Résumés
Résumé
Au Québec, on soumet les nouveaux immigrants à une évaluation serrée du niveau de leurs compétences linguistiques (en français ou en anglais), dans le but de sélectionner des candidats susceptibles de réussir leur établissement socio-économique. Pour des raisons sociales et politiques, on accorde une attention particulière à la connaissance du français à l’arrivée, dans le but de favoriser une meilleure participation au marché du travail. Dans cet article, les auteurs examinent l’effet à moyen et à long terme de la connaissance du français et (ou) de l’anglais sur la performance des nouveaux immigrants sur le marché de l’emploi. Pour les analyses, ils ont recours à une enquête longitudinale sur l’établissement des nouveaux immigrants (ENI), décrivant leurs parcours biographiques. L’ENI présente, sur une période de dix ans, les principaux gestes d’établissement (logement, cours, emploi, etc.) de 429 nouveaux arrivants ayant comme destination la grande région de Montréal. On constate essentiellement que la connaissance pré-migratoire du français et (ou) de l’anglais est un facteur temporaire donnant accès aux emplois qualifiés ou mieux rémunérés, mais qu’elle n’a aucune incidence sur la participation au marché du travail.
Abstract
In Québec, the French and/or English language skills of new immigrants are rigorously assessed in order to select those most likely to become socioeconomically well established. For social and political reasons, particular emphasis is placed on their knowledge of French upon arrival so as to foster their more successful labour market participation. In this article, the authors examine the effect, over the medium and long term, of knowledge of French and/or English on the job market performance of new immigrants. The authors’ analyses are based on a longitudinal survey of the settlement of new immigrants (ENI) that outlines their individual trajectories. The ENI profiles the main settlement actions (housing, education, employment, etc.) of 429 new immigrants to the Greater Montréal area over a ten-year period. The authors’ key finding is that pre-migratory knowledge of French and/or English is a temporary factor that helps immigrants to obtain skilled or better paying jobs, but does not affect their labour market participation.
Corps de l’article
Le nombre d’immigrants admis au Canada et au Québec est grandement déterminé par les politiques gouvernementales, ainsi que par le climat politique et socioéconomique des pays fournisseurs. Depuis la fin des années 1970, les politiques d’immigration canadienne et québécoise poursuivent trois objectifs : réunir les familles, offrir un havre aux réfugiés et promouvoir le développement économique par la sélection de travailleurs qualifiés. À ces trois objectifs correspondent trois catégories d’admission : familles, réfugiés et indépendants. Depuis 1967, les requérants principaux admis en tant qu’immigrants indépendants font l’objet d’une évaluation basée sur un système de points. Cette procédure vise à dégager les profils des candidatures prometteuses et polyvalentes des travailleurs immigrants aptes à intégrer rapidement le marché du travail et à permettre leur mobilité professionnelle.
Au Québec [1], les critères de sélection reposent en grande partie sur le potentiel en capital humain, comme l’instruction et la formation, les qualifications et l’expérience professionnelle, la demande de travailleurs dans un domaine d’emploi, le fait que le requérant immigrant dispose d’une offre d’emploi formelle ainsi que les caractéristiques personnelles telles que l’âge, la connaissance des langues officielles canadiennes, les séjours passés au Québec, la présence de famille proche, le nombre d’enfants à charge et l’autonomie financière. Un certain nombre de points est attribué à chacun de ces critères d’après un barème préétabli. Le suivi de l’insertion des immigrants en vertu de certains critères tirés de cette grille est une façon d’évaluer l’efficacité de celle-ci pour déceler ceux qui sont susceptibles de réussir sur le marché de l’emploi québécois.
Pendant longtemps au Québec, connaître l’anglais était synonyme de prospérité en emploi (Vaillancourt, 1988). Les nouveaux immigrants ne pouvant s’exprimer qu’en français se voyaient donc désavantagés par rapport aux anglophones et aux bilingues (Shapiro et Stelcner, 1997; Christofides et Swidinsky, 1994, 1997). Dans ces circonstances, plusieurs d’entre eux investissaient dans l’apprentissage de l’anglais. Il ne faut pas s’étonner que les milliers d’immigrants venus par vagues successives s’établir au Canada aient massivement opté pour l’apprentissage de la langue la plus répandue, l’anglais. Même au Québec, l’anglais a été la langue d’adoption de la plupart des immigrants et de leurs descendants jusqu’à ce que l’État québécois intervienne en faveur du français. Pour contrer cette vague d’anglicisation des nouveaux arrivants, le gouvernement du Québec a instauré des mécanismes de francisation tels que la loi 101 et les COFI [2]. Il s’est, de plus, doté de sa propre politique d’immigration visant à accorder une plus grande priorité aux candidats qui connaissent le français. On pourrait s’attendre, conséquemment, à ce que la connaissance du français à l’arrivée, comme critère de sélection, facilite l’intégration professionnelle des nouveaux immigrants.
