Résumés
Résumé
Cette étude décrit l’environnement familial desenfants et des adolescents du Burkina Faso au moyen des donnéesdes Enquêtes démographiques et de santé (EDS) de1993 et de 2003 et de l’Enquête nationale sur lesadolescents de 2004 et elle explore la relation entre la cohabitationparentale et les caractéristiques du chef de ménage, duménage et des enfants ou des adolescents ainsi que lascolarisation de ces derniers. Les résultats montrent que lamajorité des enfants (78,4 % en 1993 et 77,6 % en2003) et des adolescents (61,1 % en 2004) vit auprès de sesdeux parents, en union monogame ou polygame. La proportion des enfantset des adolescents orphelins, qu’ils soient confiés oucohabitant avec un seul parent, est non négligeable. C’estdans l’adolescence que la cohabitation avec les deux parents estla moins répandue. La cohabitation avec les parents estassociée significativement aux caractéristiques du chefde ménage, du ménage, des enfants et des adolescentsainsi qu’à la scolarisation de ces deux groupes.
Abstract
This study describes the family environment of children and adolescents in Burkina Faso, using data from the Demographic and Health Surveys (DHS) of 1993 and 2003 and the national survey of adolescents in 2004 ; it explores the relationship between parental cohabitation and the characteristics of the household head, of the household and of the children or adolescents including their level of educational attainment. The results show that the majority of children (78.4 % in 1993 and 77.6 % in 2003) and of adolescents (61.1 % in 2004) are living with both their parents, who are in monogamous or polygamous unions. There is a significant proportion of orphan children, whether fostered or living with a single parent. Cohabitation with parents is least common during adolescence. Cohabitation with parents is significantly related to the characteristics of the household head, of the household and of the children and adolescents and to the educational attainment of these two groups.
Corps de l’article
Introduction
Dans nombre de pays de l’Afrique subsaharienne, les enfants et les adolescents ne cohabitent pas souvent avec les parents biologiques, l’absence de parents dans le ménage de résidence pouvant être due au décès ou à la rupture d’union de ces derniers, ou à l’accueil des enfants et des adolescents dans un autre ménage (McDaniel et Zulu, 1996). Cependant, la configuration réelle de leur environnement familial est encore moins bien connue, en raison de la tendance des études à privilégier le point de vue des chefs des ménages et du manque d’informations appropriées dans les bases de données des enquêtes démographiques pouvant aider à le circonscrire. Les études réalisées sur l’environnement familial en Afrique sont centrées soit sur la cohabitation avec la mère (Llyod et Desai, 1992 ; McDaniel et Zulu, 1996), soit sur l’implication du père dans l’éducation des enfants (Mouvagha-Sow, 2006), soit sur le confiage (McDaniel et Zulu, 1996 ; Vandermeersch, 2006), soit sur la survie des parents (Noumbissi, 2006). La structure par âge et la taille du ménage ainsi que le statut d’union du chef de ménage n’ont presque pas été considérés pour l’étude de l’environnement familial. Aussi, cohabiter dans un même ménage que les parents ne donne pas assez d’indications sur les ressources familiales mobilisables si l’information sur la hiérarchie des parents dans le ménage n’est pas connue. Ces parents peuvent être de simples membres du ménage et dépendre d’un chef de ménage au même titre que leur progéniture. Enfin, les populations cibles de ces études restent essentiellement les jeunes de moins de 15 ans. Les jeunes de 15 ans ou plus, plus simplement les adolescents, ne sont pas pris en compte.
Les études conduites par Llyod et Desai (1992) et par McDaniel et Zulu (1996) donnent d’intéressantes informations sur le profil de l’environnement familial des enfants de l’Afrique subsaharienne. Llyod et Desai (1992) ont pu montrer, avec les données des Enquêtes démographiques et de santé (EDS) des années 1980, que les Africains passent moins de la moitié des années de leur enfance dans les ménages biparentaux monogames. Le reste des années de l’enfance est vécu dans des ménages polygames, dans des ménages où ne réside que la mère ou en dehors de la présence de la mère. Par exemple, au Mali et au Sénégal, deux pays sahéliens de l’Afrique de l’Ouest, respectivement 36 % et 35 % des années de l’enfance sont passées dans des ménages polygames, 12 % et 16 % sans la mère, 8 % et 16 % dans des ménages où vit la mère seule. Dans l’étude de McDaniel et Zulu (1996), basée sur les données des EDS des années 1990, on observe qu’au Niger, un pays frontalier du Burkina Faso, 74,8 % des enfants de moins de 15 ans résident avec les deux parents, contre 8,3 % avec la mère et 4,2 % avec le père. Les enfants vivant avec d’autres personnes, apparentées ou non, représentent 12,8 % du total des enfants nigériens.
Selon Shamgar-Handelman et Berkovitch (1990), « la composition du ménage doit être considérée comme une ressource familiale au même titre que l’argent, la main-d’oeuvre, le temps, l’espace ou toute autre ressource contrôlée et manipulée par la famille ». Cette ressource est particulièrement importante pour l’éducation et la socialisation des enfants et des adolescents. Noumbissi (2006) notera à cet effet que le type d’arrangement résidentiel affecte les conditions d’accès aux ressources tant psychologiques que matérielles et donc le bien-être. Des études menées en Afrique ont établi que la composition du ménage de résidence est associée à l’accessibilité des enfants aux centres de santé, à leur état de santé (Bledsoe, Ewbank et Isiugo-Abanihe, 1988), à leur survie (Amankwa, 1996 ; Amey, 2002 ; Duthé, Enel et Pinson, 2006) et à la fréquentation scolaire (Akresh, 2005 ; Kobiané, 2003 ; Kobiané, Calves et Marcoux, 2005 ; Marcoux, Noumbissi et Zuberi, 2003 ; Wakam, 2002 et 2003).
Il ressort des études que les jeunes ayant leurs parents en vie, ceux résidant dans des ménages biparentaux, des ménages monogames ou des ménages ayant un faible effectif d’enfants et d’adolescents relativement à l’effectif des adultes sont plus susceptibles de présenter de meilleurs résultats en terme d’accès aux centres de santé, d’état de santé, de survie et de fréquentation scolaire. Dans les autres types de ménages, les situations sociales et/ou économiques pourraient être moins favorables à une bonne prise en charge.
Cette étude vise deux objectifs. Premièrement, nous voudrions décrire l’environnement familial au Burkina Faso à travers une typologie des structures familiales et une évaluation des proportions des enfants et des adolescents dans chaque type de structure. Nous présumons que ces jeunes résident dans divers types de structure familiale. Aussi, l’importance numérique relative des enfants ou des adolescents varie en fonction du type de structure familiale. Le second objectif vise spécialement la cohabitation des enfants et des adolescents avec les parents biologiques. Il s’agit d’explorer la relation entre la cohabitation avec les parents et les caractéristiques du chef de ménage, celles du ménage et celles des enfants ou des adolescents ainsi que la scolarisation de ces derniers. On s’attend à ce que la propension à cohabiter avec les parents biologiques soit associée aux dites caractéristiques et à la scolarisation. C’est une étude exploratoire conduite à travers des analyses bivariées et multivariées.
Pris ensemble, les enfants et les adolescents représentent plus de la moitié (58,2 %) des Burkinabé en 2003 (INSD et ORC Macro, 2004). Ils sont les plus dépendants de la famille pour leur croissance et leur développement. Leur importance relative dans la population donne une idée de l’ampleur des investissements sociaux à leur consacrer afin d’optimiser leur contribution future au développement du pays. La principale source de ces investissements reste la famille, appréhendée dans cette étude par le concept d’« environnement familial ».
