Résumés
Résumé
Aujourd’hui, revisionner une série via les plateformes de vidéo à la demande (VàD) est une pratique de plus en plus populaire. L’objectif de cette recherche est de cerner la façon dont les jeunes adultes réécoutent les séries ainsi que les significations qu’ils construisent autour de cette pratique. S’appuyant sur des entretiens semi-dirigés réalisés auprès de 20 jeunes Québécois âgés de 18 à 34 ans, les résultats mettent en évidence une diversité de pratiques de revisionnement connecté, le plus souvent individuelles, et de significations qui s’y rapportent. Ils montrent le rôle important que joue le dispositif de visionnement connecté dans leur mise en place : les stratégies de mise en marché des séries des services de VàD et l’interface des plateformes offrent à la fois des incitatifs à reprendre le visionnement d’une série et des possibilités de contrôle accru pour les usagers sur le texte sériel et le contexte de visionnement.
Mots-clés :
- jeunes adultes,
- Québec,
- revisionnement,
- série,
- vidéo à la demande
Abstract
Rewatching a series using video-on-demand (VOD) platforms is becoming increasingly popular. Based on semi-structured interviews with 20 Quebecers aged 18 to 34, this study aims at investigating young adults rewatching practices and their meaning. The results highlight a variety of rewatching practices, most often individual, which are reinforced by the use of connected viewing devices. Marketing strategies of VoD providers as well as platform interfaces offer several incentives to rewatch series and provide users with increased opportunity to control serial text and viewing context.
Keywords:
- young adults,
- Quebec,
- rewatching,
- series,
- video on demand
Corps de l’article
De plus en plus de jeunes adultes regardent aujourd’hui leurs séries en ligne au Québec (Thoër, Millerand, Vrignaud et Duque, à paraître), comme en France (Feiereisen, Rasolofoarison, De Valck et Schmitt, 2019 ; Kervalla et Loicq, 2015), via les sites de rattrapage des chaines télévisées, les sites de streaming illégal et les plateformes de vidéo à la demande (VàD), notamment Netflix qui domine le marché canadien (Claus, 2017)[1]. Ce nouveau contexte de visionnement est marqué par plusieurs transformations. L’usage de différents équipements (p. ex. ordinateur et téléphone portable) dont les fonctionnalités ne se limitent pas au visionnement audiovisuel, a tout d’abord pour conséquence que le visionnement de séries s’entremêle à différentes pratiques de communication et de consommation médiatique, entre autres sur les réseaux socionumériques, d’où l’expression « visionnement connecté » que proposent Holt, Steirer et Petruska (2016) pour décrire ces pratiques.
Les outils numériques connectés offrent aux spectatrices et spectateurs la possibilité de mener des recherches d’information sur l’univers de la série, les personnages, les actrices et les acteurs ou le calendrier de diffusion des saisons. Ils permettent de visionner des extraits vidéo, des photos et des mèmes en rapport avec la série. Ils ouvrent aussi des opportunités de participation, facilitant l’évaluation et la recommandation des contenus, les échanges avec le réseau de connaissances élargi, le remixage d’extraits significatifs et la création de nouveaux contenus (Boni, 2012 ; Cornillon, 2018)[2]. De multiples paratextes produits par les fans ou la production de la série sont ainsi accessibles en ligne, favorisant une narration enrichie et transmédiatique qui prolonge les séries « au-delà de leurs limites textuelles » (Berton et Boni, 2019, p. 6).
Les pratiques de visionnement connecté sont également caractérisées par une autonomie accrue du spectateur à l’égard de la programmation télévisuelle. Regarder des séries de manière connectée permet plus de souplesse quant au rythme et à la durée des séances de visionnement (Dhoest et Simons, 2016 ; Perticoz et Dessinges, 2015). La mise en marché de saisons entières et le dispositif des plateformes de VàD favorisent notamment le visionnement en rafale (binge watching) permettant aux spectatrices et spectateurs d’enchainer les épisodes et de regarder des saisons entières en un temps très court. Cette pratique largement populaire a retenu l’attention des chercheuses et chercheurs (Jenner, 2018). Elle constitue un élément majeur du discours marketing des plateformes de VàD, Netflix insistant sur le contrôle augmenté de la spectatrice ou du spectateur qui peut décider de regarder quand elle ou il veut et à son rythme une offre de contenus plus étendue et personnalisée grâce à la puissance des algorithmes (Delaporte, 2018 ; Jenner, 2018 ; Tryon, 2012). En ligne, l’offre de séries n’a en effet jamais été aussi abondante (Koblin, 2018), entre autres sous la pression des acteurs du numérique qui misent sur les contenus exclusifs pour attirer et fidéliser les abonnés, avec pour effet de complexifier le processus de sélection des contenus pour les spectatrices et spectateurs (De Meulenaere, Van den Broeck et Lievens, 2012).
Dans ce contexte qui incite à « consommer » de plus en plus rapidement les séries (Campion, 2019 ; Delaporte, 2018 ; Jenner, 2018), celles-ci pouvant même être regardées en accéléré[3], une autre pratique gagne en popularité : celle du revisionnement d’épisodes et souvent de saisons entières (Bentley et Murray, 2016). L’étude par questionnaires en ligne réalisée par ces chercheurs auprès d’un échantillon de convenance de 150 participants vivant dans différents États américains et visionnant des contenus vidéo en ligne montre que 79 % avaient revisionné un contenu vidéo dans la dernière semaine et 92 % dans le dernier mois, les séries télévisées figurant parmi les contenus les plus revisionnés. Netflix soulignait aussi dans son rapport aux actionnaires (Netflix Media Center, 2017, notre surligné) intitulé « A Year in Bingeing: A look back at the shows we watched ( and watched again ) that defined our year », la propension de ses abonnés à revisionner des séries, parfois à de nombreuses reprises. Le « potentiel de revisionnement » d’une série constituerait d’ailleurs un indicateur de sa valeur sur le marché de la VàD, d’où la bataille que se livrent les plateformes pour acquérir/conserver les droits de séries cultes comme Friends ou The Office (Jurgensen, 2019), deux séries parmi les plus populaires sur Netflix qui en perdra les droits en 2020 (Richaud, 2019).
Revisionner des séries n’est pas une nouvelle pratique, la rediffusion étant au cœur de la culture et de l’industrie télévisuelles (Kompare, 2005). Toutefois, explique l’auteur, l’arrivée des cassettes VHS, puis des DVD, transforme les séries en « objets de collection », que l’on peut revisiter à volonté. Avec les services de VàD comme YouTube et plus spécifiquement les plateformes de VàD sur abonnement, ce « régime de répétition » est poussé un cran plus loin (Kompare, 2010). Si les pratiques de revisionnement connecté ont fait l’objet de plusieurs articles journalistiques ces dernières années[4], la pratique reste peu documentée dans la littérature scientifique (Boni, 2018 ; Mittell, 2015), sinon pour les publics fans, pour lesquels elle constituerait, comme l’explique Jenkins (1988), une étape du processus d’appropriation du texte, en vue de le réécrire et de questionner l’idéologie de la culture de masse.
Les pratiques de revisionnement de films (Russel et Levy, 2012 ; Klinger 2006, citée dans Mittell, 2011 ; Harper 2005, cité dans Dru, 2017), comme la relecture de romans (Calinescu, 1993 ; Wagner, 2010) ou la réécoute de la musique (Bertin, 2010), ont par contre fait l’objet de plusieurs analyses, sans doute parce que revenir vers ces objets constituait une pratique plus répandue (et peut-être considérée comme plus légitime). Mittell (2011, 2015) est un des rares auteurs à analyser les pratiques de revisionnement de séries. Dans le cadre d’un billet de blogue (Mittell, 2011) où il opère un retour réflexif sur sa pratique de revisionnement de séries sur DVD, il identifie trois logiques sous-jacentes à la pratique. Revisionner une série peut tout d’abord avoir une visée analytique, l’objectif étant d’explorer la structure narrative du texte, de porter attention à sa mécanique ou encore à ses particularités esthétiques : « Such an approach to rewatching treats the text as a nut to crack, encouraging close analysis to understand how it works » (Mittell, 2011, para. 7). Avec la complexité narrative qui caractérise les fictions sérielles populaires des vingt dernières années, revisionner constituerait d’ailleurs, selon l’auteur, une condition à l’appropriation du texte par la spectatrice ou le spectateur, favorisant en retour la production de récits plus élaborés (Mittell, 2015).