Dans le cadre de cet article, une approche longitudinale a été privilégiée pour les analyses empiriques. L’aspect temporel de l’insertion en emploi est au centre des analyses dans ce type d’étude. Il ne suffit pas, en effet, de s’intéresser à l’état final ou à des moments du processus; il faut en suivre l’évolution et porter attention aux changements de situation d’emploi tout au long de l’établissement pour éclairer les cheminements d’emploi et les processus.
Cet article est organisé en six parties. Après un survol de la littérature sur la connaissance des langues et l’insertion en emploi des immigrants au Québec, nous présentons les données de l’enquête. Une troisième partie explique l’approche méthodologique (modèles à effets aléatoires) ayant servi aux analyses statistiques. Suit une description des variables intégrées aux modèles statistiques. Les deux dernières parties portent sur la participation au marché du travail et sur la mobilité salariale et professionnelle des nouveaux immigrants. Cette entreprise permettra d’établir si la connaissance pré-migratoire du français et (ou) de l’anglais a une incidence sur l’intégration professionnelle au fil de l’établissement socioéconomique des nouveaux arrivants.
La littérature
Le Canada a deux langues officielles (l’anglais et le français). Pour sa part, le Québec a adopté des lois visant à protéger le français; les nouveaux arrivants qui s’y établissent sont donc soumis à un double modèle d’intégration. D’une part, le gouvernement fédéral favorise le bilinguisme, d’autre part, le gouvernement québécois préconise une langue commune et l’intégration à une société de langue française. La connaissance de l’anglais a souvent été associée à la prospérité économique. En effet, le marché du travail anglophone à Montréal a longtemps été associé à des revenus supérieurs. Il n’est donc pas étonnant que bon nombre d’immigrants aient été tentés de faire l’économie de l’apprentissage du français au profit de l’anglais.
Au Québec, les travaux de Vaillancourt (1988), Chiswick et Miller (1992), Shapiro et Stelcner (1997) et Grenier (1987), par exemple, ont tenté d’estimer la valeur économique de différents niveaux de qualification dans les langues officielles en utilisant un éventail de périodes de temps, de bases de données et de mesures de la maîtrise des langues. Un foisonnement d’études centrées sur cette question ont démontré qu’au Québec la connaissance du français était surtout reliée à des revenus inférieurs, bien que l’effet négatif semble s’être atténué depuis les années 1970 (Christofides et Swidinsky, 1998). La connaissance du français à l’arrivée aurait toutefois une incidence sur la stabilité en emploi au Québec. En effet, d’après Lebeau et Renaud (2003), la connaissance de la langue française réduirait la durée du premier et du second emploi mais prolongerait le troisième épisode d’emploi. Ainsi, de façon générale, connaître le français avant la migration favorise la mobilité en emploi pour les nouveaux immigrants. En contrôlant les séquences homogènes de la langue de travail, Lebeau et Renaud (2003) montrent que le fait d’avoir connu une suite de trois emplois en langue française favorise la création d’un réseau social francophone, ce qui contribuerait à la stabilité en emploi.
Par contre, très peu d’études québécoises ont abordé l’impact de la connaissance des langues officielles sur d’autres types d’avantages économiques, comme le statut socio-économique des emplois obtenus ou la participation au marché du travail. Ce sont ces aspects que nous souhaitons examiner ici. Le salaire horaire fait aussi partie des dimensions étudiées à propos de l’emploi. La recherche sur la mobilité salariale et d’emploi s’inscrit en effet dans le cadre des études théoriques et empiriques sur l’évolution salariale et professionnelle. En économie, de nombreux travaux portent sur les bénéfices que rapportent l’investissement dans la scolarisation (capital humain), l’expérience ou l’ancienneté au niveau de l’avancement professionnel, ou sur l’impact de l’insertion initiale sur la suite de la carrière (citons Boulet et Raynauld, 1977; Chiswick et Miller, 1988; Grenier, 1987, 2001; Vaillancourt, 1988) [3]. Nous exploiterons ici le caractère longitudinal de nos données pour vérifier si la connaissance pré-migratoire du français et (ou) de l’anglais améliore ou non la situation d’emploi des nouveaux immigrants.
La base de données et ses particularités
Pour les analyses empiriques, nous avons eu recours à l’ENI [4], enquête longitudinale sur l’établissement socioéconomique des nouveaux arrivants ayant pour destination la grande région de Montréal. Les nouveaux arrivants étaient munis d’un visa d’immigration (aucun ne revendiquait le statut de réfugié). Des entrevues en face à face ont été réalisées à la fin de chacune de leurs trois premières années de vie au Québec, et une quatrième vague d’observation a eu lieu dix ans après leur arrivée. En 1990, environ un an après leur arrivée au Québec, 1000 immigrants âgés de plus de 18 ans ont pris part à une première vague d’entrevues. L’année suivante, 729 d’entre eux ont été rejoints pour une deuxième entrevue. En 1992, lors d’une troisième rencontre, 508 des répondants initiaux ont participé à l’enquête [5]. La dernière vague de l’enquête, couvrant la période de la deuxième à la dixième année d’établissement, a permis de retracer 429 [6] des 1000 individus qui avaient accepté d’être interrogés au temps 1. Puisque nous nous intéressons aux processus d’insertion en emploi à long terme des nouveaux arrivants, les analyses portent exclusivement sur les 429 répondants suivis au cours des dix années [7].