Notre étude se démarque des travaux antérieurs par une prise en compte des groupes des enfants et des adolescents. Dans les pratiques socioéducatives et familiales africaines, les enfants et les adolescents sont à considérer distinctement. Car la prise en charge de l’éducation des personnes dans la famille varie en fonction de l’âge. De la naissance au sevrage, la vie de l’enfant se déroule aux côtés de la mère et des tantes (Mungala, 1982 ; Badini, 1994). Mais, dès le sevrage et jusqu’au moment de la puberté et des rites initiatiques, l’environnement humain et éducatif de l’enfant et l’attitude des adultes à son égard se modifient progressivement. Le Burkina Faso est l’un des rares pays où la disponibilité des données d’enquête démographique peut autoriser une étude sur l’environnement familial des enfants et des adolescents. Depuis les années 2000, les données des EDS rendaient déjà possibles des études sur l’environnement familial des enfants de moins de 15 ans pour de nombreux pays. Pour les adolescents, il a fallu attendre l’organisation des ENA sur les adolescents en 2004. Ces enquêtes ont été réalisées dans quatre pays africains — dont le Burkina Faso — et se sont intéressées plus largement au milieu familial des adolescents.
L’autre originalité de l’étude est la proposition d’une opérationnalisation plus large du concept d’environnement familial. Pour rendre compte le mieux possible de l’environnement familial des enfants et des adolescents en Afrique, toute opérationnalisation de ce concept devrait tenir compte des principaux facteurs de socialisation de ces deux composantes de la population. Trois facteurs sont particulièrement marquants : la configuration humaine du ménage, le confiage des enfants et la survie des parents. Notre étude prend en compte ces facteurs.
Répartition des enfants et des adolescents dans la population des pays de l’Afrique de l’Ouest
Le tableau 1 présente les structures par âge de la population burkinabé et des populations de cinq autres pays de l’Afrique de l’Ouest qui ont organisé des EDS entre les années 2000 et 2005. Les proportions des jeunes de 0 à 14 ans sont présentées entre parenthèses et celles des jeunes de 12 à 19 ans figurent entre crochets ; ces deux sous-groupes forment les 0 à 19 ans.
Le niveau élevé de la fécondité en Afrique de l’Ouest conduit à une forte représentation du groupe 0-19 ans au sein de la population. En 1993, près de la moitié de la population burkinabé a moins de 15 ans ; cette part a baissé à 47,1 % en 2004. Comparé aux autres pays de l’Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso détient en 2003 et en 2004 des proportions d’enfants proches de celles du Bénin en 2001 et de la Guinée en 2005, mais supérieures à celle du Ghana en 2003 et à celle du Sénégal en 2005. Les jeunes de 12 à 19 ans représentent 18 % de la population burkinabé en 1993. Leur importance n’a pas varié de façon notable en 2003 (18,8 %) et elle est évaluée à 18 % en 2004.
Le Burkina Faso possède la plus faible proportion de jeunes de 12 à 19 ans comparativement au Bénin, au Mali, à la Guinée, au Sénégal et au Ghana. La part élevée des moins de 12 ans dans la population burkinabé, alimentée par un niveau élevé de fécondité (6,2 enfants par femme en 2003) (INSD et ORC Macro, 2004), explique ce faible pourcentage. Même si, parmi ces six pays, le Mali possède l’indice synthétique de fécondité le plus élevé (6,8 enfants par femme en 2001) (CPSMS, 2002), cet avantage est réduit par une forte mortalité des moins de 5 ans (229,1 ‰ en 2001). Au Burkina Faso, le niveau de mortalité des moins de 5 ans est de 184,0 ‰ en 2003.
Données, mesures et méthodes
Données
L’étude combine les données des EDS du Burkina Faso de 1993 et de 2003 et celles de l’ENA de 2004. Le Burkina Faso a organisé trois EDS de 1993 à 2003. Les objectifs des EDS restent invariablement axés sur la fécondité, la mortalité, la morbidité et la santé sexuelle et reproductive. Ces objectifs apparents masquent la richesse des données recueillies au cours de ces opérations, qui permettent d’envisager des études sur des thématiques aussi riches que variées. Si les personnes interviewées lors des EDS sont les responsables des ménages ou leurs conjoints, ceux-ci ne constituent que des clés d’accès aux autres membres et à leurs caractéristiques. Dans l’optique de la description de l’environnement familial des enfants de 0 à 14 ans, l’étude se limitera aux EDS de 1993 et de 2003, qui permettent des comparaisons sur une période de 10 ans. Au-delà de 14 ans, le recours aux EDS n’est plus pertinent à cause de l’absence de données sur la résidence et sur la survie des parents biologiques. Dans le questionnaire Ménage des EDS, les données sur la survie et sur la résidence des parents sont spécifiquement collectées pour les moins de 15 ans. L’ENA du Burkina Faso de 2004, tributaire d’une partie de la méthodologie des EDS, comble cette carence. L’ENA fournit de riches données sur le cadre familial de vie des adolescents de 12 à 19 ans.
Les EDS et l’ENA sont des enquêtes-ménages stratifiées et représentatives au niveau national. À l’EDS de 2003, 9 097 ménages ont été enquêtés (INSD et ORC Macro, 2004) contre 5 143 en 1993 (INSD et Macro international Inc., 1994). Les bases de sondage des EDS de 1993 et de 2003 proviennent respectivement des Recensements de la population et de l’habitat du Burkina Faso de 1985 et de 1996. L’ENA a été conduite dans 5 400 ménages tirés d’un sous-échantillon des zones de dénombrement (ZD) de l’EDS de 2003 (Guiella et Woog, 2006). Les fichiers d’analyse de cette étude sont créés à partir des fichiers des ménages de chaque enquête. On a dénombré 15 876 enfants de 0 à 14 ans à l’EDS de 1993 et 28 362 à l’EDS de 2003. En 2004, 6 489 jeunes de 12 à 19 ans ont été enregistrés dans les ménages dans le cadre de l’ENA. Les adolescents de la base de l’ENA dont le poids d’échantillonnage associé (qweight) est nul sont exclus du fichier final d’analyse. Toutes les analyses de cette recherche portent sur les résidants habituels des ménages.
Les données relatives au statut des enfants (au sens de progéniture) dans les ménages peuvent présenter une certaine faiblesse (Jonckers, 1997). Dans les sociétés qui font de la circulation des enfants dans les ménages un mode d’organisation sociale et de resserrement des liens familiaux, le terme « enfant », pour un père ou une mère, s’étend à ses enfants biologiques et à ceux dont il assure l’autorité parentale. Lors des enquêtes, il peut arriver que les chefs de ménage n’évoquent pas spontanément la présence d’enfants confiés. De même, les enfants confiés peuvent ne pas se reconnaître comme tels pour les mêmes raisons.
Cette recherche porte sur les enfants et les adolescents en phase de socialisation dans un milieu familial. Pour ce faire, l’échantillon d’analyse ne prend pas en considération ceux qui résident au moment de l’enquête avec un conjoint ou qui ont le statut d’aide familial dans les ménages. Dans les deux cas, les ménages de résidence au moment de l’enquête pourraient ne pas correspondre au milieu de socialisation. Moins de 1 % des enfants et 5,1 % des adolescents sont exclus des analyses. Les adolescents exclus sont majoritairement des filles, des adolescents non scolarisés ou âgés de 17 à 19 ans.
