Résumés
Résumé
Cet article explique comment plusieurs dimensions de la nostalgie sont impliquées dans les initiatives de ciné-militantisme pour la préservation et la réouverture d’un ancien cinéma situé dans la banlieue de Rio de Janeiro (Brésil) : le Cine Vaz Lobo. Bien qu’inopérant depuis 1986 et déjà menacé de démolition, ce vieux cinéma art déco des années 1940 se tient toujours au milieu de la réalité socio-économique appauvrie de sa région. Il ne reste du Cine Vaz Lobo qu’une ruine préservée capable de catalyser des souvenirs liés à un passé local marqué par la fréquentation du cinéma, qui représente également un repère qui rassemble les résistances communautaires dans les sphères urbaines et sociopolitiques. La dynamique discursive et les engagements du Movimento Cine Vaz Lobo, le groupe qui lutte pour la survie de ce cinéma, trouvent dans la nostalgie une puissante ressource réflexive et critique, au service des luttes contre l’effacement des aspects identitaires et des relations historiques entre cinémas et villes.
Abstract
This article discusses how several dimensions of nostalgia are involved in initiatives of cine-activism for the preservation and reopening of an out-of-service movie theatre located in the suburbs of Rio de Janeiro: the Cine Vaz Lobo. Although inoperative since 1986 and already threatened with demolition, this old art deco cinema from the 1940s is still standing amidst the impoverished socioeconomic reality of the region. What remains of the Cine Vaz Lobo is a preserved ruin capable of catalyzing memories related to a local past marked by cinema-going practices. It is also a landmark that gathers community resistance in urban and socio-political spheres. The discursive dynamics and engagements of the Movimento Cine Vaz Lobo, the group fighting for this cinema’s survival, find in nostalgia a powerful reflexive and critical resource which serves the struggles against the erasure of identity and the historical relations between movie theatres and cities.
Corps de l’article
J’habite à Vaz Lobo et je suis heureux. Il n’y a pas d’agence bancaire, il n’y a que l’ancien cinéma et une fontaine. Vaz Lobo est à l’abandon, mais nous avons la foi et l’espoir qu’un jour notre santé et notre sécurité seront établies.
Fausto Gonçalves, Cine Vaz Lobo – O Filme (Luiz Claudio Motta Lima, 2015)
Vaz Lobo est un quartier de la banlieue de Rio de Janeiro, au Brésil, situé dans une région appelée Baixada do Irajá[1]. Ce quartier, principalement à partir des dernières décennies du xxe siècle, entra dans un processus de dégradation de ses infrastructures urbaines ainsi que de son développement socio-économique et culturel. Une grande partie de ce déclin est due au déséquilibre historique des investissements et de l’intérêt manifesté aussi bien par la gestion publique que par le secteur privé dans la région. L’augmentation de la violence urbaine, l’exode des habitants, la diminution de l’offre de commerces et de services ainsi que la mise au rebut des infrastructures urbaines sont autant de manifestations de la réalité entourant le quartier de Vaz Lobo. Cependant, dans l’histoire de la Zona Norte[2] et des banlieues de Rio de Janeiro, ce faubourg s’inscrit comme l’un des principaux centres éducatifs et récréatifs de la région, réunissant de nombreux collèges traditionnels, des clubs ainsi qu’un cinéma local, fréquenté, au cours de ses années prospères, par une « élite de banlieue » généralement composée de familles de travailleurs de la classe moyenne inférieure, de petits commerçants et de fonctionnaires.
L’épigraphe[3] de notre article offre quelques indices de cette dégradation urbaine qui frappe les banlieues de la ville et qui se traduit par une disparition des points de repères identitaires ou du moins une perte de centralité de ces derniers dans la vie quotidienne. Cette épigraphe est un extrait d’une chanson improvisée par Fausto Gonçalves, résident de Vaz Lobo, dans l’une des scènes du documentaire Cine Vaz Lobo – O Filme (Luiz Claudio Motta Lima, 2015), oeuvre audiovisuelle explorant la mémoire et les liens affectifs que les personnes interviewées (résidents du quartier, cinéphiles, militants culturels, chercheurs universitaires, etc.) ont établis avec le Cine Vaz Lobo, l’emblématique cinéma local fermé en 1986.
Les mots « abandon », « ancien » et « espoir » résonnent à travers la voix de Fausto Gonçalves, associés d’une part à la constatation d’un présent composé de vides et de pertes, et d’autre part à la suggestion d’un passé apparemment plus « sain ». Lorsque les vers évoquent l’avenir, il nous semble pourtant que c’est sous la forme d’une persévérance optimiste : « mais nous avons la foi et l’espoir qu’un jour […] ». La condition évoquée par le récit de Fausto Gonçalves n’est certainement pas l’apanage de Vaz Lobo, de la banlieue de Rio de Janeiro ou du Brésil. Il est fort probable que d’autres personnes, résidant dans des villes du monde où se manifestent également au fil du temps des processus de dégradations, exposent avec poésie leurs problèmes et leurs attentes vis-à-vis de leur environnement. D’une certaine manière, cet aspect rend notre prologue intelligible également pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de la banlieue carioca[4] ou de Vaz Lobo et, encore moins, du vieux cinéma de ce quartier[5].
De l’ancien Cine Vaz Lobo, il ne reste aujourd’hui qu’un bâtiment détérioré (Fig. 1), qui comprend, outre l’espace qui était dédié au cinéma lui-même, deux étages supérieurs composés d’appartements résidentiels.
C’est dans l’un de ces appartements que réside toujours l’une des héritières du dernier propriétaire de l’immeuble et directeur du cinéma, Manuel Mendes, décédé en 2009, lui-même fils du fondateur du Cine Vaz Lobo, l’entrepreneur portugais Antônio Mendes Monteiro, dont les activités dans le secteur de l’exploitation cinématographique, au milieu du siècle dernier, se concentraient dans la banlieue de Rio. M. Mendes a poursuivi la gestion du Cine Vaz Lobo jusqu’à sa faillite dans les années 1980, refusant continuellement les offres d’achat de l’ensemble architectural faites par divers supermarchés et églises ; sans ressources ni financement, il a maintenu jusqu’à sa mort l’espoir de voir l’espace réactivé en tant que centre culturel[6].
Le bâtiment du cinéma est situé dans une zone très centrale du quartier, le Largo de Vaz Lobo[7], occupant pratiquement tout un pâté de maisons. Les conditions de conservation sont déplorables, mais le bâtiment reste fidèle à son style néo-Art déco original. Au manque apparent d’intérêt manifesté par les héritiers à l’égard d’une éventuelle location, vente ou exploitation de l’espace à des fins culturelles/cinématographiques s’ajoute la dynamique complexe de la gouvernance de Rio de Janeiro, qui relègue traditionnellement une grande partie de la banlieue carioca à une sous-condition urbaine.
La discontinuité traditionnelle des agendas culturels est notoire dans la ville de Rio de Janeiro, où les administrations municipales sont remplacées tous les quatre ans, lors des élections municipales (excepté en cas de réélection). De plus, historiquement, l’offre de loisirs, les investissements publics et privés dans la culture et les infrastructures socioculturelles urbaines ainsi que l’entretien des équipements culturels (où la population peut produire et consommer des biens culturels) se concentrent en priorité dans les zones riches de la ville de Rio de Janeiro, en particulier dans la Zona Sul (zone touristique la plus prisée) et dans certaines parties du Centro (Dantas 2016).