Le revisionnement peut aussi avoir pour objet de reconnecter avec l’expérience émotionnelle du ou des visionnements antérieurs et comporter une dimension nostalgique, celle de renouer avec une expérience familière et positive, la pratique pouvant même servir une fonction quasi thérapeutique (Mittell, 2011). Suggérant que cette pratique vise probablement plus souvent la répétition d’épisodes unitaires, l’auteur précise qu’il en va sans doute autrement lorsqu’il s’agit de récits sériels, caractérisés par un long arc narratif : « rewatching a long-form serial goes beyond the bounds of companionship and familiarity for most people. […] something else is going on concerning serial rewatching » (Mittell, 2011, para. 11).
Enfin, revisionner peut être motivé par le désir de partager une série aimée avec d’autres, pour le plaisir d’une écoute à plusieurs qui permet d’en discuter et de comparer les interprétations respectives (Mittell, 2011). Comme le souligne l’auteur, si le DVD permet une expérience individuelle, les médias sociaux et leurs différentes communautés de fans émergeant autour des séries, soutiennent l’organisation et la structuration de séances de revisionnement et d’échanges prolongeant l’expérience de visionnement.
Ces trois logiques, qui selon Mittell (2011) sont très certainement liées, méritaient d’être confrontées aux données empiriques. C’est précisément l’objectif de la recherche exploratoire que nous avons menée, qui vise à documenter les pratiques de revisionnement connecté et donc « choisies » de jeunes adultes et d’en cerner les significations. Pour ce faire, nous avons mobilisé la sociologie des usages (Jauréguiberry et Proulx, 2011) afin de saisir la façon dont les jeunes adultes s’approprient concrètement des technologies, et notamment des plateformes de VàD, pour revisionner des séries. Nous documentons dans un premier temps les usages des plateformes, les périphériques utilisés pour y accéder, les formats des contenus revisionnés et les contextes de revisionnement. Dans un deuxième temps, nous nous intéressons aux significations que les jeunes adultes construisent autour de ces pratiques de revisionnement.
Précisons que nous regardons plus précisément ici les « usages ordinaires » (Bergström et Pasquier, 2019), à la différence de Mittel (2011) qui centre son analyse sur sa pratique, soit celle d’un chercheur universitaire. De plus, nous visons à comprendre comment les usagers des plateformes s’approprient les possibilités et contraintes du dispositif de visionnement connecté et notamment les « scripts » d’utilisation (Akrich, 1990) intégrés dans les interfaces des plateformes (Drumond, Coutant et Millerand, 2018), tout en restant par ailleurs attentifs à la créativité des individus, aux « jeux » et formes de « braconnage » (de Certeau, 1990) qu’ils mettent en place dans le cadre des pratiques de revisionnement.
Méthodologie
Dans la tradition des études sur la réception (Livingstone et Lunt, 2009) et des études d’usages (Jauréguiberry et Proulx, 2011), qui postulent un récepteur-usager actif, nous avons privilégié une approche qualitative pour donner la parole aux actrices et acteurs. Nous avons mené une recherche exploratoire par entretiens semi-dirigés compréhensifs (Kaufman, 1996). Ceux-ci ont été réalisés auprès de 20 jeunes adultes âgés de 18 à 34 ans (11 femmes et 9 hommes) ayant revisionné au moins deux séries au cours des six derniers mois. Le recrutement s’est fait via les réseaux de connaissances des assistants de recherche travaillant sur le projet et par effet « boule de neige ». Les participantes et participants composant notre échantillon sont très scolarisés, notre échantillon n’est donc pas diversifié sur ce plan, ce qui constitue clairement une des limites de cette recherche.
Dans le cadre des entretiens d’une durée variant entre 1 h 15 et 2 h, nous demandions aux participantes et participants d’énumérer toutes les séries qu’ils avaient vues au cours des six derniers mois et d’identifier celles qu’ils revisionnaient. Nous leur proposions alors de décrire, pour chacune des séries revisionnées, les modalités et contextes de la pratique et ce qu’elle leur avait apporté. Ces entrevues ont fait l’objet d’une analyse inspirée de la procédure itérative de la théorisation enracinée telle que décrite par Paillé (1994). Celle-ci s’appuie sur un travail d’analyse réalisé progressivement au cours de la collecte des données, impliquant des allers-retours avec la littérature et l’ajout de nouvelles questions dans la grille d’entretien au fur et à mesure que s’affinait la compréhension du phénomène, d’où l’étalement des entretiens de janvier à décembre 2018.
Modalités et contextes du revisionnement connecté
Plusieurs des participantes et participants avaient déjà réécouté des séries grâce aux cassettes VHS et surtout aux DVD, mais toutes et tous signalent combien le dispositif de visionnement connecté a contribué au développement de leur pratique de revisionnement en permettant plus d’autonomie et de flexibilité en matière de sélection et de visionnement des séries. La grande majorité avait d’ailleurs commencé à revisionner des séries depuis que celles-ci sont disponibles en ligne, notamment sur Netflix : « quand y’a commencé à y avoir le visionnement en ligne, ouais […] là, on pouvait choisir » (Siri, 21 ans)[5].
Les participantes et participants rencontrés avaient revisionné au cours des six derniers mois, de deux à onze séries pour un total de 76 séries, témoignant de la forte personnalisation des choix. Certaines séries revenaient toutefois chez plusieurs : des comédies romantiques comme Friends (5 participantes et participants) et How I Met Your Mother (3) ; des séries adolescentes comme Skins (3), Pretty Little Liars (4) ou Gossip Girl (4) ; des dramatiques comme Grey’s Anatomy (4) ; ou encore des séries fantastiques comme Game of Thrones (6) ou Walking Dead (3). Figurent aussi dans cette liste, des comédies un peu décalées comme The Office (7) et Brooklyn Nine Nine (3) et des animés : The Simpsons (5), Naruto (3), Death Note (3).
Nous n’avons pas repéré de mode exclusif de revisionnement, l’écoute de plusieurs épisodes par séance de visionnement, étant toutefois largement répandue. Pour le reste, les pratiques varient selon les individus, et pour un même individu, en fonction de l’attachement à une série et du contexte. Certains participantes et participants recommencent le visionnement d’une série ou d’une saison à peine celles-ci terminées, parfois plusieurs fois en boucle, tandis que d’autres répètent à intervalles plus ou moins réguliers le visionnement de séries qui les accompagnent, pour certaines depuis de nombreuses années. Ce qui fait l’objet du visionnement varie aussi grandement : certaines et certains reprennent systématiquement la série depuis le début, saison après saison. D’autres se contentent de revisionner une saison, un ou plusieurs épisodes ou encore des fragments de ceux-ci. Plusieurs rapportent par exemple réécouter des compilations d’extraits vidéo publiés par d’autres internautes : « Des fois, je vais voir les meilleurs moments de telle série ou telle série. C’est bien si tu veux pas regarder au complet toute la série » (Anthony, 22 ans). Ces paratextes sont activement recherchés entre les saisons ou une fois la série terminée, c’est-à-dire lors d’intervalles imposés par la production.
Contrairement aux résultats de l’étude de Bentley et Murray (2016), documentant les pratiques d’une tranche d’âge plus large (20 à 50 ans), chez nos participantes et participants la pratique de revisionnement de séries est surtout individuelle (l’écoute à plusieurs, particulièrement à deux, ne disparait pas non plus complètement). Mettre en place un visionnement à plusieurs est, en effet, de plus en plus difficile compte tenu de la fragmentation des choix et de la personnalisation des temps de visionnement. De plus, l’attachement à la série étant parfois très intense et personnel, certains craignent que d’autres ne gâchent leur plaisir ou ne les jugent : « C’est vrai comment leur expliquer que je préfère regarder toujours la même série ? » (Léo, 22 ans).
La possibilité de visionner sur des plateformes et périphériques mobiles, notamment le téléphone cellulaire, permet par ailleurs de varier et d’ajouter des contextes de réécoute au sein du foyer (par exemple, dans la salle de bains en se préparant), à l’extérieur, pendant les pauses de la journée, dans les transports ou à la salle de gym ; des contextes où la sélection d’un contenu déjà regardé s’accorde parfois mieux avec un régime d’« attention oblique » (Hoggart, 1957, cité dans Passeron, 1993).
