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Dans le cadre d’une production de plus en plus diversifiée du documentaire brésilien au cours des dernières années, un certain type de film s’est imposé, qui a été défini par les critiques et les réalisateurs comme du « documentaire de dispositif [1] ». Ces films sont réalisés par des metteurs en scène consacrés, tel Eduardo Coutinho, ainsi que par des cinéastes plus jeunes, comme João Moreira Salles, Cao Guimarães, Sandra Kogut et Kiko Goifman, pour ne citer que ceux-là. Leurs oeuvres se distinguent cependant les unes des autres et se caractérisent par des conceptions diverses du cinéma, des manières singulières de filmer, des relations particulières avec le monde et avec les personnages. En dépit de leurs divergences, il est toutefois possible de reconnaître chez ces cinéastes une pratique commune : leurs films font peu de cas du scénario et font la part belle à certaines stratégies de tournage dont la fonction n’est plus de refléter une réalité préexistante ni de respecter un thème imposé et construit avant le tournage. Pour ces metteurs en scène, tout se passe comme si le monde n’était pas prêt à être filmé, mais en constante transformation ; et le tournage, s’il accentue ces changements, peut tout aussi bien susciter des événements qui seront capturés par la caméra. Pour ce faire, ils mettent en place des méthodes de tournage pour filmer le monde, autrui ou eux-mêmes en signalant au spectateur, par la même occasion, les circonstances dans lesquelles les films ont été conçus. Ce sont des cinéastes qui filment à partir de « dispositifs » — ce qui ne garantit nullement la réalisation effective des documentaires ni leur qualité. Mais il y a là une voie à suivre.

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Précisons brièvement l’emploi que nous faisons de la notion de « dispositif », de plus en plus fréquente dans le domaine du documentaire et qui occupe une place centrale dans la critique des arts audiovisuels contemporains. Nous ne visons pas ici la conception du cinéma comme dispositif, telle qu’elle a été mise en avant par une partie de la critique française des années 1970. Structuralisme et psychanalyse y étaient mis à contribution par une critique totalisante qui englobait tant le dispositif central de captation d’images que celui de leur présentation. Il s’agissait, d’une part, d’associer le cinéma à un projet idéologique : la caméra n’est pas neutre et elle reproduit les codes qui définissent l’objectivité visuelle depuis la Renaissance, ce qui lui impose de se soumettre à la culture dominante. D’autre part, l’entreprise consistait à expliciter les conditions psychiques de réception inhérentes au dispositif de la salle obscure, lequel place le spectateur entre l’image et le projecteur, en favorisant de la sorte son identification avec les héros apparaissant sur l’écran et avec ce qui produit le spectacle, la caméra elle-même. Produit de ce dispositif, le spectateur est un être nécessairement aliéné : il croit au naturel de ce qui est artifice, en niant la représentation en tant que telle ; il vit dans l’illusion qu’il est le centre du monde et que c’est de lui que provient le sens des images qu’il reçoit. Pour cette critique, l’expérience aliénante se répète à chaque film, quelles que soient les histoires narrées, car c’est de manière structurelle que le dispositif cinématographique définit les conditions de réception et la nature du spectateur [2].

Ce « dispositif » n’est pas non plus assimilable à ceux des installations qui recourent à la vidéo, à l’ordinateur, au cinéma ou à d’autres technologies dans les galeries ou les musées, même si nombre de leurs caractéristiques se retrouvent dans la mise en oeuvre de ces documentaires brésiliens, car ce sont là des dispositifs de présentation d’un travail artistique, destinés à procurer au spectateur des sensations physiques et mentales à travers la disposition d’éléments (écrans multiples, caméras, ordinateurs, projecteurs) à l’intérieur d’une organisation spatiale donnée. Des images peuvent être produites durant la réception de l’oeuvre par le spectateur ; dans certains cas, ce sont des images en circuit fermé, dans lesquelles est remis en question le déplacement perceptif du spectateur.

Les dispositifs de tournage des documentaires que nous abordons ici sont nécessairement antérieurs au moment de présentation des films. De toute façon, un « dispositif » relève toujours et dans n’importe quel contexte d’un processus de production actif, créateur — de réalités, d’images, de mondes, de sensations, de perceptions qui ne lui préexistaient pas. Comme le souligne Anne-Marie Duguet (2002, p. 21) : « Tout dispositif vise à produire des effets spécifiques. » Cette dimension productrice est présente jusque dans la théorie du cinéma comme dispositif, sauf que dans cette théorie, le dispositif ne produit qu’un type d’expérience. Dans le cas de certains dispositifs artistiques (les installations vidéo), nous sommes en présence de systèmes différenciés qui structurent chaque fois des expériences sensibles, d’une manière spécifique.