Mesures
Environnement familial
L’environnement familial est mesuré par des données relatives au ménage, à ses membres et aux parents biologiques. Selon la méthode de recherche en démographie de l’enfance, la définition et la mesure du concept d’environnement familial impliquent le recours aux parcours et aux histoires conjugaux et reproductifs des parents (Marcil-Gratton, Juby, Le Bourdais et Lapierre-Adamcyk, 2006), ce qui rend difficile sa saisie et explique le manque d’intérêt pour sa mesure dans les opérations d’enquête classique (Denis, Desjardins, Légaré et Marcil-Gratton, 1994 ; Lefranc et Thave, 1994 ; Marcil-Gratton et collab., 2006). À défaut de données appropriées sur la famille, les chercheurs recourent à celles du ménage, même si le concept de ménage peut couvrir une réalité différente de celle de famille. Le ménage est défini suivant les critères d’unité résidentielle et de hiérarchie de liens entre les individus (Sala-Diakanda, 1988), tandis que la famille fait appel au lien de sang ou de mariage (Waite, 2003). Dans cet article, il sera question du ménage ordinaire, pour lequel les enquêtes démographiques et les recensements organisés au Burkina Faso ces dernières décennies ont adopté la même définition. Conformément aux recommandations des Nations-Unies, les ménages sont repérés suivant les critères de corésidence, de partage des repas et de reconnaissance de l’autorité d’un seul chef.
L’environnement familial est mesuré par cinq variables : le type de ménage de résidence, le type d’union du chef de ménage, la survie des parents, le nombre de personnes de moins de 20 ans par adulte dans le ménage et la cohabitation avec des grands-parents. Le type de ménage de résidence distingue les jeunes qui vivent dans le même ménage que le père et la mère (ménages biparentaux) de ceux qui vivent avec le père ou la mère (ménages monoparentaux) ou sans la présence des deux parents (ménages non parentaux). Dans la dernière catégorie, les ménages sont dirigés par le frère ou la soeur, les grands-parents ou par d’autres personnes, apparentées ou non. La variable précise aussi le statut de chef de ménage ou non des parents dans le ménage. Le type d’union du chef de ménage comprend trois modalités : sans union, monogame et polygame. Les chefs de ménage qui ne vivent pas en union peuvent être célibataires, veufs ou divorcés. La survie des parents découle des données relatives à la survie du père et de la mère biologiques. La variable distingue cinq statuts de survie : les deux parents en vie, le père décédé, la mère décédée, les deux parents décédés et le statut de survie des parents non connu ou non déclaré. Le nombre de personnes de moins de 20 ans par adulte dans le ménage traduit la disponibilité des ressources humaines de socialisation des jeunes dans un ménage. Les adultes sont définis selon le critère d’âge et regroupent les personnes âgées de 20 ans ou plus. Ce découpage découle de la définition de l’adolescence utilisée dans l’ENA qui fixe la limite supérieure d’âge de cette catégorie à 19 ans. Ainsi, on distingue des ménages comprenant moins d’une personne de moins de 20 ans par adulte, 1 à 2, et plus de 2. La dernière variable, nommée cohabitation avec des grands-parents, identifie les enfants et les adolescents qui résident dans le même ménage que des personnes ayant des petits-enfants dans ce ménage.
La construction des modalités des cinq variables opérationnalisant l’environnement familial est guidée par les résultats des études portant sur les enfants et les adolescents. D’après ceux-ci, un environnement familial comprenant les deux parents dans le ménage, les deux parents en vie, un chef de ménage monogame, plus d’adultes que d’enfants et d’adolescents dans le ménage ou des grands-parents est plus susceptible d’être associé à une meilleure situation socioéconomique et/ou sanitaire. En fait, un environnement familial comprenant des adultes, de préférence plusieurs adultes, serait un cadre souhaité pour l’éducation, le contrôle et la protection des enfants et des adolescents. Ces adultes seraient plus à même de leur fournir les ressources matérielles, financières, morales et affectives nécessaires. Néanmoins, dans les ménages polygames, un nombre plus élevé d’enfants et d’adolescents associé à des tensions conjugales issues des conflits entre coépouses ou entre le mari et les épouses pourraient avoir pour effet de réduire la quantité de ressources matérielles et financières destinées à chaque enfant ou adolescent ainsi que le degré d’attention porté par les adultes à leur égard.
La tendance consistant à recourir aux données du ménage pour saisir l’environnement familial vise à faciliter la mesure du concept de famille. Dans les sociétés occidentales où la famille est communément définie en référence à la famille nucléaire et où les membres de celle-ci sont souvent dans la même unité résidentielle (Lefranc, 1997 ; Locoh, 1988), le recours aux données du ménage semble bien adapté. Tel n’est pas le cas de la plupart des sociétés africaines au sein desquelles la famille est élargie et où les membres d’une même famille ne résident pas souvent ensemble (Lefranc, 1997 ; Wakam, 1997). Dans ce contexte, les données du ménage sous-estiment l’étendue de l’environnement familial des enfants et des adolescents. Toutefois, selon Wakam (1997), la connaissance des structures du ménage peut renseigner sur celle de la famille.
L’opérationnalisation du concept de ménage dans les pays africains n’est pas exempte de difficultés méthodologiques et de biais. Les travaux menés par Randall et ses collègues (2008) en Tanzanie montrent que les critères de corésidence et de partage de repas sur lesquels repose la définition du ménage ne sont pas souvent réalisés. Ces cas surviennent dans les communautés caractérisées par une forte mobilité des personnes entre les localités ou entre les ménages et par la possibilité pour un individu de partager les repas de plus d’un ménage. Par exemple, à l’ENA du Burkina Faso de 2004, parmi les adolescents qui ont passé la nuit précédant l’enquête hors de leur ménage habituel (3 %), 15 % étaient dans d’autres ménages de la même localité (Guiella et Woog, 2006). Une autre difficulté relevée par Randall et collab. (2008) porte sur l’identification des membres du ménage qui est une négociation laissée à la discrétion de l’intervieweur et de l’interviewé. Comme le reconnaissent les auteurs, les difficultés et les erreurs possibles dans l’opérationnalisation du concept peuvent se résorber dans un échantillon national.
Enfants et adolescents
Les études sur la famille recourent aux critères de filiation avec le chef de ménage ou d’âge pour identifier les enfants (Lefranc et Thave, 1994). Le critère de filiation est plus adapté pour établir la progéniture du chef de ménage, sans considérer nécessairement l’âge de celle-ci. Lorsqu’on s’intéresse aux enfants en tant que catégorie d’une population, comme c’est le cas en démographie (Lauras-Locoh et Lopez-Escartin, 1992), le critère d’âge semble le plus approprié. Respectant la tradition démographique des études sur la famille, les enfants de 0 à 14 ans recensés dans les ménages en 1993 et en 2003 constitueront une partie de la population cible de notre étude, qui couvre aussi les adolescents.
L’adolescence est la période au cours de laquelle l’être humain transite de l’enfance à l’âge adulte (Bledsoe et Cohen, 1993 ; Faucher, Dappe et Madelanat, 2002 ; Nations Unies, 1987), sous l’effet des facteurs sociaux, économiques et biologiques. Elle se définit suivant deux composantes : une composante biologique et une composante socioculturelle (Kuate-Defo, 1998). Sur le plan pratique, c’est la définition de l’adolescence par le critère d’âge, sinon de groupes d’âge qui est couramment utilisée. Cette définition varie en fonction des auteurs, des institutions ou de la finalité de la recherche. En 1998, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) sont parvenus à harmoniser leur définition de l’adolescence. Celle-ci renvoie à des jeunes âgés de 10 à 19 ans. Dans le cadre de notre étude, l’adolescent est une personne âgée de 12 à 19 ans, la restriction à ce groupe d’âge étant tributaire de la définition de l’adolescence utilisée à l’ENA.