Aujourd’hui, pour regarder un film dans une salle de cinéma standard, les quelque 15 200 habitants du quartier de Vaz Lobo doivent recourir aux multiplexes des centres commerciaux des quartiers voisins, dont les salles les plus proches, en prenant comme point de départ l’ancien Cine Vaz Lobo, se trouvent à environ 4 km. Ainsi, pour eux, « aller au cinéma » est une pratique soumise aux critères de la configuration du parc d’exploitation cinématographique de Rio de Janeiro, qui n’offre presque aucune alternative aux multiplexes cinématographiques des centres commerciaux. Dans ce contexte, il existe deux facteurs complexes qui affectent et entravent l’accès au cinéma de nombreux habitants de banlieue, tels ceux du quartier de Vaz Lobo : 1) le prix élevé du billet d’entrée dans les multiplexes, lequel coûte en moyenne 10 $ US (excepté le demi-tarif étudiant), alors que le salaire minimum brésilien est de 192 $ US par mois ; et 2) les dynamiques des politiques de surveillance des centres commerciaux brésiliens qui se basent sur des critères raciaux et de classe sociale. Nombreux sont les récits de personnes noires et pauvres victimes d’abus de la part d’agents de sécurité, ou encore de crimes raciaux et de mépris de la part de vendeurs de magasin.
Dans ce contexte, le Cine Vaz Lobo, bien qu’inactif, est perçu ces dernières années comme une ruine puissante, précieuse pour la définition des identités, un catalyseur de mémoire, d’engagement et d’action par les anciens habitués et les amateurs de culture du coin, y compris les plus jeunes, qui n’ont parfois jamais pénétré dans ce cinéma. Le Cine Vaz Lobo se démarque également par l’image qu’il véhicule dans ce paysage : il s’agit d’un dispositif médiatique de la salle de cinéma classique, à savoir un éminent movie palace, représentant d’un âge classique des médias ; il est donc considéré comme une relique périssable, vestige d’une époque médiatique (et urbaine) relativement distante du contexte actuel de numérisation et de dématérialisation qui englobe aujourd’hui les univers de la distribution, de l’accès, de la projection, du divertissement et de la réception cinématographiques/audiovisuels.
Le Cine Vaz Lobo a près d’un demi-siècle d’histoire en tant qu’important cinéma local de taille moyenne ou, selon les termes d’Olivier Baudry (2001, 13), en tant que « cinéma de proximité », autrement dit, un cinéma de quartier (non central) qui facilite localement la création de liens de sociabilité compte tenu de deux caractéristiques fortes : une proximité géographique, permettant une certaine facilité d’accès, et une proximité psychologique, presque affective. Malgré son importance locale, le Cine Vaz Lobo a succombé à la vague de fermetures de « cinémas de rue[8] » qui a frappé sans distinction, entre les années 1980 et la première décennie de ce siècle, les zones pauvres et riches de Rio de Janeiro. Aujourd’hui, le Cine Vaz Lobo est un présent-absent : ses ruines perdurent dans le paysage paupérisé du quartier homonyme, entrelacées aux mémoires des anciens habitués.
Ce cinéma, conservé dans son propre épuisement, attire l’attention du fait des couches de temps qu’il est capable de retenir, de combiner, de réverbérer. En raison de la persistance de ses aspects matériels et immatériels, encore chargés de significations et aptes à d’éventuels réemplois, il est simultanément convoqué par des mémoires – qui l’associent à des événements de la vie personnelle et de groupe d’anciens habitués – et par des urgences collectives (urbaines, culturelles, médiatiques, etc.) auxquelles il répond, d’une certaine manière, ne serait-ce qu’en exposant sa propre condition, à l’état de décomposition. À l’instar d’autres cinémas inactifs de grandes et de petites villes dont les structures physiques se sont maintenues, le Cine Vaz Lobo s’inscrit dans le paysage du quartier en tant que ruine à travers laquelle ce qui est présenté « n’est présent qu’en tant qu’absence » (Huyssen 2014, 98).
Questions et méthodologie de recherche
Tout cela nous invite à réfléchir à la relation intrinsèque, profonde et historique entre les espaces urbains et les médias audiovisuels, ainsi qu’aux représentations que nous construisons à partir de celle-ci. Comment nos affects adhèrent-ils à de telles représentations ? Quelles forces sont en action lorsqu’un déclic nous rappelle le cinéma du quartier de notre enfance ? Qu’en est-il du processus de sélection, entre le souvenir et l’oubli, lors de la production de telles mémoires ? Comment les subjectivités, les territoires existentiels, les appartenances identitaires et les sociabilités des publics sont-ils marqués par le jeu de la présence et de l’absence, de la distance et de la proximité, de la mutation et de l’obsolescence du dispositif médiatique de la salle de cinéma ?
Il existe en effet une relation historique intrinsèque entre le quartier de Vaz Lobo et son cinéma local, qui nous renvoie à un passage de la « Lettre à Serge Daney : optimisme, pessimisme et voyage », de Gilles Deleuze (1990), dans lequel le philosophe déclare que les villes appartiennent à des moments particuliers de l’histoire des médias. Cela étant dit, il est intéressant d’observer, par exemple, comment certains espaces urbains et certains types de sociabilité s’articulent avec les médias et les technologies d’une époque à une autre. On peut citer de nombreux exemples de cette relation, parmi lesquels : les trottoirs aux longues files d’attente de spectateurs et les néons des movie palaces au milieu du xxe siècle ; l’essor de la vidéo avec la cassette VHS dans les banlieues les plus aisées des États-Unis au cours des années 1980 (intensifiant la consommation domestique du loisir audiovisuel initiée auparavant par la télévision) ; l’expansion virtuelle contemporaine des espaces physiques urbains par les médias géolocalisés [9]; etc.
Suivant cette corrélation, il nous semble que le quartier de Vaz Lobo est fortement lié à l’époque des grands cinémas de rue qui ont commencé à disparaître ostensiblement à partir des années 1980. Les dynamiques et mémoires engendrées localement ont ainsi pu investir ce cinéma de manière affective, socioculturelle, identitaire, urbaine et politique, faisant de lui un repère médiatico-spatio-temporel. On retrouve ainsi autour du Cine Vaz Lobo une ample élaboration d’actions et de récits associés aux mémoires individuelles et collectives, aux affects et aux liens identitaires. Il s’agit d’une trame discursive polyphonique, mais également d’actions soucieuses des trajectoires de vie, de mort et de possible résurrection du vieux cinéma, menacé d’effacement physique comme symbolique, et dont la création du Movimento Cine Vaz Lobo est la matérialisation.
À l’origine composé de 15 membres[10], le groupe de militants s’est formé en 2010 dans le but de redonner au vieux cinéma sa centralité urbaine et socioculturelle dans le quartier de Vaz Lobo. Les récits et les actions des militants font également apparaître des revendications qui soulèvent la question de la dévastation urbaine et culturelle de la région. Ils s’inquiètent entre autres du délabrement des infrastructures urbaines, du développement politique et économique de la ville (et du Brésil), du manque d’initiatives allant dans le sens d’une démocratisation de la culture dans les zones périphériques, etc. Ainsi, la lutte pour le cinéma semble servir également de moteur capable d’élargir les lignes d’action du groupe.
