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Introduction

La notion d’observatoire

Il existe traditionnellement trois sortes d’observatoire : les observatoires du milieu naturel, qui ciblent les populations animales et végétales; les observatoires du milieu physique, qui analysent des phénomènes météorologiques, sismiques et leurs conséquences géomorphologiques; les observatoires socio-économiques, qui étudient les populations humaines et leurs activités. Ce concept d’« observatoire », issu de l’astronomie, est apparu trois siècles av. J.-C. Il n’est utilisé en sciences sociales que depuis les années 60, précédant d’ailleurs de dix ans son application aux sciences économiques (Delaunay, 1996). Un observatoire socio-économique présente cinq constantes : une « observation permanente » de la population étudiée, réalisée par une « structure autonome » sur une « population-cible », aboutissant à la production « d’informations analysées », qualitatives et quantitatives, destinées à un « réseau d’utilisateurs » (Dubois et Droy, 2001).

Ces cinq éléments, communs à l’ensemble des observatoires, impliquent l’utilisation de méthodologies propres à ces structures. Tout d’abord, l’existence d’une échelle des objectifs adaptée à une thématique particulière et associée à la catégorie de population étudiée. Faute de ciblage, il est impossible d’approfondir la connaissance d’une population, et on en revient alors à la mise en place d’enquêtes représentatives d’une population dans son ensemble. Par ailleurs, la chaîne de production des observatoires aboutit à l’analyse des données recueillies, diffusées ensuite à l’ensemble des utilisateurs. Elle varie en fonction des observatoires (degré de ciblage, données recueillies,...), de la nature (enquêtes quantitatives, entretiens qualitatifs,...) et des sources des informations fournies. La combinaison quantitatif-qualitatif exprime enfin la possibilité de s’appuyer sur des approches différentes pour comprendre, le plus souvent, des phénomènes complexes. Et c’est justement par l’observatoire que toute la cohérence de l’association quantitatif-qualitatif sur un même sujet va s’exprimer (Piron, 1996). Ces deux aspects sont effectivement indissociables. Le « quantitatif » autorise la mise en place de seuils simples, le « qualitatif », la définition d’indicateurs révélateurs de la complexité des situations (Bessis, 1995).

La présentation succincte des caractéristiques propres aux observatoires socio-économiques démontre finalement la difficulté de définir strictement ces structures. Ils peuvent en effet avoir des populations cibles très restreintes (Observatoire régional des transports) ou au contraire très étendues (Observatoire démographique européen); ou encore disposer d’instruments d’investigation très différents (enquête unique, enquêtes annuelles,...). Enfin, le type de données recueillies peut fortement varier d’un observatoire à l’autre. La difficulté de la définition d’un « observatoire » est donc directement liée au regroupement sous ce même terme de structures de taille et d’envergure différentes. Dubois et Droy (2001) distinguent à l’extrême deux types d’observatoires : les observatoires de terrain et les observatoires de synthèse. Les premiers travaillent de manière continue sur une population très ciblée avec peu d’instruments d’investigation et privilégient généralement la phase de recueil des données aux dépens de l’analyse de ces dernières. Les observatoires de synthèse présentent quant à eux des thématiques assez larges et comprennent parfois en leur sein des observatoires de terrain. Ces observatoires de synthèse combinent les approches qualitatives et quantitatives, ce qui reste la caractéristique principale d’une structure censée analyser des phénomènes sociaux complexes par définition, comme le don de sang.

L’Établissement français du sang Alpes-Méditerranée (E.F.S. A-M), une structure de santé

L’Établissement français du sang est une structure de santé assurant l’ensemble des activités de médecine transfusionnelle : du prélèvement de produits sanguins à leur distribution aux différents établissements de santé, de l’analyse biologique médicale à l’immuno-hématologie. En somme, « La mission première de l’E.F.S. est d’assurer la satisfaction des besoins en produits sanguins labiles sur l’ensemble du territoire national »[1]. Cette entreprise médicale est organisée en dix-huit établissements régionaux[2], autonomes du point de vue de leur gestion et de leur fonctionnement.

L’E.F.S. Alpes-Méditerranée doit pouvoir garantir à la population de Provence-Alpes-Côte-d’Azur – plus de 4,5 millions d’habitants – un recouvrement des besoins sanitaires adapté à l’ensemble de ses composantes populationnelles grâce aux dons effectués par les habitants. Selon une étude menée en 2004 par le Centre d’études et de recherche sur la philanthropie (CerPhi) (Malet, 2004), la répartition par activité professionnelle de la population des donneurs de sang français indique que les étudiants, les professions libérales et les professions indépendantes représentent une majorité des donneurs de sang français. Par ailleurs, le taux de refus pour raisons médicales est plus important chez les femmes que chez les hommes et touche en priorité les 50-65 ans. Enfin, Provence-Alpes-Côte-d’Azur est l’une des régions où l’indice de générosité de la population (rapport : personnes donnant leur sang/personnes aptes à donner leur sang dans la population) est le plus faible.