Les enfants et les adolescents, pris ensemble, forment la population âgée de moins de 20 ans. Dans cet article, les définitions par âge adoptées pour ces deux groupes conduisent au chevauchement des âges 12, 13 et 14 entre l’enfance et l’adolescence. Un tel chevauchement, bien que découlant des définitions courantes de ces couches de population dans les études démographiques, n’est pas sans intérêt conceptuel. Il pourrait refléter la phase de transition de l’enfance à l’adolescence. Cette transition est un processus, de durée variable selon les individus, qui ne saurait se limiter à un moment précis identique pour tous les membres de la population.
Méthodes
Les analyses sont bivariées et multivariées. Les explorations bivariées sont conduites au moyen des tableaux croisés qui mettent en relation les variables de l’environnement familial et, respectivement, les groupes d’âge, le sexe et le milieu de résidence. La significativité des associations entre les variables est évaluée par le test du c2, au seuil de 0,10. Les analyses multivariées sont réalisées grâce à une régression logistique multinomiale. La variable dépendante est la cohabitation parentale qui comprend trois modalités (cohabitation avec aucun parent, cohabitation avec un parent, cohabitation avec deux parents) catégorielles et non ordonnées. Les résultats des analyses multivariées sont considérés suivant un seuil de significativité maximal de 0,05. Toutes les analyses sont réalisées sur des données pondérées.
Résultats
Typologie de l’environnement familial des enfants et des adolescents
Les tableaux 2, 3 et 4 présentent la répartition des enfants en 1993 (tableau 2) et en 2003 (tableau 3) et des adolescents en 2004 (tableau 4) selon les variables de l’environnement familial et suivant le groupe d’âge, le sexe et le milieu de résidence.
Il ressort que les enfants et les adolescents burkinabé cohabitent majoritairement avec leurs deux parents. La proportion d’enfants vivant dans un ménage biparental n’a pas beaucoup varié dans le temps : elle est passée de 78,4 % en 1993 (tableau 2) à 77,6 % en 2003 (tableau 3). En 2004, 61,1 % des adolescents partagent le même ménage que leurs deux parents (tableau 4). Au fur et à mesure que l’âge augmente, les pourcentages de jeunes vivant en ménage biparental se réduisent. Dans le groupe des enfants de 0 à 5 ans, 87,2 % en 1993 et 85,4 % en 2003 résident dans le même ménage que leurs deux parents. Dans le dernier groupe d’âge de l’adolescence, soit de 15 à 19 ans, seuls 56,5 % cohabitent encore avec leurs parents. Cette baisse dans les proportions se fait au profit des ménages monoparentaux, mais surtout des ménages non parentaux.
Cohabiter avec un seul parent biologique est un phénomène à ampleur presque similaire chez les enfants et les adolescents. Ce type de cohabitation peut être le résultat d’une rupture d’union, d’une naissance hors union, d’une union sans corésidence, d’une absence prolongée d’un conjoint pour cause de migration ou de son décès. Dans le groupe des enfants, en 1993, 11,2 % vivent avec un seul parent (le père ou la mère) (tableau 2) contre 13,6 % en 2003 (tableau 3), soit une légère progression entre 1993 et 2003. Sur le total des adolescents de l’échantillon, 12 % résident avec un seul parent biologique (tableau 4). Les enfants résident davantage avec les mères (6,9 % en 1993 et 8,5 % en 2003) qu’avec les pères (4,3 % en 1993 et 5,1 % en 2003), tandis que chez les adolescents, les différences sont minimes. Lorsque les jeunes grandissent, on les retrouve de moins en moins aux côtés des mères et de plus en plus aux côtés des pères.
Par le passé, le veuvage était la raison la plus répandue d’apparition des familles monoparentales en Afrique. De nos jours, l’urbanisation, la scolarisation et l’accès au travail salarié des femmes ainsi que les grandes mobilités ont élargi cette cause. Dans les décennies à venir, vivre dans une famille monoparentale en Afrique pourrait être une réalité vécue par des proportions plus importantes d’enfants et d’adolescents. L’exemple des sociétés européennes et américaines illustre que l’accroissement du nombre de ces familles a suivi la modernisation et le développement socioéconomique (David, Eydoux, Ouallet et Séchet, 2003). Les sociétés de l’Afrique subsaharienne sont à peine engagées dans ce processus, il est donc logique de s’attendre à une amplification du phénomène avec le temps.
L’examen des résultats des tableaux 2, 3 et 4 fait ressortir deux enseignements supplémentaires sur la cohabitation avec les parents biologiques. Il s’agit premièrement de la part des jeunes cohabitant avec leurs parents dans des ménages dirigés par une autre personne. Ce sont ceux qui cohabitent avec la mère ou avec les deux parents qui se retrouvent le plus dans ces types de ménages. Le phénomène est assez répandu chez les jeunes qui cohabitent avec la mère (tableaux 2, 3 et 4). Les crises économiques et le désir de poursuivre de longues études conduisent de nombreux jeunes parents à vivre sous la dépendance de leurs propres parents biologiques ou des personnes apparentées. Pour le cas de jeunes couples non économiquement indépendants, les deux conjoints pourraient continuer à vivre sous la dépendance des parents du mari et à élever leurs enfants en attendant une future installation à leur compte. Cette situation de dépendance peut aussi être créée par les filles vivant sous le toit des parents et ayant donné une naissance hors union. Ces cas de dépendance peuvent avoir des conséquences profondes sur les conditions de vie du ménage de résidence puisqu’il s’agit de couvrir les besoins de plusieurs personnes improductives. Aussi, dans les cas de rupture d’union, les femmes regagnent le domicile des parents avec leurs enfants. Le second enseignement porte sur la proportion des individus résidant aux côtés de leur mère. Sur les effectifs totaux des enfants dénombrés dans les ménages lors des EDS, ce sont 14,7 % en 1993 (tableau 2) et 13,9 % en 2003 (tableau 3) qui ne vivent pas dans un même ménage que leurs mères. Mais dans l’adolescence, cette situation familiale touche presque le tiers, soit 33,1 % (tableau 4).
La cohabitation avec les parents biologiques varie suivant le milieu de résidence et le sexe. À la différence du milieu urbain, la cohabitation avec les deux parents est plus répandue en milieu rural. Le milieu urbain semble plus propice à la cohabitation entre les enfants et la mère. La proportion des enfants de milieu urbain résidant aux côtés de leur mère approche du double de celle des enfants de milieu rural. La surreprésentation des enfants aux côtés de la mère en milieu urbain est à relier à l’autonomie des femmes, aux unions sans corésidence et à l’avancée des ruptures d’union. Comparés aux filles, les garçons sont les plus nombreux à résider dans un même ménage que les parents ; l’écart est plus important dans l’adolescence. La sous-représentation des filles dans les ménages parentaux au Burkina Faso est à relier à la pratique du confiage, qui les touche davantage que les garçons (Sie Tioye et Bahan, 2009). Les filles sont sollicitées pour habiter dans un autre ménage que celui des parents pour aider aux tâches domestiques. Le départ des filles du domicile des parents biologiques peut aussi se faire vers le ménage d’un des parents du côté maternel, notamment les grands-parents, afin de compenser le départ de la mère (Younoussi, 2007).