Une autre interrogation se dessine à partir de ce contexte : comment un cinéma de banlieue fermé depuis plus de 30 ans est-il resté intimement lié à la population ainsi qu’aux dynamiques locales socioculturelles et politiques, apparaissant comme un catalyseur fécond de mémoires, d’affects et de liens d’appartenance communautaire ainsi que comme un lieu de résistance et d’engagement populaire ? Les démarches actuelles en faveur de sa sauvegarde architecturale et de sa réactivation en tant que cinéma (ou espace culturel) ne semblent pas être intimidées par les métamorphoses intenses subies par les médias audiovisuels traditionnels ni par un urbanisme qui ne porte que peu d’intérêt aux espaces de vie et aux pratiques communautaires, en particulier dans les zones les plus pauvres – sauf dans le cas d’une occasion d’embourgeoisement.
C’est ainsi que la richesse du cas du Cine Vaz Lobo nous a incité à l’insérer en tant qu’objet d’analyse dans deux recherches connexes : « Usufruits, émancipations et nostalgies activées : l’agencement spectateur de cinéma/salle de cinéma aujourd’hui », développée à l’Escola Superior de Propaganda e Marketing – Rio (2017-2021), et « Cartographier les militantismes, penser les cinémas », menée dans le Programa de Pós-graduação em Cinema e Audiovisual de l’Universidade Federal Fluminense (2018-2022). Ces recherches ont en commun un certain intérêt pour la production de mémoire de la pratique d’« aller au cinéma[11] » (cinemagoing) et pour les conditions permettant l’apparition du « ciné-militantisme » (cinemagoing activism)/« militantisme des publics de cinéma » (cinemagoers activism). Bien qu’ayant toutes des objectifs spécifiques et distincts, ces études établissent le diagnostic de mobilisations populaires ou institutionnelles qui défendent aujourd’hui la survie ou la réouverture de « cinémas de rue » (sidewalk cinemas) historiques et significatifs dans les centres urbains, les banlieues ou les zones rurales du Brésil.
Après deux ans de collecte de données et de publication de textes dans des revues et des annales de congrès brésiliens, l’émergence de nouvelles réflexions théorico-analytiques a permis de développer les approches originales de ces recherches. Il nous a alors semblé nécessaire d’aller au-delà des propositions analytiques sur les pratiques d’« aller au cinéma » et du caractère actif de la nostalgie des publics. Pour ce faire, il fallait donc examiner de plus près les agencements expressifs, stylistiques et thématiques des énoncés qui sont en jeu dans les mobilisations et les stratégies discursives des militants. L’accent a donc été mis sur la structure narrative propre à un univers que nous appelons « ciné-militantisme », en tenant compte des modes de manifestation de la nostalgie ainsi que des aspects identitaires, historiques, urbains, affectifs, de classe sociale, etc., qui accompagnent les cas étudiés[12].
En ce sens, il est utile de rappeler, par exemple, que pour Bakhtine, les énoncés sont produits en fonction des caractéristiques des différentes sphères concrètes de la vie quotidienne. D’une manière générale, ce que nous disons, mais aussi comment, quand, d’où, dans quel but et à qui nous le disons sont des critères d’interaction dialogique qui seront toujours marqués par des contextes situationnels et des noyaux idéologiques. Ainsi, dans l’analyse des discours et des actions du ciné-militantisme, outre l’observation des conjonctures, il est intéressant d’explorer également les différents modes – appelés par Bakhtine « genres du discours » (1984, 265) – par lesquels les énoncés se présentent. Là encore, les interférences de la pluralité de la vie sociale seront inévitables. C’est face à elles que de tels modes d’énonciation/genres du discours se matérialisent, conformément aux intentionnalités de la communication que nous devons réaliser dans une situation donnée.
Tout cela participe d’une « stylistique » qui accompagne les intentions discursives ; dans le contexte du ciné-militantisme, en particulier dans ses relations à la nostalgie, la notion de « style » est extrêmement importante. Pour Bakhtine, chaque situation de la vie réelle exige un choix de mots et de ressources linguistiques particulier afin de composer des énoncés et leurs styles respectifs. À cela s’ajoute la question de l’expressivité avec laquelle nous faisons tinter les actes de langage, au moyen d’intonations et d’éléments non verbaux. Selon les mots de Bakhtine (1984, 291), « le rapport de valeur à l’objet d’un discours (quel que puisse être cet objet) détermine, aussi, le choix des moyens lexicaux, grammaticaux et compositionnels de l’énoncé. Le style individuel de l’énoncé se définit avant tout par ses aspects expressifs ».
Nous rencontrons chez Michel Foucault un puissant recours dans l’élaboration de nos réflexions sur les pratiques discursives et non discursives qui s’immiscent dans le ciné-militantisme. Les approches que nous élaborons ne se tournent donc pas nécessairement vers ce qui est dit, mais plutôt vers ce qui est en jeu dans la circulation des énoncés, ce que nous indiquent les dits et les interdits, les lieux d’où parlent les sujets de ces pratiques, et de quelle manière les événements, les ruptures et les continuités liés aux relations entre individus, villes et médias (en nous concentrant sur le dispositif de la salle de cinéma) sont-ils en mesure de nous renseigner au sujet de ce qui structure les savoirs et les pouvoirs de chaque moment historique impliqué. De ce fait, l’archéologie du savoir et les ordres du discours de la proposition foucaldienne sont ici opportuns, car ils mettent en évidence la pertinence d’une enquête plus minutieuse sur l’ensemble des forces et des relations de pouvoir à l’oeuvre dans le ciné-militantisme. Pour Foucault (1971, 12), « le discours n’est pas simplement ce qui traduit les luttes ou les systèmes de domination, mais ce pour quoi, ce par quoi on lutte, le pouvoir dont on cherche à s’emparer ».
Nous en déduisons que les énoncés, les styles, les expressivités et les actions liés au ciné-militantisme ainsi qu’aux élaborations de la mémoire de la pratique d’« aller au cinéma » se rapprochent du caractère polyphonique et hétérogène de la nostalgie. Les angles permettant d’associer la nostalgie à ce qu’il existe de discursif et de non discursif dans le ciné-militantisme sont innombrables, compte tenu du contexte des luttes, des politiques et des affectivités des mouvements, mais aussi des reconfigurations inépuisables des sphères de la vie sociale, identitaire et subjective des individus.
Il nous semble que le Movimento Cine Vaz Lobo est susceptible de produire une profonde nostalgie pour les raisons suivantes : 1) la valorisation de « l’âge d’or » du cinéma et les lamentations dues à l’effondrement et à la fragilité actuelle de ce dernier ; 2) la compréhension lucide de la perte de légitimité du dispositif de la salle de cinéma devant les autres plateformes d’accès à l’audiovisuel ; 3) le souvenir ému du passé du quartier – quand le cinéma y était encore un puissant élément en activité –, accentué par le processus de dégradation urbaine et le déclin de la qualité de vie locale ; 4) la défense d’identités culturelles et de sentiments d’appartenance, du fait du terrain fertile constitué par les relations affectives avec le cinéma, propice aux luttes pour la survie de ce dernier, pour la défense de la culture cinématographique ainsi que pour la démocratisation de l’accès à l’audiovisuel dans la région.
On peut ainsi constater une triple liaison entre médias et nostalgie : 1) une nostalgie dans les médias ; 2) une nostalgie des médias ; et 3) une série de manifestations nostalgiques associant à la fois les médias et les médiations socioculturelles, politiques, urbaines, technologiques[13], etc.
