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Art écosphérique : de l’anthropocène… au symbiocène de Louise Boisclair, Paris, L’Harmattan, 2021, 257 pages. Postface de Derrick de Kerckhove[Notice]

  • Cléo Palacio-Quintin

Dès la première phrase, l’auteure, docteure en sémiologie, situe clairement son intention : « Ni écologue, ni activiste, ni permacultrice, quelle contribution pourrais-je apporter à l’amélioration de la planète ? » (p. 11). L’écriture de ce livre, d’une criante actualité (en ce début d’ère pandémique), est sans équivoque un avancement significatif sur la question. En brossant un tableau des enjeux environnementaux complexes auxquels l’humanité est confrontée, en présentant clairement les motivations et fonctions de l’art qui s’en inspire et en témoigne, ou encore en décrivant et en classant une panoplie d’oeuvres engagées en ce sens, elle atteste avec éloquence l’importance et la force de l’art pour réellement changer la situation et « renverser l’anthropocène en symbiocène ». Faisant suite à ses publications, L’expérientiel 1 : Art immersif, affect et émotion (2019) et L’expérientiel 2 : Émersivité du corps en alerte (2020), qui « plongent le corps respectivement dans l’oeuvre immersive et dans une situation critique de la vie, L’expérientiel 3 le plonge dans l’environnement menacé, dont l’art écosphérique illumine diverses réalités ou fabulations » (p. 13). L’auteure poursuit ainsi sa démarche qui consiste à « expérimenter, rendre compte et théoriser » (p. 12). L’anthropocène désigne l’époque géologique débutant au moment où l’activité humaine a commencé à avoir une influence à grande échelle sur la détérioration de la planète, alors que le symbiocène correspond à « un nouvel âge géologique où le vivre-ensemble des espèces vivantes est porteur de sens » (p. 69). Pour ce livre, l’auteure choisit d’utiliser le terme plus neutre d’« écosphérique ». L’écosphère comprend l’ensemble de la biosphère et son environnement atmosphérique et lithosphérique. Ainsi, le qualificatif écosphérique « évoque l’habitabilité d’une forme sphérique traversée par la médiasphère, la sonosphère, la technosphère, etc. […]. Ce terme générique renvoie donc à un lieu qui peut être aussi vaste que la planète ou circonscrit qu’une motte de terre » (p. 12). Celui-ci permet donc d’englober l’ensemble des démarches artistiques dont elle témoigne, sans les classer distinctement dans les clans opposés de l’anthropocène ou du symbiocène, plusieurs oeuvres ne pouvant d’ailleurs être classées d’un côté ou de l’autre. L’auteure nous fait aussi découvrir de nombreux néologismes, pertinents, essentiels, inspirants et toujours clairement définis pour chaque contexte. Plusieurs viennent du philosophe de l’environnement Glenn Albrecht, comme la « solastalgie », c’est-à-dire « l’émotion ressentie pour un lieu aimé et peuplé d’une biodiversité qui disparaît » (p. 43), qui nous gagne tous. Un glossaire reprend ces nouveaux termes à la fin du livre, suivi d’une riche bibliographie et médiagraphie, d’une table des matières très détaillée, ainsi que de la liste des illustrations (tableaux et photos). Après un Prélude d’introduction qui expose parfaitement les sujets abordés dans le livre, le texte est divisé en deux grandes parties : « Résister » et « Imaginer ». Pour « Résister », l’auteure propose deux chapitres faisant l’état des lieux de notre difficile cohabitation sur la planète. Après avoir bien situé notre appartenance au milieu naturel (notre ancrage physique) et planétaire (maintenant grandement transformée par la médiatisation globale), elle présente un historique touffu des recherches et avancées sur les questions climatiques, tout en remettant les pendules à l’heure : « Que s’est-il passé ? Quelle heure est-il ? » Le premier chapitre se termine en situant notre expérience planétaire esthétique comme appelant à la critique, la résistance et l’utopie. Le deuxième chapitre s’intitule : « Que peut l’art écosphérique ? » On y retrouve de multiples exemples des prédécesseurs en land art (qui ont sorti l’art du musée et créé des oeuvres monumentales souvent éphémères) et des pionnières de l’art écologique qui ont inventé des oeuvres …

Parties annexes