Les enfants et les adolescents qui ne cohabitent pas avec leurs parents rentrent dans la catégorie des personnes confiées (Lallemand, 1993). Le confiage est une pratique traditionnelle courante en Afrique subsaharienne d’après les données issues des EDS de 14 pays (Jonckers, 1997). Il est plus répandu dans les pays de l’Afrique centrale (Locoh et Mouvagha-Sow, 2005) et occidentale (Lauras-Locoh et Lopez-Escartin, 1992 ; Locoh et Mouvagha-Sow, 2005). Le phénomène touche plus les filles et les enfants de plus de 5 ans. Les filles sont affectées à des tâches ménagères (Jonckers, 1997), tandis que l’intérêt porté aux enfants de plus de 5 ans se justifie par l’apport d’une force économique au ménage d’accueil (Antoine et Guillaume, 1986 ; Vimard et N’Cho, 1988). Les ménages où ne réside aucun parent biologique accueillent 10,4 % des enfants en 1993 (tableau 2), 8,9 % en 2003 (tableau 3) et 26,9 % d’adolescents en 2004 (tableau 4). Les résultats actuels indiquent une préférence dans l’accueil des filles. L’importance des personnes confiées dans la population burkinabé témoigne de la perpétuation de la solidarité familiale. Malgré les influences occidentales, législatives et les crises économiques, la culture de la solidarité résiste à travers des pratiques comme l’accueil des enfants issus d’autres ménages (Adjamagbo-Johnson, 1997). Au regard de la défaillance des États de l’Afrique subsaharienne et de leurs systèmes de sécurité sociale (Marie, 1997 ; Ezembé, 2003), le devenir de certaines personnes repose sur cette solidarité.
Dans les tableaux 2, 3 et 4, on observe que les enfants et les adolescents se répartissent pour l’essentiel entre les ménages monogames (44,4 % en 1993 et 45,2 % en 2003) et polygames (50,7 % en 1993 et 47,8 % en 2003). La part des enfants vivant dans ces deux types de ménages a baissé de 95,1 % en 1993 (tableau 2) à 93 % en 2003 (tableau 3) tandis que 91,9 % des adolescents y résident en 2004 (tableau 4). Les ménages dont les chefs ne vivent pas en union reçoivent peu de personnes, mais ces pourcentages augmentent avec l’âge. Le milieu rural détient une forte proportion de jeunes en ménages polygames : plus de la moitié des adolescents du milieu rural y réside, ce qui représente le double des adolescents de milieu urbain dans le même type de ménage. L’importance de la pratique de la polygamie en milieu rural burkinabé est confirmée par les résultats des recensements de la population et de l’habitat de 1996 et de 2006 (Sie Tioye et Bahan, 2009). Dans les villages, la facilité d’accès ou de construction de logement, la nécessité d’une main-d’oeuvre agricole nombreuse et l’importance culturelle et religieuse de la polygamie sont les facteurs alimentant sa pratique. Or, dans les ménages polygames, en raison des conflits conjugaux fréquents et de la pauvreté, les enfants et les adolescents seraient plus exposés à vivre des conditions plus difficiles en termes de scolarisation, de soins de santé ou de nutrition (Sie Tioye et Bahan, 2009).
Selon les résultats du Recensement général de la population et de l’habitat de 1996, les taux de mortalité des adultes au Burkina Faso vont de 6,4 ‰ dans le groupe 20-24 ans à 22,4 ‰ dans le groupe des 60-64 ans (INSD, 2000). Le décès des adultes, dont des parents, prive les enfants de leurs principaux soutiens sociaux. Il apparaît que 7,7 % des enfants en 1993 (tableau 2) et 7,3 % en 2003 (tableau 3) ont perdu un père et/ou une mère. Dans l’adolescence, le pourcentage de jeunes affectés par le décès des parents prend de l’ampleur. Les orphelins de père et/ou de mère forment 16,5 % du total des adolescents (tableau 4). Cette proportion représente plus du double de celle des orphelins observée dans l’enfance. On retrouve davantage d’orphelins de père que de mère. Les orphelins de père et de mère sont rares. La possibilité pour un enfant ou un adolescent de devenir orphelin augmente avec son âge. En considérant le milieu de résidence, les orphelins sont proportionnellement plus nombreux en milieu urbain. Il se pourrait qu’une bonne partie des jeunes de milieu rural confiés en ville soit orphelins.
La majorité des enfants (81,8 % en 1993 et 80,9 % en 2003) et des adolescents (79,1 % en 2004) réside dans des ménages dominés numériquement par les moins de 20 ans (tableaux 2, 3 et 4). Le niveau élevé de fécondité au Burkina Faso expliquerait ces pourcentages : l’indice synthétique de fécondité (ISF) du pays est passé de 6,9 enfants par femme en 1993 (INSD et Macro international Inc., 1994) à 6,2 en 2003 (INSD et ORC Macro, 2004). Un nombre plus élevé de personnes de moins de 20 ans dans un ménage, comparativement au nombre d’adultes, pourrait rendre plus difficiles les tâches d’éducation et de suivi des activités des enfants et des adolescents. À la différence de ceux de milieu urbain, les ménages de milieu rural abritent davantage de personnes de moins de 20 ans que d’adultes.
Les ménages africains ont la particularité d’accueillir plus de trois générations. Il n’est pas rare que le chef de ménage ait à sa charge ses parents et ses propres petits-enfants. Plus du quart des enfants (28,0 % en 1993 et 27,2 % en 2003) et près du tiers des adolescents (32,7 % en 2004) partagent le ménage d’un grand-père et/ou d’une grand-mère. Il peut s’agir du (des) propre (s) grand(s)-parent(s) de la personne ou de celui d’un membre de son ménage. Les enfants de milieu urbain cohabitent davantage avec des grands-parents que leurs homologues de milieu rural en 1993 et en 2003, avec une différence plus marquée en 2003. Deux types de raisons pourraient expliquer la part importante des enfants cohabitant avec des grands-parents en milieu urbain. Les personnes ayant le statut de grand-parent et de chef de ménage en ville sont souvent propriétaires de maison. À cause des difficultés d’accès au logement, du chômage et de l’ampleur des naissances hors union, il n’est pas rare que ces personnes hébergent leurs propres enfants, devenus parents, et les petits-enfants. Cette cohabitation entre grands-parents et petits-enfants prend fin dès que les jeunes parents parviennent à une indépendance économique ou à bâtir une union plus stable. L’autre explication est à rechercher dans le profil des personnes âgées d’origine rurale et accueillies en ville. Certains chefs de ménage urbains accueillent leurs parents biologiques d’origine rurale dans le but de leur assurer une meilleure prise en charge matérielle, alimentaire et sanitaire.
Considérant l’EDS de 2003 et l’ENA de 2004, et en supposant que les personnes enquêtées dans ces deux opérations proviennent de ménages aux caractéristiques semblables, on peut suivre l’évolution de l’environnement familial du début de l’enfance (0-4 ans) à la fin de l’adolescence (15-19 ans). Ainsi, la proportion de jeunes vivant avec leurs deux parents passe de 85,4 % dans le groupe 0-4 ans à 56,5 % dans le groupe 15-19 ans, soit une chute de 28,9 points. Dans les ménages des mères seules, on note aussi une baisse (de 9,7 % à 6,6 %), tandis que le phénomène inverse s’observe dans les ménages des pères seuls (1,9 % à 6,6 %). La part des personnes confiées augmente de 27,1 points (3,1 % à 30,2 %). Les orphelins de père et/ou de mère passent de 3,3 % dans le groupe 0-4 ans à 19,6 % dans le groupe 15-19 ans. La monoparentalité, le confiage et le décès des parents sont les situations les plus marquantes du parcours familial au Burkina Faso.