Nous pensons donc que le cas du Cine Vaz Lobo répond à cette triple liaison et met en lumière des questions liées à la nostalgie qui semblent ne pas se limiter au regret de la fermeture du cinéma ; au contraire, nous notons que ce cas révèle un réseau complexe d’agencements entre nostalgie, cinéma et divers niveaux de médiation relatifs aux aspirations contextuelles et aux développements historiques. Cette situation exige donc que nous soyons capables de penser la nostalgie au-delà d’une simple réponse aux angoisses provoquées par l’absence du Cine Vaz Lobo, sans la réduire aux pôles du diagnostic de la perte et de la plongée dans l’amnésie (Grainge 2000, 29).
Le Cine Vaz Lobo, un cinéma de banlieue
C’est sous la période dictatoriale de l’Estado Novo, présidée par Getúlio Vargas, qu’a été inauguré en 1941 le Cine Vaz Lobo, alors équipé de 1 800 sièges. Réalisée en présence de la première dame du pays, Darcy Vargas, cette inauguration s’inscrit dans une démarche évidente de l’État de se rapprocher des classes ouvrières qui habitaient les banlieues.
À cette époque, aller au cinéma était une pratique déjà consolidée dans toute la ville. Le marché de l’exploitation cinématographique se divisait alors entre les grands noms de l’industrie cinématographique, les grandes et moyennes entreprises nationales, les petites entreprises (la plupart familiales) et l’Église catholique, qui possédait alors quelques-uns des cinémas de la ville.
Le Cine Vaz Lobo fut initialement géré par la société Cine Alpha, qui n’opérait que dans les quartiers de la banlieue de Rio[14]. Il était qualifié de « cinéma de premier ordre » (Gonzaga 1996), car on y projetait des films hollywoodiens et brésiliens qui venaient d’être lancés – bien que cette information soit parfois contredite par d’anciens habitués qui évoquent la longue attente avant que soient projetées les pellicules des derniers films sortis. Sa programmation, suivant une pratique courante de l’époque, incluait des compléments, à savoir des films en général plus courts – parmi lesquels des actualités cinématographiques – projetés avant le long métrage principal de chaque séance.
Selon des témoignages historiques, au cours de la projection d’actualités cinématographiques en 1942, un reportage sur le naufrage d’un navire brésilien au combat durant la Seconde Guerre mondiale a suscité un grand tumulte parmi les spectateurs du Cine Vaz Lobo, tumulte qui se transforma en une manifestation juste devant la porte du cinéma exigeant du gouvernement brésilien une déclaration de guerre officielle à l’Allemagne nazie. La nouvelle du naufrage du bateau n’a peut-être pas circulé uniquement grâce aux actualités cinématographiques, mais cette manifestation insolite contribue à renforcer l’idée que le cinéma, en tant que référence locale, faisait partie de la vie de cette communauté, se connectant également à de plus larges contextes :
the observation that cinemas are sites of social and cultural significance has as much to do with the patterns of employment, urban development, transport systems and leisure practices that shape cinema’s global diffusion, as it does with what happens in the evanescent encounter between an individual audience and a film print.
Maltby 2011, 9
En écho à Richard Maltby (2011), il convient de se pencher sur l’importance que le Cine Vaz Lobo, bien qu’inactif, conserve localement en tant que point de repère et point d’ancrage affectif. Sa position de premier plan résonne encore aujourd’hui avec tant de vigueur que, surmontant son état d’usure et de ruine, il est capable de faire circuler de nouveaux liens et des significations inédites : dans ses sillons, ce ne sont plus des spectateurs en quête de loisir cinématographique qui se rassemblent, mais des militants et des passionnés qui re-connaissent et re-pensent le rôle de ce cinéma dans la configuration de la vie urbaine et socioculturelle de la région.
Il faut également souligner qu’en tant que cinéma de banlieue, le Cine Vaz Lobo a été affecté par la décentralisation et la dépréciation des quartiers des banlieues de Rio de Janeiro, notamment en raison des stigmates socioculturels, des déterminismes fonctionnels et des ségrégations territoriales et économiques.
Le malheur du Cine Vaz Lobo se trouve à la convergence de ces différents éléments. Sa fermeture s’est effectuée de manière intermittente entre 1982 et 1986, et le bâtiment est fermé depuis maintenant plus de 30 ans[15]. En 2010, l’édifice était sur le point d’être démoli dans la foulée des travaux qui devaient permettre à la ville d’accueillir la Coupe du monde de la FIFA en 2014 et les Jeux olympiques de Rio en 2016. Dans les plans des autorités, certaines zones étaient particulièrement stratégiques pour la construction de complexes sportifs et des voies de la ligne TransCarioca (transport en bus à haut niveau de service [bus rapid transit]) ; parmi ces zones se trouvait le quartier de Vaz Lobo. Aussi, pour que la ligne de bus puisse suivre l’itinéraire prévu, il fallait démolir le Cine Vaz Lobo et d’autres infrastructures urbaines locales. Face à la menace, des habitants, d’anciens habitués du cinéma, des cinéphiles, des chercheurs et des passionnés de culture ont fondé en 2010 le Movimento Cine Vaz Lobo : Preservação Cultura e Memória (« Mouvement Cine Vaz Lobo : préservation de la culture et de la mémoire ») dans le but de lutter pour la survie du bâtiment du cinéma, son inscription au patrimoine historique et sa transformation en un centre culturel, qui abriterait un théâtre et un cinéma. Au départ, l’action principale du Movimento visait l’ultimatum de démolition.
Fernanda Costa, qui était à l’époque étudiante en architecture et habitait la région, n’avait jamais fréquenté le cinéma, étant née après sa fermeture. Elle a cependant rejoint la mobilisation d’une manière qui retentit encore aujourd’hui dans les récits du Movimento. Devant les menaces pesant sur la pérennité du bâtiment et l’imbroglio urbain, familial et politique qui s’était établi, Costa a décidé de se pencher sur le cas du « Cine Vaz Lobo contre les voies du BRT » pour en faire l’objet d’analyse de son travail de fin d’études en architecture[16]. À cette fin, elle a élaboré un plan architectonique incluant la proposition d’un nouveau parcours pour les couloirs de bus. Son travail a rencontré un vif succès et a été soumis à l’attention de la mairie de Rio de Janeiro, qui subissait déjà de fortes pressions de la part des habitants, des habitués des ciné-clubs, de la presse, des architectes et des urbanistes liés à l’Instituto Histórico e Geográfico da Baixada do Irajá (« Institut historique et géographique de la Baixada do Irajá »), une association de chercheurs de la banlieue incluant le quartier de Vaz Lobo. Le projet conçu par Costa était centré sur le caractère d’authenticité du bâtiment néo-Art déco, ainsi que sur les significations affectives et identitaires de cet édifice pour la communauté. Le nouveau parcours de la ligne de bus qu’elle y proposait a finalement été adopté par l’équipe technique de la mairie.
L’ancien cinéma a été sauvé et très vite, dès 2012, la promesse de sa réouverture à des fins culturelles a été formulée par la mairie, bien qu’elle ne se soit toujours pas concrétisée[17]. En plus d’avoir empêché le démantèlement définitif du Cine Vaz Lobo, la mobilisation amorcée en 2010 a contribué à faire classer provisoirement le bâtiment au titre de patrimoine architectural de la ville. Cependant, la réouverture du cinéma ne s’en trouve pas pour autant garantie. Malgré cela, militants, anciens habitués et passionnés maintiennent leur mobilisation en se réunissant de temps en temps, en menant des actions sur les réseaux sociaux, en donnant des entrevues à la presse et en réfléchissant à la manière de minimiser les risques afin d’assurer la survie de ce qu’il reste du Cine Vaz Lobo.
