Résumés
Résumé
L’évaluation, dont les méthodologies singulières impliquent une standardisation et une objectivation suffisantes, est une pratique qui prend une coloration particulière lorsqu’elle est appliquée au champ criminel. Elle oblige à appréhender le fait criminel selon des catégories extrapolables amenuisant d’une part le champ relationnel et obturant d’autre part la lecture psychodynamique du passage à l’acte. Si l’intérêt scientifique de cette réduction est évident, puisqu’il permet la comparaison et les statistiques, l’intérêt casuistique est nettement plus faible. Il permet de définir pour un individu l’appartenance à une catégorie déterminée, mais la prédiction du risque demeure une probabilité lorsqu’elle s’applique à lui. Alors que l’acte violent et sa prise en charge ne peuvent aujourd’hui s’interroger en dehors des logiques qui tendent vers une obligation de résultat, l’évaluation fait-elle partie intégrante du soin et de la sanction ou répond-elle à une demande sociale ? Nous formulons l’hypothèse qu’au-delà de l’ambiguïté sur la finalité des soins « psy », tels qu’ils sont perçus par les cliniciens, et tels qu’ils leurs sont assignés par la société, il existe une confusion entre les objectifs et les moyens. Si on confie à la psychiatrie un rôle dans la défense sociale, ce ne serait pas parce qu’on la pense efficace pour réduire le risque de réitération, ou simplement le prédire, mais (surtout) du fait des moyens coercitifs qu’elle peut développer – parfois en s’affranchissant de la sanction.
Mots-clés :
- Évaluation du risque de violence,
- évaluation clinique,
- demande sociale,
- défense sociale
Abstract
The clinical evaluation, which involves standardization and objectification, takes on a peculiar form when applied to the field of criminal justice. It requires understanding criminal acts in terms of categories that extrapolate and reduce them on the one hand to the formalized relation between the evaluator and the offender and, on the other hand, obscure the psychodynamic meaning of the act. While the scientific interest of this reduction is evident, as it permits comparisons and the calculation of statistics, interest in the case-mix is weaker. It permits us to define an individual in terms of a pre-determined category, but the prediction of risk remains a mere probability. The final objective of risk assessment and care for violent offenders is to provide results. But is evaluation an integral part of the care and the sanction ? Or is it only a social requirement ? We hypothesize that the ambiguity about the purpose of psychiatric or psychological care, as it is perceived by clinicians and as it is assigned by society, is not the only cause of confusion between the objectives and the means of clinical evaluations. If psychiatry is entrusted with a role in social defence, it would not be because of its effectiveness in terms of reducing recidivism or predicting behaviour, but because of the coercive means that it can develop – sometimes by suspending the punishment.
Keywords:
- Violence risk assessment,
- clinical evaluation,
- social demand,
- social defence
Resumen
La evaluación, cuyas metodologías particulares implican una estandarización y una objetivación suficientes, es una práctica que toma un matiz particular cuando es aplicada al campo penal. Esta obliga a aprehender el hecho criminal según unas categorías extrapolables, minimizando, por un lado, el campo relacional y cerrando, por el otro, la lectura psico-dinámica del paso al acto. Si bien el interés científico de esta reducción es evidente, ya que permite la comparación y las estadísticas, el interés casuístico es netamente más débil. Permite definir la pertenencia de un individuo a una categoría determinada, pero la predicción del riesgo sigue siendo una posibilidad cuando se aplica a él. Mientras que el acto violento y su gestión no pueden, hoy en día, interrogarse por fuera de las lógicas que tienden hacia una obligación de resultado, ¿hace la evaluación una parte integral del cuidado y de la sanción o responde a una demanda social ? Formulamos la hipótesis que más allá de la ambigüedad sobre la finalidad de los cuidados “psi”, tal y como son percibidos por los clínicos, y tal y como les son asignados por la sociedad, existe una confusión entre los objetivos y los medios. Si le confiamos a la psiquiatría un rol en la defensa social, no sería porque pensamos que es eficaz para reducir el riesgo de reiteración, o simplemente para predecirlo, sino (sobre todo) por los medios coercitivos que puede desarrollar – a veces prescindiendo de la sanción.
Palabras clave:
- Evaluación del riesgo de violencia,
- evaluación clínica,
- demanda social,
- defensa social
Parties annexes
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