L’E.F.S. doit donc assurer l’approvisionnement en produits sanguins compatibles avec l’ensemble de la population à soigner, incluant des individus aux groupes sanguins « rares ». Génétiquement, la variabilité inter-populationnelle observée sur les groupes érythrocytaires est issue du « modelage génétique » des populations par les forces évolutives aléatoires ou environnementales. Sa résultante : le polymorphisme génétique, présente ainsi une répartition géographique préférentielle des groupes sanguins, liée notamment à l’impact de l’environnement sur les gènes (Grassineau, 2005). Les individus issus de certaines communautés, dont l’origine géographique diffère de celle de la population de donneurs de sang habituelle, sont donc susceptibles de présenter plus fréquemment des phénotypes érythrocytaires « rares ». Trouver dans la population générale des donneurs compatibles pour ces personnes se révèle donc parfois délicat. C’est pourquoi ces individus aux groupes sanguins rares – le plus souvent d’origine étrangère – sont des donneurs indispensables à l’E.F.S., ce dernier devant assurer le recouvrement des besoins transfusionnels de l’ensemble des composantes de la population.

Les donneurs de sang, une population « citoyenne »

Marseille est, parmi d’autres, une ville dans laquelle cette question est d’une importance primordiale étant donné sa diversité populationnelle. Elle compte en effet 7,93 % de population étrangère de toutes origines chez les 18-65 ans. Sa richesse la plus grande, celle d’être éminemment pluriculturelle, a donc pour corollaire une question non moins importante pour l’E.F.S. : celle du recouvrement en termes de spécificité biologique entre les populations habitant à Marseille et les populations donnant leur sang à Marseille. Paradoxalement, l’E.F.S. A-M ne peut pas, déontologiquement, faire appel aux communautés étrangères marseillaises de manière spécifique. Pourtant, le recouvrement sanitaire ne reste possible qu’à la condition que la population de donneurs marseillais compte une part de population étrangère. En tant que structure par définition indépendante de la population étrangère et d’origine étrangère, l’E.F.S. fournirait alors des informations essentielles quant au comportement des populations étrangères par rapport à cet acte qualifié de « civil », voire de « citoyen », qu’est le don de sang (Cunéo, 2001).

Objectifs de l’étude

La collaboration établie avec l’E.F.S. A-M a permis d’étudier la population des donneurs de sang marseillais sous divers aspects, notamment sociodémographiques. Elle a également conduit à la mise en place d’une étude s’intéressant à la définition de l’image qu’offre une telle structure de la population marseillaise dans son ensemble. Les objectifs de cette étude sont donc les suivants : (a) définir la part de population marseillaise, française et étrangère, ciblée par l’E.F.S. A-M en tant qu’établissement de santé; (b) évaluer le recouvrement existant entre la diversité populationnelle observée dans la ville de Marseille et celle de la population des donneurs de sang marseillais; (c) déterminer si l’E.F.S. A-M peut être considéré comme un observatoire socio-économique de la diversité populationnelle marseillaise.

Matériel et méthodes

Les caractéristiques sociodémographiques de la population marseillaise

Pour pouvoir étudier la population des donneurs de sang marseillais en détail, il apparaît tout d’abord indispensable de connaître celle dont elle est issue : la population marseillaise. Le recensement effectué par l’INSEE en 1999 sur la ville de Marseille dresse un portrait de la population de la ville, par sexe et par âge. Étant donné que notre étude porte sur les donneurs marseillais en 2004, il apparaît nécessaire d’avoir ces renseignements sur la population de Marseille à la même date. Le dernier recensement de l’INSEE effectué en 2004 n’indique, dans ses premiers résultats, que le nombre d’habitants de la ville (Borrel et Durr, 2005) et la répartition par sexe de la population des ménages marseillais (INSEE, Chiffres clés, Grandes villes, 2005). Un redressement des données de 1999 (répartition par sexe dans les ménages, population totale de Marseille, répartition par âge des habitants) à partir des nouvelles données de 2004 a donc été réalisé afin d’obtenir les estimations nécessaires aux comparaisons menées par la suite. Les résultats de ce redressement sont présentés dans le tableau 1.

