Volume 51, numéro 2, automne 2018 Prise en charge du suicide : entre crime, troubles mentaux et droit de mourir Sous la direction de Jean-François Cauchie, Patrice Corriveau et Isabelle Perreault
Sommaire (16 articles)
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Introduction : prise en charge du suicide : entre crime, troubles mentaux et droit de mourir
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Un droit criminel en retrait ou en introspection ? Les plaintes déposées pour tentative de suicide dans le district judiciaire de Montréal (1908-1919)
Jean-François Cauchie, Patrice Corriveau, Bryan Hamel et Annie Lyonnais
p. 13–38
RésuméFR :
En 1892, date de la création du premier Code criminel canadien, la tentative de suicide est un crime, et ce, jusqu’à sa décriminalisation en 1972. Du droit criminel à la psychiatrie, le déplacement de la réaction sociale à la tentative suicidaire aurait en quelque sorte été « officialisé » par ce retrait de l’article de loi. Nous verrons néanmoins dans le présent article qu’il n’y a pas eu, pour les tentatives de suicide, d’abord prise en charge pénale et seulement ensuite, encadrement médical. En effet, au tournant du 20e siècle, le droit criminel cohabite déjà depuis un moment avec cet autre régime de vérité qu’est la psychiatrie. L’analyse de 163 plaintes pour tentatives de suicide à Montréal entre 1908 et 1919 montre qu’il faut être prudent avant de diagnostiquer qu’un type de régulation prend la place d’un autre. En effet, un verdict d’aliénation mentale ou une prise en charge médicale sans procès d’un individu aux tendances suicidaires ne sortent pas de facto le dossier judiciaire du rayon d’action du droit criminel. Il serait davantage question d’une réorganisation, voire d’un renouvellement partiel de ce type de droit quant aux options qu’il mobilise pour traiter des plaintes relatives aux tentatives de suicide.
EN :
In 1892, when the first Canadian Criminal Code was created, attempting suicide was a crime. It remained one until 1972, when it was decriminalized and the link between suicide and mental health and changes in social response toward suicide attempts were somewhat “officialised”. This article shows, however, that suicide attempts were not initially dealt with only through criminal law, to be handled next solely through a medical framework. At the beginning of the 20th century, the idea of suicide as a crime co-existed with the idea that it should be dealt with by psychiatry. Analysis of 163 complaints of attempted suicide in Montreal between 1908 and 1919 shows that it was not always easy to determine which approach would be followed – a verdict of mental illness or placing an individual with suicidal tendencies in a medical institution did not necessarily mean that the case would not lead to criminal prosecution. Reshaping, even a partial recreation, of this type of right was necessary to change the way suicide attempts were treated.
ES :
En 1892, fecha de la creación del primer código penal canadiense, la tentativa de suicidio es un crimen, y esto, hasta su despenalización en 1972. Del derecho penal a la psiquiatría, el desplazamiento de la reacción social a la tentativa de suicidio habría, en cierta medida, sido « oficializada » por este retiro del artículo de la ley. Veremos sin embargo en este artículo que no hubo para las tentativas de suicidio, primero, un tratamiento penal, y, sólo luego, un marco médico. En efecto, a principios del siglo XX, el derecho penal cohabita ya desde hace un tiempo con este otro régimen de verdad, que es la psiquiatría. El análisis de 163 denuncias por tentativas de suicidio en Montreal entre 1908 y 1919 muestra que hay que ser prudente antes de diagnosticar que un tipo de regulación remplaza a la otra. Un veredicto de alienación mental o el tratamiento médico sin proceso de un individuo con tendencias suicidas no sacan de facto el expediente judicial del marco de acción del derecho penal. Sería, en mayor medida, una cuestión de reorganización o hasta de una renovación parcial de este tipo de derecho en cuanto a las opciones movilizadas para tratar las denuncias relativas a las tentativas de suicidio.
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Le fait divers suicidaire dans les hebdomadaires populaires québécois (1927-1940) : un « crime » moins tabou qu’il n’y paraît
Alexandre Pelletier-Audet
p. 39–60
RésuméFR :
Cet article documente les pratiques discursives à l’égard du geste suicidaire dans les premiers tabloïds hebdomadaires parus au Québec dans le second quart du 20e siècle. La prédilection de ce nouveau média pour le fait divers a contribué à donner au suicide une très grande visibilité, ce qui met en évidence la valeur perçue de ces récits d’ici et d’ailleurs comme objets de divertissement séculier et familial, mais tout en renforçant leur représentation à titre d’actes criminalisés ou déviants.
EN :
This article documents the discursive practices that framed journalistic accounts of suicidal acts in the burgeoning Quebec tabloid press during the second quarter of the 20th century. The new medium’s emphasis on human interest reporting contributed to making suicide highly visible, on both a local and global stage, highlighting the perceived entertainment value of these accounts as secular and family-oriented entertainment, while also reinforcing their representation as criminalized or deviant acts.
ES :
Este artículo documenta las prácticas discursivas en relación al gesto suicida en los primeros tabloides semanarios publicados en Quebec en el segundo cuarto del siglo XX. La predilección de este nuevo medio por los hechos diversos contribuyó a dar una gran visibilidad al suicidio, evidenciando el valor percibido de las narraciones de aquí y de otras partes, como objetos de diversión secular y familiar, pero reforzando su representación como actos criminalizados y desviados.
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Prévenir le suicide en prison au Canada : les premiers pas d’une politique publique (1970-1987)
Claire Guenat et Jean Bérard
p. 61–85
RésuméFR :
L’article analyse la constitution du suicide carcéral comme un problème public à la fin des années 1970 et au début des années 1980 et rend compte des expertises mobilisées et des registres d’action esquissés par le Service correctionnel du Canada. Il place la genèse de ces réformes dans le cadre plus large des transformations de l’univers carcéral, au croisement entre la promotion des droits des prisonniers, l’accroissement du contrôle des pratiques pénitentiaires, l’ouverture croissante des prisons à des intervenants extérieurs, notamment médicaux, et la reconfiguration du fonctionnement disciplinaire de l’institution. L’article montre que, même s’ils ne sont qu’esquissés dans les années 1980, les lignes de force et les points de tension des politiques de prévention du suicide en prison apparaissent nettement et selon des modalités qui seront ensuite poursuivies et approfondies, notamment autour des enjeux de recueil et partage de l’information, de classification, d’affectation et de surveillance des détenus considérés comme suicidaires.