Nostalgie et dynamique du ciné-militantisme
Les approches portant sur la nostalgie ont depuis quelque temps mis en échec les stéréotypes la définissant comme un affect de pastiche, purement festif, triste ou démuni de critique. Il ne s’agit désormais donc plus de supplanter les excès et les lieux communs des romantismes profondément liés à sa classification en tant qu’émotion historique (Boym 2001, 158) ou encore à sa conception séminale, d’origine médicale et de nature pathologique – établie en 1688 par le Dr Hofer au moyen de la jonction de deux mots grecs : nóstos, « retour », et álgos, « souffrance ». Aujourd’hui, nous assistons à l’essor d’approches théoriques, conceptuelles et méthodologiques qui se consacrent à l’examen plus approfondi de la nostalgie, de ses procédés, de ses interfaces et de ses intégrations thématiques. En mettant en relief son acception en tant que ressource culturelle ou en tant que stratégie, nous nous éloignons des interprétations qui la dotent d’un caractère évasif et passif et qui la conçoivent comme le reflet de l’incapacité humaine à faire face aux vicissitudes du présent et aux incertitudes de l’avenir (Kalinina 2016, 8), pour nous rapprocher d’auteurs qui, sans éluder toutefois des paramètres relativement lucides et critiques au sujet des trames entre passé et présent, défendent le rôle positif joué par la nostalgie au cours d’événements qui exigent différents moyens pour faire face au stress, au traumatisme psychique, à la solitude, aux sensations de perte[18], etc.
Nous ratifions ainsi les idées misant sur un caractère plus fertile et à multiples facettes de la nostalgie, en raison justement des liens et des échanges pouvant exister entre les acceptions, les densités et les variétés qui la recouvrent. Considérant plus particulièrement la relation entre la nostalgie et les médias, nous proposons donc d’assumer la pluralité intrinsèque de la nostalgie ; envisagée au pluriel, comme nostalgies, selon Niemeyer (2014), la notion reflète mieux la myriade d’expériences et d’objets avec lesquels elle interagit dans le vaste champ médiatique, champ où nous situons précisément le cas du Cine Vaz Lobo et du phénomène de ciné-militantisme qui l’accompagne.
Stuart Tannock (1995, 455) semble également reconnaître cette dimension hétérogène, lui qui considère la nostalgie comme une puissante manière d’aborder le passé. Pour l’auteur, la valeur de la nostalgie réside justement dans sa capacité à nous pousser au regroupement et à l’action. Ces idées de « regroupement » et d’« action » – qui sont d’ailleurs deux postulats du ciné-militantisme – entretiennent certaines affinités avec les dynamiques de la nostalgie ; cela souligne à nouveau qu’il existe d’autres voies par lesquelles celle-ci procède, au-delà de tout cheminement qui l’attellerait à une forme de passivité, de paralysie, de lamentation et d’innocuité.
C’est une autre approche qu’exposent Michael Pickering et Emily Keightley (2006, 922), à travers une perspective tout aussi féconde permettant d’appréhender la nostalgie comme un outil critique s’engageant activement dans le moment présent de nos existences, dans la vie quotidienne. Selon Pickering et Keightley, la nostalgie nous invite à nous interroger sur les articulations et les représentations que nous élaborons dans le temps présent à l’égard du passé. Les auteurs n’excluent pas pour autant de ces processus les médiations sentimentales qui y sont impliquées.
La nostalgie cependant, en particulier de nos jours, est invariablement associée à un investissement émotionnel lourd exercé au cours de situations et soumis à des facteurs liés à la gestion du passé et de la mémoire. À titre d’exemples, nous pouvons citer : la surévaluation des origines (mythes d’origine) ; la quête de religions aux passés imaginaires ; les aspirations à des modèles (pour soi et pour l’autre) inspirés d’idéaux et de paradigmes anciens ; l’aversion à l’égard des altérités « déviantes des traditions » ou « jugées coupables des désintégrations » identitaires, familiales, morales, patrimoniales, nationales, etc., et leur persécution. Ce qui rassemble ces différents cas, c’est l’association rapide entre le terme « nostalgie » et de nombreuses projections dans des mondes utopiques, des topoi dont l’existence même, ancrée dans un passé lointain ou récent, devient objet de croyance pour de nombreux individus.
Le mot « utopie » devrait d’ailleurs être ici remplacé par l’expression retrotopia, laquelle fait écho à Zygmunt Bauman (2017). Selon ce dernier, dans nos « sociétés liquides » – la postmodernité étant marquée par l’échec de l’idée de progrès, la méfiance à l’égard du changement, le scepticisme et la peur de l’avenir –, l’utopie et la dystopie cèdent le pas à la rétrotopie, concept qu’il associe à une vision monochromatique de la nostalgie en tant que réponse à la perte/au manque d’espace ou de temps chimérique. Bien qu’abordant de manière critique les événements géopolitiques rétrotopiques, Bauman n’y ajoute pas, en tout cas pas de manière évidente, les nuances que la notion de nostalgie soulève et qui vont au-delà de la version « négative » afférente à une régression (occasionnée par le désagrément face aux discontinuités et à la peur de l’avenir).
La puissance créatrice de la nostalgie dans les processus de production de mémoire se trouve dépréciée lorsqu’un lien immédiat est établi entre des modes et des expressivités nostalgiques et certaines lassitudes existentielles ; pareille relation empêche de souligner la capacité productrice de la nostalgie dans les actualisations de telle ou telle virtualité du passé.
Nous défendons, au contraire, que la force stylistique et émotionnelle de la nostalgie est capable de colorer de diverses nuances les processus de production de mémoire, en agissant substantiellement sur les arrangements et les sélections de ce qui est effacé ou préservé. Il nous semble ainsi que la nostalgie emprunte au couple mémoire-oubli – qui configure, selon Paul Ricoeur (2006), les opérations de mémoire – ses rythmes et tonalités ; il s’agit également d’une forme de gestion discursive et affective du passé ou de ce que l’on peut considérer comme absent ou en danger de disparition.
Rejoignant ainsi Krystine Batcho (2007, 361), nous soulignons que toute mémoire n’est pas forcément nostalgique, mais que la nostalgie ne peut s’exprimer en dehors du domaine de la mémoire. Pour Batcho, la réminiscence correspond à l’acte de se souvenir du passé, et la nostalgie, pour sa part, au sentiment aigre-doux qui accompagne certaines mémoires. C’est précisément cet aspect que nous souhaitons mettre en évidence, cette espèce de supplément que la nostalgie est capable de mobiliser dans les expériences mémorielles. Dans les engrenages du ciné-militantisme en faveur du Cine Vaz Lobo, le style et les expressivités, qui confèrent une valeur nostalgique aux aspects discursifs et non discursifs ainsi qu’aux actions du ciné-militantisme, s’assimilent à cette dimension supplémentaire et féconde.