La méthodologie : deux modèles dynamiques à choix discret
La plupart des études sur l’insertion en emploi ont porté sur le court terme et les études sur le long terme ont généralement exploité des données transversales (les recensements). Or, les enquêtes transversales ne permettent pas de situer les événements dans le temps. Par contre, les enquêtes longitudinales donnent lieu à l’étude du chronogramme des événements et donc des processus, permettant non seulement de suivre les événements d’une année, mais aussi de les situer dans le temps.
Parmi les nombreuses méthodes longitudinales existantes, les modèles dynamiques à choix discret [8] sont les mieux adaptés à l’étude de l’intégration professionnelle à long terme. Ces types de modèle permettent d’intégrer l’ensemble des cheminements d’emploi pour chacun des répondants, tout en tenant compte de l’hétérogénéité non observée des individus. Pour nos estimations, nous avons retenu les modèles de régression logistique à effets aléatoires et le modèle Tobit à effets aléatoires. Dans ces modèles, un individu peut se trouver, à chaque instant, dans un des états qui caractérisent sa situation, par exemple être en emploi ou non.
La régression logistique s’apparente à la régression linéaire, mais ne suppose pas de linéarité entre les variables indépendantes et la variable dépendante et n’exige pas que les variables soient normalement distribuées. Elle permet de calculer des changements de la probabilité du logarithme naturel de la variable dépendante, et non pas des variations d’une variable dépendante, à la différence de la régression linéaire. Dans une enquête longitudinale où les répondants sont observés à répétition, les observations compilées pour un même individu ne sont pas tout à fait indépendantes les unes des autres puisqu’on trouve de la corrélation entre les données. L’usage des données longitudinales soulève des problèmes statistiques importants dus à la non-indépendance des observations répétées sur le même sujet. L’ajout d’un terme stochastique permet de contrôler l’effet individuel. C’est ce qu’on appelle, dans ce cas-ci, la régression logistique à effets aléatoires. Le même principe peut s’appliquer au modèle Tobit.
Le modèle Tobit se réfère aux modèles à variable dépendante limitée pour lesquels la variable dépendante est continue mais observable seulement sur un intervalle spécifique. Autrement dit, le domaine de la variable dépendante est contraint à un espace limité par les observations possibles. Les modèles à variable dépendante limitée découlent des modèles à variables qualitatives, qu’on utilise lorsqu’on veut évaluer la probabilité que la variable dépendante appartienne à l’intervalle pour lequel elle est observable (par exemple, étudier le salaire horaire implique l’absence de valeurs négatives). De plus, les valeurs censurées d’une variable dépendante ne sont pas retirées à un seuil déclaré pour un intervalle, ce qui permet de conserver les informations sur les variables explicatives. L’ajout d’un terme aléatoire permet aussi de contrôler l’effet individuel. Ce type de modèle se nomme Tobit à effets aléatoires et a permis l’étude de l’évolution du salaire horaire et du statut socio-économique des emplois au fil de l’insertion en emploi des nouveaux arrivants.
Inclure l’ensemble des cheminements d’emploi implique que chaque unité de la période observée (120 mois) corresponde à une unité d’observation pour chacun des répondants, ce qui totalise 51 480 observations. Dans le cas du modèle Tobit à effets aléatoires, les épisodes de non-emploi d’un répondant sans emploi sont censurés sans qu’il soit nécessaire de retirer les informations sur le répondant. En tout, 30 715 observations n’ont pas été censurées. Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide de la sous-routine GLLAMM [9] de STATA. L’estimation par quadrature adaptive a été privilégiée pour son efficacité et sa robustesse.
L’étude de l’intégration professionnelle sur le long terme ne doit pas négliger la dimension du court et du moyen terme. C’est pourquoi, dans le cadre de cette analyse longitudinale d’une cohorte de nouveaux immigrants, nous désirons vérifier si l’effet d’un facteur varie dans le temps [10]. Tout laisse supposer que c’est le cas. Afin de vérifier cette hypothèse, nous avons divisé la période totale d’observation en deux ou trois segments [11] pour tester si les facteurs conservent leur effet tout au long des dix années d’observation. Ce découpage temporel [12] repose sur des études antérieures qui ont montré que les premières années d’établissement sont généralement marquées par une période d’adaptation et de reconstruction des réseaux sociaux et familiaux. Au début, les nouveaux arrivants se familiarisent avec les démarches formelles et informelles du milieu du travail et des entreprises tout en essayant d’accumuler des expériences de travail, puis, durant les années subséquentes, ils tentent de trouver un travail qui coïncide avec leurs ambitions socioprofessionnelles pré-migratoires.