EN :
This paper analyses how prison suicide became a public issue in the late 1970s and early 1980s and discusses the expertise and kinds of actions that originated from the Correctional Service of Canada. The origin of these reforms is shown to be the wider context of prison transformations, such as the development of inmates’ rights, the opening of prisons to outside experts, particularly doctors, and the restructuring of the disciplinary function of the institution. The strongest suicide prevention measures, while only sketched out in the early 1980s, were already clearly focused on issues such as collecting and sharing information and classifying, assigning, and supervising suicidal inmates.
ES :
El artículo analiza la constitución del suicidio carcelario como un problema público al final de los años 1970 y al comienzo de los años 1980, y rinde cuentas de las experiencias movilizadas y de los registros de acción esbozados por el Servicio Correccional de Canadá. Ubica el origen de estas reformas dentro del marco más amplio de las transformaciones del universo carcelario, en la intersección de la promoción de los derechos de los prisioneros, con el crecimiento del control de las prácticas penitenciarias, con la apertura creciente de las cárceles a profesionales externos, sobre todo a los médicos, y con la reconfiguración del funcionamiento disciplinario de la institución. El artículo muestra que a pesar de que no fueron esbozados sino hasta los años 1980, las líneas de fuerza y los puntos de tensión de las políticas de prevención del suicidio en prisión aparecen claramente, y según modalidades que serán luego perseguidas y profundizadas, sobre todo alrededor de los problemas de recolección y de intercambio de información, de clasificación, de afectación y de vigilancia de los detenidos considerados suicidas.
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La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme : son contenu et ses effets en matière de prévention du suicide
Gaëtan Cliquennois
p. 86–108
RésuméFR :
Nous proposons d’analyser les développements jurisprudentiels de la Cour européenne en matière de prévention du suicide en prison et dans les commissariats de police et leurs effets paradoxaux sur les politiques de prévention conduites par les États condamnés par la Cour. Nous montrons d’abord que la philosophie jurisprudentielle à laquelle se réfère la Cour est marquée par une segmentation des risques suicidaires et une conception étroite et synchronique du passage à l’acte suicidaire des gardés à vue et des détenus qui s’oppose au paradigme de la réaction sociale. Nous montrons ensuite que, sous la pression exercée par le Comité pour la prévention de la torture et des associations nationales de défense des droits des détenus, les arrêts de la Cour conduisent les États à adopter des politiques de prévention du suicide marquées par une rationalité à la fois actuarielle et punitive. Ceci n’empêche pas la jurisprudence européenne d’être au fondement d’un nouveau contrôle opéré sur les lieux privatifs de liberté auquel peuvent contribuer les familles de détenus suicidés.
EN :
I analyse case-law developments in the European Court of Human Rights based on Article 2 (right to life) as they relate to suicide prevention in places of detention (prisons, police stations, and psychiatric hospitals) and the paradoxical effects they have had on prevention policies enacted by states condemned by the Court. I first show that the jurisprudential philosophy referred to by the Court is marked by an emphasis on risk management and a narrow understanding of individuals’ suicide attempts. I then demonstrate that, under pressure exerted by the Committee for the Prevention of Torture and the national associations for the defence of the rights of detainees, the Court’s judgments lead states to adopt suicide prevention policies that are actuarial (risk management) and punitive. However, this perverse effect seems to be partially offset by the possibility that the families of detainees, through the investigative duties of member states of the Council of Europe, can exercise at least some supervision over the custodial and police systems.
ES :
Proponemos analizar los desarrollos jurisprudenciales de la Corte Europea, en materia de prevención del suicidio en las cárceles y en las comisarías de la policía, y sus efectos paradójicos sobre las políticas de prevención conducidas por los Estados condenados por la Corte. En primer lugar, mostramos que la filosofía jurisprudencial a la que hace referencia la Corte, está marcada por una segmentación de los riesgos suicidas, y por una concepción estrecha y sincrónica del acto suicida de los custodiados y de los detenidos, que se opone al paradigma de la reacción social. Luego, mostramos que bajo la presión ejercida por el Comité de Prevención de la Tortura y por las asociaciones nacionales de defensa de los derechos de los detenidos, los juicios de la Corte conducen a los Estados a adoptar políticas de prevención del suicidio, marcadas por una racionalidad a la vez actuarial y punitiva. Esto no le impide a la jurisprudencia europea, estar en la fundación de un nuevo control operado sobre los lugares privativos de la libertad, al cual pueden contribuir las familias de detenidos que se suicidaron.
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Psychopathologie, traitement et genre en milieu psycholégal : associations avec les conduites suicidaires
David Joubert
p. 109–135
RésuméFR :
La recherche a souligné l’importance des problématiques de santé mentale dans le suicide, en particulier lorsqu’il survient en milieu carcéral ou institutionnel. Par ailleurs, les études disponibles laissent entendre que certaines mesures de prévention du suicide en institution peuvent être efficaces. Il y a peu de connaissances à ce jour sur l’importance relative et les effets d’interaction possibles entre psychopathologie, réponse institutionnelle sous forme de traitement, genre et comportements suicidaires. La présente étude cherchait à mettre en évidence les patrons d’association entre ces facteurs à partir d’un échantillon de 3620 sujets résidant en milieu psycholégal, totalisant 25 778 observations dans le temps. Les analyses de modèles mixtes logistiques laissent supposer que le genre, la forme et la cible du traitement sont significativement associés aux conduites suicidaires. Spécifiquement, les individus de sexe masculin ayant peu accès au traitement et prenant part à des interventions visant surtout la réintégration sociale étaient davantage à risque de conduites suicidaires. La présence de schizophrénie sans trouble de personnalité concomitant était négativement associée aux comportements suicidaires. Ces résultats contribuent à clarifier les liens entre problèmes de santé mentale, traitement institutionnel et problématiques suicidaires.