Variables associées à la cohabitation avec les parents
La présente section explore quelques variables associées à la probabilité, pour un enfant ou un adolescent, de cohabiter avec ses parents biologiques dans un ménage. La variable dépendante, cohabitation parentale, regroupe trois modalités : cohabitation avec aucun parent (ménage non parental), cohabitation avec un parent (ménage monoparental) et cohabitation avec les deux parents (ménage biparental). Les analyses portent sur les données de l’EDS de 2003 et de l’ENA de 2004.
Les variables d’intérêts relèvent des caractéristiques du chef de ménage, celles du ménage et celles des enfants ou des adolescents.
Les caractéristiques du chef de ménage regroupent l’âge et le niveau d’instruction. Trois groupes d’âge sont formés : moins de 40 ans, 40 à 49 ans et 50 ans ou plus. Les chefs de ménage âgés de 50 ans ou plus entrent théoriquement dans la catégorie des vieux. Leurs ménages pourraient expérimenter des réalités différentes de ceux des ménages dirigés par des personnes de moins de 50 ans. Parmi les chefs de ménage de la dernière catégorie d’âge, ceux de moins de 40 ans sont à la tête de jeunes ménages, à la différence de leurs homologues âgés de 40 à 49 ans. Le niveau d’instruction du chef de ménage est mesuré par le niveau d’études atteint au moment de l’enquête. On distingue les chefs de ménage sans instruction, ceux d’instruction de niveau primaire et les chefs de ménage d’instruction de niveau secondaire ou plus. Le faible effectif des personnes ayant atteint le niveau supérieur a conduit au regroupement des niveaux secondaire et supérieur.
Les caractéristiques du ménage comprennent l’indice de richesse du ménage, le milieu de résidence et la région géographique. L’indice de richesse du ménage a été construit par la méthode de l’analyse en composantes principales (ACP) (Rutstein et Kiersten, 2004) au moyen des données sur les caractéristiques de l’habitat et les biens possédés par le ménage et ses membres ainsi que les facilités présentes dans le ménage. La variable est un proxy du niveau de vie du ménage. Elle est considérée en quintile pour mieux discriminer les ménages. Le milieu de résidence distingue les ménages de milieu rural et ceux de milieu urbain. On peut subdiviser le Burkina Faso en cinq grandes régions. La ville de Ouagadougou, au regard de son rang de capitale et de son poids démographique, est une région à part entière. Les autres régions sont le Nord, l’Est, l’Ouest et le Centre/Sud. Ces quatre régions correspondent grossièrement à des zones homogènes sur le plan agro-écologique et/ou culturel.
Les caractéristiques de l’enfant ou de l’adolescent comprennent le sexe et l’âge. Pour l’âge, les groupes 0-5 ans, 6-11 ans et 12-14 ans sont considérés pour les analyses portant sur les enfants, et les groupes 12-14 ans et 15-19 ans sont retenus pour les analyses relatives aux adolescents.
L’EDS et l’ENA sont des enquêtes transversales. Les données collectées au cours de ces opérations ne reprennent que la situation au moment de l’enquête. Elles ne permettent pas d’apprécier l’antériorité d’une variable par rapport à une autre pour déterminer une relation causale. Par exemple, certains événements mis en relation dans les analyses peuvent se produire au même moment ou être engendrés par une cause commune. Les résultats présentés ci-dessous sont de simples associations entre les variables.
Le tableau 5 présente les ratios de risque relatif de cohabiter avec un seul ou aucun parent comparativement à cohabiter avec deux parents. Toutes les variables d’intérêt sont associées significativement à la cohabitation parentale.
Dans le groupe des enfants, la propension à cohabiter avec un seul parent est moins élevée dans les ménages dirigés par des personnes de 40 ans ou plus et dans les ménages disposant d’un indice de richesse bas à très élevé, comparée à la cohabitation avec les deux parents. Les ménages non parentaux sont plus susceptibles d’être des ménages dirigés par des personnes âgées d’au moins 50 ans ou des personnes ayant le niveau secondaire ou plus. Les enfants des ménages dirigés par des personnes âgées de 40 à 49 ans, ceux des ménages disposant d’un niveau moyen de richesse et les enfants de l’est du Burkina Faso sont plus portés à cohabiter avec les deux parents. Résider en milieu urbain ou être âgé de 6 à 14 ans accroît la probabilité de résider dans des ménages monoparentaux ou non parentaux. Les ménages non parentaux sont plus susceptibles d’accueillir des filles.
Dans le groupe des adolescents, les résultats sont à peu près identiques à ceux des modèles des enfants. Les ménages dirigés par des personnes âgées d’au moins 40 ans sont moins susceptibles d’être des ménages monoparentaux ou non parentaux. Les ménages dont les chefs ont le niveau primaire sont moins susceptibles d’être des ménages non parentaux. À l’inverse, les ménages dirigés par des personnes de niveau secondaire ou plus sont plus susceptibles d’être des ménages non parentaux. Les ménages disposant d’un niveau élevé de richesse sont moins susceptibles d’être des ménages monoparentaux. Les ménages urbains sont plus susceptibles d’être soit monoparentaux, soit non parentaux. Les adolescents résidant dans le Nord et les filles sont plus susceptibles d’être dans des ménages non parentaux. Enfin, les adolescents de 15 à 19 ans sont moins susceptibles d’être dans des ménages monoparentaux ou non parentaux.
Il ressort des modèles des enfants et des adolescents les principaux résultats suivants :
Les ménages dirigés par des personnes âgées de 40 ans ou plus sont moins susceptibles d’être des ménages monoparentaux ou non parentaux.
Les chefs de ménage âgés de 40 ans ou plus pourraient être des personnes ayant une activité professionnelle, une indépendance économique et des personnes à charge. Pour assumer leur responsabilité familiale et sociale, ils ont besoin d’un cadre de vie familiale plus stable qui est socialement matérialisé par la cohabitation avec un conjoint. Ainsi, dans de tels ménages, les enfants et les adolescents vivraient aux côtés de leurs propres parents qui assurent la direction du ménage. Les ménages dirigés par des personnes âgées de moins de 40 ans sont soit des couples nouvellement formés, soit des ménages issus d’une rupture d’union, soit des ménages abritant des enfants nés d’union extramaritale. Pour les ménages nouvellement formés, les conjoints sont prédisposés à accueillir des enfants ou des adolescents issus d’autres ménages pour à aider aux tâches domestiques ou simplement pour élever ces jeunes.
Les ménages dirigés par des personnes de niveau d’instruction secondaire ou plus sont plus susceptibles d’être des ménages non parentaux.
Les chefs de ménages ayant atteint le niveau secondaire au moins occuperaient de meilleurs emplois ou pratiqueraient une activité plus rentable. Leur situation économique leur confère un certain prestige social dans la communauté. Ils accueillent des personnes provenant d’autres ménages pour des raisons d’étude, de formation, d’entraide familiale ou simplement pour favoriser leur insertion sociale et professionnelle. À titre d’exemple, on peut noter qu’au Cameroun le statut socioéconomique du chef de ménage est positivement associé à l’accueil de personnes apparentées (Wakam, 1997).
Les ménages urbains sont plus susceptibles d’être des ménages non parentaux.