Les variables dépendantes et indépendantes des deux approches explicatives
En tout, trois variables dépendantes ont servi pour les analyses statistiques. La première, construite pour le modèle Logit à effets aléatoires, représente la présence ou non-présence en emploi de chacun des individus i à chaque unité de temps t. Cette variable permet de décrire le profil d’emploi de chacun des répondants pour les dix années de l’ENI. La variable dépendante prend la valeur de 0 pour chaque unité de temps où le répondant ne connaît pas l’événement (période de non-emploi), et la valeur de 1 pour chaque unité de temps où le répondant connaît l’événement (occupe un emploi). La variable dépendante décrivant la situation d’un répondant qui a occupé quatre emplois à diverses périodes peut être représentée sur le continuum du temps comme à la figure 1.
La progression salariale ou du statut socio-économique [13] est le signe d’une évolution de l’insertion. L’analyse des trajectoires individuelles sur le marché du travail renseigne non seulement sur les processus et les parcours d’insertion, mais aussi sur la progression salariale et l’avancement professionnel. C’est l’approche privilégiée pour discerner les disparités salariales et la mobilité professionnelle au fil de l’établissement [14]. Pour la construction des variables dépendantes du modèle Tobit à effets aléatoires, nous avons retenu le logarithme du salaire horaire moyen [15] sur une base mensuelle et le statut socio-économique maximum des emplois [16] occupés au cours d’un mois. Les valeurs du salaire et du statut socio-économique pour ces épisodes sont censurées [17] pour les répondants ayant connu au moins un épisode sans emploi.
Pour étudier adéquatement l’évolution salariale des répondants et ne pas attribuer les augmentations salariales à la hausse du coût de la vie, nous avons corrigé les salaires à l’aide de l’indice des prix à la consommation (voir l’encadré). La normalisation des salaires s’est faite à partir de l’indice correspondant à la date d’observation la plus éloignée. Étant donné que l’ENI s’échelonne sur 120 mois (10 ans), cette mesure corrigée du salaire moyen devrait mieux cerner la progression des revenus, s’il y a lieu, avec un point de référence équivalent pour chacun des participants de l’étude. Nous avons utilisé le logarithme du salaire horaire pour éviter d’attribuer un trop grand poids aux salaires situés aux bornes supérieures.
Les figures 2 et 3 présentent respectivement l’évolution du statut socio-économique moyen et du salaire horaire moyen mensuel normalisé. On remarque que le statut socio-économique moyen des emplois occupés par les nouveaux immigrants fluctue durant les quatre premières années d’établissement, en raison sans doute d’une grande mobilité d’emploi au début de l’établissement, et connaît une croissance relativement continue durant les années qui suivent (figure 2). Le salaire horaire moyen standardisé (figure 3) augmente fortement pendant les deux premières années, passant de 8,90 à 12,85 dollars. La progression salariale est constante, mais se fait moins rapide après les deux premières années. On atteint 16,70 dollars de l’heure après dix années de séjour au Québec.
Pour ce qui est des variables indépendantes, les modèles longitudinaux à effets aléatoires permettent non seulement d’inclure des variables fixes comme les caractéristiques démographiques des répondants, mais admettent aussi des variables variant dans le temps, comme l’évolution des conjonctures économiques, le cheminement scolaire, l’obtention de la citoyenneté canadienne, etc. Deux types de variables indépendantes sont intégrées dans les analyses : des variables statiques et des variables dynamiques. Les variables statiques sont celles qui ne connaissent pas de changement au fil des ans, comme le sexe, la région de provenance et la catégorie de sélection des personnes immigrantes. S’ajoutent le nombre d’années d’études à l’arrivée et la connaissance pré-migratoire des langues d’usage québécoises (français ou anglais) [18]. Ces dernières sont considérées comme fixes, même si elles risquent fortement de changer avec le temps [19].
Les variables dynamiques se divisent en deux grands groupes : les facteurs économiques [20] et les facteurs professionnels et situationnels. L’entrée en jeu des événements constitue des variables que l’on dit fonction du temps, parce qu’elles interviennent en cours d’observation, ce qui les distingue des caractéristiques permanentes des répondants, supposées invariantes. Reconstruites à chacune des unités de temps, elles prennent la valeur de 0 pour chaque unité de temps où le répondant n’a pas connu l’événement, et la valeur de 1 pour chaque unité de temps où le répondant a connu l’événement.
Nous avons introduit ces variables dans les modèles d’estimation dans le but de contrôler, ceteris paribus, des événements externes ou propres à l’établissement socioéconomique des nouveaux immigrants. Au total, cinq variables dynamiques à caractère individuel ont été intégrées aux estimations : la présence en emploi du conjoint, le parcours d’études à temps plein, la diplomation, l’obtention de la citoyenneté canadienne et les congés de maternité.
La participation au marché du travail à travers le temps
Nous commençons notre analyse par l’estimation de la probabilité d’être en emploi à chaque mois sur une période de 10 ans. Cette analyse est conduite, nous l’avons mentionné, à l’aide d’un modèle logistique à effets aléatoires. Rappelons que, pour déterminer si l’effet d’un facteur persiste à travers le temps, nous avons intégré aux analyses un découpage temporel mettant en valeur la situation en emploi à diverses périodes de l’établissement. Ce découpage temporel différencie la première année d’établissement de la deuxième année et de la troisième, ainsi que des années subséquentes (de la quatrième à la dixième).