Tableau 1

Estimation de la population de Marseille « INSEE 2004 » : estimations sur la population totale marseillaise par sexe et par tranches d’âge au 1er janvier 2004

Estimation de la population de Marseille « INSEE 2004 » : estimations sur la population totale marseillaise par sexe et par tranches d’âge au 1er janvier 2004
Sources : liste des donneurs par âge et par sexe pour l’année 2007, Établissement français du sang Alpes-Méditerranée

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La diversité populationnelle marseillaise

Afin de pouvoir quantifier la diversité caractérisant la population marseillaise, puis la comparer à celle obtenue avec la population de donneurs de sang marseillais, il était nécessaire de recourir aux données de l’INSEE issues du même recensement de 1999[3]. Ces données détaillent la répartition par origine (pays), lieu de naissance, lieu de résidence et nationalité de la population étrangère habitant à Marseille. Mais, tout comme pour la comparaison des répartitions par sexe et groupes d’âge, il fallait pouvoir redresser ces données portant sur l’année 1999 pour estimer les proportions de population étrangère présentes à Marseille en 2004.

Les informations recueillies grâce à la préfecture des Bouches-du-Rhône sur la présence d’étrangers à Marseille ont dès lors été essentielles. Ces dernières données sont présentées sous la forme d’un tableau résumant, pour chaque nationalité, les effectifs selon la nature du titre de séjour des personnes étrangères. Ces données ayant été fournies pour les années 1999 et 2004, nous disposions donc du nombre total d’étrangers à Marseille présentant un titre de séjour pour ces deux années, ainsi que des pourcentages de croissance de chaque nationalité entre ces deux dates. Ces pourcentages ont ensuite été appliqués aux effectifs de populations étrangères recensées par l’INSEE en 1999. Nous avons ainsi obtenu une estimation de la proportion d’étrangers présents à Marseille en 2004, à partir des résultats du recensement de l’INSEE 1999, que nous avons appelé « INSEE 2004 » (les résultats de cette estimation sont présentés en annexe 1). Cela dit, les différences observées entre les chiffres de la préfecture en 1999 et 2004 étant extrêmement faibles, le classement par effectif de population étrangère issu du recensement de la population de Marseille en 1999 par l’INSEE s’avère encore valable.

Les caractéristiques de la population des donneurs de sang

Les donneurs de sang français

Les données portant sur les répartitions par sexe et par âge de la population des donneurs de sang français (« CerPhi 2004 »), dans leur ensemble, ont été tirées d’une étude menée par le CerPhi en 2004 (Malet, 2005). Ces données sont présentées dans le tableau 2. La seule information numérique pouvant être tirée de cet article était le nombre de donneurs pour l’année 2004 : 1 400 000 donneurs de sang. Les répartitions par sexe et tranches d’âge ayant été données en pourcentages, nous avons par la suite calculé les effectifs correspondants.

La seule restriction existant, a priori, sur les donneurs de sang concerne l’âge, car pour donner son sang en France, il faut être majeur et avoir moins de 65 ans.

Tableau 2

Ensemble des donneurs de sang français (CerPhi 2004) : répartition par sexe et par tranches d’âge en 2004

Ensemble des donneurs de sang français (CerPhi 2004) : répartition par sexe et par tranches d’âge en 2004
Sources : « Donner son sang en France, Première Édition », CerPhi 2004

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Les donneurs de sang marseillais

Caractéristiques sociodémographiques

Nous avons décidé, pour cette étude, de limiter dans le temps la collecte des données portant sur la population-cible des donneurs de sang. Ainsi, les informations concernant le sexe, l’âge, les lieux de résidence et de naissance de la population des donneurs de sang (désignée ci-dessous par le sigle « DSM 2004 ») pour l’année 2004 ont été fournies par l’E.F.S. A-M, et portent sur 8 507 donneurs de sang habitant à Marseille. Les données descriptives concernant le sexe et l’âge des individus sont présentées dans le tableau 3.

Tableau 3

Donneurs de sang marseillais en 2004 (DSM 2004) : répartition par sexe et par tranches d’âge des donneurs de sang marseillais

Donneurs de sang marseillais en 2004 (DSM 2004) : répartition par sexe et par tranches d’âge des donneurs de sang marseillais
Sources : DSM 2004, données originales issues de l’échantillon d’étude constitué

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Diversité populationnelle

L’Échantillon de donneurs de sang marseillais 2004 (EDSM 2004) a été constitué avec le concours de l’E.F.S. A-M, sur une période s’étalant de septembre à décembre 2004. 1 603 donneurs de sang, (i.e. l’ensemble des personnes ayant donné leur sang au cours de la période d’étude) ont tout d’abord répondu à un questionnaire posé lors de l’entretien médical pré-don[4]. Les informations recueillies sont les suivantes :

  • nom (nom de jeune fille), prénom du donneur

  • date de naissance

  • sexe

  • pays de naissance, nationalité des parents et grands-parents.