EN :
Previous research has highlighted the importance of mental health problems in suicide, particularly in the context of carceral or forensic institutionalization. Studies have suggested that specific measures for suicide prevention in institutions can be helpful, but there is little information on the relative importance and possible interactions between psychopathology, institutional treatment programs, gender, and the risk of suicidal behavior. The current study examined associations between these variables in a sample of 3,620 inmates in secure forensic mental health custody, with a total of 25,778 observations for the time under consideration. Linear logistic mixed models revealed that gender as well as the form and focus of treatment are significantly related to the occurrence of suicidal behavior. Males who had little access to treatment and were involved primarily in activities focused on social reintegration were at higher risk of suicidal behaviour. A diagnosis of schizophrenia without a co-occurring personality disorder was negatively related to suicidal conduct. These results contribute to clarifying the links between mental health, institution-based treatment, and suicidal behavior.
ES :
Las investigaciones han subrayado la importancia de las problemáticas de salud mental en el suicidio, particularmente cuando acontece en el medio de las cárceles o de las instituciones. Por otro lado, los estudios disponibles sugieren que algunas medidas de prevención del suicidio en el medio institucional pueden ser eficaces. Hasta el día de hoy, existen relativamente pocos conocimientos acerca de la importancia relativa y sobre los efectos de interacción posibles entre la psicopatología, la respuesta institucional bajo la forma de tratamiento, el género y los comportamientos suicidas. El presente estudio buscaba evidenciar los patrones de asociación entre estos factores, a partir de una muestra de 3620 sujetos, residentes en el medio psico-legal, con un total de 25 778 observaciones a lo largo del tiempo. Los análisis de modelos mixtos logísticos sugieren que el género, la forma y el foco del tratamiento, están asociados significativamente con las conductas suicidas. Específicamente, los individuos de sexo masculino que tienen poco acceso a los tratamientos y que participan en intervenciones cuyo objetivo es sobre todo la reintegración social tienen más riesgo de tener conductas suicidas. La presencia de la esquizofrenia sin trastorno concomitante de la personalidad está asociada negativamente con los comportamientos suicidas. Estos resultados contribuyen a poner en claro las relaciones entre los problemas de salud mental, los tratamientos institucionales y las problemáticas suicidas.
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Un nouvel enjeu de santé publique au Canada : l’accompagnement des personnes endeuillées à la suite d’un suicide
Rae Spiwak, Brenda Elias, Jitender Sareen, Mariette Chartier et James M. Bolton
p. 136–166
RésuméFR :
Chaque année, dans le monde, entre 48 et 50 millions de personnes se retrouvent endeuillées à la suite d’un suicide. Au Canada seulement, ce sont 4 000 individus qui se suicident chaque année, laissant derrière eux un grand nombre de personnes qui doivent faire face au caractère traumatisant et complexe du suicide. Dans un contexte qui avait déjà vu la tentative de suicide être décriminalisée en 1972, la présente étude se penche sur ce qui apparaît désormais constituer une nouvelle problématique de santé publique : le soutien aux personnes endeuillées à la suite d’un suicide. Nous discuterons à cet égard de quelques acteurs clés qui ont influencé les politiques canadiennes sur le sujet : les tribunaux, la Constitution ou encore des groupes qui avaient un intérêt spécifique par rapport à cet enjeu. Les questions de santé associées à ce type de deuil de même que la question de la nécessité de l’intervention seront abordées. Enfin, divers aspects émergents de ces politiques qui demandent encore à être éclairés seront examinés, de même que la nécessité de distinguer les approches à court, moyen et long terme quand on intervient auprès de personnes touchées par ce type de deuil.
EN :
Worldwide, between 48 and 500 million individuals are affected by suicide every year. In Canada alone, 4,000 individuals die yearly by suicide, meaning that a substantial portion of the population must cope with the traumatic and complex aftermath of suicide. This paper discusses the emergence of suicide bereavement as a public health issue following the decriminalization of attempted suicide in 1972. The role of key structures, including the courts, the constitution, and special interest groups, that have shaped suicide and suicide bereavement policy in Canada are examined. Health outcomes associated with suicide bereavement are reviewed, as well as the need for intervention. Emerging areas of suicide policy where guidance is needed are also discussed, as are the need for upstream, midstream, and downstream approaches to suicide bereavement intervention.
ES :
A nivel mundial, entre 48 y 500 millones de individuos sufren el impacto del duelo a causa de un suicidio anualmente. Solamente en Canadá, 4000 individuos mueren anualmente por causa del suicidio, lo cual significa que una proporción substancial de la población debe afrontar el traumatismo y la complejidad de la naturaleza del suicidio. Este artículo trata de la emergencia del duelo frente al suicidio como un asunto de salud pública después de que fuese votada la descriminalización de la tentativa de suicidio en 1972. Examinamos aquí el rol de estructuras claves, incluyendo las cortes, la constitución y los grupos de interés especiales, que le ha modelado el suicidio y la política del duelo frente al suicidio en Canadá. Las consecuencias para la salud, asociadas al duelo frente al suicidio son revisadas, así como la necesidad de intervención. Áreas emergentes de la política del suicidio en las que una guía es requerida son también discutidas, agregándose a la necesidad de aproximaciones a corto, mediano y largo plazo, en lo que se refiere a la intervención frente al duelo.
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« 99 % des suicides sont tragiques, nous nous battons pour le 1 % qui reste » : des esprits sains dans des corps malades et l’activisme du droit à la mort
Ari Gandsman
p. 167–188
RésuméFR :
À partir de recherches ethnographiques menées auprès d’activistes du droit à la mort, cet article cherche à relever et à analyser les divisions de nature conceptuelle qui structurent les arguments des activistes. D’une part, des activistes soutiennent que la mort médicalement assistée doit être rigoureusement distinguée de l’acte du suicide. Pour ce faire, ils font référence à la notion « d’esprit sain » dans un contexte où le corps est malade, faisant ainsi appel au caractère fondamentalement rationnel d’un processus décisionnel fondé sur la volonté dans le choix. Ils distinguent un tel choix des suicides, non rationnels, qui sont visiblement le résultat d’un « esprit troublé ». Toutefois, en puisant dans une base de données ethnographiques considérable et dans des entrevues, on constate que les activistes reconnaissent aussi implicitement une frontière perméable entre les deux actes. Plusieurs points de tension et d’ambiguïté surviennent d’ailleurs lorsqu’il s’agit de distinguer la mort médicalement assistée et officiellement approuvée d’un acte de suicide. Dans l’analyse de la question, le présent article cherche à explorer le noyau de la tension entre les réformistes et les branches plus radicales de l’activisme du droit à la mort. Si ceux qui aspirent à modifier la constitution actuelle demandent, parmi d’autres garde-fous, des critères d’admissibilité clairement définis en fonction de maladies terminales et incurables, d’autres activistes plus radicaux s’opposent à de telles « médicalisations de la mort » et tiennent une position plus ouverte où le droit à la mort englobe aussi les « suicides rationnels ». Enfin, notre article montrera que, même après la légalisation de la mort médicalement assistée, ces noyaux de tensions subsistent.