Le dispositif de visionnement connecté offre différentes incitations au revisionnement même si d’autres éléments que nous examinons plus en détail dans la section suivante motivent aussi la pratique. Les multiples paratextes (commentaires, mèmes, photos, vidéos, bandes-annonces, extraits de la trame musicale, etc.) qui circulent longtemps après la diffusion d’une saison sur les médias sociaux sont autant de rappels de l’existence de la série qui réactivent le désir d’en revisionner saisons et épisodes, et ouvrent une « porte d’entrée » vers la série sans que la spectatrice ou le spectateur l’ait nécessairement décidé (Boni, 2011, p. 240). Ils peuvent aussi constituer une alternative au revisionnement, offrant suffisamment de points de contact avec l’univers de la série pour qu’il n’y ait pas nécessité de retourner au texte sériel. Siri (21 ans) qui a revisionné les deux premières saisons de la série Skins à cinq reprises suggère ainsi que sa consommation d’extraits sur Facebook s’est en quelque sorte substituée à sa pratique de réécoute de la série.
[Skins] ça fait un moment que je l’ai pas revisionnée, je sais pas si c’est pas à cause du fait que maintenant sur Facebook, souvent, ils mettent des extraits de la série où ils montrent certaines scènes qui étaient peut-être plus marquantes. Donc, je sais pas si ça, ça fait que j’ai pas le besoin de revisionner vu que je revoyais quand même régulièrement du contenu de la série.
L’expérience de visionnement sur les plateformes de VàD incite aussi plusieurs participantes et participants à revisionner des séries, pour la grande majorité américaine, qu’elles ou ils ont suivies à un rythme hebdomadaire sur les sites de streaming illégal. Jugeant que l’expérience n’était pas pleinement satisfaisante (fragmentation hebdomadaire du visionnement, mauvaise qualité de l’image, absence de sous-titres), le visionnement est repris dès que la saison est disponible sur la plateforme Netflix qui offre plus de contrôle sur les modalités du visionnement, notamment son rythme. On voit ainsi combien Netflix contribue à déterminer les normes constitutives d’un bon contexte de visionnement (Jenner, 2018).
Lorsqu’une saison est regardée pour la première fois sur Netflix, le caractère souvent très condensé de l’expérience peut aussi inciter les participantes et participants à la revisionner pour ne pas rester sur leur faim. De plus, sur les plateformes de VàD, les individus continuent d’être exposés aux séries visionnées via certaines listes sur la page d’accueil de Netflix, notamment la liste personnalisée que plusieurs alimentent dans le but d’y revenir ou via la catégorie « visionner de nouveau » générée par l’algorithme à partir des contenus écoutés sur chaque profil. Le dispositif de la plateforme est tout particulièrement efficace à stimuler le revisionnement des séries lorsque les participantes et les participants se connectent à la plateforme sans avoir en tête une série précise à regarder.
Des fois moi, ça m’arrive, je vais sur Netflix, je veux juste regarder une série mais je sais pas encore quelle série regarder, pis tu vois « suggestions » ou « regarder de nouveau ». […] puis tu te dis pourquoi pas ? J’ai 20 minutes, pourquoi pas reregarder un épisode de Friends, puis tu commences comme ça et tu repars dans une longue aventure. (Anthony, 22 ans)
Contrairement à ce qui a été observé concernant la mise en marché des DVD et lors des premières années de la diffusion en ligne des séries (Hills, 2007), pour nos participantes et participants les séries ne constituent pas des objets de collection. Aucune ou aucun n’éprouve ainsi le besoin d’archiver les contenus ayant le sentiment que sur le web ils restent à portée de clics. Retrouver un épisode spécifique semble aussi particulièrement facile grâce à une recherche sur Google. Charlotte (31 ans) souligne toutefois que la disparition de certaines séries du catalogue Netflix limite sa capacité à les revisonner :
Friends, lorsque la série ne sera plus sur Netflix, je pense que je ne [la regarderai] plus car le processus d’installation sera plus long. […] The X-Files, je reregarde quelques épisodes qui m’ont marquée de manière décousue mais elle n’est plus sur Netflix, donc je peux plus trop le faire.
Les retraits des séries sur Netflix occasionnent d’ailleurs sur la plateforme Twitter des messages désespérés d’usagères et d’usagers qui ont pris l’habitude de les revisionner. On voit ainsi que le dispositif de visionnement et notamment les plateformes de VàD, jouent un rôle important dans la mise en place des pratiques de revisionnement.
Significations associées aux pratiques de revisionnement connecté des séries
Les significations associées aux pratiques de revisionnement connecté sont multiples, elles varient selon les participantes et participants, les séries, ou encore le vécu quotidien. Elles renvoient aux trois logiques de revisionnement identifiées par Mittell (2011), mais ne s’y limitent pas, témoignant de la spécificité des pratiques de revisionnement connecté.
Rejouer l’émotion
Derrière la répétition du visionnement d’une série, il y a toujours le désir de retrouver et de reproduire l’émotion associée au souvenir de l’expérience de visionnement passée. Les participantes et participants témoignent de ce sentiment nostalgique vécu à l’égard de la série et parfois de certains épisodes ou passages spécifiques.
Pour Friends, à la fin, les derniers épisodes, t’as Ross qui court après Rachel pour lui dire qu’il l’aime finalement, qu’il veut qu’elle reste, qu’il veut pas qu’elle parte en France. Ben ça, quand tu le regardes encore tu dis : « ahhh… ». […] C’est sûr t’as du bonheur mais c’est surtout de la nostalgie dans une scène comme ça… nostalgie de « ah ce moment-là je l’avais vraiment apprécié » et d’une émotion, d’une émotion que t’avais eue en regardant. (Anthony, 22 ans)
Toutefois, l’une des caractéristiques de la nostalgie médiatique est que l’expérience peut être revécue (Higson, 2014 ; Niemeyer, 2014). Aussi, le sentiment que décrivent les participantes et participants est rarement douloureux, toutes et tous insistant sur le plaisir que procure le revisionnement, même s’il est parfois moins intense : « Je retrouvais les émotions. C’était des émotions que je m’ennuyais d’avoir. J’étais content de me retrouver avec le même petit sourire. » (Léo, 22 ans).
Si le revisionnement permet de « retrouver » les émotions associées à l’expérience de visionnement antérieure, il est aussi l’occasion de les « revivre », de « repleurer au même endroit ». Et, en rejouant les émotions, s’ouvre la possibilité de les vivre un peu différemment comme l’explique Anthony (22 ans) qui souligne le caractère moteur de la nostalgie : « C’est quand même bien d’avoir de la nostalgie pour te donner envie de recommencer, parce que tu vas encore plus apprécier certains éléments ».
Par ailleurs, en contexte connecté, relancer le visionnement, à peine une saison ou une série terminée, se fait à la demande. Plusieurs participantes et participants présentent leur réponse émotionnelle comme étant activable au besoin. Certaines et certains évoquent des séries dont le potentiel de réécoute serait quasi-illimité. D’autres considèrent que la première écoute est la meilleure, l’émotion associée au visionnement perdant en intensité au bout d’un certain nombre d’écoutes. Le nombre de répétitions entrainant l’érosion du potentiel émotionnel d’une série varie ainsi grandement selon les individus et le type d’attachement développé à l’égard de la série. Certaines et certains décident aussi d’espacer les visionnements pour faire durer le plaisir. Contrôler l’inscription de l’expérience dans la temporalité permet de retrouver un « regard neuf » comme le montrent aussi Russel et Levy (2012) à propos du revisionnement de films.
Il y a des séries qui m’ont vraiment marquée. Il y en a une qui s’appelle Kill Me, Heal Me. […] Elle est tellement bien faite cette série-là que je la réécoute à chaque année parce qu’elle est tellement bonne. Pis j’aimerais ça la réécouter pour la première fois encore mais je la connais par cœur. Donc, j’attends au moins une année et je la réécoute, et là, je l’aime pareil, pis j’attends encore une autre année. (Maru, 20 ans)
Rester dans la série pour gérer les intervalles entre les saisons et accepter la fin
Revisionner une série est pour plusieurs participantes et participants une stratégie pour « rester dans la série » et continuer à vivre avec les personnages avec lesquels elles et ils ont tissé un lien. La pratique permet de faire durer le plaisir de les accompagner, de mieux comprendre l’évolution de certains, de se rapprocher des personnages moins appréciés à la première écoute et de s’y attacher.