Ainsi dotés de ce caractère supplémentaire, aussi bien le manifeste annonçant les propositions des ciné-militants qu’un message publié sur le réseau social Facebook en 2016, à la date de la commémoration du 75e anniversaire du cinéma, recourent au critère de « sensibilisation de la société » et soulignent l’urgence de la préservation du Cine Vaz Lobo en tant que monument (statut que sa ruine, dans une certaine mesure, a déjà conquis). Un trait curieux s’observe dans les extraits du manifeste et du message Facebook (publié sur la page du groupe privé du Movimento[19]) que nous reproduisons ci-dessous : nous discernons dans les deux récits un « moi collectif » structurant l’analyse critique – qui démontre une pleine connaissance des causes du processus de dégradation urbaine – et se positionnant même en tant que garant de la mission de défense et d’essor du cinéma désormais inactif. Puisque le bâtiment a été sauvé de la démolition, mais qu’au fil des années les acclamations des ciné-militants n’ont plus trouvé d’écho, nous avançons que de tels énoncés – passablement autoréférentiels et adressés à une communauté affective – ne diffèrent pas beaucoup, dans leur style et leur expression, des vers placés en épigraphe de ce texte. Dans les deux cas, le « désenchantement », la « tendresse » et l’« espoir » sont manifestés :
Un peuple sans mémoire perd son histoire, dégrade sa culture. La mémoire s’établit par des symboles, se représente dans des monuments, transfigure les lieux où elle s’est formée. Parmi les lieux où de nombreux souvenirs sont nés, les vieux cinémas de quartier occupent une place particulière. […] [A]ller au cinéma, c’était alors bien plus qu’aller à la grande première du dernier film d’Hollywood. C’était voir et faire partie de la vie d’une époque. Le vieux bâtiment du Largo de Vaz Lobo est toujours là. Les années passent et il demeure, fidèle à ses origines cinématographiques. Cependant, les années ont également été cruelles envers son éclat, et elles ont fait apparaître de nouveaux besoins. La population a augmenté et la circulation urbaine exige de nouvelles solutions ; une grande voie de transport est devenue nécessaire. Pour sa construction, […] des bâtiments seront sacrifiés. Dans la grande liste de ceux-ci se trouvait déjà le vieux Cine Vaz Lobo. Pourtant, sa mort n’est pas encore venue. […] La raison pour laquelle nous luttons contre sa démolition se trouve dans la nécessité de préserver cet emblème !
Movimento Cine Vaz Lobo, manifeste
Aujourd’hui, le 5 janvier 2016, le Cine Vaz Lobo a 75 ans. Physiquement préservé, il est dans l’attente d’un destin social à la mesure de son histoire et des besoins des quartiers de banlieue, en reconnaissance de son statut de « patrimoine culturel ». Le Movimento Cine Vaz Lobo, en 2016, relève l’immense défi de sensibiliser la société carioca à son importance. L’objectif est de transformer ce patrimoine en un centre culturel audiovisuel dans la Zona Norte de Rio de Janeiro.
Movimento Cine Vaz Lobo, message Facebook
Les manifestations de la nostalgie participent à la production de mémoire en ceci que la nostalgie est une « force émotionnelle qui permet que certains types de réminiscences remplissent différentes fonctions psychologiques » (Batcho 2007, 362), ainsi que, ajoutons-nous, différentes fonctions sociopolitiques, culturelles, urbaines, communautaires, subjectives, etc. Pickering et Keightley (2006, 921) soutiennent que la nostalgie n’exprime pas nécessairement le désir de revenir à un état antérieur ou à un passé idéalisé, mais plutôt le désir de reconnaître certains aspects du passé comme les assises du renouvellement et de la satisfaction future.
Suivant cette même orientation, nous proposons la notion de « nostalgie activée »[20] pour désigner un mode spécifique d’expression émotionnelle de la mémoire qui se distingue par son caractère proactif, réverbérant les univers affectifs des anciennes expériences d’« aller au cinéma », en résistance à la dévitalisation de la relation cinéma/ville/public.
Le positionnement des ciné-militants semble nous révéler les perspectives critiques, réflexives, prospectives et productives de la nostalgie :
Je n’ai jamais mis un pied dans ce cinéma lorsqu’il était encore ouvert, et je n’habite pas à Vaz Lobo, mais je passe souvent devant, et je suis devenue militante parce que, pour moi, ce qu’il suscite en nous, c’est ce manque, ce sentiment qui fait que les gens se rassemblent… C’est important, il y a une importante force de nostalgie également qui nous unit. Nous sommes dans un contexte de mégaforces et nous avons des millions de possibilités sur nos épaules. Je crois en la démocratie et je pense que, pour que le Cine Vaz Lobo soit récupéré aujourd’hui, nous pouvons envisager des solutions hybrides, nous sommes ouverts à toute proposition. Même s’il ne s’agit que d’une petite salle de cinéma ou bien d’un centre culturel, mais il faut nous joindre les uns aux autres.
Celeste Huguenin, militante
Les expressions de nostalgie qui imprègnent les discours et les actions des ciné-militants se révèlent également être le lieu d’intersection des objectifs politiques que vise le Movimento. Les variations de la nostalgie au sein des discours et des contextes qui incluent et traversent le cas du Cine Vaz Lobo se manifestent en tant que style, expressivité ou même outil de pouvoir et mécanisme de forces qui opèrent dans le contexte socio-urbain de la banlieue carioca et dans d’autres domaines médiatiques plus amples, au sein desquels les cinémas de rue traditionnels et les pratiques d’« aller au cinéma » qui leur sont associées ont été repositionnés au fil du temps.
Brèves réflexions finales
Les luttes engagées par les ciné-militants en faveur du Cine Vaz Lobo traversent les histoires, les mémoires et les destins des loisirs cinématographiques dans un quartier pauvre de la banlieue de la ville de Rio de Janeiro. Bien que notre analyse s’élabore sur un contexte très local d’articulations entre cinéma, militantisme populaire, espace urbain et nostalgie, le cas analysé semble faire écho à une série de questions qui circulent aujourd’hui à l’échelle planétaire concernant les mutations intenses des technologies et des industries médiatiques, de même que les reconfigurations urbaines et les réorganisations de l’insertion du cinéma et de l’audiovisuel dans la vie quotidienne des villes et des personnes.
Le fait que des dialogues s’établissent entre scénarios locaux et mondiaux étaye l’un des principaux arguments défendus par le courant de la nouvelle histoire du cinéma (Maltby 2011), à savoir qu’il est valide de localiser dans le temps et l’espace les dynamiques de projection ainsi que les pratiques des publics de cinéma, sans toutefois perdre de vue l’infrastructure de la vie culturelle (Van Vliet, Dibbets et Grass 2009).
Suivant cette perspective, nous avons examiné le cas du Cine Vaz Lobo et avons pu constater que les relations qui lient les ciné-militants à la ruine du cinéma local sont affectées par une sorte de désenchantement provoqué par la condition de subalternité des banlieues et de leurs populations vouées à l’effacement au sein de la composition socio-économique stratifiée de Rio de Janeiro. Néanmoins, la lutte pour le vieux cinéma ne se réduit pas à de simples lamentations et s’associe même aux mobilisations locales pour de meilleures conditions de vie.