Après vérification du lieu de résidence des 1 603 donneurs interrogés, seuls les habitants de la ville de Marseille ont été retenus, puisque faisant partie de la population de donneurs de sang marseillais recensée pour l’année 2004 par l’E.F.S. A-M (DSM 2004). Ceci a réduit l’échantillon à 1 297 donneurs de sang. Le recueil des lieux de naissance des donneurs eux-mêmes a été effectué par la suite. Associés ensuite à l’âge, au sexe et au lieu de résidence des individus de l’échantillon, nous avons pu dresser les répartitions croisées selon les quatre variables disponibles pour DSM 2004 et EDSM 2004 (âge, sexe, lieu de résidence et de naissance). Une méthode de redressement classique (Sautory, 1993) a ensuite été appliquée, le poids attribué à chaque individu correspondant au rapport de l’effectif théorique (effectif relevé sur DSM 2004) sur l’effectif observé (effectif relevé sur EDSM 2004). EDSM 2004 peut, suite à cette démarche, être considéré comme représentatif de la population de donneurs de sang marseillais (DSM 2004).

Les informations portant sur le pays de naissance, la nationalité des parents et celle des grands-parents des donneurs ont été relevées uniquement pour notre échantillon marseillais. Mais le redressement de EDSM 2004 sur l’ensemble de la population des donneurs de sang marseillais 2004 nous a permis d’estimer la répartition des variables manquantes sur cette population, c’est-à-dire la répartition par ascendance. Cette même démarche autorisait également l’estimation de la répartition par nationalité au sein de la population des donneurs de sang à partir des informations recueillies préalablement par entretien téléphonique sur l’échantillon de donneurs marseillais.

Enfin, la répartition par ascendance a permis la division de la population de donneurs en sous-groupes. Les donneurs ayant un, deux, trois ou quatre grands-parents nés à l’étranger, de nationalité étrangère, ont été distingués, définissant ainsi quatre sous-groupes[5].

Résultats

Caractéristiques sociodémographiques

À partir de l’estimation des répartitions par sexe et par groupes d’âge de la population de Marseille pour 2004 et de celle fournie par l’E.F.S. A-M pour la population des donneurs de sang marseillais la même année, nous avons pu définir la population cible de l’E.F.S. en tant qu’observatoire. La figure 1 présente les répartitions observées sur les trois populations (Cerphi 2004, DSM 2004 et INSEE 2004) par groupes d’âge et par sexe.

Les comparaisons de fréquence ont été effectuées à l’aide d’un test du Chi 2. La répartition en trois classes d’âge, permettant de comparer les trois populations entre elles, montre des différences significatives sur l’ensemble des populations et des classes d’âge (pour l’ensemble des comparaisons, p < 0.001).

Figure 1

Répartition par tranches d’âge dans les trois populations (CerPhi 2004, DSM 2004, INSEE 2004)

Répartition par tranches d’âge dans les trois populations (CerPhi 2004, DSM 2004, INSEE 2004)

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La très faible part de donneurs marseillais dans notre population, comparée aux deux autres populations de référence des 30-49 ans et des 50-65 ans, se fait au profit des 18-29 ans, dont l’écrasante majorité contraste avec la part importante, mais relative, de cette même classe d’âge dans les deux autres populations (figure 1). De plus, la répartition par sexe de la population totale de donneurs marseillais montre une domination féminine (57,22 %), qui existe mais plus modérément dans la population des donneurs français (50,30 %) ainsi que sur l’ensemble de la population marseillaise (51,80 %).

Le détail de la répartition par sexe pour chaque tranche d’âge dans les trois populations (figure 2) souligne que la proportion de femmes dans la population DSM 2004 se concentre essentiellement dans la classe d’âge la plus jeune, celle des 18-29 ans, et reste assez élevée dans la classe d’âge des 30-49 ans comparée aux autres populations. Enfin, un test de l’écart réduit montre que seule la classe la plus âgée présente des différences non significatives entre hommes et femmes (ε = ‒ 0,26; NS) entre populations de donneurs de sang (CerPhi 2004 et DSM 2004). Par contre, dans la population marseillaise, une proportion plus importante de femmes est observée pour cette classe d’âge.