J’écoute la série [Skins] à chaque 3 mois. J’adore l’écouter. J’aime vraiment, vraiment les personnages. C’est comme revisiter des amis. C’est pas des vrais amis mais tu te dis : « Oh ! je l’aimais vraiment ce personnage-là ! » J’ai l’impression de re-connecter avec eux [et] mon amour pour les personnages reste le même. Puis des fois, ça augmente pour certains même si je sais exactement ce qui se passe. […] À des moments, je vais plus aimer Effy, à d’autres moments je vais plus aimer Freddy. Ça dépend par rapport à comment je suis dans ma vie mais je peux pas me tanner. (Julie, 21 ans)
Des participantes et participants insistent d’ailleurs sur le fait que certaines séries, notamment celles s’étalant sur de nombreuses saisons, et dont elles et ils ont repris le visionnement à plusieurs reprises, les accompagnent depuis de nombreuses années. Elles et ils rapportent le sentiment d’avoir évolué, « grandi » avec les personnages, la possibilité de « rejouer » le temps long de la série amplifie leur capacité à établir avec certains un véritable « rapport de compagnonnage » (Glevarec, 2012, p. 101). Plusieurs qui revisionnent des séries mettant en scène des groupes d’amis comme How I Met Your Mother, Skins ou Friends, évoquent aussi l’attachement au groupe de personnages et au lien d’amitié qui les unit dans la série. Certaines et certains vivent à l’égard de personnages une relation quasi sentimentale et revisionnent la série jusqu’à l’épuisement du sentiment amoureux.
[…] ça m’arrive de tomber amoureux [des personnages]. Je vais revisionner pour avoir mon shot d’amour, pour avoir ma sensualité. […] Au bout d’un moment, ça passe mais ça dure quand même assez longtemps. (Théo, 34 ans)
Revisionner permet aussi de rester dans l’univers d’une série. Quitter une série à laquelle on s’est attachée peut s’avérer un défi et plusieurs participantes et participants pratiquent le revisionnement pour gérer les transitions d’une série à l’autre. Les stratégies employées pour « laisser aller » une série varient : revisionner des saisons en boucle jusqu’à ce que les émotions qu’elles suscitent s’érodent, ou encore, introduire tranquillement une ou plusieurs nouvelles séries dans sa routine.
Les intervalles entre les saisons, qui souvent durent près d’un an, peuvent aussi engendrer des attentes, créant un sentiment de vide pour la spectatrice ou le spectateur (Niemeyer et Wentz, 2014) que le revisionnement aide à combler : « Je trouvais ça long d’attendre un an alors je l’ai regardée. Ça m’a fait du bien, c’était le temps que j’avais besoin entre la fin de la saison et la sortie de l’autre. Ça m’a permis de rester là-dedans un peu et de pas avoir à attendre un an. » (Albert, 21 ans). Revisionner la dernière saison est aussi pratiqué pour accueillir l’arrivée d’une nouvelle saison. En effet, se replonger dans la série permet de se remémorer l’intrigue et surtout de se « remettre dans le mood » afin de mieux apprécier la suite.
Plusieurs participantes et participants vont aussi rechercher des informations sur la série et les personnages auxquels ils sont attachés ; ces pratiques s’ajoutent au revisionnement des épisodes. Elles et ils lisent des articles ou des commentaires de fans dans les espaces d’échange sur la série, visionnent des entrevues des acteurs, se renseignent sur leur filmographie et leur biographie. L’idée est, là encore, de ne pas laisser aller trop vite les personnages, « de garder le contact, de ne pas oublier », « de rester connecté le plus possible à la série [pour ne] pas qu’elle se termine ». En retour cette consommation paratextuelle peut activer l’envie de reprendre le visionnement de la série.
Gérer les humeurs, ouvrir un espace de réflexivité et de construction identitaire
Tous les participantes et participants rapportent revisionner les séries en fonction de leurs humeurs, pour se détendre ou se sentir mieux. Le revisionnement est ainsi utilisé comme stratégie de gestion des émotions :
Brooklyn Nine Nine, je sais que si je suis un peu déprimée, je peux en écouter quelques-uns puis je me sens plus détendue après, je me sens mieux, ça fait du bien. (Maélie, 27 ans)
La petite vie : c’est un bon chocolat chaud, c’est réconfortant. (Cindy, 29 ans)
Le mode de visionnement en rafale, qui favorise l’immersion dans le récit, est présenté comme un moyen efficace pour s’extraire du quotidien et oublier ses soucis. Les participantes et participants rapportent aussi le plaisir et le réconfort associés au fait de se replonger dans un univers familier. Certaines ou certains qui ont des séries les accompagnant depuis plusieurs années y retrouvent un espace « déjà marché » qui fait continuité et où ils se sentent en sécurité, appréciant aussi se replonger dans des séries moins complexes (Boni, 2018).
C’est comme quand tu vas en vacances, tu vas en vacances au même endroit. C’est un peu la même chose, tu sais à quoi t’attendre, c’est pas trop stressant, si tu manques quelque chose c’est pas la fin du monde non plus. Je reviens à un endroit que je connais. (Lauralie, 23 ans)
Les participantes et participants expliquent aussi que certaines séries leur ont permis de traverser des périodes de questionnement identitaire et de gérer des épreuves. Victor (21 ans), qui regarde les épisodes de Sex and the City depuis 10 ans, raconte comment ces revisionnements réguliers de la série l’ont aidé dans l’affirmation de son identité homosexuelle.
Quand j’ai atteint l’adolescence, je ne parlais pas de mes amours et de mes expériences sexuelles à mes amis sachant qu’ils allaient me juger. Je ne parlais pas de mes vrais goûts et je ne regardais aucun garçon. La série m’a aidé à me sentir bien dans mes différences, malgré que les jugements venaient de partout. […] Elle a répondu a beaucoup de mes questionnements. Elle m’a donné le pouvoir de m’affirmer, de me respecter dans ce que j’aime et n’aime pas. Avec chaque visionnement, mon attachement s’est endurci. Cette série, ça me rend juste heureux de voir que je suis pas si différent, qu’il y a pas de bons modèles de vie.
Au fur et à mesure des visionnements successifs, les participantes et participants apprennent à se connaître, soulignant que la série, et souvent des épisodes précis, leur offrent des références pour mieux comprendre ce qu’ils vivent et trouver des pistes de solution.
Si je vivais des peines amoureuses, je pouvais me rattacher au fait que les personnages vivaient des peines amoureuses et que c’est jamais la fin du monde, qu’un cœur brisé, ça se soigne. […] Je prenais certains contenus qui s’adressaient plus à moi, à la situation où moi j’étais. […] Chaque fois que je regardais How I Met Your Mother, ça me faisait réfléchir, je travaillais fort à me comprendre, c’est vraiment une série qui m’a fait grandir. (Léo, 22 ans)
La nouvelle expérience de visionnement offre aussi l’occasion de porter un regard réflexif sur la façon dont a été vécue l’écoute précédente, que celle-ci soit proche ou lointaine. Les participantes et participants rapportent être plus sensibles aux émotions vécues, une participante interrogeant l’intensité de certaines de ses réponses émotionnelles : « pourquoi tu réagis toujours autant au même moment ? »
Le revisionnement permet enfin de se reconnecter aux émotions de l’enfance et plus souvent de l’adolescence, que la série rend plus facilement accessibles. Pour certaines et certains, la série donne accès au contexte individuel et parfois social du visionnement antérieur comme c’est le cas pour Siri (21 ans) qui retrouve son adolescence et le souvenir des premières sorties entre amis en réécoutant la série Skins.
Ça me rappelle mon adolescence… au moment où je la regardais je m’identifiais un peu… C’est l’époque où on commençait à sortir avec mes amis, les premières fois, où on buvait de l’alcool, puis dans la série aussi c’était ça, donc on créait des liens je pense avec notre vie d’adolescentes. Puis de reregarder je pense que ça me ramène un peu à cette époque-là… ça me rappelle des souvenirs disons, pas juste au sujet de la série, mais aussi dans cette période de vie-là que je vivais.
La sensation du passage du temps peut aussi venir du fait que les participantes et participants comprennent mieux l’action ou les personnages parce que leur regard est plus en phase avec ceux-ci.
[Friends], mes impressions à l’égard de la série ont changé avec le temps, notamment entre l’adolescence et l’âge adulte. Aujourd’hui, je peux davantage faire des liens avec les personnages puisque je suis dans la même tranche d’âge qu’eux. (Charlotte, 31 ans).
