Cahiers québécois de démographie
Revue internationale d'étude des populations
Volume 47, numéro 2, automne 2018 Transition vers la vieillesse : retraite et mobilité résidentielle Sous la direction de Chantal Girard et Yves Carrière
Sommaire (5 articles)
Introduction
Article
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Les années potentielles de travail perdues avant l’âge normal de la retraite au Canada, par cause, de 1977 à 2014
Dominic Gagnon, Yves Carrière et Yann Décarie
p. 161–185
RésuméFR :
L’idée de reporter l’âge normal de la retraite au Canada s’inscrit dans un questionnement politique plus large concernant les défis posés par le vieillissement de la population. Soucieux de contrôler les coûts et de mitiger l’effet du ralentissement de la croissance de la main d’oeuvre, certains décideurs proposent de repousser l’âge normal de la retraite afin d’assurer la pérennité du Régime de pensions du Canada. C’est dans ce contexte que cette analyse propose une nouvelle méthode d’estimation du nombre d’années potentielles de travail perdues avant 65 ans, en fonction des retraites volontaires, involontaires et relatives à la mortalité, de 1977 à 2014 au Canada. Alors que la mortalité chez les hommes et les retraites involontaires chez les femmes étaient les principales sources d’années de travail perdues avant 65 ans dans les premières années étudiées, la chute de l’âge effectif de la retraite observée jusqu’au milieu des années 1990 était par contre principalement alimentée par les retraites volontaires. Ces départs volontaires sont aussi responsables du report de la retraite constaté dans les vingt dernières années. Dans l’éventualité où les décideurs publics plancheraient sur de nouvelles politiques touchant la retraite, les résultats obtenus dans cette analyse montrent qu’il est important de tenir compte de la prépondérance des facteurs qui incitent les travailleuses et travailleurs canadiens à quitter le marché de l’emploi en fin de carrière.
EN :
The idea of raising the statutory retirement age in Canada is part of a wider policy debate around the challenges posed by population ageing. Some political leaders, concerned to keep costs under control and to mitigate the effects of slower growth in the labour force, argue in favour of raising the retirement age to maintain the viability of the Canadian pension system. In this context, our analysis provides a new method of estimating the number of potential working years lost before the age of 65 between 1977 and 2014 in Canada, taking account of voluntary and involuntary retirement and mortality. While mortality among men and involuntary retirement among women were the main causes of working years lost before the age of 65 in the earlier years of the period studied, the fall in the effective retirement age observed until the mid-1990s was mainly due to voluntary early retirement. Voluntary retirement has also been responsible for the postponement of the retirement age seen in the last 20 years. The findings of our study show that when public policy makers come to deliberate on changes to the public pensions system, it is important to take into account the relative weight of these different factors influencing men and women to leave the labour market at the end of their working lives.
Note de recherche
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Du retrait anticipé au prolongement des carrières : institutionnalisation et standardisation des fins de carrière en Belgique
Jean-Paul Sanderson et Nathalie Burnay
p. 187–202
RésuméFR :
Depuis les années 2000, les gouvernements belges qui se sont succédé ont pris des mesures pour accroître le taux d’emploi et pour favoriser le maintien des travailleurs âgés en activité. Cependant, la Belgique continue d’être caractérisée par un faible taux d’emploi chez les 55 à 64 ans. Cet article tente d’en comprendre les raisons à travers deux questions : pour quelles raisons quitte-t-on le marché du travail et qui sont les travailleurs poursuivant leur activité professionnelle après l’âge légal de la retraite ?
Ces analyses s’inscrivent dans le cadre théorique du parcours de vie et des processus de standardisation/déstandardisation, institutionnalisation/désinstitutionnalisation.
EN :
Since the 2000s, successive Belgian governments have adopted measures to increase the employment rate and to promote the retention of older workers in employment. However, Belgium remains characterized by a low employment rate among 55-64 year olds. The aim of this article is to understand the reasons for this through the answers to two questions : why do people leave the labour market, and who are the workers who continue their professional activity after the statutory retirement age ? This study is based on the theoretical framework of the life-course, and on the processes of standardization/de-standardization and institutionalization/de-institutionalization.