C’est de manière tout aussi spécifique que fonctionnent les dispositifs documentaires. Ce n’est absolument pas quelque chose que l’on retrouve également dans tous les films, de manière structurelle et qui serait propre au cinéma, mais un dispositif recréé à chaque oeuvre, immanent, contingent, c’est-à-dire soumis aux circonstances du tournage et aux pressions du réel. Il s’agit là d’un emploi de la notion de « dispositif » qui trouve chez le cinéaste Jean-Louis Comolli (2004, p. 507-510) sa définition la plus heureuse. Pour lui, « face à cette scénarisation grandissante des rapports sociaux et des relations intersubjectives », des « scénarios qui s’installent un peu partout pour agir (et penser) à notre place », une partie de la production documentaire a la possibilité d’inventer de petits dispositifs pour s’occuper de ce qui reste, de ce qui est en plus, de ce qui n’intéresse pas les versions toutes faites du monde que nous offrent les médias. À l’opposé des « scénarios de fiction […] qui craignent ce qui les fissure […] » et qui éloignent « l’accidentel » et « l’aléatoire » (p. 516), les dispositifs documentaires extraient de la précarité même, de l’incertitude et du risque de ne pas se réaliser, leur vitalité et leur condition d’invention.

Chez Eduardo Coutinho (Santo forte, Babilônia 2000, Edifício Master, O fim e o princípio, Jogo de cena), le dispositif est avant toute chose relationnel, une machine qui provoque et permet de filmer des rencontres, des rapports qui se produisent à l’intérieur de lignes spatiales, temporelles, technologiques, mises en oeuvre toutes les fois qu’il se rapproche d’un univers social. La dimension spatiale de ce dispositif, les tournages dans des lieux uniques, en est la plus significative. Pour Coutinho, peu importent le sujet ou l’idée s’ils ne sont pas traversés par un dispositif, qui n’est pas la forme du film, mais qui impose à la captation des images des lignes éthiques et esthétiques déterminées. Chez João Moreira Salles (Futebol, Santa Cruz, Entreatos), on observe une prédilection pour les tournages de longue durée : d’observation plus qu’interactifs et s’inspirant des techniques du cinéma direct. Dans ce dispositif, la dimension temporelle est cruciale et produit des effets notables dans le film, à l’opposé des interventions courtes de Coutinho, pour lequel le temps de tournage n’influe pas particulièrement sur le récit [3].

Le temps constitue également la ligne principale du dispositif de Passeport hongrois (Passaporte Húngaro, 2001), de Sandra Kogut, bien qu’il ne s’agisse pas là d’un film d’observation puisque l’action qui en intègre le dispositif — obtenir un passeport — oblige la cinéaste à s’exprimer par la conversation et la négociation. C’est un film où l’auteur est acteur, où l’écriture filmique est liée à la notion d’agir : la cinéaste agit pour créer ses histoires. Il en va de même de 33 (2002), de Kiko Goifman [4], qui résulte également d’un dispositif fortement temporel, mais avec des limitations dans le temps de tournage, inexistantes dans ses documentaires précédents. Il s’est servi de son âge, 33 ans, pour déterminer le nombre de journées dont il disposait pour retrouver sa mère biologique. Cette règle contraignante imprime au film une tension spéciale : ou il obtient des matériaux suffisants durant ces 33 jours de tournage, ou il n’y aura pas de film.

« Trente-trois jours parce que j’ai 33 ans. » Quelque arbitraire que puisse sembler le dispositif de Kiko Goifman, il ne fait que révéler, sans ambages, l’arbitraire qui est présent dans tout film-dispositif, avec plus ou moins de force, plus ou moins de discrétion. Aucun fondement « logique » ne soutient le choix de ce nombre de jours. De même qu’il n’y a rien de « naturel » à ce qu’une Brésilienne obtienne un passeport hongrois à Paris ; il lui serait bien plus facile de le demander au Brésil, mais il n’y aurait alors probablement plus de film. Provoquer des rencontres afin de les filmer relève tout autant de l’ordre de l’artifice que de suivre des personnages durant deux années de suite, et il est bon qu’il en soit ainsi. Pourquoi pas six mois ? Pourquoi ces personnages et non pas d’autres ? C’est que justement, ces documentaires ne fleurissent pas dans le terreau du réel, spontanés, naturels, peuplés de personnes et remplis de situations authentiques, prêts à être capturés par des êtres sensibles, la tête pleine d’idées et la caméra à la main. Ils sont engendrés par le plus pur « artifice », dans l’acception littérale du terme : procédé ou moyen permettant d’obtenir un artefact ou un objet artistique. Plusieurs de ces documentaires, et peut-être les meilleurs, sont les fruits d’une « machination », d’une logique, d’une pensée, instituant des conditions, des règles, des limites pour que le film advienne ; et d’une « machinerie [5] » qui produit concrètement l’oeuvre.