On voit ainsi que les changements dans les contextes de visionnement et le temps écoulé entre les expériences de visionnement, même très courts, sont productifs de sens, le dialogue renouvelé avec le texte permettant de mener une réflexion sur soi et sur son parcours.
Explorer et gérer la complexité narrative
Même si ce n’est pas toujours la motivation première du revisionnement, la plupart des participantes et participants soulignent que la pratique est l’occasion de porter attention à toutes sortes d’éléments qu’elles et ils n’avaient vus à la première écoute. Connaître la trame narrative principale ouvre la possibilité d’être attentif aux détails, de mieux saisir comment se construit et progresse l’histoire, chaque écoute ayant une fonction particulière.
C’est comme admettons quand on lit un livre ou une BD, la première fois, on se concentre plus sur l’histoire, puis la deuxième fois, tu sais plus apprécier les détails, comment c’est fait pis toute... Ça fait que je faisais attention à plus de détails, pis comme je savais ce qui venait après, j’essayais de voir qu’est-ce qui l’annonçait. (Maélie, 27 ans)
Revisionner est aussi l’occasion d’en apprendre plus sur les personnages, de mieux comprendre leur trajectoire, ce qui peut, comme l’explique Anthony (22 ans) changer la perception de ceux-ci. Plusieurs rapportent aussi s’être plus intéressés aux personnages secondaires lors des écoutes subséquentes.
Par exemple, pour Game of Thrones, pour Jaime Lannister, la perception que la plupart, à peu près tout le monde, a de lui au début, c’est que c’est un méchant. C’est pas quelqu’un de… tsé il fait de l’inceste avec sa sœur, il pousse des enfants du haut d’une tour, mais après ça… au fur et à mesure, tu comprends qu’il a des problèmes dans sa vie… c’est pas quelqu’un qui est méchant pour être méchant. Quand tu reregardes la série, tu vois concrètement… tu vois des indices, dès les premières saisons, que c’est quelqu’un qui fait pas non plus ce qu’il veut, fait que tu comprends différemment le personnage je pense.
Connaître la trame narrative, avoir une vision globale de la série, permet ainsi de voir autre chose, aidant à apprécier et savourer ce qui dans le texte génère une émotion « […] rewatchers can use their story knowledge to focus their attention on the narrative discourse, absorbing and enjoying how the story is operationally told and the subsequent emotions that the telling stimulates » (Mittell, 2015, p. 178). Le revisionnement constitue d’ailleurs pour certains participantes et participants, une étape nécessaire pour mieux apprécier une série et la visionner sans stress.
Quand tu connais la fin, t’as pas besoin de te concentrer sur comment ça va finir. T’es à un niveau où tu regardes l’ambiance, les personnages, un peu la réalisation. T’es pas en mode stress de la fin. Quand tu regardes sans savoir la fin, tu penses tout le temps au futur alors que quand tu regardes en sachant la fin, tu réfléchis plus sur le présent et le passé. Tu regardes le truc dans son ensemble. (Valentin, 20 ans)
Comme l’explique Simon, le plaisir vient de la possibilité de vivre le récit au présent et d’être pleinement dans la série et avec les personnages.
[le plaisir] c’est pas lié au fait de découvrir, c’est plus le fait de vivre avec les personnages. […] Non, là je vis le moment, même si je sais intérieurement ce qui va se passer. Je suis vraiment captivé par le récit, c’est comme si y’avait pas d’extérieur… de monde extérieur, je suis vraiment dans la série. (Simon, 19 ans)
Revisionner permet aussi d’anticiper les émotions associées à certains moments de l’histoire et de s’y préparer, pour mieux les savourer. Une participante explique que cette anticipation peut contribuer à augmenter son engagement dans l’expérience de visionnement, l’amenant parfois à interpeler les personnages.
Des fois, je connais des bouts pis je regarde pis je suis comme « il se passe ça ! Il va se passer ça ! Faites de quoi !! ». Je le sais d’avance ce qui va se passer pis c’est la même chose qui arrive tout le temps (rires). Mais des fois, je suis plus investie parce que je sais ce qui se passe. (Maru 20 ans)
Revisionner, c’est aussi avoir plus de contrôle sur le temps et la construction du récit. Les participantes et participants rapportent arrêter la série à n’importe quel moment parce qu’elles et ils connaissent la suite, supprimer des passages, des épisodes, voire des saisons entières parce que leurs personnages préférés n’y figurent pas. Elles et ils procèdent en déplaçant le curseur sous la barre de visionnement ou en naviguant à travers les vignettes de présentation des épisodes sur les plateformes. Relancer l’écoute permet aussi de faire durer la série au-delà de sa clôture, autant de pratiques pour « contourner les barrières que mettent les scénaristes » et « reconstruire une série à [leur] goût. »
J’ai skippé quelques épisodes que j’aimais pas. […] parce que y’a des interactions avec des personnages que j’aime moins, des fois tout l’épisode, des fois, j’avançais pis je skippais les scènes qui m’intéressaient moins. Des fois, y’a des scènes que je skippais parce que ces personnages-là je les aimais plus la deuxième fois. Des fois, je trouvais que les scènes apportaient rien. (Mélissa, 22 ans)
La maîtrise de la trame narrative est une condition à ces petits jeux qu’engagent les participantes et participants avec le récit. Il faut savoir retrouver ces passages fétiches d’une série que certaines et certains revisitent régulièrement et le dispositif des plateformes peut les y aider.
Des fois, ça dure 10 secondes, une minute, mais je reviens à ce passage. […] Ça peut être un personnage qui va faire une action dans une situation et souvent je trouve ça beau, soit bien trouvé, soit intelligent, soit inspirant. Mais ça peut être aussi des couleurs, une scène que j’adore, des plans d’une ville. […] Des fois, je vais le mater 15 fois en deux semaines. Souvent, je sais exactement à quelle minute c’est. Je le mémorise. Des fois, je suis obligé de chercher un peu quand il y a beaucoup d’épisodes. Des fois, Netflix remet automatiquement à cet endroit-là avec la reprise de lecture, ça aide. (Théo, 34 ans)
Le recours aux paratextes constitue aussi une façon de remodeler le récit. Théo (34 ans) regarde des compilations vidéo sur YouTube de chacun des personnages de Friends afin de revivre l’histoire à partir de la perspective de chacun d’entre eux, pratique qui implique là aussi une bonne maîtrise de la trame narrative.
J’ai regardé les meilleurs moments de Phoebe sur l’ensemble de Friends. Sur YouTube, c’est 3 h 30 de Phoebe. Donc je me les suis tapés. Ensuite, c’était Joey, ensuite Chandler, ensuite Monica, voilà […] De toute façon, je connais la série par cœur, je sais les replacer dans les contextes. (Théo, 34 ans)
On voit ainsi que pour ces participantes et participants, comme pour les fans de Star Trek dont Jenkins (1988) analysait les pratiques, revisiter la série est l’occasion de jouer avec le récit pour qu’il corresponde mieux à leurs besoins.
For these fans, Star Trek, is not simply something that can be reread; it is something that can and must be rewritten in order to make it more responsive to their needs, in order to make it a better producer of personal meanings and pleasures. (Jenkin, 1988, p. 87)
Partager l’expérience avec d’autres
Si les activités de revisionnement sont plus souvent individuelles, certaines et certains s’y engagent avec des proches. Partager l’expérience antérieure de visionnement permet de la revisiter de différentes manières. L’expérience engendre tout d’abord des émotions qui sont associées à l’activité de visionnement collective et au plaisir de partager une série que l’on aime : « c’est un peu l’émotion d’être content d’avoir fait découvrir quelque chose à quelqu’un, c’est pas lié directement à la série, c’est plus le moment que la série ». (Arthur, 20 ans).
Regarder avec d’autres permet aussi de voir avec des yeux neufs. Pour Valentin, une partie du plaisir vient des réactions des personnes avec qui il partage la série, car elles lui permettent de reconnecter avec sa première expérience de visionnement. Il souligne toutefois l’importance que ces personnes apprécient la série autant que lui, d’où la nécessité de bien choisir ses compagnes et compagnons de séries.
