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Nouveautés en brefQuelques disques récents de Barbara Hannigan[Notice]

  • Réjean Beaucage,
  • Françoise Davoine et
  • Suzie LeBlanc

Cet enregistrement s’ouvre sur une oeuvre très émouvante pour soprano solo de Luigi Nono. Inspirée par Djamila Boupacha, une jeune Algérienne arrêtée et torturée en 1960, qui mènera un long combat politique contre la torture des femmes, l’oeuvre éponyme exprime l’espoir de voir la lumière l’emporter sur la noirceur. Sur une étendue de deux octaves, des sons aigus et intenses sont suivis de pianissimi attendrissants. Après avoir interprété cette pièce en concert pendant dix ans, Hannigan nous offre une performance irisée et troublante. Soliste, cheffe d’orchestre et force créatrice de cet enregistrement, elle décrit le programme comme un triptyque : trois images, trois perspectives de nuits transfigurées. Une partie de son ingéniosité consiste à faire suivre le Nono de la Symphonie no 49, « La Passione », de Haydn. Dès les six premières mesures, nous sommes emportés dans les eaux sombres de l’âme humaine. Son tempo est spacieux sans être trop lent, et le phrasé regorge de détails. Le jeu du clavecin dans le premier mouvement est étonnant et, sans connaître l’intention de Hannigan pour cet instrument, nous pourrions nous interroger sur sa liberté rythmique. Dans une vidéo de sa chaîne YouTube, Hannigan nous révèle cependant qu’elle a été inspirée par le poème de Rilke Orphée, Eurydice, Hermès et qu’elle voulait créer l’atmosphère d’un monde souterrain. Elle a demandé à la claveciniste, Tineke Steenbrink, de jouer de manière désynchronisée avec l’orchestre afin d’imiter les pas d’Eurydice qui, dans le poème, trébuche sur son linceul. Les Quatre chants pour franchir le seuil de Gérard Grisey nous entraînent dans un tout autre monde sonore. Selon Grisey, l’oeuvre est une méditation sur la mort en quatre sections : la mort de l’ange, de la civilisation, de la voix et de l’humanité. Hannigan chante de manière dramatique et angélique. L’ensemble instrumental crée une atmosphère de mondes inconnus avec des moments de terreur, des murmures de désintégration et des cris de délivrance. Hannigan a également interprété cette oeuvre pendant plus de dix ans avant de l’enregistrer. Il est d’ailleurs fascinant de l’entendre dans quelques extraits d’une répétition dirigée par Susanna Mälkki, en 2008. Le résultat est déjà remarquable, mais il est évident que Hannigan y est au début d’un cheminement qui l’a menée à cette version mûrie qui est portée sur le disque. Elle partage, toujours sur YouTube, une belle réflexion au sujet du dernier mouvement : « La mort de l’humanité semble venir vers nous, et nous ne pouvons rien faire pour l’arrêter. » Grisey parlait d’un dialogue fragmenté sur l’inévitabilité de la mort. Ces chants ont été sa dernière offrande. Il est décédé subitement à l’âge de 52 ans, peu après avoir terminé ce cycle. Étant moi-même très méticuleuse en matière de programmation, j’admire la conception de ce disque qui fait honneur aux multiples talents de Hannigan : sa maîtrise vocale, sa direction d’orchestre et sa programmation inspirée. Le programme de l’album Crazy Girl Crazy est construit autour d’un réseau sémantique complexe qui commence dès le titre, dérivé de celui de la comédie musicale Girl Crazy de 1930 (musique de George Gershwin). La Girl Crazy Suite rassemble essentiellement trois chansons extraites de l’oeuvre originale ; elle est présentée dans une orchestration pour le moins particulière, signée Bill Elliott, qui utilise exactement le même ensemble instrumental que la Lulu Suite d’Alban Berg, également interprétée ici. La chanteuse se retrouve parfaitement dans le personnage qui chante « But Not For Me », « Embraceable You » et « I Got Rhythm », et elle se souvient de l’interprétation qu’elle en faisait déjà, adolescente, lors d’un spectacle scolaire ! L’idée de folie qui est …

Parties annexes