Résumés
Abstract
The "Truth and Reconciliation" commission (TRC) was implemented following the first democratic elections in South Africa in order to bring to light the brutality of the apartheid regime, to offer individual amnesty to persons responsible, and to compensate victims. From the outset, an important aspect of its emergent legitimizing discourse concerned the role and the needs of victims of brutality - whether victims of the former authoritarian government or of the liberation movements - within a rhetoric of "national reconciliation". The TRC's definition was to correspond to a notion of criminal justice that excluded any response of direct punishment or compensation: the proposed amnesty would relieve of responsibility all those to whom it applied.This context gave rise to a highly specific discourse concerning victims of "past conflicts", a discourse created within a precise range of nuances that were designed to make the TRC conceptually compatible with its public image, and vice versa. In evidence was the gradual construction of a language that allowed the Commission to be described in positive terms of satisfying needs, of respect for a greater, more honest and more universal ethical basis than that of retribution, of successful national reconciliation, etc. The propagation and effectiveness of this language were indispensable considering the concurrent dominant discourse about criminal justice in general, which maintained a hard line with regard to crime and which resulted in practice in an uncontrolled inflation of the penal population (two blocks away from the Commission's headquarters, parliament considered such solutions as corporal punishment, the establishment of prisons in abandoned mines, etc.) According to the Commission's discourse, victims identified two common fundamental outcomes of their victimization: their need for financial assistance, and their desire to know the truth. This desire for truth was manifested in two forms: first, the need to know the truth concerning the matter itself, for example, the disappearance of loved ones, and secondly, the restoration of individual dignity through an official and public acknowledgment of their victimization. Whether these outcomes in fact corresponded to the reality experienced by victims themselves tends to be a question of secondary importance, since the organization of the Commission's discourse allowed perfect integration of their testimonies, their attitude, and even their actual participation. This integrative power is to a great extent the result of the characteristic form both of testimonies made to the Commission and of statements concerning the participation by and satisfaction of its members: that is, the narrative form. Because of the great capacity of personal biographies to communicate the experience of injustice and of reparation compatible with the daily experiences of the general public, from these narratives may be drawn a normative language almost beyond reproach. Furthermore, each of the narratives, without exception extremely emotionally moving, included the Commission's role in the implicit or explicit denouement of victimization. The Commission's logic is further reinforced thereby, as it appears to be extracted from the actual experience of the persons who participated. In relating their narratives, victims provided the Commission with the necessary material to persuade other victims to participate in the process, to justify itself to the population of South Africa, and to meet its mandate of restoring dignity to victims. Such circularity is a natural element of all discourse, since it contains in its terms of reference the construction of its context, its subjects, its problems and its solutions. The Commission thus met its mission, primarily through a readjustment of its concepts and language but also by a concrete modification of social reality - if such a modification were possible, and possible to observe outside of the language used in its description. From the outset, "dignity" was very apparent not as an objective personal condition but as the outcome of a specific symbolic reality. Whether or not victims felt better following their visit to the Commission, or after the publication of its report, would have no effect on the general availability of a discourse of restored dignity to describe South African reality. On the contrary, the success of this enormous and costly institution, with its mission of rewriting the history of apartheid, could not fail to transform the social representation of its victims.