Il est courant que les ménages urbains accueillent des enfants et des adolescents, probablement en provenance du milieu rural. Dans les villages, la tendance est à l’envoi des jeunes en ville dans l’espoir d’accéder à la scolarisation ou à la formation professionnelle (Antoine et Guillaume, 1986). Ce résultat est à rapprocher de celui obtenu par Wakam (1997) au Cameroun, où l’urbanisation est positivement associée à l’accueil des personnes apparentées. Il importe de rappeler que les jeunes d’origine rurale confiés en ville pour la scolarisation ou l’apprentissage de métier peuvent être exploités dans le ménage d’accueil (Younoussi, 2007). Ils peuvent être assignés à des tâches domestiques sans possibilité d’aller à l’école ou d’apprendre un métier. Certains seraient orientés vers les activités économiques du secteur informel et contribueraient aux charges de la famille d’accueil.
Les adolescents résidant dans le Nord sont plus susceptibles d’appartenir à un ménage non parental.
La pratique du confiage serait plus développée dans le nord du Burkina Faso. Dans cette partie du pays, les migrations climatiques occasionnées par les sécheresses pluviométriques (Henry, 2007) et la pratique du nomadisme pastoral (Younoussi, 2007) conduiraient certains parents à séjourner durant plusieurs mois hors des zones de résidence habituelle. La progéniture restée dans le milieu d’origine serait élevée dans d’autres ménages en attendant le retour des parents. Une autre raison pouvant expliquer cette propension à résider dans des ménages non parentaux est à rechercher dans la culture religieuse musulmane. Il n’est pas exclu que certains ménages non parentaux correspondent à ceux de maîtres coraniques, chargés d’assurer une éducation religieuse aux enfants.
Les filles sont plus susceptibles de résider dans des ménages non parentaux.
Les filles circulent plus dans les ménages parce qu’elles aident très tôt aux travaux domestiques et à la garde des nourrissons (Jonckers, 1997).
Les jeunes de 6 à 14 ans sont plus susceptibles de résider dans des ménages monoparentaux ou non parentaux, tandis que ceux de 15 à 19 ans sont moins susceptibles d’y résider.
Avoir 5 ans ou moins ou entre 15 et 19 ans accroît la probabilité de résider dans des ménages biparentaux. Entre 0 et 5 ans, les enfants sont moins concernés par le confiage (Antoine et Guillaume, 1986 ; Llyod et Desai, 1992 ; McDaniel et Zulu, 1996 ; Vandermeersch, 2006) et, par conséquent, ils demeurent au foyer parental. C’est après 5 ans qu’ils sont plus exposés à circuler dans les autres ménages, pour retourner dans les ménages parentaux vers la fin de l’adolescence (15-19 ans). Le confiage ne conduit pas souvent à l’intégration définitive dans la famille d’accueil (Jonckers, 1997).
Un autre résultat est remarquable dans ce modèle. On observe que les ménages monoparentaux sont plus susceptibles d’avoir l’indice de richesse « très faible ». Il est probable que ces situations correspondent davantage aux cas de cohabitation entre l’enfant et sa mère. Dans les cas de rupture d’union, les enfants en bas âge sont souvent élevés par les mères, qui assureraient mieux leur entretien qu’une autre femme. De plus, depuis 1990, à la faveur de l’adoption du Code des personnes et de la famille au Burkina Faso, les mères ont légalement la possibilité d’avoir la garde des enfants en bas âge après une rupture d’union (INSD et Macro, 2004). Ces propositions d’explication sont confortées par les données du tableau 3, qui indiquent qu’en 2003 la proportion d’enfants vivant avec leur mère seulement (8,5 %) est plus élevée que celle des enfants vivant avec leur père seulement (5,1 %). Dans plusieurs régions du monde, les ménages monoparentaux présentent deux caractéristiques communes : ils sont davantage dirigés par des femmes et ils sont plus pauvres (David et collab., 2003). Au Burkina Faso, d’après le rapport d’une mission conjointe conduite dans les villes de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso, 2008), les ménages monoparentaux ont beaucoup de charges familiales et sont dirigés par des femmes sans appui.
Les études portant sur l’environnement familial se fondent sur l’hypothèse que l’accès aux ressources familiales et l’issue du développement de l’individu varient suivant les structures des familles. Pour compléter notre exploration de l’environnement familial, nous proposons dans le tableau 6 une évaluation de l’association entre la cohabitation parentale et la scolarisation. La scolarisation est mesurée par le niveau d’études atteint par les jeunes de 6 à 19 ans. Les analyses sont contrôlées par l’âge et le niveau d’instruction du chef de ménage ainsi que par l’indice de richesse du ménage.
D’après les résultats du tableau 6, les filles de milieu urbain comme rural ainsi que les garçons de milieu urbain résidant dans des ménages non parentaux sont moins susceptibles d’être scolarisés que leurs homologues des ménages biparentaux, quel que soit l’âge. Les garçons de 12 à 19 ans résidant dans des ménages monoparentaux sont moins susceptibles d’être scolarisés en milieu urbain et plus susceptibles de l’être en milieu rural. Ces résultats ne confirment pas systématiquement l’hypothèse selon laquelle les enfants et les adolescents des ménages biparentaux bénéficient d’une meilleure prise en charge que ceux des autres types de ménage. Par exemple en milieu rural, les ménages monoparentaux scolarisent mieux les garçons que les ménages biparentaux. Aussi, les travaux de Akresh (2005) sur le milieu rural au Burkina Faso démontrent que les jeunes enfants d’origine rurale confiés à des ménages, urbains ou ruraux, ont de meilleures chances de scolarisation que les enfants des ménages hôtes et les membres de leur fratrie restés dans le ménage rural d’origine. Cette même étude montre que les enfants confiés pour des raisons d’étude et les orphelins ont de meilleures chances de scolarisation. Dans le cas où des écarts de scolarisation existent en défaveur des enfants confiés, il se pourrait qu’il s’agisse de différences antérieures au confiage.
Conclusion
L’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) par les Nations unies en 1989 traduit l’intérêt des États membres pour le bien-être et le devenir des enfants. L’intention de la Convention est à tout égard noble dès lors qu’elle incite les États à promouvoir un environnement protecteur du droit à la survie, à la santé et à l’éducation. L’absence de contraintes imposées aux États dans l’exécution de leurs engagements explique en partie le peu d’avancées réalisées dans la situation des enfants dans le monde, et principalement dans les pays en voie de développement. Par exemple, les rapports des organismes spécialisés des Nations unies nous renseignent annuellement que dans les pays de l’Afrique au sud du Sahara, l’état de la santé, de la survie et de l’éducation des enfants reste préoccupant. Les problèmes de gouvernance et l’insuffisance des ressources publiques en seraient les principales causes. Dans un tel contexte, la famille reste la source la plus sûre de soutien éducatif, sanitaire, matériel, financier et psychologique pour cette catégorie de la population. La Convention reconnaît en plusieurs de ses articles l’importance du rôle et de la présence des parents dans le processus de croissance biologique et sociale des personnes. Cette disposition est renforcée par les législations nationales qui consacrent l’autorité des parents biologiques (Adjamagbo-Johnson, 1997). Malheureusement, de nombreux enfants n’ont pas adéquatement accès à cette source de soutien, car privés de la présence d’un parent ou des deux. La CDE reconnaît toutefois l’importance d’une prise en charge de ces derniers par les membres de la famille élargie ou de la communauté dans le cadre des pratiques modernes de protection de l’enfance (UNICEF/SSI, 2004).
