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Présentation du numéro[Notice]

  • Stéphanie Garneau et
  • Sylvie Mazzella

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La mobilité internationale des étudiants, ainsi que son ancrage dans des réseaux transnationaux, est un phénomène ancien (Karady, 1998 ; Verger, 1991). Cependant, dans un contexte de bouleversements géopolitiques, de profondes réformes universitaires depuis vingt ans et de crise économique mondialisée depuis 2008, l’enjeu de sa connaissance se pose aujourd’hui avec acuité. Selon les statistiques de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), il y avait plus de quatre millions d’étudiants étrangers dans le monde en 2010, soit un nombre qui a quintuplé depuis 1975, où ils étaient 0,8 millions (OCDE, 2012 : 24). Au-delà du poids numérique, les facteurs les plus souvent évoqués pour expliquer la profonde transformation de l’internationalisation de la mobilité étudiante sont attribués au processus de libéralisation « du commerce des services de l’éducation » (en référence à l’Accord général sur le commerce des services [AGCS] adopté en 1995), qui a conduit à introduire dans les services publics d’éducation les règles de l’enseignement privé, quand ce ne sont pas celles de l’entreprise (Bond et Lemasson, 1999 ; Breton et Lambert, 2003). La création de classements mondiaux des universités n’est pas non plus étrangère aux changements affectant l’enseignement supérieur, via l’instauration de listes d’indicateurs à travers lesquels s’évaluent et se hiérarchisent les établissements à l’échelle mondiale. Dans ce contexte concurrentiel, les étudiants et leur famille, plus ou moins concrètement selon le capital économique, social et culturel dont ils sont pourvus, cherchent stratégiquement à établir leur choix de formation en fonction du prestige dont jouissent les systèmes nationaux d’enseignement supérieur et les établissements. Pour les États et les universités, les étudiants internationaux apparaissent à la fois comme un symbole d’internationalisation fortifiant leur position sur le marché mondial, et comme une manne relative de financement en contexte général de resserrement des dépenses publiques en matière d’enseignement supérieur. Enfin, les États du Sud participent également à ces transformations du paysage migratoire estudiantin par la mise en place de réformes de leur système scientifique et technique, qu’accompagnent de récentes politiques publiques d’accueil d’étudiants étrangers, d’immigration et de rapatriement des compétences. L’année 1998 est considérée comme une date charnière pour cette mouvance vers l’internationalisation de l’enseignement supérieur et l’institutionnalisation des mobilités étudiantes. D’une part, l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) décline, pour la première fois, la liste des barrières qui entravent le libre échange des services d’éducation dans le monde — parmi lesquelles le monopole d’État, la limitation à l’immigration, le contrôle des changes, le refus d’assistance financière et d’accréditation des filières de formation et d’équivalence des titres aux établissements privés. D’autre part, cette date marque la déclaration de la Sorbonne qui sera en Europe, puis dans différentes régions du monde, la première étape d’un long processus aujourd’hui généralisé et communément appelé le processus de Bologne. Ce processus de réformes universitaires à l’échelle mondiale n’est pas sans effets directs sur l’évolution de l’internationalisation du monde universitaire : intégration volontariste d’un contenu international aux programmes de formation ; encouragement à des mobilités entrantes et sortantes d’étudiants ; vente de services éducatifs et présence institutionnelle à l’étranger sous forme de délocalisation universitaire ; développement de l’accueil de chercheurs étrangers et de réseaux internationaux de recherche scientifique ; participation diplomatique à des événements de rayonnement international ; introduction progressive de programmes en anglais dans les pays non anglo-saxons. Ainsi les formations dites internationales, qui visent la constitution de réseaux internationaux d’écoles, ne concernent-elles plus seulement quelques business schools ou des écoles de commerces, d’ingénieurs ou de gestion, comme c’était encore le cas dans les années 1970 et 1980 aux États-Unis et …

Parties annexes