Résumé
La Commission « vérité et réconciliation » (CVR), instituée à la suite des premières élections démocratiques en Afrique du Sud, avait pour but de faire la lumière sur la brutalité qui avait accompagné le régime de l'apartheid, d'accorder une amnistie individuelle aux responsables et d'offrir compensation aux victimes. Dès le départ, une importante facette du discours émergeant pour appuyer la Commission concerna le rôle et les besoins des victimes de brutalité - qu'il s'agisse des victimes du gouvernement autoritaire d'alors ou de celles des mouvements de libération - à l'intérieur d'une rhétorique de « réconciliation nationale ». Le tout devait donc s'articuler autour d'une notion de justice criminelle excluant tout réflexe de punition ou même de compensation directe : l'amnistie en question devait libérer de toute responsabilité ceux qui l'obtiendraient.Ce contexte donna lieu à un discours bien spécifique sur les victimes des « conflits du passé », discours fait d'un ensemble précis de nuances visant à rendre la CVR conceptuellement compatible avec son « public cible » et vice-versa. On peut y voir la lente construction d'un langage permettant de décrire la Commission en termes positifs de satisfaction de besoins, de respect d'une éthique plus importante, plus vraie ou plus universelle que celle de la rétribution, de succès dans la réconciliation nationale, etc. La propagation et l'efficacité de ce langage étaient d'autant plus indispensables que, au même moment, le discours dominant sur la justice criminelle en général maintenait la ligne dure face au crime et donnait lieu à une inflation pénale pratiquement hors de contrôle (à deux rues du siège de la CVR on discutait au Parlement de châtiment corporel, de prisons dans des mines abandonnées, etc.). Dans le discours de la CVR les victimes se reconnaissent à deux caractéristiques fondamentales causées par leur victimisation : leur besoin d'aide financière et leur désir de vérité. Ce désir prend deux formes : d'un côté le besoin de connaître la vérité au sujet, par exemple, de la disparition de proches et, de l'autre, le besoin qu'une reconnaissance officielle et publique du fait qu'une victimisation a bien eu lieu vienne restaurer la dignité des individus. La question de la conformité ou non de ces caractéristiques avec la réalité des victimes elles-mêmes tend à être secondaire parce que l'organisation du discours permet une parfaite intégration de leur témoignage, de leur attitude et du fait même de leur participation. Ce pouvoir d'intégration provient en large partie de caractéristiques propres à la forme que prennent à la fois les témoignages à la CVR et les constats de participation et de satisfaction faits par ses membres, c'est-à-dire la forme narrative. Grâce à la grande capacité des histoires de vie à communiquer une expérience d'injustice et de redressement compatible avec l'expérience quotidienne du public en général, l'institution qui parvient à les récupérer peut en tirer un langage normatif pratiquement indiscutable. Ici, de plus, il s'agit invariablement d'histoires extrêmement émouvantes qui incluent toutes la CVR comme dénouement implicite ou explicite. La logique de la CVR en est d'autant plus renforcée, puisqu'elle semble ainsi extraite de l'expérience même des gens. En racontant leurs histoires, les victimes offrent à l'institution le matériel qui sert à la fois à convaincre d'autres victimes de participer au projet, à se justifier auprès de la population et enfin à remplir sa mission de restauration de la dignité des victimes. Cette circularité est propre à tout discours puisqu'il contient dans ses termes de référence des constructions à la fois de contexte, de sujets, de problèmes et de solutions. La Commission remplit donc sa mission davantage par un réajustement de concepts et de langage que par une modification concrète de la réalité sociale - pour autant qu'une telle modification soit même possible, et qu'il soit possible de l'observer à l'extérieur du langage utilisé pour la désigner : par exemple, « dignité » était bien évidemment non pas un état objectif de la personne mais le fruit d'une réalité symbolique particulière. Que les victimes se soient, ou non, senties mieux après leur visite à la CVR ou à la publication de son rapport n'allait avoir aucun effet sur la disponibilité générale d'un discours de dignité restaurée pour décrire la réalité sud-africaine. Par contre, le succès d'une énorme et coûteuse institution qui eut pour mission de réécrire l'histoire de l'apartheid ne peut que transformer la représentation sociale des victimes.