Figure 2

Répartition par sexe pour chaque tranche d’âge dans les trois populations (CerPhi 2004, DSM 2004 et INSEE 2004)

Répartition par sexe pour chaque tranche d’âge dans les trois populations (CerPhi 2004, DSM 2004 et INSEE 2004)

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Figure 3

Répartition détaillée par sexe et par tranches d’âge de DSM 2004

Répartition détaillée par sexe et par tranches d’âge de DSM 2004

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Enfin, la figure 3 présente la répartition détaillée par sexe et groupes d’âge de la population des donneurs marseillais : le groupe 18-25 ans ayant été scindé en deux sous-groupes, étant donné son importance dans DSM 2004. Cette représentation montre que la prédominance des individus « jeunes » concerne principalement les 18-20 ans et 21-25 ans. La participation des femmes au don du sang va diminuant à partir de vingt-six ans, en même temps que s’amorce la baisse de participation de la population dans son ensemble.

Tableau 4

Répartition par nationalité des individus étrangers DSM 2004 et INSEE 2004 (présentés selon l’ordre décroissant dans DSM 2004)

Répartition par nationalité des individus étrangers DSM 2004 et INSEE 2004 (présentés selon l’ordre décroissant dans DSM 2004)
Sources : DSM 2004, données originales issues de l’échantillon d’étude constitué; INSEE 2004, Duboz, 2006, Diversité populationnelle et don de sang à Marseille, Thèse de doctorat en anthropologie biologique, Marseille, Université de la Méditerranée Aix-Marseille II

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Diversité populationnelle

Les nationalités

La comparaison des proportions de population pour chaque nationalité entre DSM 2004 et INSEE 2004 montre que la population des donneurs de sang marseillais s’éloigne singulièrement de la population marseillaise en termes de diversité populationnelle. En effet, seuls 1,44 % des donneurs marseillais sont de nationalité étrangère, proportion négligeable puisque la population marseillaise compte 7,93 % d’étrangers chez les 18-65 ans. Par ailleurs, DSM 2004 s’éloigne également de la population marseillaise en termes de représentativité de chaque nationalité étrangère. Lors de cette comparaison (tableau 4, figure 3), il est apparu que même si les Algériens restent majoritaires, tout comme dans la population marseillaise, la population tunisienne, au deuxième rang de la population étrangère selon l’INSEE, est par contre nettement sous-représentée chez les donneurs de sang marseillais. Enfin, les donneurs européens – à l’exception de la population espagnole –, guinéens et camerounais sont surreprésentés.

Figure 4

Répartition par nationalités (sauf française) dans DSM 2004 et dans la population marseillaise (Estimation INSEE 2004)

Répartition par nationalités (sauf française) dans DSM 2004 et dans la population marseillaise (Estimation INSEE 2004)

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Enfin, l’absence totale de certaines populations, dont l’importance dans la population marseillaise justifierait pourtant une présence dans DSM 2004, a été mise en évidence par confrontation avec le classement des nationalités étrangères majoritaires à Marseille selon nos estimations en 2004. Ainsi, les ressortissants de nationalité comorienne, italienne, portugaise, turque, sénégalaise, vietnamienne et malgache sont absents de notre population de donneurs de sang. Ils représentaient pourtant entre 0,97 % (population vietnamienne) et 6,16 % (population comorienne) de la population étrangère à Marseille selon nos estimations en 2004.

L’histoire familiale

L’intérêt de notre approche réside dans la comparaison des résultats issus de l’étude de variables telles que la nationalité et de ceux offerts par l’étude de l’histoire familiale des individus d’origine étrangère. Comme indiqué dans la figure 5 (secteur de gauche), plus de 28 % des donneurs de sang marseillais ont au moins un grand-parent étranger, soit 4 à 6 % de plus que la proportion estimée pour l’année 1986, à l’échelle de la France (Tribalat, 1991)[6]. Par ailleurs, seuls 42 % des donneurs de sang marseillais présentent l’ascendance « 4 grands-parents Français nés en France ». Cette faible proportion observée confirme que Marseille est une ville mosaïque construite au fil de migrations et d’échanges culturels intenses.

Figure 5

Répartition par ascendances des donneurs de sang DSM 2004 (secteur gauche) et répartition par nationalités du sous-groupe « 4 grands-parents étrangers » (secteur droit)

Répartition par ascendances des donneurs de sang DSM 2004 (secteur gauche) et répartition par nationalités du sous-groupe « 4 grands-parents étrangers » (secteur droit)

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Pour mieux comprendre l’apport d’un observatoire tel que l’E.F.S. A-M, il convient maintenant d’étudier la répartition par nationalité des donneurs de sang étrangers parallèlement à la répartition par ascendance des donneurs ayant quatre grands-parents étrangers.