EN :
Based on ethnographic research among right to die activists, this article identifies and analyzes a puzzling conceptual divide that structures activists’ arguments. On one hand, activists argue that a medically assisted death needs to be completely separate from the act of suicide. To ensure this, they employ the notion of “sound minds” in the context of “unsound bodies,” focusing on the fundamental rationality of a voluntary decision-making process structured around choice. Their advocacy separates the act of medically assisted death from the irrationality of suicides, which ostensibly result from an “unsound mind.” However, extensive ethnographic and interview data reveal multiple ambiguities and tensions in their attempt to distinguish between an officially sanctioned medically assisted death and an act of suicide, showing that activists implicitly recognize a porous border between these two acts. Analyzing these ambiguities explores a core tension between reformist and more radical sectors of right to die activism : while those aiming to change existing legislation argue for clearly defined eligibility criteria premised on terminal or incurable illness and accompanied by safeguards, more radical activists argue against this “medicalization of death” and advocate a more open position in which the right to die encompasses “rational suicide.” This article will show that even after the legalization of medically assisted dying, these core tensions persist.
ES :
A partir de investigaciones etnográficas conducidas con activistas del derecho a la muerte, este artículo busca subrayar y analizar las divisiones de naturaleza conceptual que estructuran los argumentos de los activistas. Por un lado, algunos activistas sostienen que la muerte asistida por un médico debe ser diferenciada rigurosamente del acto suicida. Para ello, hacen referencia a la noción de la “mente sana” en un contexto en el que el cuerpo está enfermo, haciendo así un llamado al carácter fundamentalmente racional de un proceso decisional fundado sobre la voluntad en la decisión. Distinguen una tal decisión de los suicidios, no racionales, que son visiblemente el resultado de una “mente perturbada”. Sin embargo, esbozando sobre una base de datos etnográficos considerable y en entrevistas, constatamos que los activistas reconocen también, implícitamente, una frontera permeable entre los dos actos. Varios puntos de tensión y de ambigüedad emergen, por cierto, cuando se trata de diferenciar la muerte asistida por un médico y oficialmente aprobada, y un acto de suicidio. En el análisis de la cuestión, el presente artículo busca explorar el núcleo de la tensión entre los reformistas y las ramas más radicales del activismo del derecho a la muerte. Si los que aspiran a modificar la constitución actual piden, entre otras salvaguardias, criterios de admisibilidad claramente definidos en función de enfermedades terminales e incurables, otros activistas más radicales se oponen a tales “medicalizaciones de la muerte”, y defienden una posición más abierta en la que el derecho a la muerte engloba también a los “suicidas racionales”. Finalmente, nuestro artículo mostrará que a pesar de la legalización de la muerte asistida por un médico, estos núcleos de tensiones persisten.
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Les personnes suicidaires peuvent-elles parler ? Théoriser l’oppression suicidiste à partir d’un modèle sociosubjectif du handicap
Alexandre Baril
p. 189–212
RésuméFR :
Malgré des appels répétés dans les campagnes de prévention du suicide pour que les personnes suicidaires s’expriment, plusieurs ne se sentent pas en sécurité de le faire. Puisque briser le silence est capital pour prévenir les suicides, la peur de parler est contreproductive. Comment expliquer ces silences ? La thèse défendue est qu’en dépit d’une laïcisation, d’une décriminalisation et même d’une certaine dépathologisation du suicide, les personnes suicidaires, leurs gestes et leurs discours demeurent inintelligibles en fonction d’une injonction à la vie et à la futurité. Des mécanismes sont en place pour culpabiliser, surveiller/punir et pathologiser les personnes suicidaires, les empêchant de parler. Je soutiens l’idée que l’injonction à la vie et à la futurité est promue par l’ensemble des discours actuels sur le suicide. Qu’il s’agisse de l’approche médicale, sociale ou biopsychosociale, les divers modèles sur le suicide aboutissent tous à la même conclusion : le suicide n’est jamais une option. Dans leur condamnation univoque du suicide, ces modèles n’écoutent les personnes suicidaires que dans une logique de surveillance, créant des espaces peu sécuritaires pour s’exprimer. M’inspirant des théories crip et des études du handicap qui critiquent le modèle médical et social du handicap et développent d’autres modèles, je propose l’adoption d’un modèle sociosubjectif du handicap pour interpréter le suicide.
EN :
Despite repeated calls in suicide prevention campaigns for suicidal people to express themselves, many do not feel safe to do so. Because breaking the silence is crucial in preventing suicides, fear of speaking is counterproductive. How can we explain these silences ? The thesis herein states that, despite the secularization, decriminalization, and even depathologization of suicide, injunctions to live and to futurity render suicidal people, their acts, and their discourse unintelligible. Mechanisms are in place to blame, control/punish, and pathologize suicidal people, preventing them from speaking. I support the notion that the injunctions to live and to futurity are promoted by the totality of current discourse on suicide. Whether using a medical, social, or biopsychosocial model, these various approaches to suicide arrive at the same conclusion : suicide is never an option. In their unequivocal condemnation of suicide, these approaches only listen to suicidal people’s voices through a logic of surveillance, creating spaces that are unsafe for expression. Inspired by crip theories and disability studies, which critique the medical and social models of disability and develop other models, I recommend adopting a socio-subjective model of disability to interpret suicide.