Resumen
La Comisión « Verdad y Reconciliación » (CVR), creada luego de las primeras elecciones democráticas en Sudáfrica, tenía entre sus objetivos sacar a la luz pública la brutalidad que había caracterizado al régimen del apartheid, acordar una amnistía individual a los responsables y ofrecer compensaciones a las víctimas. Desde sus inicios, un aspecto importante del discurso surgido en apoyo a la Comisión, se refería al papel jugado por las víctimas de la brutalidad y a sus necesidades - ya se tratase de las víctimas del gobierno autoritario de entonces o de aquellas de los movimientos de liberación - dentro de una retórica de « reconciliación nacional ». Todo tenia que articularse en torno a una noción de justicia penal que excluyera cualquier reflejo de castigo e incluso de compensación directa: la amnistía en cuestión tenia que descargar de toda responsabilidad a aquéllos que la obtuvieren.Este contexto dio lugar a un discurso muy concreto sobre las víctimas de « los conflictos del pasado », discurso elaborado sobre una serie de matices dirigidos a reflejar la compatibilidad conceptual de la CVR con su público ya « puesto en la mira » y vice-versa. Puede verse allí la lenta elaboración de un lenguaje que permite describir a la Comisión en términos positivos en cuanto a la satisfacción de necesidades, de respeto hacia una ética más sustancial, más genuina o más universal que la de una simple retribución, o del éxito en la reconciliación nacional, etc. La propagación y la eficacia de este lenguaje eran indispensables, sobre todo cuando al mismo tiempo el discurso general sobre la justicia penal mantenía una linea dura frente al crimen, dando lugar a una inflación penal que prácticamente escapaba a todo control ( a escasas dos cuadras de la sede de la CVR se discutía en el Parlamento sobre el castigo corporal, sobre las prisiones en las minas abandonadas, etc.). En el discurso de la CVR se podía reconocer a las víctimas en atención a dos características fundamentales producidas por su victimización: su necesidad de ayuda económica y su anhelo por la verdad. Este anhelo habrá de asumir dos formas: por una parte, la necesidad en el indivíduo por conocer la verdad, por ejemplo, sobre la desaparición de sus seres queridos; y, por otra, el hecho de que el reconocimiento oficial y público de que ocurrió realmente una victimización permitiera restablecer la dignidad personal. La cuestión de la conformidad o inconformidad de estas características con la realidad de las propias víctimas pasa a ser secundario desde el momento en que la organización del discurso posibilita una integración perfecta de su testimonio, de su actitud y del hecho mismo de su participación. Este poder de integración surge en gran parte de las propias formas que asumen al unísono los testimonios aportados a la CVR, así como las actas de participación y de satisfacción elaboradas por sus miembros, es decir a través de la forma narrativa. La institución que logra recuperar las historias vividas puede llegar a construir, a partir de ellas, un lenguaje correctivo practicamente indiscutible, gracias a la capacidad de comunicacíon de las experiencias vividas en cuanto a la injusticia, junto con su corrección posterior y su compatibiliad con la experiencia diaria del público en general. Además, nos hallamos aquí en presencia de historias extremadamente impactantes para que puedan ser obviadas dentro de las conclusiones explícitas o implícitas de cualquier CVR. La lógica de la CVR se verá reforzada aún más, puesto que ella parece fundarse en la experiencia misma de las gentes.Al contar sus respectivas historias, las víctimas suministrarán a la institución el material que servirá a la vez para convencer a otras víctimas a que participen en el proyecto, a justificarse frente a la población y finalmente a cumplir su misión de devolverle la dignidad a quienes fueron victimizados. Tal circularidad es propia de este género de discurso, ya que él contiene en sus términos de referencia diversas construcciones al mismo tiempo: de contextos, sujetos, problemas y soluciones. De este modo, la Comisión cumple su finalidad mucho más a través de un reajuste de conceptos y de lenguaje que mediante una modificación completa de la realidad social - suponiendo de que tal modificación haya sido posible, y además posible de observar al exterior del lenguaje utilizado para designarla -, ya que desde un comienzo « dignidad » significaba, por supuesto, no un estado objetivo de la persona, sino el producto de una realidad simbólica particular. El que las víctimas se hayan o no sentido mejor luego de su visita a la CVR o después de la publicación del informe de ésta, no habría de producir efecto alguno sobre la disponibilidad general de un discurso de la dignidad restaurada para describir la realidad sudafricana. En cambio, el éxito de una enorme y costosa institución que tuvo por misión la reescritura del apartheid, no pudo sino transformar la representación social de sus víctimas.