Les résultats issus de l’étude de l’histoire familiale des individus de DSM 2004 indiquent que les donneurs de nationalité étrangère n’appartiennent qu’au sous-groupe « 4 grands-parents étrangers ». Mais ils ne représentent que 12 % de ce sous-groupe (figure 5). De plus, même en considérant les Français par acquisition de la nationalité, un peu moins nombreux, la population étrangère se trouve toujours sous-représentée (2,55 % de DSM 2004) par rapport à la population étrangère marseillaise. Finalement, une très grande majorité (78 %) de donneurs d’origine étrangère (c’est-à-dire ayant quatre grands-parents étrangers) est en réalité de nationalité française. Ces personnes présentent cette nationalité soit parce qu’ils ont un ou deux parents français (parents immigrés ou nés en France, donneur né en France de nationalité française) soit parce qu’ils sont nés et ont vécu en France.

Enfin, l’analyse du détail de la répartition par origine géographique du sous-groupe « 4 grands-parents étrangers » (tableau 5) de ces donneurs de sang marseillais révèle que les cinq premières « origines géographiques » (algérienne, tunisienne, marocaine, italienne et comorienne) sont retrouvées à l’identique dans DSM 2004 et dans la population étrangère marseillaise selon nos estimations. Par ailleurs, les populations africaines subsahariennes et asiatiques, qui étaient absentes de l’analyse de la répartition par nationalité des donneurs de sang étrangers, sont alors représentées (tableau 5).

Tableau 5

Répartition par origine géographique du sous-groupe « 4 grands-parents étrangers » DSM 2004 et des populations étrangères correspondantes INSEE 2004 (ordre décroissant de chaque population)

Répartition par origine géographique du sous-groupe « 4 grands-parents étrangers » DSM 2004 et des populations étrangères correspondantes INSEE 2004 (ordre décroissant de chaque population)

forme: 019491aro010n.pngCorrespondance entre les six premières origines géographiques étrangères dans INSEE 2004 et DSM 2004

forme: 019491aro011n.pngPopulations d’origine asiatique et africaine subsaharienne absentes des nationalités étrangères dans DSM 2004

Sources : DSM 2004, données originales issues de l’échantillon d’étude constitué; INSEE 2004, Duboz, 2006, Diversité populationnelle et don de sang à Marseille, Thèse de doctorat en anthropologie biologique, Marseille, Université de la Méditerranée Aix-Marseille II

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Discussion

La population-cible de l’E.F.S. A-M : les donneurs de sang marseillais, compte plus d’individus jeunes et une part plus importante de femmes que la population marseillaise dans son ensemble. Ces dernières sont essentiellement concentrées dans les tranches d’âge jeunes. Les résultats publiés par le CerPhi sur la population des donneurs de sang français contribuent à l’analyse des caractéristiques spécifiques de la population de donneurs de sang marseillais.

En effet, la faible proportion de femmes de 50-65 ans (comparativement aux autres tranches d’âge) est directement liée aux exigences médicales à remplir lors d’un don de sang. Par ailleurs, la faible participation des 30-49 ans et 50-65 ans – hommes et femmes – est à mettre en relation avec le faible indice de générosité relevé pour cette région. L’élan remarquable de la jeune génération des 18-29 ans peut enfin être relié à la participation extrêmement importante des étudiants au don de sang[7]. Mais notre population compte certainement dans cette classe d’âge un nombre non négligeable de jeunes donneurs « uniques », qui ne deviendront peut-être pas donneurs réguliers. Dans le détail, la nette diminution du nombre de femmes à partir de vingt-cinq ans, et la baisse régulière de la participation de ces dernières au don de sang à partir du même âge peuvent être expliquées par l’entrée dans la vie active, processus doublé généralement de la construction d’une vie de famille. Ceci explique naturellement la diminution de la participation des femmes au don du sang.

La définition de la structure de cette population-cible a été rendue possible par la production continue par l’E.F.S. A-M de données concernant l’âge, le sexe, les lieux de résidence et de naissance des donneurs. Mais ce n’est qu’en croisant ces résultats avec les caractéristiques connues de la population des donneurs de sang en général (Malet, 2004) que l’analyse de cette structure par âge et par sexe a pu être menée à bien. Car si la population des donneurs de sang marseillais appartient à la population marseillaise, elle a en revanche pour caractéristique première d’être une population de donneurs de sang; elle présente donc avant tout les caractéristiques spécifiques de cette dernière.

La lecture des résultats apportés par l’étude menée en 2004 sur l’histoire familiale et la diversité populationnelle des donneurs de sang marseillais doit être effectuée de la même manière. L’analyse de la répartition par nationalité de la population montre que la proportion de donneurs étrangers recensés dans DSM 2004 (1,44 %) est nettement inférieure à celle relevée dans la population marseillaise du même âge (7,93 %). De plus, la réduction du nombre de nationalités en présence dans la population des donneurs de sang met en évidence l’absence de nombreuses populations africaines subsahariennes et asiatiques, pourtant constitutives de la population marseillaise. Enfin, cette même réduction du nombre de nationalités a également pour conséquence la surreprésentation de nombreuses communautés étrangères dans DSM 2004. Les ressortissants européens – hormis espagnols –, guinéens et camerounais sont en effet proportionnellement plus nombreux dans DSM 2004 que dans la population marseillaise.