Au plan linguistique, nous cherchons à savoir si la connaissance du français ou de l’anglais à l’arrivée a une incidence sur le fait d’être en emploi ou non à travers le temps. En fait, la connaissance pré-migratoire du français constituerait un facteur explicatif de la participation au marché du travail pour la première année d’établissement si les caractéristiques des répondants sont prises en considération (tableau 1, modèle 1). En effet, pour cet épisode d’établissement, les répondants connaissant le français à leur arrivée ont plus de chances (β = 0,33) d’être en emploi que ceux qui ne le connaissent pas. Dans leur cas, on peut parler d’une période d’adaptation qui, a priori, semble s’étendre sur une période d’un an. Or, après avoir contrôlé un ensemble de facteurs (tableau 1, modèle 3), on constate que la connaissance du français ou de l’anglais à l’arrivée n’est pas un déterminant ayant une incidence sur la présence en emploi des nouveaux arrivants tout au long de leur établissement. En d’autres termes, nos résultats montrent que la connaissance pré-migratoire des langues d’usage du Québec n’a pas d’incidence sur la participation au marché du travail au fil des ans.
La mobilité professionnelle et salariale à travers le temps chez les nouveaux immigrants
L’intérêt qu’éprouve un individu pour son emploi repose non seulement sur les revenus qu’il en tire mais également sur les avantages non pécuniaires qui y sont associés (l’autonomie, les avantages sociaux, le prestige etc.). C’est pourquoi nous nous intéressons à l’avancement professionnel, à travers le statut socio-économique des emplois occupés par les nouveaux immigrants durant leur établissement. Nous présentons d’abord les résultats relatifs à l’évolution du statut socio-économique des emplois puis ceux qui concernent la progression salariale.
La diversité du capital humain et des parcours d’emploi des nouveaux arrivants donne à penser que les mieux nantis connaîtront une progression professionnelle plus rapide, se démarquant à court et à moyen terme de ceux qui sont moins instruits, ont moins d’expériences professionnelles ou ne connaissent aucune des langues d’usage du Québec. La prise en compte de l’évolution salariale et du statut socio-économique de l’emploi permet d’évaluer la progression sur le marché de l’emploi tout en révélant les inégalités économiques qui peuvent se construire au gré de l’établissement. On peut penser notamment que le salaire horaire progressera avec le temps, avec les expériences de travail en sol québécois et avec l’ancienneté en emploi. Si ce n’est pas le cas, les perspectives d’emploi des répondants seraient limitées. Sans possibilité de gain salarial, le nouvel immigrant peut se trouver dans une situation précaire ou être voué aux petits emplois.
La distinction entre court et moyen terme demeure pertinente dans l’étude de l’évolution du statut socio-économique. Cependant, le statut des emplois occupés fluctue passablement durant les trois premières années pour l’ensemble des répondants, de sorte qu’il a paru hasardeux [21] d’utiliser les mêmes plages temporelles que précédemment. Nous avons donc distingué entre les trois premières années de séjour au Québec et le reste de l’établissement.
Les résultats montrent que la connaissance de l’anglais à l’arrivée n’a pas d’incidence sur la mobilité professionnelle des nouveaux immigrants (tableau 2). Seule la connaissance pré-migratoire du français apparaît comme un facteur explicatif pour les trois premières années d’établissement et on observe cet effet (β = 0,22) même après avoir contrôlé un ensemble de facteurs (tableau 2, modèle 3). Par la suite, l’effet disparaît. La connaissance pré-migratoire du français est donc un facteur explicatif éphémère qui donne temporairement accès à de meilleurs emplois. On peut penser que ceux qui connaissent l’anglais à leur arrivée, insérés rapidement dans un bon emploi, ne voient pas la recherche d’un meilleur emploi comme une priorité. Par conséquent, leur mobilité professionnelle tend à stagner comparativement à ceux qui connaissent le français à leur arrivée [22].
Afin de mesurer la progression salariale des nouveaux immigrants sur le marché du travail, nous avons mobilisé les variables présentées précédemment. Une variable supplémentaire décrivant le statut socio-économique des emplois occupés a été ajoutée puisque le changement de statut socio-économique d’un emploi peut rendre compte d’une partie de la rémunération [23]. Le statut socio-économique d’un emploi reflète à la fois la qualification et les ressources financières liées à une fonction ou à un poste. La relation entre le statut socio-économique et le revenu n’est plus à démontrer. L’analyse de la mobilité salariale des nouveaux arrivants s’est donc faite en vertu de l’hypothèse qu’à un statut socio-économique d’emploi correspond un salaire donné. Les résultats sont présentés au tableau 3.