ES :
A pesar de que las campañas de prevención del suicidio invitan a las personas suicidas a expresarse, varias no se sienten seguras de hacerlo. Romper el silencio es fundamental para prevenir los suicidios y el miedo a hablar es contraproducente. ¿Cómo explicar este silencio ? La tesis defendida es que, a pesar de la existencia de una secularización, de una descriminalización y hasta de una cierta “despatologización” del suicidio, las personas suicidas, sus gestos y discursos siguen siendo incomprendidos en función de un mandato a la vida y al futuro. Existen mecanismos puestos en marcha para culpabilizar, vigilar o castigar y “patologizar” a las personas suicidas, impidiéndoles hablar. Sostengo la idea que el mandato a la vida y al futuro es promovida por el conjunto de los discursos actuales sobre el suicidio. Ya sea que se trate de la aproximación médica, social o biopsicosocial, los diversos modelos del suicidio llegan a la misma conclusión : El suicidio no es nunca una opción. En su condena inequívoca del suicidio, estos modelos no atienden a las personas suicidas sino dentro de una lógica de vigilancia, creando espacios poco seguros para expresarse. Inspirándome de las teorías crip y de los estudios sobre la discapacidad que critican el modelo médico y social de la discapacidad, y desarrollan otros modelos, propongo la adopción de un modelo socio-subjetivo de la discapacidad para interpretar el suicidio.
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Attitudes des intervenants en santé mentale envers l’euthanasie et le suicide assisté : une synthèse des connaissances scientifiques
Jaskiran Kaur et Isabelle Marcoux
p. 213–243
RésuméFR :
L’objectif de cette synthèse des connaissances est de donner un aperçu des études scientifiques publiées sur les attitudes des intervenants en santé mentale envers l’euthanasie et le suicide assisté. Une recherche a été menée dans les bases de données Medline, PsycInfo et Embase ; onze articles répondant aux critères d’inclusion ont été sélectionnés. Les résultats montrent que les intervenants en santé mentale ont généralement des attitudes positives envers l’euthanasie et le suicide assisté, avec des attitudes un peu plus favorables envers ce dernier que pour l’euthanasie. Plusieurs études ont montré une corrélation négative entre l’importance de la religion et leurs attitudes ainsi qu’avec l’expérience professionnelle. Le lien entre les attitudes et d’autres caractéristiques personnelles (par ex. : le genre, l’âge, le niveau d’éducation) n’est toutefois pas constant d’une étude à l’autre. Des enjeux particuliers sur le plan de la méthodologie doivent être considérés dans l’interprétation des résultats, dont des différences dans les définitions et la terminologie utilisée, ainsi que dans la formulation des questions. Le lien entre les expériences personnelles et les attitudes envers l’euthanasie ou le suicide assisté devrait faire l’objet de recherches futures.
EN :
This knowledge synthesis provides an overview of published studies on the attitudes of mental health workers towards euthanasia and physician-assisted suicide. A search of the Medline, PsycInfo, and Embase databases located eleven articles that met the inclusion criteria and form the basis of this review. The results show that mental health workers generally have positive attitudes towards euthanasia and assisted suicide, with slightly more favorable attitudes toward physician-assisted suicide than toward euthanasia. Several studies showed a negative correlation between religious commitment and attitudes toward euthanasia and physician-assisted suicide, as well as a negative correlation reflecting experience with professionals. The relationship between attitudes and other personal characteristics (e.g., gender, age, education) is not consistent across studies. Specific methodological issues must be considered in interpreting the results, including differences in the definitions and terminology used, as well as in the way questions are formulated. The link between personal experiences and attitudes toward euthanasia or assisted suicide should be the subject of future research.
ES :
El objetivo de esta síntesis del conocimiento, es ofrecer una visión general de los estudios científicos publicados sobre las actitudes de los profesionales en salud mental hacia la eutanasia y el suicidio asistido. Una investigación fue llevada a cabo en las bases de datos de Medline, PsycInfo y Embase ; once artículos que respondían a los criterios de inclusión fueron seleccionados. Los resultados muestran que, generalmente, los profesionales en salud mental tienen actitudes positivas hacia la eutanasia y el suicidio asistido, con actitudes un poco más favorables hacia este que hacia la eutanasia. Varios estudios mostraron una correlación negativa entre la importancia de la religión y sus actitudes, así como con las experiencias profesionales. La relación entre las actitudes y otras características personales (por ejemplo el género, la edad, la educación) no es, sin embargo, constante de un estudio al otro. Dos problemas particulares en el plano metodológico deben ser considerados en la interpretación de los resultados : diferencias en las definiciones y en la terminología utilizada, así como en la formulación de las preguntas. La relación entre las experiencias personales y las actitudes hacia la eutanasia o el suicidio asistido debería ser el objeto de futuras investigaciones.
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Le rôle et l’impact des premiers répondants dans le processus de résilience familiale à la suite du suicide d’un adolescent
Christine Genest, Nathalie Maltais et Francine Gratton
p. 244–263
RésuméFR :
Le suicide d’un adolescent ou d’une adolescente crée généralement une onde de choc au sein du système familial. Les premiers répondants que représentent les pompiers, les ambulanciers ou les policiers sont les intervenants qui entrent en contact avec les familles lors de cette période de crise et de bouleversement. Leurs interventions et leurs attitudes à l’égard du suicide et des endeuillés peuvent donc influencer le cheminement des familles au cours de leur processus de deuil. À la suite d’une étude dont le but était de comprendre et de décrire le processus de résilience familiale après le suicide d’un ou d’une adolescente, une analyse secondaire des comptes rendus intégraux a permis de faire ressortir l’impact des premiers répondants sur le cheminement des membres (n = 17) de sept familles au cours de leur processus de deuil. Les résultats montrent que le contact avec les premiers répondants influence l’ampleur du cataclysme vécu au moment du suicide, ce qui teinte la suite du cheminement. Il serait donc pertinent de former les premiers répondants (policiers, pompiers et ambulanciers) à ce type de situation et de repenser l’organisation des services afin de mieux soutenir les endeuillés et de favoriser leur processus de résilience.
EN :
The suicide of an adolescent is a shock to the entire family. First responders, such as police, firefighters, and paramedics, interact with survivors during the crisis period and their interventions and attitudes towards the suicide and the bereaved can influence how the family grieves. Following research aimed at understanding family resiliency after the suicide of an adolescent, a secondary analysis of interviews was done to look at the impact of first responders on the grieving process of the members (n = 17) of the seven families who had participated in the research. The results show that encounters with first responders affect the level of catastrophe created by the suicide, which can influence the resiliency process. First responders should be aware that this is the case and the services they provide should be re-examined to ensure that they assist survivors and help increase their resilience.