Les discours et les actions du Movimento Cine Vaz Lobo ne se dissocient pas du contexte local, concret et expérientiel de l’appauvrissement du quartier, ni du contact constant de la communauté avec le cinéma inopérant. À cet égard, le Movimento demeure pour ces individus un moyen de faire face aux transformations urbaines, médiatiques et technologiques qui, même dans d’autres parties du monde, déstabilisent le sentiment d’appartenance et les anciennes références. La nostalgie joue ici un rôle dans la production de mémoire et d’énoncés liés à cet exemple de militantisme populaire, qui lutte depuis près de dix ans pour la survie du Cine Vaz Lobo.
Nous notons également que, tout au long des années de vie du Movimento, la nostalgie, en tant qu’expressivité, moyen, style et force émotionnelle, s’est liée de diverses manières aux discours et aux expériences pratiques de résistance des militants. Nous avons vu que les stratégies de sensibilisation entreprises par les membres du groupe, au moyen de documents et d’autres actes de langage, impliquent une combinaison des dimensions larmoyantes et utopiques de la nostalgie.
Il faut également souligner le lien évident qui existe entre le Movimento Cine Vaz Lobo et la réalité d’une situation mondiale où les « cinémas de rue », comme nous les appelons ici, disparaissent. Les prises de parole, parfois autoréférentielles, et les activités des ciné-militants nous donnent des indices sur les tendances narratives qui pensent et discutent aujourd’hui la position et la condition d’existence de ce dispositif typique du xxe siècle parmi les médias postmodernes et les pratiques de sociabilité et de consommation, les préférences et les goûts du public.
La salle de cinéma est un dispositif médiatique dont la pertinence historique a été et reste déterminante dans les structurations socioculturelles, subjectives/psychiques et identitaires des sujets modernes et postmodernes. Ce dispositif a acquis avec le temps de nombreux formats et s’est établi pendant près d’un siècle comme le lieu de prédilection pour l’accès aux films en dehors du cadre domestique. Sa polyvalence historique, liée aux multiples attractions qu’il a su abriter en parallèle de la présentation de films, ne doit évidemment pas être oubliée.
La question n’est pas tant de savoir si les portes d’un cinéma donnent sur la rue ou bien si celui-ci se trouve à l’intérieur d’un centre commercial (comme cela est souvent le cas dans le contexte brésilien actuel, où les multiplexes sont pour la plupart encastrés entre les boutiques et les zones de restauration des centres commerciaux). Au-delà de cet aspect, ce que nous décelons est bien une série de mécanismes (explicites et implicites) qui sont associés à une certaine « ode » au maintien de l’autorité historiquement conférée au cinéma en tant que lieu légitime d’accès aux films. Il nous faut bien sûr garder à l’esprit les importantes mutations qui ont eu lieu (surtout au cours des 30 dernières années) avec l’introduction (déjà ancienne) de la VHS et le boom de la diffusion en continu dans l’univers audiovisuel.
Nous concluons probablement notre analyse sans avoir répondu aux questions posées au début du texte, nous trouvant même devant de plus nombreuses inquiétudes. L’une d’elles s’ancre précisément dans l’évaluation du ciné-militantisme en tant que possible réponse (nostalgique ?) à un tel cadre de déstabilisation du cinéma (et des médias en général). Comment ce contexte établit-il, directement ou indirectement, des connexions avec des événements du ciné-militantisme et certains types de nostalgie qui peuvent se lier à ces derniers ?
Manuel Menke (2017, 1) affirme qu’une tâche spécifique est assignée aux sociétés façonnées par une saturation médiatique permanente et quotidienne : celle de savoir comment gérer les changements des médias. Pour lui, la nostalgie des médias – qui s’exprime par une soif des cultures et des technologies médiatiques du passé – est un moyen de faire face à ces transformations. Sur la base de cette prémisse, nous ajouterons que, dans le cas du Movimento Cine Vaz Lobo, la nostalgie des médias a contribué, en tant que recours important du ciné-militantisme, à la lutte locale pour la démocratisation de l’accès à la culture et pour la visibilité des personnes soumises à des processus permanents de précarisation de leurs conditions de vie et de leur citoyenneté.
Par conséquent, les liens entre ciné-militantisme et nostalgie, au travers des énoncés et des expressivités, nous offrent des voies plurielles pour penser aux destins et aux significations que la salle de cinéma, en tant que dispositif médiatique, trouvera dans la vie de communautés, dans les espaces urbains et parmi les médias audiovisuels.
Parties annexes
Notes
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[1]
Espace géographique qui comprend 38 quartiers d’une partie de la banlieue de Rio de Janeiro.
-
[2]
À la suite d’une réforme urbaine datant du début du xxe siècle, la ville de Rio de Janeiro est divisée en quatre zones géographiques : le Centro, la Zona Norte, la Zona Oeste et la Zona Sul.
-
[3]
« Eu moro em Vaz Lobo e sou feliz. Não tem agência bancária, só o antigo cinema e um chafariz. Vaz Lobo está abandonado, mas temos fé e esperança de que um dia teremos saúde e segurança. » Version originale, en langue portugaise, du passage chanté par le personnage Fausto Gonçalves dans le film Cine Vaz Lobo – O Filme (Luiz Claudio Motta Lima, 2015).
-
[4]
« Carioca » est le terme utilisé au Brésil pour désigner les personnes nées dans la ville de Rio de Janeiro. Ce mot provient de la langue indigène tupi, et est composé des termes « cari » (« kara’iwa ») – qui signifie « homme blanc » – et « ca » (« oka ») – qui signifie « habitation ». À l’époque où la ville de Rio de Janeiro a été fondée par les colonisateurs portugais, ce terme était utilisé par les indigènes originaires de la région pour désigner les hommes blancs ayant confisqué leurs terres pour les exploiter. La ville de Rio de Janeiro est homonyme de l’État de la fédération brésilienne dont elle fait partie, l’État de Rio de Janeiro, qui réunit 91 autres municipalités. La ville de Rio de Janeiro a été la capitale du pays de 1763 à 1960, date à laquelle le district fédéral a été transféré à Brasília, ville satellite construite dans l’État de Goiás, dans la région centre-ouest du Brésil, précisément à cette fin.
-
[5]
Ignorer l’existence du quartier de Vaz Lobo n’est d’ailleurs pas si singulier, et cela même parmi les habitants de Rio de Janeiro. En général, ce désintérêt est dû à l’image que les élites de la « ville merveilleuse » ont des banlieues de Rio de Janeiro, celles-ci étant considérées comme négligées. Dans le cas de Vaz Lobo, cette tendance peut également s’expliquer en raison de la localisation du quartier : Vaz Lobo fait partie de la banlieue nord de Rio de Janeiro et n’est, de fait, pas très visible sur la carte des banlieues en comparaison avec d’autres quartiers, tels que Madureira, l’un des berceaux les plus traditionnels de la samba. Alors que l’infrastructure de Madureira est riche en commerces, services et loisirs, Vaz Lobo fonctionne, en quelque sorte, comme un quartier satellite.
-
[6]
Maria Celeste Ferreira, « Lugar de memórias : Cine Vaz Lobo e a alma suburbana », XXVI Simpósio Nacional de História – ANPUH, São Paulo, Brésil, 17-22 juillet 2011, http://snh2011.anpuh.org/resources/anais/14/1300677649_ARQUIVO_lugar.de.memorias_cine_vaz_lobo.pdf.
-
[7]
« Largo » est un mot d’origine latine désignant une zone urbaine spacieuse au confluent de plusieurs rues. Cette zone est plus informelle qu’une place, car elle ne présuppose pas une urbanisation conçue à dessein.