Mais par comparaison, les étrangers de notre échantillon appartiennent plus au groupe des donneurs de sang qu’à celui des étrangers de la ville : ils présentent donc les caractéristiques propres au groupe des donneurs, c’est-à-dire des individus plus jeunes que la population dans son ensemble, un niveau d’étude assez élevé et une proportion importante d’étudiants, de professions libérales et indépendantes. Or, ces catégories socioprofessionnelles ne correspondent qu’à une petite partie de la population étrangère de la ville (INSEE, 1999). Il est donc logique que l’on ne retrouve qu’une faible part d’étrangers dans DSM 2004; logique également le fait que les donneurs étrangers surreprésentés soient majoritairement ressortissants de pays dans lesquels il est courant de venir en France dans le cadre des études supérieures – Guinée, Cameroun et États Européens – (Bray et al., 2003) ou de pays dans lesquels le don de sang est chose courante (Allemagne, Belgique, Suisse, Canada). Finalement, seule l’absence totale de certaines populations ne semble pas pouvoir être expliquée à la seule lumière des caractéristiques sociodémographiques de la population des donneurs de sang. Cette absence constitue également pour l’E.F.S. A-M le résultat le plus préoccupant quant à ses possibilités de réponse aux besoins transfusionnels de la population marseillaise.

Les résultats apportés par l’étude de l’histoire familiale sur DSM en 2004 permettent en revanche une interprétation différente de cette « carence populationnelle ». Nous ne donnerons ici qu’un seul exemple : celui de la population comorienne, absente lors du recueil des nationalités étrangères sur la population DSM 2004. L’origine comorienne est en fait largement représentée (dans les cinq premières populations) lors de l’analyse par origine géographique des donneurs ayant quatre grands-parents étrangers. À l’Indépendance des Comores, en 1975, les ressortissants de cette ancienne colonie française ont eu le choix entre conserver la nationalité française ou adopter la nationalité comorienne (Direche-Slimani et Le Houérou, 2002). Ainsi, nombreux sont les donneurs d’origine comorienne de DSM 2004 à présenter la nationalité française, soit par acquisition, soit dès la naissance pour les plus jeunes. Ceci explique l’absence de la nationalité comorienne dans la population des donneurs de sang. Dans les faits, la structure des populations étrangères sous-représentées dans DSM 2004 se traduit par un nombre non négligeable de donneurs français par acquisition (10 %), mais surtout par une majorité de donneurs français de naissance (78 %) dont plus de la moitié sont nés en France (62 %). Elles apparaissent donc par la suite, lors de la répartition par origine géographique, mais les déterminants de la sous-représentation des nationalités diffèrent en fonction des communautés étrangères[8]. L’étude de l’histoire familiale des donneurs montre que si les donneurs étrangers ne sont pas très nombreux, ce sont par contre les dons effectués par leurs enfants qui permettent à l’E.F.S. A-M de couvrir la majorité des besoins sanitaires de la population mosaïque marseillaise.

Ainsi, seul le croisement des informations relevées directement auprès des donneurs de sang grâce à cette étude et des informations issues de la structure sociodémographique de cette population peut nous permettre de comprendre la représentativité de DSM 2004 par rapport à la population marseillaise dans son ensemble. Simultanément, cette interdisciplinarité fait de l’E.F.S. un instrument d’investigation unique de la diversité populationnelle marseillaise.

Conclusion

La population ciblée par un observatoire est toujours représentative d’une réalité donnée à un moment donné (Dubois et Droy, 2001). La population de l’observatoire que constitue l’E.F.S. A-M est ainsi représentative de la population des donneurs de sang en général (limites d’âge, niveau socio-économique,...), mais également de la part de population marseillaise (d’origine française et étrangère) amenée à donner son sang. Le suivi de cette population par l’E.F.S. A-M, selon des critères généraux (âge, sexe, lieu de résidence et de naissance) et de manière continue, fait de cette structure de santé un observatoire de terrain privilégié de la population des donneurs de sang marseillais. Cela dit, la question posée était de savoir si l’E.F.S. A-M pouvait être défini comme observatoire socio-économique, analysant des données de formes différentes issues de sources diverses. Comprendre la structure populationnelle des donneurs de sang marseillais implique également la prise en compte de facteurs socio-économiques permettant de mieux identifier des phénomènes complexes aux déterminants multiples, tel que le don de sang.