ES :
El suicidio de un adolescente o de una adolescente crea, generalmente, una conmoción en el seno del sistema familiar. Los primeros actores de intervención, representados por los bomberos, las ambulancias o los policías, son los profesionales que entran en contacto con las familias durante este período de crisis y de trastorno. Sus intervenciones y sus actitudes hacia el suicidio, y hacia quienes hacen el duelo, pueden, entonces, influenciar la trayectoria de las familias durante su proceso de duelo. Luego de haber hecho un estudio cuyo fin era entender y describir el proceso de resiliencia familiar luego del suicidio de un o de una adolescente, un análisis secundario de los informes integrales permitió conocer el impacto de los primeros actores de intervención sobre la trayectoria de los miembros (n = 17) de siete familias durante su proceso de duelo. Los resultados muestran que el contacto con los primeros actores de intervención influencia la amplitud del cataclismo vivido en el momento del suicidio, lo que tiñe la continuación del proceso. Sería entonces pertinente formar a los primeros actores de intervención (policías, bomberos, ambulancias) para este tipo de situaciones y repensar la organización de los servicios para poder brindarle un mejor apoyo a las personas en duelo y favorecer sus procesos de resiliencia.
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Vulnérabilité suicidaire des contrevenants en centre de réadaptation : présentation d’un modèle explicatif
Laurie St-Pierre et Catherine Laurier
p. 264–287
RésuméFR :
Les jeunes contrevenants sont une population particulièrement à risque d’idéations suicidaires, de tentatives de suicide et de suicides complétés. Le modèle Cry of Pain a été conçu par Williams (2001) pour expliquer la trajectoire suicidaire auprès de la population générale. Le modèle interpersonnel du suicide de Joiner (2005) a, pour sa part, été conçu pour prédire les suicides complétés. Le premier propose que les idées et comportements suicidaires résultent d’un processus qui comprend trois composantes : un sentiment de défaite, la perception d’être pris au piège et le désespoir. Le second avance plutôt que le suicide résulte de l’addition de trois facteurs : un faible sentiment d’appartenance, un sentiment de lourdeur relationnelle et une aptitude au suicide. Une recension des écrits récents a été menée, puis les facteurs de risque personnels et institutionnels soulevés ont été utilisés pour vérifier lequel des deux modèles s’applique le mieux à la population d’intérêt. Il est proposé que la situation de mise sous garde en centre de réadaptation aurait le potentiel d’enclencher la trajectoire du modèle Cry of Pain chez le jeune contrevenant. Les implications pour l’intervention et la recherche sont discutées.
EN :
Young offenders are particularly at risk of suicidal ideation and both attempted and completed suicide. Williams (2001) developed the Cry of Pain model to explain the trajectory of suicide in the general population, while Joiner’s (2005) interpersonal suicide model was designed to predict completed suicides. The Cry of Pain model suggests that suicidal thoughts and behaviors are the result of a process that involves a sense of defeat, the perception of being trapped, and feelings of hopelessness. The model developed by Joiner includes three additional factors : little sense of belonging, the feeling of being a burden, and an openness to the idea of suicide. A review of recent literature was conducted and personal and institutional risk factors were used to test which of the two models is most applicable to the population of interest. The results suggest that being in custody in a rehabilitation center has the potential to lead young offenders to follow the Cry of Pain trajectory. Implications for research and intervention are discussed.
ES :
Los delincuentes jóvenes son una población con un riesgo particular de tener ideas suicidas, de tener intentos de suicidio y de suicidarse. El modelo Cry of Pain fue concebido por Williams (2001) para explicar la trayectoria suicida en la población en general. El modelo interpersonal del suicidio de Joiner (2005) fue, por su lado, concebido para predecir los suicidios llevados a cabo. El primero propone que las ideas y comportamientos suicidas son el resultado de un proceso compuesto por tres elementos : un sentimiento de pérdida, la percepción de estar atrapado y el desespero. El segundo sugiere más bien que el suicidio es el resultado de la adición de tres factores : un sentimiento débil de pertenencia, un sentimiento de pesadez emocional y una aptitud para el suicidio. Una revisión de la literatura fue realizada. Luego, los factores de riesgo personales e institucionales destacados fueron utilizados para verificar cuál de los dos modelos se aplica mejor a la población de interés. Se propone que la situación de custodia en los centros de readaptación tendría el potencial de desencadenar la trayectoria del modelo Cry of Pain en los jóvenes delincuentes. Las implicaciones para la intervención y para la investigación son discutidas.
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Jeunes contrevenants à la croisée des chemins : étude à devis mixte du risque suicidaire
Catherine Laurier, Anne-Marie Ducharme, Laurie St-Pierre et Janet Sarmiento
p. 288–313
RésuméFR :
En raison de la prédominance des conduites antisociales des jeunes contrevenants en général et de ceux associés aux gangs de rue en particulier, qui constituent d’ailleurs le motif de leur prise en charge par le système de justice, il est moins fréquent de se pencher sur leur victimisation et leurs séquelles psychologiques. Ainsi, dans le cadre de cet article, 212 jeunes contrevenants, pris en charge par les services jeunesse ou les services correctionnels ont été évalués à l’aide de questionnaires quantitatifs et lors d’une entrevue qualitative semi-structurée. Cette étude à devis mixte a permis de relever, dans la partie quantitative, les variables qui contribuent statistiquement le plus au risque suicidaire, tel qu’il a été évalué à l’aide de deux outils (MAYSI-2 et MINI). En outre, les entretiens qualitatifs ont fait ressortir que les jeunes contrevenants pris en charge se trouvent à une croisée des chemins où s’affrontent le désir de quitter un mode de fonctionnement délinquant et le sentiment de ne pas pouvoir le faire à cause d’un avenir considéré comme étant bloqué. Dans la discussion, les résultats des devis quantitatifs et qualitatifs sont mis en relation, dans une démarche abductive, pour en proposer une compréhension intégrée. Finalement, quelques suggestions pour l’intervention complètent cet article.
EN :
The high level of antisocial behavior among young offenders in general and those associated with street gangs in particular, which accounts for their involvement with the justice system, has led to a lack of attention to their victimization and its psychological aftereffects. In this article, 212 young offenders in the care of youth services or correctional services were assessed using quantitative questionnaires and a semi-structured qualitative interview. The questionnaire was used to identify the variables most involved in suicide risk, assessed by two tools (MAYSI-2 and MINI). The qualitative interviews highlighted that young offenders in care find themselves at a crossroads where their desire to leave the delinquent life style confronts the feeling that their extremely restricted future possibilities will make this impossible. The discussion combines the results of the quantitative and qualitative parts, using an abductive approach to propose an integrated understanding of this phenomena. Finally, some suggestions for intervention are offered.