-
[8]
Au Brésil, il est courant de différencier les cinémas situés dans les rues et sur les places, c’est-à-dire dans l’espace public des villes (cinemas de rua, « cinémas de rue »), de ceux situés dans les centres commerciaux (cinemas de shopping, « cinémas de centre commercial ») qui sont, principalement à partir des années 1990 et 2000, le lieu privilégié pour l’installation de multiplexes et megaplexes cinématographiques.
-
[9]
Les médias locatifs ou LBM (location-based multicast) sont des supports de communication liés de manière fonctionnelle à un emplacement.
-
[10]
Comme nous le soulignerons plus tard, le Movimento Cine Vaz Lobo est l’un des prolongements de l’Instituto Histórico e Geográfico da Baixada do Irajá (« Institut historique et géographique de la Baixada do Irajá », IHGBI), groupe composé de personnes d’origines professionnelles diverses et de résidents de la région inquiets du déclin urbain, patrimonial, environnemental et culturel de la Baixada do Irajá, zone qui englobe territorialement le quartier de Vaz Lobo, dans la Zona da Leopoldina, banlieue de Rio de Janeiro. La tranche d’âge des membres de l’IHGBI (et, par conséquent, du Movimento Cine Vaz Lobo) est de 40 à 80 ans, ce qui démontre la grande hétérogénéité du groupe sur le plan sociologique. On y trouve aussi bien des gens qui ont vraiment fréquenté le Cine Vaz Lobo lorsque celui-ci fonctionnait encore que des gens qui se mobilisent aujourd’hui en raison de la valeur historique et mnémonique de l’ancien espace de projection cinématographique.
-
[11]
L’expression « mémoires de la pratique d’aller au cinéma » (Maltby, Biltereyst et Meers 2011 ; Allen 2011 ; Kuhn 2002) se réfère en général aux élaborations discursives et affectives que les personnes établissent à partir de leurs fréquentations passées de salles de cinéma. Ce terme englobe une vaste chaîne de facteurs qui ne sont pas nécessairement liés à la spectatorialité ou aux films eux-mêmes, ce qui l’éloigne un peu de la notion de réception cinématographique, sans la nier pour autant. Ainsi, par « aller au cinéma » (cinemagoing), nous comprenons tout ce qui concerne l’acte d’aller au cinéma, ou dans d’autres espaces collectifs de projection, pour voir des films. Il s’agit d’une pratique contextuellement située qui inclut des rituels, des formes et conditions d’accès diverses, des motivations, etc. Voir Talitha Ferraz, « A memória da ida ao cinema e a mobilização das audiências no caso do Cine Belas Artes », 26e Compós – Encontro Anual da Associação Nacional dos Programas de Pós-Graduação em Comunicação, 6-9 juin 2017, São Paulo, Brésil.
-
[12]
Dans les deux études qui sous-tendent cet article, nous avons utilisé une méthodologie multisituée qui ajoute aux méthodes d’analyse du discours (Mikhaïl Bakhtine, Michel Foucault) et de la cartographie selon Gilles Deleuze et Félix Guattari une perspective ethnohistoriographique incluant des entretiens en profondeur, des moments d’observation participante ainsi que des données issues des archives institutionnelles, mais aussi des archives privées des interlocuteurs consultés au long de la recherche.
-
[13]
Voir à ce sujet Tannock (1995), Niemeyer (2014), Van der Heijden (2015), Kalinina (2016) et Menke (2017).
-
[14]
La gestion du Cine Vaz Lobo a été reprise en 1956 par le consortium Delta & Alfa. Durant ses dernières années d’activité, le cinéma était déjà sous le contrôle de l’exploitant Lívio Bruni et de la Coopérative brésilienne de cinéma (Gonzaga 1996, 305).
-
[15]
Au cours de ses dernières années d’exploitation, le Cine Vaz Lobo a fonctionné de manière intermittente. En effet, les nombreux efforts du directeur, Manuel Mendes, pour la survie commerciale de son entreprise s’insèrent dans un contexte d’exploitation cinématographique qui, à cette époque, souffrait déjà de la concurrence de la VHS ainsi que des transformations du modèle des salles de cinéma, qui, au cours des années 1980 et 1990, devinrent de plus en plus petites et se trouvèrent concentrées dans les centres commerciaux. Il est nécessaire de tenir compte du fait que les fermetures massives de cinémas de rue (en opposition aux cinémas de centres commerciaux) de Rio de Janeiro sont également liées à une série de transformations urbaines structurelles qui ont eu lieu au cours des deux décennies susmentionnées et dans les années 2000. Parmi ces changements, on peut citer : la motorisation croissante de la ville, la paupérisation de la population due à la récession économique qui s’est produite dans le pays en conséquence des dettes acquises au cours de la dictature militaire (1964-1985) ; l’augmentation en nombre et en taille des favelas, dans toute la Zona Norte et les banlieues de Rio ; l’accélération de la violence urbaine marquée par le trafic de drogue et l’autoritarisme policier ; et le fort exode d’une « classe moyenne de banlieue », qui s’est installée dans d’autres quartiers de la ville, comme Barra da Tijuca, à savoir un quartier littoral de la Zona Oeste qui est rapidement devenu le quartier de résidence des personnes ayant tiré profit d’une certaine ascension sociale ; ces groupes sociaux, symboliquement désignés par le nom d’« émergents », possèdent encore aujourd’hui une grande importance parmi les représentations des différentes couches de la structure socio-économique de la population de Rio.
-
[16]
Fernanda de Oliveira Nascimento Costa, « Era Uma Vaz : O Resgate de um Subúrbio Esquecido », mémoire de baccalauréat, Escola de Arquitetura e Urbanismo, Universidade Federal Fluminense, 2010.
-
[17]
L’entreprise publique Riofilme (liée au Secrétariat à la culture de la mairie de Rio de Janeiro, chargée de soutenir le secteur cinématographique local) a désigné le Cine Vaz Lobo parmi les cinémas à rouvrir dans le cadre du CineCarioca, un programme public visant à réactiver les cinémas fermés des quartiers les plus pauvres de la ville. Le projet de réouverture ne s’est cependant jamais concrétisé. C’est en fait le programme CineCarioca lui-même qui a fonctionné, en pratique, de manière discontinue. Lancé en 2010 sous l’administration du maire Eduardo Paes, ses objectifs visaient à étendre l’accès à l’audiovisuel dans les quartiers de la ville ne possédant pas ou peu de cinémas. Cependant, le programme n’a réussi à réaliser que deux projets allant dans ce sens : l’inauguration du CineCarioca Nova Brasilia (cinéma situé dans une favela du Complexo do Alemão, Zona Norte) et la réouverture du Cinema Imperator (dans le quartier de Méier, situé dans une autre zone suburbaine de la ville, loin de la zone de Leopoldina où se trouve le Cine Vaz Lobo, objet de cette recherche) (Ferraz 2015). Voir https://www.rio.rj.gov.br/web/riofilme/cine-carioca.
-
[18]
Voir Menke (2017), Batcho (2007) et Tannock (1995).
- [19]
-
[20]
Talitha Ferraz, « A memória da ida ao cinema e a mobilização das audiências no caso do Cine Belas Artes », 26e Compós – Encontro Anual da Associação Nacional dos Programas de Pós-Graduação em Comunicação, São Paulo, Brésil, 6-9 juin 2017. Voir aussi Ferraz (2016).
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