Articles
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Mobilité résidentielle autour de l’âge de la retraite selon les lieux de vie en Wallonie
Marc Debuisson, Michel Poulain, Julien Charlier, Isabelle Reginster et Claire Simon
p. 203–227
RésuméFR :
Une manière originale d’étudier le contexte du vieillissement démographique est de l’aborder par le biais de la sédentarité résidentielle des personnes âgées et, corollairement, de leur propension à émigrer à l’échelle locale. Notre contribution s’inscrit dans le cadre d’une analyse spatiale du comportement de mobilité des populations résidant dans les localités urbaines, périurbaines et rurales de Wallonie (Belgique). En exploitant les données du Registre national belge, elle se focalise sur les populations du groupe d’âge de 55 à 64 ans en 2011 et leur devenir 5 ans plus tard en 2016 à l’âge de 60-69 ans, c’est-à-dire la population autour de l’âge de la retraite. Pour la première fois depuis plus de 20 ans en Belgique, des données de migrations intra-communales au niveau du changement de logement sont utilisées. Ces données redessinent la vraie intensité spatiale du risque de migrer de logement, avec une analyse de la destination, soit en restant dans le quartier, en dehors du quartier ou en dehors de la commune. Dans un contexte où le vieillissement démographique fait l’objet de différentes attentions dans les régions belges, mais aussi dans l’ensemble de l’Europe, cette analyse portant sur les personnes autour de l’âge de retraite devrait contribuer à éclairer les politiques publiques sociales, du logement et de l’aménagement du territoire.
EN :
An original way to study the context of population ageing is to address it through the sedentary lifestyle of the elderly and, as a corollary, their risk of migrating at a local level. Our contribution derives from a spatial analysis of the mobility behaviour of populations living in urban, suburban and rural localities in Wallonia (Belgium). Exploiting the data of the Belgian National Register, it focuses on populations of 55 to 64 year-olds in 2011 and their situation 5 years later in 2016 aged 60-69 (the population around the retirement age). For the first time in more than 20 years in Belgium, intra-municipal migration data at the level of changes in housing unit were used, enabling us to capture the true spatial intensity of the emigration risks, with an analysis of the destination, either inside the neighbourhood, outside the neighbourhood or outside the municipality. In a context where population ageing is receiving much attention at the level of the Belgian regions, but also at the European level, this analysis of people around retirement age has the potential to inform public policies, including social services, housing and spatial planning.
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Déménager à la retraite : mieux cerner les enjeux de relations et de soutiens à l’aide de la recherche qualitative : l’exemple de l’enquête AMARE en France
Sabrina Aouici et Laurent Nowik
p. 229–257
RésuméFR :
Pendant la retraite, la mobilité résidentielle ne répond plus aux exigences du travail, mais à une diversité de motifs évoluant avec l’avancée en âge. L’objectif de cet article est de comprendre ce qui se joue et se renégocie en matière de sociabilité et de soutien chez les retraités qui déménagent, sachant que cette action pourrait être un moyen d’anticiper les conséquences du vieillissement. Après avoir dressé un panorama des grands motifs de la mobilité résidentielle à la retraite en France, notre approche qualitative permet de mettre en évidence une plus grande complexité des logiques de l’action. En s’appuyant sur les données de gestion de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) pour la sélection des enquêtés, notre dispositif d’enquête a permis de réaliser en 2015 et 2016, sur trois terrains d’études très différents, 72 entretiens semi-directifs auprès de retraités du régime général ayant réalisé un déménagement dans les 18 derniers mois. Que les mobilités résidentielles soient de courte ou de longue distance, on réalise alors qu’elles posent constamment la question des relations aux proches et celle des soutiens. Si dans les sociétés vieillissantes les retraités s’inscrivent plus que jamais dans des relations intergénérationnelles, le renforcement de l’autonomie entre les générations conduit à les faire évoluer. En déménageant, les retraités cherchent majoritairement la « bonne distance » à l’égard de leurs enfants pour poser les principes de la solidarité entre générations, et cela même s’ils maintiennent un soutien renforcé à l’égard de leurs parents âgés (quand ces derniers sont encore en vie).
EN :
During retirement, residential mobility is no longer associated with the demands of work but instead with a variety of reasons related to ageing. The objective of this article is to focus on what is being played out and renegotiated in terms of the sociability and support of retirees who move, knowing that this action could be a way to anticipate the consequences of ageing. After having drawn up a panorama of the main reasons for residential mobility during retirement in France, our qualitative approach highlights the complexity of the reasons for moving. Based on administrative data of the French pension fund (Caisse nationale d’assurance vieillesse) for the selection of respondents, 72 semi-directive interviews were conducted in 2015 and 2016, in three contrasting regions, with retirees from the general scheme who had moved within the last 18 months. Whether residential mobility is a short or a long distance move, the analysis shows that it constantly involves relationships and support with/from relatives. Although in ageing societies retirees increasingly take part in intergenerational relationships, more autonomy between generations leads to changes in these relationships. Through their residential mobility, most retirees seek the “right distance” to live from their children and to reset the principles of solidarity between generations, even though the support for their elderly parents (while they are still alive) remains strong.