Voici un petit ouvrage rédigé, comme à l’accoutumée, en langage clair et précis et destiné à toutes les personnes que préoccupe l’avenir de la population québécoise. Il touchera en particulier — espérons-le — les décideurs des divers niveaux de notre État. Que faire face au bilan démographique des trente dernières années, qui est plus qu’inquiétant, même si l’auteur prend (trop ?) soin de ne pas dramatiser ses conséquences, de peur de n’être pas écouté ? Dire « que faire ? », c’est poser la question d’une politique de population faite d’un ensemble de mesures cohérentes à prendre par l’État pour corriger les aspects indésirables de l’évolution démographique ou, au moins, y adapter l’organisation sociale s’ils ne peuvent être corrigés. Le premier chapitre énumère les aspects indésirables de l’évolution démographique : le recul progressif du surplus des naissances sur les décès et son remplacement inévitable par un surplus de décès qui pourra atteindre 40 000 en 2051 ; la perte de poids relatif de la population du Québec au sein du Canada ; le vieillissement rapide de cette population entre 1961 et 2051 : le groupe de 0 à 19 ans passera de 44,3 à 17,0 %, et celui de 65 ans et plus de 5,8 à 30,0 %. À l’origine de cette évolution se trouve l’écroulement de la fécondité, qui baisse de moitié entre les générations nées en 1930 et en 1955, créant, avec1,6 enfant par femme, un déficit de 25 % dans le remplacement des générations qui ne serait comblé que si la moitié des couples avaient un enfant de plus. La faible fécondité va de pair avec la fragilisation de la famille et du lien conjugal, qui « bouscule » les enfants. Le vieillissement de la population ne sera pas loin de faire doubler le fardeau des dépenses publiques de santé et de pensions pour chaque contribuable si les règles du jeu restent inchangées. Il aggravera la solitude des personnes âgées. Le chapitre 2 traite du rôle des migrations comme alternative un peu bancale au redressement de la natalité. L’effet de rajeunissement est faible. Quant à l’effet de suppléance, Henripin examine trois méthodes de calcul du nombre d’immigrants nécessaire à la stabilisation de la population à 7,5 millions. Sans entrer dans le détail de calculs dans lesquels certains lecteurs se perdront, disons que, puisqu’une fécondité de 1,6 enfant par femme réduirait la population à 6,8 millions en 2051 et à 5 millions en 2080, il faudrait, compte tenu d’environ 40 0000 émigrants par an, boucher un trou de 2,5 millions en 2080, soit en moyenne 52 000 immigrants par an, dont 25 000 à 40 000 proviendraient de pays non occidentaux. « Rien de cela n’est impossible, mais il en découlerait une transformation sensible de la texture ethnique de la population du Québec » (p. 48). Le chapitre 3 est consacré à une politique de redressement de la natalité, qui n’a rien d’infamant dans une société dont la fécondité ne remplace que 75 % de ses générations et qui, ajouterai-je, laisse aux immigrants le soin de l’empêcher de disparaître à terme (la mathématique ne s’embarrassant pas d’idéologies). Henripin justifie une telle politique par le rétablissement de la justice entre les adultes « éleveurs » d’enfants et les autres, et par l’utilité (je dirais l’impérieuse nécessité) d’assurer à terme assez de travailleurs et de contribuables pour prendre en charge des personnes âgées en nombre deux fois supérieur. L’auteur dresse une liste de huit facteurs responsables de la fécondité anémique du Québec et qui sont « assez nombreux pour qu’on cesse de penser que la fécondité peut être redressée moyennant …
HENRIPIN, Jacques. Pour une politique de population. Montréal, Les Éditions Varia, 2004, 121 p.[Notice]
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André Lux
Professeur émérite
Université Laval