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  • Matthieu Stepec

Rares sont les enregistrements dédiés à la cornemuse, surtout lorsqu’il s’agit de musique contemporaine. Cet album d’Erwan Keravec nous invite à découvrir plusieurs facettes très différentes de cet instrument ; les prises de son y sont soignées et semblent taillées sur mesure pour chaque pièce. La première piste démarre par une vague, littéralement : No 20/58, de Heiner Goebbels, est une pièce qui force l’interprète à gravir un chemin de montagne jusqu’à venir rejoindre l’auditeur. Il s’agit donc d’une idée résolument scénique, dont l’enregistrement posait un défi évident : capturer l’effort physique du sonneur ainsi que l’effet de ses déplacements dans un espace bruyant et imprévisible. Le résultat est une déferlante impressionnante, où la cornemuse se démène en trilles expressifs au milieu d’environnements allant des coups de tonnerre aux chants d’oiseaux, en passant par des bruits résolument percussifs et mécaniques. Si les effets spéciaux prennent sans doute une place plus importante (et peut-être moins subtile) que dans une performance en direct, il en ressort néanmoins une pièce virtuose, extravertie, puissante, qui ouvre magistralement cet opus. On ne présente plus Éliane Radigue, dont les oeuvres explorent les nuances infinitésimales du timbre, étirées sur de longues plages où la perception du temps s’estompe et se dissout. La série Occam Océan se consacre aux instruments acoustiques : ici, Radigue trouve dans la cornemuse une partenaire étonnante et signe, avec Occam xxvii, la pièce la plus intimiste de cet album. Après une introduction alternant une ligne ténue, pianissimo, et des effets âpres et étouffés, c’est dans une sorte de douleur sonore que naît la voix multiple, le délicat agrégat qui va muer au long de la pièce avec cette lenteur caractéristique de la musique de la compositrice. Là où les oeuvres électroniques de Radigue révélaient des harmoniques surprenants, les couleurs inattendues d’un son impalpable, la cornemuse ajoute une dimension humaine, qui elle-même se transfigure au cours de la pièce. Pas d’attaques, pas de cliquetis de doigtés, juste des bourdons sans fin qui se meuvent en deçà de toute perceptibilité, s’écartent et se resserrent au détour des clusters comme les reliefs d’un paysage lointain, avant de mourir dans le gémissement rauque qui les a engendrés. Au milieu de ces deux pièces aux antipodes l’une de l’autre, Two Pages, de Philip Glass, apparaît comme une sorte de synthèse entre la virtuosité de Goebbels et le caractère hypnotique de Radigue. L’idée de transcrire cette pièce à la cornemuse peut paraître incongrue, presque absurde, mais c’est précisément l’effort requis par cette adaptation qui donne sa fraîcheur à cet enregistrement : on a rarement l’occasion d’entendre la musique minimaliste avec une couleur aussi typée et mettant autant d’ardeur dans l’exécution. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on n’entend pas souvent le concerto pour violon de Ginastera, dont il n’existait jusqu’ici qu’un seul enregistrement. La pièce, après une longue introduction du soliste (cadenza), fait place à une suite d’« études » censées traiter de difficultés techniques variées (tierces, harmoniques, quarts de ton, etc.). Celles-ci constituent le coeur du premier mouvement et leurs motifs sont repris à travers toute l’oeuvre. S’ensuivent un adagio « pour 22 solistes » et un finale fulgurant (agitato e allucinante). Andrew Wan se montre à la hauteur de cette pièce ambitieuse, longue, difficile, et livre ce qui sera sans doute désormais son enregistrement de référence. La performance de l’Orchestre symphonique de Montréal (osm), dirigé par Kent Nagano, n’est pas en reste : l’oeuvre est extrêmement riche en textures, allant des plus filigranées aux plus violentes, et permet d’exhiber toute la brillance et la virtuosité …

Parties annexes