Or, l’intérêt de l’étude que nous avons menée sur les donneurs de sang marseillais s’est révélé double. D’une part, elle a permis de définir l’E.F.S. A-M comme un observatoire de synthèse, dans le sens où les données recueillies sur sa population-cible ne se bornent plus à une description simple de la participation au don du sang mais intègrent le recueil de données qualitatives concernant les ascendances des donneurs de sang, leur histoire familiale, et les motivations qui les conduisent à donner (Duboz, 2006). D’autre part, elle a mis en évidence une participation faible, mais indiscutable, de la population étrangère de la ville à cette démarche anonyme, bénévole et « ayant une valeur sociale positive » qu’est le don de sang (Cunéo, 2001). Elle a surtout mis en lumière l’importance de la participation au don des donneurs français d’origine étrangère. Certaines nationalités, qui devaient être représentées dans cette population pour permettre à l’E.F.S. A-M d’assurer la satisfaction des besoins sanitaires de la population marseillaise ne l’étaient pas assez, et pour cause : les donneurs appartenant au groupe des « 4 grands-parents étrangers » n’étaient pas, pour la plupart, des immigrés, mais des enfants d’immigrés. Ils étaient donc de nationalité française, d’où la sous-représentation de nombreuses nationalités étrangères. L’E.F.S. A-M, en tant qu’observatoire populationnel, présente donc l’intérêt de refléter la participation d’une partie de la population étrangère au don de sang, mais plus encore, il reflète l’évolution de cette participation au fil des générations « marseillaises ».

Grâce à cet observatoire privilégié des générations d’origine étrangère, il sera alors possible de remettre concrètement en question la notion d’intégration des étrangers dans la société d’accueil, utilisée aujourd’hui comme un concept en bloc : « l’intégration ». Son appropriation « récente » par le champ politique, en le détournant de sa signification première, en a fait une simple échelle mécanique allant des signes de la persistance des traits attachés à l’origine aux signes les plus « favorables » de l’acculturation croissante des étrangers et de leurs enfants. Mais cette dichotomie simpliste ne reflète en rien l’évolution des pratiques socioculturelles de ces populations. Au contraire, selon Manço (2000), on assiste plutôt à « l’émergence d’une synthèse identitaire originale à visée adaptative, qui articule des éléments culturels divers provenant tant du pays d’origine que du pays d’accueil ». L’intégration n’existe pas, et encore moins pour des populations primo-migrantes, déchirées entre « ici » (la société d’accueil) et « là-bas » (le pays d’origine) (Sayad, 1991). Si elle devait être étudiée, il semblerait plus opportun de ne plus se baser sur la maîtrise de la langue du pays d’accueil, la stabilité de l’emploi, ou encore la réussite scolaire – nettement plus corrélée au statut socio-économique de la famille qu’à un quelconque désir d’intégration. Il apparaît que l’intégration, si tant est qu’elle existe, estimée sur les descendants de la première génération de migrants, devrait être abordée par l’intermédiaire d’un sentiment d’appartenance à une communauté plutôt que par les preuves matérielles que l’on pourrait en fournir. La participation à un acte tel que le don du sang ne demande ni de pouvoir justifier d’une durée de séjour en France, ni de pouvoir attester de la stabilité de son emploi. Il est alors certain que l’E.F.S. A-M, en tant que structure indépendante de la population étrangère et d’origine étrangère, fournit des informations essentielles quant aux attitudes des descendants de migrants et aux possibilités qui leur sont offertes par la société d’accueil.

Perspectives

À l’avenir il faudra, dans un premier temps, vérifier que la qualité d’observatoire socio-économique de la diversité populationnelle de l’E.F.S. A-M peut être étendue à l’ensemble du territoire national. Dans un second temps, faire de l’E.F.S. un observatoire de l’exercice d’une citoyenneté active (le don de sang étant décrit comme un acte solidaire et citoyen) se révèlerait particulièrement instructif quant au vécu des populations étrangères et d’origine étrangère et à leur insertion dans la société d’accueil. Enfin, il semble que si ces caractéristiques peuvent être reconnues, nous disposerons alors d’un instrument de mesure original de l’insertion des populations d’origine étrangère. En effet, concevoir le don de sang comme un indicateur de l’insertion présente deux intérêts majeurs : d’une part, celui de se baser sur un acte ayant une valeur sociale positive, et non plus sur la simple mesure économique de la réussite des individus. D’autre part, celui de ne plus considérer les populations étrangères et d’origine étrangère comme uniquement passives et subissant une discrimination permanente, mais comme composées d’individus actifs socialement, lesquels participent à une démarche leur permettant d’acquérir une identité sociale positive.