Résumés
Résumé
Le Schtroumpf civil est la première traduction intégrale des Codes civils français et québécois en langue schtroumpf. Si cette démarche, clin d’œil burlesque à la centralité historique du Code civil dans la sphère francophone, est sa propre fin, cet article revient sur la réflexion théorique sur les régularités de la langue du droit qu’a exigée cette traduction. Plus que sur la langue schtroumpf originelle inventée par Peyo, elle s’appuie sur sa réinterprétation systématique par Umberto Eco, qui s’est penché à plusieurs reprises au cours de sa carrière sur une langue dont l’ambiguïté permanente devrait obérer toute compréhension, mais qui reste parfaitement intelligible pour les lecteurs. C’est, raison de l’intérêt du linguiste, que la langue schtroumpf illustre parfaitement la place prépondérante de l’activité interprétative du lecteur, et notamment le renvoi hors texte à un encodage commun des références situationnelles et textuelles qui permet la restitution du sens. Par de multiples aspects, ce fonctionnement de la langue schtroumpf rappelle des difficultés similaires soulevées par l’interprétation de la langue du droit, liées à sa clarté, à sa lisibilité et à son intelligibilité. Pour générer automatiquement la traduction des Schtroumpfs civils, une stratégie fondée sur l’apprentissage machine est mise en œuvre ; pour chaque mot susceptible d’être remplacé par schtroumpf, on demande à un modèle de langue une prédiction ; si le texte du Code et la prédiction coïncident, le mot est schtroumpfé. Ce dispositif forme une variante automatisée du test de closure, utilisé depuis les années cinquante comme outil de mesure de la lisibilité et, pour certains auteurs, de l’intelligibilité des textes. Le Schtroumpf civil, quoique ce ne soit pas son objet principal, rendrait ainsi visible le degré de proximité syntactique de la langue des législateurs et de la langue générale, une approche potentiellement nouvelle d’un des versants de l’intelligibilité du texte législatif.
Mots-clés :
- Schtroumpf,
- légistique,
- lisibilité,
- intelligibilité,
- apprentissage machine
Abstract
The “Schtroumpf civil” is the first complete translation of the French and Québécois Codes Civils into the Smurf (“Schtroumpf” in French) language. If this endeavour, a burlesque nod to the historical centrality of the Code civil in the French-speaking sphere, is its own end, this article returns to the theoretical reflection on the regularities of the language of law that this translation required. It is based, more than on the original Smurf language invented by Peyo, on its systematic reinterpretation by Umberto Eco, who came back several times during his career to a language whose permanent ambiguity should hamper any understanding, but which remains perfectly intelligible for its readers. The Smurf language perfectly illustrates the preponderant role of the interpretative activity of the reader in the formation of meaning (the source of its interest to Eco). In multiple aspects, this logic of the Smurf language recalls similar questions raised by the interpretation of the language of law, linked to its clarity, readability, and intelligibility. To automatically generate the translation of the Schtroumpfs civils, a strategy based on machine learning is implemented; for each word potentially replaced by schtroumpf, a call is made to a language model for prediction; if the text of the Code and the prediction coincide, the word is smurfed. This system forms an automated variant of the closure test, used since the 1950s as a tool for measuring the readability and, for some authors, the intelligibility of texts. The Schtroumpf civil, although it is not its main goal, thus makes visible the degree of syntactic proximity of the language of legislators and the general language, a potentially novel approach to one of the aspects of the intelligibility of the legislative text.
Keywords:
- Smurf,
- legistics,
- readability,
- intelligibility,
- machine learning
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