Les répondants connaissant l’anglais à leur arrivée bénéficient d’un atout qui se reflète significativement par une meilleure rémunération comparativement à ceux qui ne maîtrisent pas cette langue. Cet avantage est toutefois éphémère puisque l’effet constaté au début de l’établissement disparaît après trois ans (tableau 3, modèles 1 à 3). La connaissance pré-migratroire du français n’a aucune incidence sur la progression salariale. À Montréal, le marché du travail anglophone, qu’on associe souvent au milieu des affaires, a longtemps été réputé pour allouer de meilleurs revenus. Le nombre d’emplois disponibles y étant limité comparativement au marché d’emploi francophone, il est possible que seuls les locuteurs de langue anglaise ou les bilingues aient un accès privilégié à ce marché qui offre une meilleure rémunération. Pourtant, le « contrôle de l’économie du Québec par les francophones s’est accru de façon continue de 1961 à 2003. Mesuré en nombre d’emplois, il est passé d’un peu moins de la moitié à un peu plus des deux tiers de l’économie au cours de cette période » (Vaillancourt, 2005 : 43) Bien que les francophones contrôlent majoritairement l’ensemble de l’économie québécoise, il se peut que la connaissance du français n’ait pas une valeur marchande propre. On peut aussi penser que les nouveaux arrivants bilingues touchent une prime salariale pour leur bilinguisme, ce qui leur donne un avantage salarial par rapport à ceux qui maîtrisent seulement une des deux langues d’usage du Québec. Enfin, rappelons que l’avantage salarial conféré par la connaissance de l’anglais à l’arrivée est passager, de sorte qu’on peut penser que ceux qui ont investi dans l’apprentissage du français ou qui maîtrisaient le français à leur arrivée ont connu une augmentation salariale réduisant l’écart salarial observé au début de l’établissement.
Conclusion
Dans les pays qui accueillent des immigrants, la langue quotidiennement parlée par la population est généralement apprise et parlée par les nouveaux arrivants. Il est d’ailleurs dans l’intérêt de ces derniers de maîtriser le plus rapidement possible la langue du pays hôte, particulièrement pour les travailleurs dont la venue est motivée par l’espoir d’améliorer leurs conditions de vie économique et sociale. À Montréal, où s’établit la grande majorité des nouveaux immigrants, c’est la communauté anglophone qui a longtemps dominé le marché du travail. Connaître l’anglais a longtemps été synonyme de prospérité en emploi. Le travailleur ne s’exprimant qu’en français se voyait désavantagé comparativement aux anglophones et aux bilingues. Les mécanismes de francisation mis en place, telle la loi 101, visaient à valoriser le français pour les nouveaux immigrants, tant sur le marché du travail que dans la vie quotidienne. À ce titre, on peut dire que les temps ont changé. Nos résultats seraient révélateurs d’un net infléchissement par rapport à la situation antérieure où la connaissance de l’anglais offrait de meilleures chances d’accès au marché du travail. En fait, la connaissance pré-migratoire du français ou de l’anglais n’a aucune incidence sur la présence en emploi des nouveaux arrivants. Cela ne veut pas dire que les emplois occupés ne sont pas avantageux du point de vue salarial et professionnel si l’individu maîtrise le français ou l’anglais.
La participation au marché du travail ne serait pas directement reliée à la connaissance pré-migratoire du français ou de l’anglais. Celle-ci contribue plutôt à améliorer la situation professionnelle ou salariale de l’emploi. En effet, les analyses montrent que la connaissance du français à l’arrivée donne accès à de meilleurs emplois tandis que la connaissance pré-migratoire de l’anglais améliore la situation salariale. Cependant, l’effet de ces facteurs est éphémère puisqu’il disparaît après les trois premières années d’établissement. Connaître le français et (ou) l’anglais à l’arrivée se traduit donc temporairement par de meilleurs emplois ou revenus. On peut attribuer cette disparition aux nouveaux arrivants ayant investi dans l’apprentissage du français et (ou) de l’anglais, qui ont fini par rattraper ceux ou celles qui maîtrisaient à leur arrivée l’une ou l’autre de ces langues.
À la lumière de ces résultats, on peut se demander si la sélection par le biais de la connaissance des langues d’usage est justifiée ou non. Cette sélection vise d’abord et avant tout à protéger la langue française, qui constitue un des traits spécifiques de la société québécoise. En revanche, la « prise en charge » n’est pas la même pour les nouveaux immigrants qui ne connaissent pas le français que pour les francophones. En effet, on leur recommande de suivre un cours de langue dans les carrefours d’intégration (auparavant appelés centres d’orientation et de formation des immigrants ou COFI). Or, les répondants ayant complété un cours COFI durant leur première année d’établissement ont plus de chances d’occuper un emploi durant cette même période (tableau 1). L’impact de la diplomation locale pour ce cours disparaît cependant après la seconde année d’établissement. Cela peut s’expliquer par le fait que ces cours contribuent à l’apprentissage du français tout en accélérant le processus de socialisation des nouveaux arrivants avec la société québécoise. Mais une fois ces derniers initiés à la culture et aux généralités des modes de vie de la société québécoise, l’effet de ces cours s’estompe. L’initiation à la culture québécoise par l’entremise des cours COFI a un effet à court terme sur les chances d’occuper un emploi, mais n’a pas d’incidence significative directe à long terme étant donné que l’accès au travail repose davantage sur les initiatives et les démarches que sur l’acculturation.