Tu vois leur réaction face aux événements que toi tu connais déjà, c’est comme si tu le revoyais une deuxième fois pour la première fois. Tu les vois ils font « oh ! c’est fou ce qui se passe là ! ». [… ]Ça fait plaisir de voir comment les autres aiment les trucs que tu as aimés. S’ils aimaient pas et qu’ils critiquaient tout, ça me soulerait et j’arrêterais. J’ai envie que la personne adore autant que moi et qu’elle ne trouve aucun défaut. (Valentin, 20 ans)
En plus d’augmenter le plaisir du visionnement, réécouter à plusieurs peut-être l’occasion, grâce aux échanges que suscite l’expérience, de rester dans l’univers de la série et de faire durer le plaisir et les émotions qui lui sont associés. En contexte de visionnement connecté, le visionnement, comme les échanges qui s’y rapportent peuvent se dérouler à distance via les applications de messagerie par texte et les appels vidéo.
Le revisionnement d’une série peut aussi constituer une activité qui lie et qui peut se ritualiser si la série devient une passion commune. L’expérience est alors répétée avec un engagement parfois plus intense, comme l’explique Maélie (27 ans) à propos de Steven Universe qui est devenue pour elle et sa conjointe, une série culte.
J’ai écouté plusieurs (épisodes) toute seule, puis là je me suis dit « Oh my God ! il faut absolument qu’elle voit ça ! ». Et de le voir ensemble, je pense qu’on exagérait vraiment, […] parce que y’avait plus du tout de surprise parce qu’on l’avait vue plusieurs fois… Je sais pas, c’était le fait d’être autant à fond. […] C’était comme… c’était un peu jouissif de regarder ça. Pour de vrai, au bout de quelques épisodes, quand l’épisode commençait, on chantait la chanson toutes les deux du générique […]. Je l’aurais pas fait toute seule chanter la chanson. Fait que, ça fait comme une ambiance le fun parce que c’est devenu notre série préférée pis on trippait sur les personnages […]. C’était devenu comme une activité, pas juste une émission.
Certaines et certains rapportent comment s’est installée autour des pratiques de revisionnement de certains contenus une intimité toute particulière impliquant souvent une certaine installation (dans le lit autour de l’ordinateur) qui leur permet de se retrouver.
Ma copine et moi, on a certaines séries qui sont ancrées avec une émotion. […] C’est un peu bizarre, mais dès qu’on les regarde ensemble, c’est génial parce qu’on est entre… y’a cette chose qui nous unit même si on l’a déjà vue 15 fois. (Arthur, 21 ans)
La connaissance partagée d’une série acquise au travers des revisionnements collectifs est aussi l’occasion de développer des références communes qui peuvent être mobilisées dans la vie de tous les jours. Ces formes relationnelles du revisionnement ne concernaient toutefois que certains participantes et participants.
Contrôler son contexte de visionnement
Reprendre le visionnement d’un contenu connu et familier permet aussi de transformer les modalités des visionnements subséquents. Madeline (25 ans) visionne seule les séries qui lui tiennent à cœur pour contrôler son contexte de visionnement, notamment s’assurer une écoute focalisée. Dans un deuxième temps, elle reprend le visionnement avec son conjoint. Elle décrit alors une expérience de visionnement tout à fait différente, qui est l’occasion de nombreux échanges et qu’elle apprécie également beaucoup.
[mon copain] il fait beaucoup, beaucoup de commentaires ! Il arrête la série, pour commenter ! Au début, je lui disais : « mais qu’est-ce que tu fais là ? On va pas regarder comme ça ?». Donc, on s’engueulait. Solution : Je regarde toute seule. Après, je reprends ça avec lui. C’est cool, on se promène dans la série et on s’en parle. (Madeline, 25 ans)
Le revisionnement en contexte connecté offre aussi du contrôle sur la façon dont la pratique s’insère et structure le quotidien. Léo (22 ans) rapporte ainsi avoir mis en place un rituel lors de la première écoute de la série How I Met Your Mother auquel il était très attaché et qu’il choisit de reproduire lors de sa deuxième écoute. Il regarde ainsi un épisode chaque soir « parce que ça finit bien la journée », rythme qui, selon lui, permet d’apprécier pleinement les blagues de la série.
L’attention lors du revisionnement peut aussi se faire plus « oblique », moins engageante, accompagner d’autres activités (Hoggart, 1957, cité dans Passeron, 1993). Certaines et certains se servent ainsi de séries qu’elles et ils connaissent bien comme fond sonore, leur maîtrise de la trame narrative suffisant pour suivre le récit.
Je mets How I Met Your Mother sur mon ordi, sur mon deuxième écran tout le temps. Je le connais tellement parce que c’est juste une trame sonore. C’est pour ça, que je dis « facile ». Je fais tous les épisodes et je trouve ça encore drôle. J’ai fait ça trois fois. (Julie, 21 ans)
Gérer l’abondance de l’offre
Le revisionnement d’une série connue et appréciée est aussi un moyen de réduire l’investissement associé au fait de se plonger dans une nouvelle série. Trouver une nouvelle série implique un travail de recherche et d’évaluation. Une fois une série identifiée, il faut s’en approprier l’univers et les personnages, passer le cap du premier épisode, décider ou non de poursuivre le visionnement et courir le risque que les attentes ne soient pas au rendez-vous, avec pour résultat d’avoir perdu un temps précieux dont toutes et tous disent manquer.
C’est de la paresse. Sur Netflix, tu vois toutes les sélections puis là, soit tu cherches, faut que tu trouves une nouvelle série, que tu re-commences à apprendre les personnages, faut que t’embarques, ou tu fais juste cliquer « play » dans la liste qui est déjà là devant toi, puis tu sais que c’est bon et que c’est 100 % sûr que tu vas aimer. (Julie, 21 ans)
Si les jeunes adultes au Québec s’appuient sur les recommandations des pairs dans leur sélection de contenus à regarder, le choix d’une nouvelle série se fait aussi de plus en plus directement sur les plateformes de VàD (Thoër et al., à paraître). Sur ces plateformes, les algorithmes proposent une sélection de contenus personnalisée, mais il faut comme le soulignent Drumond, Coutant et Millerand (2019, p. 34) « que le prescripteur et le contenu qu’ils proposent soient reconnus [par l’usager] comme des aides à la décision ». Or plusieurs des participantes et participants ne s’en remettent pas strictement aux recommandations des plateformes, notamment de Netflix, considérant que la quantité de séries proposées est excessive et que la qualité n’est pas toujours au rendez-vous.
Netflix veut te donner immensément de contenus, parfaits, mais attends-toi à ce que moi, je sois très, très, très spécifique dans ce que je veuille… ou très, très sévère. […] Donc, si tu me donnes 90 séries, pis que y’en a quatre que je considère… qui sont, bah, qui sont de bonne de qualité, parce que je pense que je suis capable de juger une série de qualité ou non. Je sais pas, j’ai hâte de voir comment ça va aller dans les… si ils vont continuer ce stratège-là… je pense pas là, je pense que c’est plus une phase. (Léo, 22 ans)
L’abondance de l’offre a aussi pour conséquence que trouver une série à regarder implique un travail important de la part de l’abonné qui doit évaluer les séries proposées et son intérêt à les regarder, travail d’autant plus long que les descriptions des séries figurant au catalogue des plateformes sont peu détaillées. C’est donc plus souvent par essais que chacun procède (visionnement de la bande-annonce, du début de la série, de l’épisode pilote). Léo (22 ans) rapporte ainsi s’engager dans des activités de défrichage pour se constituer « un répertoire » mais explique aussi qu’il n’en n’a pas toujours le temps, d’où la tentation de revisionner une série aimée.
[En revisionnant], j’ai pas besoin de recommencer une nouvelle série et puis de peut-être pas être certain et finalement que ce petit moment-là que j’avais pour regarder quelque chose que j’avais envie d’être drôle, des séries qui sont affichées comme drôles mais qu’au final, moi j’ai vraiment pas appréciées. Donc, je me dis, je vais attendre d’avoir du temps, de me concentrer. Plus tard, j’en écouterai plusieurs épisodes et je pourrai dire « ok ça c’est drôle » « ça non ». […] Découvrir une série, parfois c’est décevant, parfois c’est très agréable, au sens où si on trouve une série qu’on aime, c’est toujours le fun, on est comme « hey cool, toi je t’accepte dans mon répertoire de séries ». (Léo, 22 ans)
Se tourner vers un contenu familier est ainsi présenté par nombre des participantes et participants comme un moyen de gérer l’abondance de l’offre de séries en ligne, de « faire le tri », parce qu’elles et ils n’ont « pas envie de fouiller sur internet ou sur Netflix pour pouvoir en trouver une que peut-être [ils pourraient] aimer ». On voit ainsi que l’accès à « un catalogue de contenu en perpétuelle expansion » (Campion, 2019, p. 1) peut s’avérer déroutant et amener les participantes et participants à contourner les recommandations des algorithmes et à se raccrocher à des repères familiers.
