no 3, 1997, p. 220-247.
-
[53]
G. Neyer, T. Lappegård, D. Vignoli, op. cit.
-
[54]
A. Srikanthan et R. L. Reid, op. cit.
-
[55]
Z. Spéder et B. Kapitány, « Failure to Realize Fertility Intentions : A Key Aspect of the Post-communist Fertility Transition », Population Research and Policy Review, vol. 33, no 3, 2014, p. 393-418.
-
[56]
C. Goldscheider, op. cit.
-
[57]
Katholischer Familienverband Österreichs, « Familienpolitik konkret - Das familienpolitische Forderungsprogramm des katholischen Familienverbandes für 2017–2022 », ehe und familien, vol. 3a, 2017.
-
[58]
E. Chernyak, « What Is a Woman Created For ? The Image of Women in Russia through the Lens of the Russian Orthodox Church », Feminist Theology, vol. 24, no 3, 2016, p. 299-313.
-
[59]
C. Schmitt et H. Trappe, « Introduction to the special issue : Gender relations in Central and Eastern Europe - change or continuity ? », Zeitschrift für Familienforschung, vol. 22, no 3, 2010, p. 261-265.
-
[60]
Ibid.
-
[61]
P. S. Brenner, « Cross-National Trends in Religious Service Attendance », Public Opinion Quarterly, vol. 80, no 2, 2016, p. 563-583.
-
[62]
E. P. Kaufmann, op. cit.
-
[63]
C. Goldscheider, op. cit.
-
[64]
International Labour Organization, ILOSTAT, 2018.
-
[65]
L. Bernardi, V.-A. Ryser, J.-M. Le Goff, « Gender Role-Set, Family Orientations, and Women’s Fertility Intentions in Switzerland », Swiss Journal of Sociology, vol. 39, no 1, 2013, p. 9-31. M. Mynarska et M. Styrc, « Preferencje i ograniczenia. Czynniki determinujące intencje posiadania pierwszego i drugiego dziecka [Preferences and obstacles. Determinants of intention to have the first or the second child] », dans A. Matysiak (Ed.), Nowe wzorce formowania i rozwoju rodziny w Polsce. Przyczyny oraz wpływ na zadowolenie z życia. [New patterns of family formation and dissolution in Poland. Determinants and consequences for life satisfaction], Warsaw, Scholar, 2014, p. 54-76.
-
[66]
D. Philipov et C. Berghammer, op. cit.