Cependant, le fait d’avoir terminé un cours COFI améliore le statut socio-économique des emplois durant les trois premières années de séjour au Québec; il donne également accès à des emplois mieux rémunérés tout au long de la période observée. Ainsi, la connaissance du français à l’arrivée tout comme l’obtention d’un diplôme COFI favorise la mobilité professionnelle au cours des trois premières années d’établissement. En revanche, la connaissance de l’anglais à l’arrivée accroît la mobilité salariale durant les trois premières années passées au Québec alors qu’un cours COFI réussi contribue à la mobilité salariale tout au long de la période observée. Somme toute, ce ne serait pas la connaissance à l’arrivée du français et (ou) de l’anglais qui faciliterait la participation à l’emploi, mais plutôt l’initiation à la culture québécoise, effet que reflètent, peut-on penser, les cours COFI. La clé du succès d’une intégration professionnelle résiderait davantage dans l’apprentissage des rouages de la culture québécoise (us et coutumes, modes de vie de la population québécoise, façons de faire pour s’intégrer au marché du travail, etc.). Cela serait d’autant plus vrai pour ceux et celles qui ne maîtrisent aucune des deux langues d’usage au Québec.
Parties annexes
Notes
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[1]
Suite à l’entente Cullen-Couture, conclue en 1978, le Québec s’est vu octroyer le droit de définir ses propres critères de sélection des immigrants désireux de s’établir sur son sol, de sorte que ceux-ci doivent satisfaire aux critères canadiens et aux critères québécois.
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[2]
La loi 101 réserve l’accès à l’école anglaise aux enfants dont l’un des deux parents a reçu l’enseignement primaire en anglais. Conséquemment, elle oriente les enfants d’immigrants vers l’école française. Les COFI (centres d’orientation et de formation des immigrants) sont devenus les « carrefours d’intégration ».
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[3]
Spécifions que l’objectif ici n’est pas de tester les modèles théoriques du marché du travail proposés par des économistes (comme le modèle dualiste ou la théorie du salaire d’efficience de Shapiro et Stiglitz, 1984), ni de contribuer aux études de mobilité professionnelle classiques des sociologues (Blau et Duncan, 1967), mais bien de donner un aperçu de la progression salariale et professionnelle au cours de l’établissement socio-économique des nouveaux arrivants.
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[4]
L’ENI — enquête sur l’Établissement des nouveaux immigrants — est une enquête longitudinale financée par le MRCI et menée par l’équipe entourant Jean Renaud, directeur du Centre d’études ethniques des universités de Montréal (CEETUM) et professeur au Département de sociologie de l’Université de Montréal. Voir Renaud et al. (2001).
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[5]
Pour les trois premières vagues d’entrevues, l’enquête comporte une série de questionnaires détaillant, à la semaine près, la dynamique des principaux gestes d’établissement (logement, emploi, cours suivis, demande de citoyenneté, etc.), tandis que la cueillette des informations de la dernière tranche de l’enquête a comme unité de mesure le mois. Pour des raisons méthodologiques, les datations des événements ont été transformées en mois afin d’uniformiser l’unité de mesure temporelle. Ainsi, ne sera pas considéré avoir été présent en emploi au cours d’un mois un répondant ayant occupé un emploi durant moins d’une semaine pendant cette unité de temps. Certains spécialistes laissent sous-entendre qu’il serait possible d’inclure deux unités de mesure différentes du temps dans des modèles statistiques longitudinaux, mais aucun d’entre eux n’a jusqu’à présent démontré les répercussions de ce choix sur les estimateurs. Puisque le débat demeure ouvert, et que l’objectif premier de cette recherche n’est pas de faire une démonstration, nous avons préféré uniformiser l’unité de mesure au mois.
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[6]
Plusieurs répondants n’ayant pas pris part à la seconde ou à la troisième vague d’enquête ont été retracés à la dernière vague d’observation. Dans leur cas, l’information non recueillie pour les périodes manquantes a été récoltée à la quatrième tranche de l’enquête, de sorte que l’échantillon des 429 répondants ne se trouve pas à être le résultat d’une déperdition échantillonale.
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[7]
Des analyses bivariées sur huit variables sociodémographiques (dont la connaissance des langues à l’arrivée et la langue maternelle) ont montré qu’il n’existait aucune différence significative entre les échantillons des premières et dernières vagues d’enquête (voir Renaud et al., 2001). Dans ce rapport, on trouve des informations sur le déroulement de la collecte des données de la quatrième vague d’enquête (refus, décès, personne à l’extérieur du pays, retour au pays, rendez-vous non respecté, questionnaire incomplet, incapacité, adresse non valide, etc.) Précisons que le taux de réponse était de 75,1 %. Toutefois, des analyses supplémentaires par arbre d’arborescence ont montré la présence possible d’un biais par rapport à la connaissance des langues à l’arrivée. En effet, parmi soixante-deux candidats interrogés à la première vague d’enquête n’ayant pas fourni l’information sur leur connaissance des langues à leur arrivée, un seul est présent dans l’échantillon de la dernière vague d’observation. Comme l’information est manquante, il est difficile d’apporter une explication éclairante sur ce biais probable.