Discussion
Nos résultats mettent en évidence une diversité de pratiques de revisionnement connecté, certaines concentrées dans le temps et très proches de la première écoute d’une série, d’autres s’étalant sur plusieurs, voire de nombreuses années. Si ce qui fait l’objet du revisionnement varie (série ou saisons entières, épisodes, extraits), reprendre le récit depuis le début ou tout au moins en revisiter de larges portions, soit comme l’exprime un participant : « repartir pour une grande aventure » est une pratique largement répandue. En plus de constituer un retour à la série et aux émotions qu’elle suscite, le revisionnement permet de réinscrire la série dans le quotidien et de retrouver le rituel de visionnement qui lui était associé. Par ailleurs, avec la livraison de saisons entières sur les plateformes de VàD, les spectatrices et spectateurs ont « le sentiment de regarder non plus des épisodes, mais un (long) épisode » (Campion, 2019, p. 15), ce qui les incite peut-être à le revisiter dans son intégralité.
Ces pratiques de revisionnement renvoient à différentes significations dont les trois logiques identifiées par Mittell (2011), soit l’exploration de la complexité narrative, le partage avec d’autres et la reconnexion avec l’émotion associée au (x) visionnement(s) antérieur(s), qui se déclinent un peu différemment en contexte de visionnement connecté. Les participantes et participants insistent en effet sur le potentiel de contrôle des émotions, du contexte de visionnement, du texte sériel et sur les possibilités de gestion de l’offre de séries que permet le dispositif médiatique.
Comme le soulignait déjà Mittell (2011), le désir de reconnecter avec l’émotion associée au (x) visionnement(s) antérieur(s) constitue une dimension centrale du revisionnement, et ce, peu importe les séries[6].Certains participantes et participants soulignent leur capacité à réactiver périodiquement, à l’identique ou presque, les émotions attachées à l’expérience antérieure, comme cela a déjà été observé pour la lecture (Calinescu, 1993). Cette possibilité pour les individus de mettre en œuvre et de reproduire un rapport émotionnel au texte dans la répétition, viendrait, entre autres, de la subsistance d’une « tension narrative » que Baroni (2007, p. 18) définit comme « le phénomène qui survient lorsque l’interprète d’un récit est encouragé à attendre un dénouement, cette attente étant caractérisée par une anticipation teintée d’incertitude qui confère des traits passionnels à l’acte de réception ».
Toutefois, il ne s’agit pas non plus d’une répétition à l’identique, le revisionnement est un processus dynamique, car une partie du plaisir est associé au sentiment de contrôle que confère l’expérience de visionnement antérieure. Russel et Levy (2012), qui s’intéressent aux pratiques de reconsommation choisie (« volitional reconsumption ») de films, de livres et de séjours touristiques et s’appuient sur Deleuze (1968), soulignent que dans la répétition de la consommation se met en place pour l’individu, une hypersensibilité à l’émotion vécue et un sentiment de maîtrise accru de l’objet/site vers lequel il revient. Ce faisant, la répétition de la consommation ouvre la possibilité de voir et de vivre l’objet de façon nouvelle comme l’explique aussi Mittell (2011) : « we rewatch with the mindset of "now that I know what happens, it looks different" ».
Les participantes et participants présentent ainsi le revisionnement comme une nouvelle façon d’aborder la trame narrative. Comme l’explique Baroni (2007, p. 282), dans la répétition d’un récit, la tension narrative prendrait différentes formes. Une « forme de suspense » pourrait tout d’abord persister du « fait que de nombreux détails ont été oubliés, et lors d’une nouvelle actualisation, c’est précisément sur ces détails que se porterait notre attention ». En revisionnant des séries, les participantes et participants découvrent, avec émotion, de nouveaux éléments de la trajectoire des personnages et différents détails qui enrichissent l’expérience de visionnement. L’expérience est pour certaines et certains plus sereine et source d’un plaisir augmenté, permettant d’apprécier la série au présent et d’en exploiter sa complexité. Les pratiques des fans qui recherchent des divulgâcheurs (spoilers) avant de visionner un épisode de série s’inscrivent dans cette même logique, témoignant d’un besoin de contrôle accru de l’interprète sur le récit (Gray et Mittell, 2007). L’enthousiasme de l’anticipation peut toutefois diminuer au fur et à mesure des répétitions du récit (Baroni, 2007), comme l’ont souligné plusieurs participantes et participants.
Les émotions et le plaisir associés à l’expérience de revisionnement pourraient aussi être renouvelés à chaque nouvelle lecture d’un récit, parce que l’interprète se trouve devant un réseau de virtualités, particulièrement dans les séries contemporaines caractérisées par une grande complexité narrative et une « temporalité extensive et ouverte » (Baroni et Jost, 2008, p. 9). Le revisionnement offre en effet, la possibilité de naviguer dans le récit et dans l’expérience de visionnement qui lui est associée et plusieurs participantes et participants décrivent une pratique plus active que lors de la première écoute. Quand le revisionnement se fait avec d’autres, ce qui n’était pas fréquent chez nos participantes et participants, la pratique engendre de nouvelles interprétations du récit, les interactions autour des séries jouent un rôle important dans l’expérience et l’appropriation des contenus sériels (Esquenazi, 2014 ; Mittell, 2011), en transformant ainsi l’expérience de visionnement.
Pour plusieurs participantes et participants, le revisionnement est aussi motivé par le besoin de rester en contact avec les personnages le temps que s’érodent la fascination ou le désir que ceux-ci suscitent. Cette fascination peut s’exercer à l’égard de « l’univers fictionnel tout entier » (Esquenazi, 2014, p. 37) que certains participants déclarent d’ailleurs ne pas vouloir quitter. Ici, nous serions en présence d’une forme très particulière de tension narrative, où la répétition de l’engagement dans le texte est vécue comme une nécessité, comme c’est le cas dans le conte explique Baroni (2007).
Dans ce contexte qui se définit par la recherche d’une forme inaltérable dans laquelle le sujet pourrait identifier un « caractère immuable » dans le temps – caractère aussi bien du récit que d’un certain rapport du sujet à ce récit, et donc, par extension, de lui-même –, la répétitivité du conte (et des récits identitaires en général) semble jouer un rôle crucial (Baroni, 2007, p. 293).
Certains participantes et participants rapportent un attachement à des séries qui les accompagnent depuis de nombreuses années et qu’elles et ils revisitent pour rester dans un univers connu et confortable, offrant un plaisir garanti. S’exprime ici un sentiment nostalgique, le désir de revenir vers un lieu où l’individu se retrouve pour échapper à l’accélération du temps (Rosa et Renaud, 2013). La pratique constitue d’ailleurs pour la plupart une stratégie de gestion des émotions, de mise à distance du quotidien, l’écoute même distraite de la série apporte réconfort, apaisement et ressourcement. Elle offre aussi de nombreuses références et répertoires d’action vers lesquels revenir et puiser pour appréhender les situations auxquelles certaines et certains sont confrontés (Esquenazi, 2014 ; Glevarec, 2012) et ce, d’autant plus que les productions sérielles des dernières décennies explorent « de nouveaux territoires » (Maigret et Soulez, 2007) traitant de questionnements en phase avec ceux des jeunes adultes (identité sexuelle et professionnelle, sexualité, relations amoureuses, place au sein de la famille, relations avec les pairs, usages des drogues, rapport à la mort, etc. ; Julier-Costes, Jeffrey et Lachance, 2014). Le retour au récit sériel est ainsi une stratégie pour surmonter « les épreuves » (Delporte et Francou, 2014), mais aussi pour se révéler comme l’explique Macé (2011) à propos de la lecture. Celle-ci montre que l’expérience littéraire (et c’est tout particulièrement vrai du livre de chevet), « n’est pas une activité séparée, qui serait […] en concurrence avec la vie ; c’est l’une de ces conduites par lesquelles, quotidiennement, nous donnons une forme, une saveur et même un style à notre existence » (Macé, 2011, p. 10). Chaque expérience de revisionnement est l’occasion d’engager un dialogue avec la série, elle ouvre un espace de réflexivité qui permet de questionner et de mieux comprendre les émotions ressenties. Elle contribue à tisser un lien entre les expériences de visionnement passée, présente et future, offrant à l’individu la possibilité de mieux comprendre son parcours et de le réécrire (Russel et Levy, 2012). La pratique permet aussi d’accéder au temps biographique et social des écoutes antérieures du fait de cette propriété des objets médiatiques de nous faire remonter le temps (Niemeyer, 2014). Le revisionnement est ainsi l’occasion de se situer dans son parcours biographique, l’intervalle entre les visionnements, peu importe sa durée, étant productif de sens.