ES :
Por causa de la predominancia de las conductas antisociales de los jóvenes delincuentes, en general, y de los asociados a las pandillas, particularmente, que constituyen, de hecho, el motivo de su acogida por el sistema judicial, es menos frecuente interesarse por su victimización y por sus secuelas psicológicas. Así, en el marco de este artículo, 212 jóvenes delincuentes a cargo de los servicios para jóvenes o de los servicios correccionales, fueron evaluados por medio de cuestionarios cuantitativos, y durante una entrevista cualitativa semi estructurada. Este estudio con metodología mixta permitió identificar, en la parte cuantitativa, las variables que más contribuyen estadísticamente al riesgo suicida, tal y como fue evaluado gracias a dos instrumentos (MAYSI-2 y MINI). Además, las entrevistas cualitativas evidenciaron que los jóvenes delincuentes a cargo, se encuentran en una intersección entre los caminos dónde se confronta el deseo de dejar un modo de funcionamiento delincuente, y el sentimiento de no poder hacerlo, por causa de un futuro considerado como si estuviera bloqueado. En la parte discusión, los resultados de los métodos cuantitativos y cualitativos son relacionados, con un procedimiento abductivo, para proponer una comprensión integrada. Finalmente, algunas sugerencias para la intervención completan este artículo.
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Peut-on distinguer homicide-suicide et suicide par leurs facteurs de risque ?
Charles-Édouard Notredame, Stéphane Richard-Devantoy, Alain Lesage et Monique Séguin
p. 314–342
RésuméFR :
Les homicides-suicides sont des événements aussi graves qu’exceptionnels. À l’interface de la criminologie et de la suicidologie, leur étude et leur prévention butent sur une indistinction de statut : sont-ils à considérer comme une sous-catégorie du suicide ou comme une entité à part entière ? Pour le clarifier, nous avons mené une méta-analyse de l’ensemble des articles comparant les facteurs de risque de suicide et d’homicide-suicide afin de discerner si certains d’entre eux étaient plus spécifiques de l’un ou de l’autre des événements. Treize articles ont été inclus dans l’analyse finale. Le sexe masculin, l’appartenance à une minorité culturelle et les antécédents judiciaires étaient plus spécifiquement associés à l’homicide-suicide qu’au suicide. De même, le suicide survenait plus fréquemment à domicile et impliquait des moyens plus violents lorsqu’il était précédé d’un homicide. En revanche, les problèmes de santé physique, les antécédents de dépression, de tentative de suicide et de consommation de substances psychoactives augmentaient le risque de suicide davantage que celui d’homicide-suicide. À l’appui des présents résultats, nous proposons de revisiter la dualité homicide-suicide/suicide en l’inscrivant dans un modèle intégré. Sous cette perspective, les deux événements pourraient être lus comme l’issue dramatique d’une même tension psychique critique que favoriseraient des facteurs prédisposant aspécifiques. La forme du passage à l’acte ne dépendrait alors de l’influence que de certains de ces facteurs, dits facteurs orientants. Les implications que cette modélisation pourrait avoir en termes de recherche sont ici discutées.
EN :
Although rare, homicide-suicides are dramatic events. Both studied through the lens of suicidology and criminology, their hybrid nature tends hinder research and prevention efforts : are they to be considered as a subcategory of suicide or as a separate entity ? To clarify the question, we carried out a meta-analysis of the literature comparing homicide-suicide and suicide risk factors. The goal was to ascertain whether some of these factors could predict one or the other outcome with more specificity. The analysis included 13 references, and a mean number of cases of 262 homicides-suicides (± 802) and 59 539 suicides (± 32 117). Male gender, belonging to an ethnic or cultural minority and past legal issues predicted homicides-suicides more than suicides. Similarly, suicides were more likely to be preceded by a homicide when occurring at the home place, or when implying violent death methods. Conversely, physical health problems, as well as history of depression, suicide attempt or substance abuse increased the suicide risk in a greater extent than they did for homicide-suicide. Basing on these results, we suggest integrating the homicide-suicide/suicide duality in a single coherent model. Under this perspective, both events could be seen as the lethal result of a same critical psychic tension, mostly influenced by predisposing factors. The nature or the acting out would then depend on only some of these factors, so-called orienting factors. Implications of the model for research are discussed.
ES :
Los homicidios-suicidas son eventos tanto graves, como excepcionales. En la interfaz de la criminología con la suicidiología, su estudio y su prevención se enfrenta a una indistinción de estatus : ¿Deben éstos ser considerados como una sub-categoría del suicidio, o como una entidad completamente aparte ? Para aclararlo, condujimos un meta-análisis del conjunto de artículos, comparando sus factores de riesgo de suicidio y de homicidio-suicidio con el fin de discernir si algunos de ellos eran más específicos al uno o al otro de los eventos. Trece artículos fueron incluidos en el análisis final. El sexo masculino, la pertenencia a una minoría cultural y los antecedentes judiciales estaban asociados más específicamente al homicidio-suicida que al suicidio. Asimismo, el suicidio ocurría más frecuentemente en el domicilio, e implicaba medios más violentos cuando era precedido por un homicidio. En cambio, los problemas de salud física, los antecedentes de depresión, de tentativa de suicidio y de consumo de substancias psicoactivas aumentarían más el riesgo de suicidio que el de homicidio-suicidio. Basados en estos resultados, proponemos revisar la dualidad homicidio-suicidio/suicidio, inscribiéndola en un modelo integrado. Bajo esta perspectiva, los dos eventos podrían ser leídos como la continuación dramática de una misma tensión psíquica crítica que favorecería a factores predisponentes no específicos. La forma del paso al acto no dependería entonces sino de la influencia de algunos de estos factores, los llamados factores de orientación. Las implicaciones que esta modelización podría tener en términos de investigación son discutidos.