Cette étude a proposé une description de l’environnement familial à travers une typologie suivant cinq variables : le type de ménage de résidence, le type d’union du chef de ménage, la survie des parents, le nombre de jeunes de moins de 20 ans par adulte dans le ménage et la cohabitation avec des grands-parents. Au moyen des données des EDS et de l’ENA du Burkina Faso, les proportions d’enfants et d’adolescents dans chaque structure familiale ont été déterminées. Les résultats situent la majorité des enfants et des adolescents dans des ménages comprenant leurs parents biologiques, en union monogame ou polygame. Parmi ces enfants et adolescents, certains résident avec leurs parents dans des ménages dirigés par d’autres personnes. Dans les premières années de l’enfance, il est courant de cohabiter avec ses deux parents biologiques. Au fur et à mesure que l’âge augmente, les enfants sont plus exposés à sortir de ce cadre familial. Le nombre des 0 à 19 ans est souvent plus élevé dans le ménage que celui des 20 ans ou plus. Plus du quart des enfants et près du tiers des adolescents partagent le même ménage qu’un grand-père et/ou qu’une grand-mère.
Le décès des parents, la pratique du confiage et la monoparentalité affectent amplement l’environnement familial. C’est dans l’adolescence que le risque pour l’individu d’être privé de la présence des deux parents s’amplifie. Pourtant, durant cette phase de la vie, la personne vit des mutations biologique et sociale pour lesquelles l’accompagnement social offert par les parents est capital.
En milieu rural burkinabé, les enfants et les adolescents cohabitent le plus souvent avec leurs deux parents. De telles situations familiales autorisent des interactions plus élevées avec les parents sans nécessairement être synonymes d’un accès à des ressources utiles dans des domaines comme celui de la santé. Le faible niveau de scolarisation des parents en milieu rural et la difficulté d’accès à l’information et à des connaissances sur les problèmes sanitaires réduisent la portée du gain attendu d’une interaction plus élevée avec les parents. Néanmoins, cette interaction reste utile pour les jeunes et la société : l’avantage de la présence des parents dans un ménage, aussi bien en milieu urbain que rural, réside dans la possibilité du contrôle social qu’ils exercent sur les activités de leurs enfants. À ce contrôle, on peut ajouter le modèle de comportement que des parents en union peuvent transmettre à leur progéniture, et qui forgera leurs attitudes futures.
En milieu urbain, la cohabitation avec les deux parents est moins répandue et le confiage plus fréquent. Si dans l’Afrique traditionnelle l’entraide et le renforcement des liens de parenté fondent la pratique du confiage (Delaunay, 2009), l’urbanisation et les évolutions des modes de production ont dénaturé cette pratique. On assiste à une diversification des motivations de la pratique et parfois à une exploitation de l’enfant. De plus, en milieu urbain, une plus grande instabilité des unions, associée à l’autonomie des femmes, contribue à la formation de ménages monoparentaux. Dans les villes, le phénomène d’enfants résidant aux côtés de leur mère seule prend de l’ampleur.
Nous avons traité également dans cette étude de la relation entre la cohabitation avec les parents et les caractéristiques du chef de ménage, celles du ménage et celles des enfants ou des adolescents, ainsi que de la scolarisation de ces derniers. Les résultats montrent que l’âge et le niveau d’instruction du chef de ménage, l’indice de richesse du ménage, le milieu de résidence, la région, le sexe et l’âge de l’enfant ou de l’adolescent sont associés à la cohabitation avec les parents. Les analyses multivariées ont permis de distinguer une situation socioéconomique assez particulière dans les ménages monoparentaux de résidence des enfants. Ces ménages sont plus pauvres que les ménages biparentaux. Ces analyses ont aussi confirmé les relations établies antérieurement entre l’accueil de personnes apparentées et le niveau socioéconomique du ménage (niveau d’instruction du chef de ménage) d’une part et, d’autre part, le milieu de résidence. Les ménages dirigés par des personnes ayant atteint le niveau d’instruction secondaire ou plus et les ménages urbains sont plus susceptibles d’accueillir des enfants et des adolescents. Un autre résultat mis en exergue concerne la relation entre le confiage et le sexe et l’âge. Les analyses indiquent une moindre tendance des filles à résider dans des ménages parentaux, à la différence des garçons. Pour l’âge, il est apparu que les 6-14 ans sont plus susceptibles d’être confiés que les 0-5 ans et les 15-19 ans.
Enfin, l’étude a montré une association entre la cohabitation avec les parents et la scolarisation des enfants et des adolescents. D’après les résultats, l’absence des deux parents dans le ménage n’est pas sans conséquence sur la progéniture. Les enfants et les adolescents résidant dans des ménages monoparentaux ou non parentaux sont plus susceptibles d’être moins scolarisés que leurs homologues des ménages biparentaux. Néanmoins, cette étude montre qu’une telle issue n’est pas systématique : elle dépend de l’âge de l’individu, du sexe et du milieu de résidence.
La plupart des politiques sociales reposent sur l’hypothèse que les enfants et les adolescents vivent avec leurs parents (Population Council, 2009). On suppose que ces parents sont plus à même de leur fournir les ressources, le soutien moral et la protection nécessaires. Cependant, la présence de parents dans un ménage n’implique pas forcément l’accès des enfants et des adolescents à ces ressources. Pire, certains parents peuvent être à l’origine de l’exploitation de leurs enfants et de maltraitance envers eux (Mbembé, 1985 ; UNICEF, 2006). Néanmoins, l’absence complète des parents serait une source de plus grande insécurité (Population Council, 2009). À la lumière des résultats de cette étude et de l’importance des personnes ne cohabitant pas avec les parents, il importe de prendre en compte les autres catégories d’enfants et d’adolescents dans les politiques sociales afin d’assurer un bien-être à tous.
Cette description de l’environnement familial aurait pu être menée autrement si des données plus appropriées avaient été disponibles. Les EDS ainsi que l’ENA n’ont pas pour but d’opérationnaliser le concept d’environnement familial. Elles sont limitées à la situation familiale au moment de l’enquête et ne prennent pas en compte les trajectoires familiales antérieures des moins de 20 ans, le passé conjugal des parents et l’implication des membres de la famille élargie dans la vie des jeunes. Au-delà de ces faiblesses, il convient de reconnaître l’effort consenti ces dernières années pour saisir la survie et la résidence des parents biologiques des moins de 15 ans dans les EDS. Cette ouverture a été reprise dans l’ENA, qui va au-delà en inscrivant le recueil de données sur les parents absents du ménage et sur les figures masculines et féminines dans le ménage. Ces efforts méritent d’être poursuivis par des opérations statistiques plaçant plus spécifiquement les moins de 20 ans au centre de la collecte des données et opérationnalisant le concept d’environnement familial.
Parties annexes
Bibliographie
- Adjamagbo-Johnson, B. 1997. « Législations et changements familiaux en Afrique sub-saharienne francophone », dans M. Pilon, T. Locoh, E. Vignikin et P. Vimard (dir.), Ménages et familles en Afrique. Approches des dynamiques contemporaines, « Les études du CEPED », 15 : 239-256.
- Akresh, R. 2005. School Enrollment Impacts of Non-traditional Household Structure. University of Illinois at Urbana-Champaign, Department of Economics, 36 p. Consultable à la page : http://www.internationalpolicy.umich.edu/edts/pdfs/Akresh_SchoolEnrollment_4-10-05.pdf (consulté le 6 décembre 2009).
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