Le dispositif de visionnement connecté joue un rôle important dans la mise en place des expériences de revisionnement et dans la construction des significations qui s’y rapportent. Tout d’abord, il apparaît que le désir exprimé par plusieurs participantes et participants de rester dans le récit, et qui les amène à relancer le visionnement de la série ou de la saison à peine celles-ci terminées, est intensifié en contexte de visionnement connecté. En effet, la livraison de saisons entières sur les plateformes de VàD a pour conséquence que les séries peuvent être rapidement « consommées » (Campion, 2019), ce qui accroit l’attente entre celles-ci. Le dispositif des plateformes encourage cette pratique, notamment la fonctionnalité du « post-play » qui invite à enchainer épisodes et saisons, sans effort particulier de la spectatrice ou du spectateur (Goumand, 2018 ; Delaporte, 2018 ; Jenner, 2018). Dans ce contexte, le revisionnement constitue une stratégie pour faciliter l’expérience des intervalles imposés par le temps de production. L’abondance de l’offre de séries semble aussi avoir un effet étourdissant, d’où le besoin pour plusieurs de revenir vers un univers connu et confortable, offrant un plaisir garanti, lorsqu’elles et ils n’ont ni l’envie ni le temps, de rechercher de nouvelles séries dans lesquelles s’engager. Certaines et certains construisent des « listes de lecture » personnalisées (Lizardi, 2015), au sein desquelles les séries à revisionner occupent une place importante, permettant la mise en place d’une alternance entre contenus connus et nouveautés. Les listes personnalisées que l’usagère ou l’usager peut créer sur les plateformes, de même que celle proposée par l’algorithme de Netflix sur la base du parcours de visionnement, facilitent ce travail, encourageant par le fait même les pratiques de revisionnement.
La disponibilité prolongée des séries dans les catalogues de plateformes de VàD et leur accessibilité accrue via les dispositifs d’écoute mobiles augmentent aussi les possibilités de répéter le visionnement. Si les participantes et participants déclarent s’être ennuyés de l’émotion accompagnant l’écoute antérieure d’une série, toutes et tous perçoivent ces contenus comme étant à portée de clic sur les plateformes de VàD. Elles et ils insistent ainsi sur la facilité et le plaisir à rejouer l’émotion en relançant le visionnement de la série. Ainsi, avec le visionnement connecté, « la nostalgie n’est pas subie ou absorbée, comme pour les “reruns”, mais elle est voulue et recherchée » (Boni, 2018, p. 30). Il n’y a pas de sentiment douloureux et ce d’autant que le sentiment nostalgique est généralement tourné vers un passé récent.
This version of the nostalgic experience might be characterised not as temporal nostalgia, but as a temporal nostalgia, a nostalgia that is about the past, but where the past is contemporary with the present, a nostalgia that therefore seems to stand outside time. (Higson, 2014, p. 123)
Les plateformes de VàD exploitent ce sentiment nostalgique en proposant des productions populaires des années 1990-2000, comme Friends, Gilmore Girls ou How I Met Your Mother (Boni, 2018 ; Higson, 2014 ; Niemeyer, 2014) que certains participantes et participants retrouvent et que d’autres découvrent et investissent tel « un territoire exotique » (Boni, 2018, p. 31) dans le contexte actuel de culte du rétro.
Ces expressions nostalgiques sont aussi souvent ludiques et créatives et le dispositif de visionnement connecté permet de cibler certains fragments du récit ou de les combiner. Nos résultats témoignent ainsi des « tactiques » (de Certeau, 1990) que déploient les individus lorsqu’ils revisionnent, pour tracer un chemin qui corresponde à leurs intérêts, leurs besoins et leurs humeurs. Le recours aux paratextes, entre autres à certains extraits sur YouTube, joue un rôle notable dans ces pratiques de revisionnement ciblées. S’inscrivant dans la « culture de la convergence » (Jenkins, 2006) qui ouvre au remixage et à la circulation d’une diversité de contenus en lien avec la série, l’utilisation des paratextes augmente les possibilités de revisiter les séries et de personnaliser cette expérience. L’« écosystème médiatique » de la série (Berton et Boni, 2019) dans son ensemble peut donc être mobilisé dans le revisionnement d’une série.
Enfin, le discours promotionnel des plateformes, notamment de Netflix, de même que l’interface du dispositif, encourage les pratiques de revisionnement en mettant l’emphase sur le contrôle de l’usager sur le texte sériel et sur les modalités du visionnement. Si le potentiel du revisionnement reste selon Bentley et Murray (2016), insuffisamment exploité par les services de VàD, les plateformes ont néanmoins intégré cette tendance de leurs abonnés à revisiter les mêmes séries dans leurs stratégies de fidélisation (Hesmondhalgh, 2018), contribuant à diffuser et à légitimer ces pratiques, comme cela s’est produit avec le visionnement en rafale (Jenner, 2018 ; Goumand, 2018).
Conclusion
Cette recherche qualitative a permis de documenter les pratiques de revisionnement connecté de séries par les jeunes adultes au Québec. Nos résultats mettent en évidence une diversité de pratiques qui sont facilitées sur les plateformes de vidéo à la demande et renvoient à différentes significations. Le dispositif de visionnement connecté permet aussi un contrôle accru de la spectatrice et du spectateur sur les modalités et l’expérience du revisionnement. On est ainsi loin de la représentation du revisionnement comme forme de répétition compulsive et régressive pratiquée par les fans et dénoncée par Jenkins (1988). Nos participantes et participants font en effet référence à une pratique réflexive qui engage la gestion des humeurs/affects, l’affirmation identitaire, ou encore la construction d’un parcours de visionnement personnalisé. Il serait nécessaire de réaliser une enquête quantitative pour voir comment les usages et les significations du revisionnement connecté repérés grâce à cette recherche qualitative se déploient dans la population québécoise et varient, entre autres, selon les variables sociodémographiques, le parcours de visionnement passé, ou encore les genres sériels. Il serait aussi particulièrement intéressant de cerner en quoi les dimensions narratives et esthétiques des séries peuvent constituer des incitatifs à renouveler l’expérience de visionnement.
Parties annexes
Notes
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Au Québec, 80 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans et 70 % des 25-34 ans regardent des émissions télévisées en ligne, notamment des séries (CEFRIO, 2017). Netflix est de loin la plateforme de VàD la plus utilisée par les 18-34 ans pour visionner des séries, 70 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans et 61 % des 25-34 ans possèdent un compte au service Netflix, alors qu’ils sont respectivement 13 % et 12 % à être abonnés au service Illico Web, 7 et 5 % à disposer d’un abonnement à l’extra de Ici tou.tv et 2 % et 4 % à Crave, les trois plateformes locales. Ceux et celles qui possèdent un abonnement à Amazon Prime sont respectivement 13 % et 14 % (CEFRIO, 2019).
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Comme le souligne Boni (2012), ces pratiques créatives ont surtout été observées chez les publics fans.
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Comme le souligne Boni (2012), ces pratiques créatives ont surtout été observées chez les publics fans.
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Voir par exemple Godwin (2019) et Jurgensen (2019).
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Tous les noms des participantes et participants ont été modifiés à des fins de confidentialité des données.
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Les participantes et participants ont mentionné revisionner un grand nombre de séries et contrairement à Bentley et Murray (2016), nous n’avons pas pu associer des genres particuliers au désir de reconnecter avec l’émotion du visionnement antérieur, même si certaines séries populaires et emblématiques figurent parmi les séries citées par plusieurs participantes et participants. Il serait toutefois intéressant de mieux comprendre le rôle que jouent les dimensions narratives et esthétiques des séries dans les pratiques de revisionnement.
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