Hors thème
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Les variations temporelles de la fréquence des violences physiques en contexte conjugal
Odrée Blondin, Frédéric Ouellet et Chloé Leclerc
p. 343–373
RésuméFR :
La violence conjugale vécue par une femme est un phénomène dynamique qui évolue à travers le temps. En dépit de ce fait, peu d’études y sont consacrées. On connaît notamment peu les facteurs derrière l’intensité de la violence et ses variations au fil du temps. La présente étude propose de combler ces lacunes en examinant les trajectoires individuelles de femmes qui ont été victimes de violence conjugale. Plus spécifiquement, l’objectif est d’analyser l’évolution de la fréquence de la violence physique à travers le temps. L’échantillon se compose de 53 femmes qui ont toutes subi des violences en contexte conjugal à l’intérieur d’une période fenêtre des 36 derniers mois. Les trajectoires individuelles de ces femmes ont été reconstruites en utilisant la méthode des calendriers d’histoire de vie. Les résultats de cette recherche montrent que la fréquence de ces violences physiques varie grandement d’une victime à l’autre, mais elle varie également au sein même des trajectoires de chacune de ces femmes. Ils montrent également que pour comprendre comment évoluent ces violences, il faut impérativement considérer les caractéristiques de la victime, du conjoint et de leur relation, mais aussi les circonstances de vie qui changent au cours des trajectoires. Un autre résultat important est l’impact du temps qui passe. En effet, on constate que, de manière générale, la fréquence de la violence tend à augmenter au fil des mois. L’étude des trajectoires de violence conjugale constitue assurément un chemin vers une meilleure connaissance du phénomène et une meilleure intervention auprès des victimes.
EN :
Intimate partner violence (IPV) against women is a dynamic phenomenon that evolves over time. However, despite our recognition of this situation, few studies have been devoted to the phenomenon. In particular, little is known about the factors behind changes in the intensity of violence or how it varies over time. This study addresses these gaps by focusing on the individual trajectories of women who have been victims of IPV. More specifically, the goal is to analyze how the frequency of physical violence evolves over time. The research is based on retrospective data from 53 women who experienced IPV over a period of 36 months. The individual trajectory of these women was reconstructed using the life history calendar method. Results suggest that the frequency of physical violence not only varies greatly from one victim to another but the trajectory also varies for each woman. They also demonstrate that in order to understand how violence evolves, it is imperative to consider the characteristics of the victim, the spouse, and their relationship, as well as changes in life circumstances. Another result is the effect of time: we found that the frequency of violence tended to increase over the period being studied. Studying the trajectory of women victims of IPV is an important way to better understand the phenomenon as well as to find ways for more effective intervention with victims.
ES :
La violencia conyugal vivida por una mujer es un fenómeno dinámico que evoluciona a través del tiempo. A pesar de este hecho, pocos estudios se han consagrado. Sobre todo, se conocen poco los factores detrás de la intensidad de la violencia y sus variaciones a lo largo del tiempo. El presente estudio propone llenar estas lagunas, concentrándose en las trayectorias individuales de mujeres que fueron víctimas de violencia conyugal. Más específicamente, el objetivo es analizar la evolución de la frecuencia de la violencia física a través del tiempo. La muestra se compone de 53 mujeres, quienes todas fueron víctimas de violencias en contexto conyugal, dentro de un período de los últimos 36 meses. Las trayectorias individuales de estas mujeres fueron reconstruidas, utilizando el método de los calendarios de la historia de la vida. Los resultados de esta investigación muestran que la frecuencia de estas violencias físicas varía mucho de una víctima a la otra, pero varía igualmente en el seno mismo de las trayectorias de cada una de estas mujeres. Igualmente, demuestran que para comprender cómo evolucionan estas violencias, toca imperativamente considerar las características de la víctima, del conyugue y de su relación, pero igualmente las circunstancias de vida que cambian en el curso de las trayectorias. Otro resultado importante es el impacto del tiempo que pasa. En efecto, se constata que, de manera general, la frecuencia de la violencia tiende a aumentar a lo largo de los meses. El estudio de las trayectorias de violencia conyugal constituye, sin ninguna duda, un camino hacia un mejor conocimiento del fenómeno, y hacia una mejor intervención para las víctimas.
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Faire entendre sa plainte. Le savoir-faire mobilisé dans la composition des rapports disciplinaires en prison
Esther Danais-Raymond et Dominique Robert
p. 374–395
RésuméFR :
Maintenir l’ordre de façon autonome dans le secteur dont ils sont responsables témoigne de la compétence des agents correctionnels. Dans de rares cas, ces derniers choisissent néanmoins de renvoyer une situation problème au comité de discipline. La sociologie pragmatique nous invite à lire ce renvoi comme une plainte qui, pour être validée, nécessite le recours à un savoir-faire implicite porté par les documents. Notre analyse de discours des rapports disciplinaires produits sur un an dans une prison québécoise nous amène à cerner les ordres de justice et les répertoires interprétatifs mobilisés par les agents qui voient à faire entendre leurs plaintes. Cette incursion dans la forme et le contenu du rapport disciplinaire nous convainc de l’intérêt de se pencher sur les documents comme médiateurs entre les paliers de la justice carcérale.
EN :
The competence of correctional officers is judged by their ability to keep order in the area for which they are responsible. In rare instances, however, they may choose to refer problematic situations to a disciplinary committee. Pragmatic sociology suggests that such referrals should be seen as complaints that, if they are to be considered valid, must be understood in light of knowledge implicit in the documents themselves. Our discursive analysis of disciplinary reports written over a year in a Québec prison allowed us to determine the understanding of justice and the interpretative repertoires used by correctional officers in communicating their complaints. This exploration of the form and content of disciplinary reports suggests that it is important to consider the role of these documents as mediators between different levels of authority.
ES :
Mantener el orden de forma autónoma en el sector del que son responsables demuestra la competencia de los agentes correccionales. En algunos casos raros, estos últimos escogen reenviar una situación problemática al comité disciplinario. La sociología pragmática nos invita a leer esta transferencia como una denuncia que, para ser validada, requiere el recurso a un "saber-hacer" implícito, orientado por los documentos. Nuestro análisis de discurso, de los reportes disciplinarios producidos en un año en una cárcel quebequense, nos conduce a identificar las órdenes de justicia y los repertorios interpretativos movilizados por los agentes que participan a hacer escuchar sus denuncias. Esta incursión en la forma y en el contenido del reporte disciplinario nos convence del interés de orientarse hacia los documentos como mediadores entre los escalones de la justicia carceral.