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[8]
Pour obtenir plus d’information à propos de ces modèles, voir Laplante et Hébert (2001) ou Stiratelli, Laird et Ware (1984).
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[9]
Generalized Linear Latent and Mixed Models. Voir Rabe-Hesketh, Skrondal et Pickles (2002) pour plus d’informations.
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[10]
L’effet d’un facteur peut varier à travers le temps, comme le soulignent Blossfeld et Mills (2001). Il peut décroître continuellement au fil du temps jusqu’à finir par disparaître après un certain temps ou, à l’inverse, connaître une croissance continue.
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[11]
Ce découpage est arbitraire, en ce sens qu’il identifie des périodes d’établissement où certains facteurs peuvent avoir un effet significatif ou non, mais n’indique en aucun cas la période de transition où l’effet du facteur devient significatif. Cela veut dire que l’effet d’un facteur n’est pas nécessairement immédiat à compter des périodes d’établissement identifiées.
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[12]
Le découpage temporel différencie la première année d’établissement des années subséquentes.
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[13]
Le statut socio-économique mesure, à l’aide de l’indice de Blishen (Blishen, Carroll et Moore, 1987), la position sociale relative d’un emploi. Cet indicateur est construit avec des variables comme le niveau d’instruction, la profession, le revenu et le prestige rattaché à la professions. Il s’agit d’une généralisation d’environ 600 professions canadiennes auxquelles on attribue un score. La version la plus récente par rapport au début de l’enquête a servi à nos analyses.
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[14]
Les études antérieures basées sur les recensements canadiens comparent les revenus de personnes immigrantes dont la durée de séjour au Canada peut varier. De plus, la composition échantillonale risque de ne pas être la même d’un recensement à l’autre. La variation des revenus peut aussi être due à la durée du travail : un individu ayant connu des périodes de chômage risque d’avoir un revenu moins élevé au cours de l’année recensée. Nous avons l’avantage de suivre l’itinéraire de tous les emplois occupés pour une cohorte de répondants dont la durée de séjour est la même.
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[15]
Le salaire horaire moyen mensuel a été utilisé lorsque les répondants ont cumulé plusieurs emplois au cours d’un même mois.
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[16]
Le cumul d’emplois, surtout au début de l’établissement, n’est pas rare. Dans ces cas, le statut socio-économique le plus élevé a été retenu.
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[17]
Les valeurs censurées d’une variable dépendante ne sont pas retirées à un certain seuil donné d’un intervalle, ce qui permet de conserver les informations sur les variables explicatives. Par exemple, lorsqu’on analyse l’évolution des revenus, on n’observe les revenus que si l’individu a occupé un emploi contre rémunération au cours de la période étudiée. La particularité de cette variable est qu’elle risque d’avoir une fréquence élevée de 0 si l’on trouve une forte proportion d’individus n’ayant jamais occupé d’emploi ou ayant connu des périodes de non-emploi. Le modèle Tobit permet de censurer cette valeur sans avoir à exclure ces observations.
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[18]
Deux variables dichotomiques sont incorporées dans les analyses empiriques : connaissance pré-migratoire du français ou non, et connaissance pré-migratoire de l’anglais ou non. L’intérêt d’introduire ces variables est de mesurer directement l’effet qu’exerce le fait de connaître ou non le français ou l’anglais sur l’intégration professionnelle plutôt que de définir des profils linguistiques du type « connaît le français », « connaît l’anglais », « est bilingue » et « ne maîtrise aucune des deux langues ».
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[19]
Sous des hypothèses restrictives, il aurait été envisageable de construire une variable dynamique de la connaissance des langues à l’aide des cours terminés de COFI ou à partir des indicateurs de l’auto-évaluation de leurs compétences linguistiques par les répondants à chacune des vagues de l’enquête. La première possibilité comportait un risque de colinéarité avec la variable dynamique des parcours scolaires post-migratoires; la seconde n’allait pas sans ambiguïté, car les immigrants devenaient de plus en plus critiques quant à leur niveau de compétence linguistique au fil des ans.
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[20]
Les cheminements d’emploi des nouveaux arrivants sont ainsi placés dans le contexte économique de Montréal, où se déroule le processus d’intégration professionnelle. Pour plus d’information sur la modélisation des facteurs économiques, voir Godin et Renaud, 2006.
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[21]
Diverses tentatives de découpage se sont révélées infructueuses, c’est-à-dire que les estimations n’ont tout simplement pas convergé.
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[22]
Des analyses à partir de tables de survie montrent que le délai médian d’accès à un premier emploi est moindre pour les répondants connaissant l’anglais que pour les répondants connaissant le français (6 semaines comparativement à 10), et que la sortie du premier emploi est plus tardive pour ceux qui connaissent l’anglais (86 semaines comparativement à 35).
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[23]
Certains auteurs, en particulier Blau et Duncan (1967), soutiennent que les statuts prescrits, comme le genre et la classe sociale, deviennent moins décisifs pour expliquer les positions socioéconomiques, alors que les statuts acquis, notamment la formation scolaire ou le statut socio-économique d’un emploi, constituent des éléments déterminants.
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