Dispositif et jeu

Nous analyserons plus longuement deux films de l’artiste de Minas Gerais, Cao Guimarães, dont les travaux ont été sélectionnés et primés dans les principaux festivals du documentaire et de la vidéo expérimentale et présentés dans le monde entier, à l’occasion de diverses manifestations artistiques. Il s’agit de Rua de Mão Dupla (« Rue à double sens »), conçu au départ comme une installation vidéo pour la 25e Biennale internationale de São Paulo, en 2002, et Acidente (« Accident », 2005), réalisé en collaboration avec Pablo Lobato. Dans ces deux films, l’idée de dispositif se peaufine et inclut une dimension ludique, de jeu avec le réel. Dans Rua de Mão Dupla, Cao Guimarães invite six personnes issues de la classe moyenne de la population de Belo Horizonte à participer à une expérience inédite : répartis deux par deux, ils échangent leurs maisons pour 24 heures et, munis d’une petite caméra numérique, ils filment ce que bon leur semble dans le domicile d’autrui, en essayant d’« élaborer une image mentale de l’autre à travers l’expérience de vivre avec ses objets personnels et dans son univers domiciliaire [6] ». Après quoi, ils racontent devant la caméra comment ils ont imaginé cet « autre ». Le metteur en scène ne filme donc pas, pas plus qu’il ne met en scène, il se contente d’imaginer un jeu, d’en distribuer les cartes, d’en définir les règles, de choisir les joueurs et de leur fournir les caméras, les moyens de transport, les repas. Les ayant ainsi pourvus de tout le nécessaire, il s’éclipse et sort du champ. Il y a là une sorte de machination impliquant l’absence de contrôle du metteur en scène sur le matériau filmé, dans une espèce de « retrait esthétique », non du film à proprement parler — c’est bien lui qui a créé et mis en place le dispositif, de même qu’il assurera le montage du film —, mais des images et des sons que son film contiendra, en attribuant à six autres individus la tâche de filmer et de se diriger eux-mêmes.

Le dispositif qui « déclenche » le tournage d’Acidente est, d’une certaine façon, plus conceptuel. Au départ, les cinéastes ne manifestent aucun intérêt particulier pour un aspect concret de la réalité. Tout se passe comme s’ils se demandaient, au premier chef, comment se mettre en rapport avec le monde, devant tant de possibilités, tant de films déjà faits, d’images prêtes, sans succomber au chaos ni aux clichés. Ou, comme le dirait Comolli (2004, p. 507), « comment faire pour qu’il y ait film ». Cao Guimarães et Pablo Lobato décident de s’en tenir aux mots : ils créent un dispositif-poème, à partir duquel ils commencent à filmer. Mais ce ne sont pas n’importe quels mots extraits du dictionnaire — en fait, ce pourrait l’être, mais ce serait alors un autre film.

Ce sont des noms de villes de l’État de Minas, dont ils ont dressé la liste en les découvrant sur Internet. Ils en ont sélectionné et imprimé cent. Ils ont ensuite éparpillé les feuillets imprimés sur la table et se sont mis à jouer avec ces mots. Sonorités, significations, matérialités, résonances : cela seul comptait pour nos cinéastes et non une connaissance préalable de la réalité de ces villes dont, par ailleurs, ils ignoraient tout. Il en est sorti un poème composé de vingt noms, évoquant une fable d’amour et de douleur : Heliodora, Virgem da Lapa, Espera Feliz, Jacinto, Olhos d’Água, Entre Folhas, Ferros, Palma, Caldas, Vazante, Passos, Pai Pedro, Abre Campo, Fervedouro, Descoberto, Tiros, Tombos, Planura, Águas Vermelhas, Dores de Campos.

Le dispositif-poème devient ainsi une machine à produire des images et acquiert de la sorte, à l’instar de tous les dispositifs, un certain pouvoir sur les cinéastes. C’est elle qui décide où ils vont devoir tourner, en leur ôtant jusqu’au droit de rejeter telle ou telle ville qui ne serait pas à leur goût, car autrement, le poème cesserait de fonctionner. Ce qui réduit l’excès d’intentionnalité. Il y a là un jeu qui a ses propres règles et auxquelles ils doivent se soumettre. Il ne s’agit aucunement d’adapter les mots aux choses, les noms aux villes qu’ils désignent, mais bien plutôt de mettre en place une manière de se confronter au chaos du monde sans en être submergé, d’imprimer une direction initiale au film tout en l’ouvrant aux caprices du hasard, aux imprévus et aux impondérables. Ainsi que nous l’avons souligné, les dispositifs ne garantissent pas la réalisation des films et peuvent parfaitement être mis en échec par leur confrontation avec le réel. « Le mouvement du monde ne s’interrompt pas pour permettre au documentaire de fourbir son système d’écriture » (Comolli 2004, p. 515-516).

La seconde règle du jeu imaginé par Guimarães et Lobato consistait à chercher l’origine des noms des villes choisies, ce qui s’avéra improductif dès le début du tournage. Si, pour arriver dans ces villes anonymes, bien éloignées de l’image de carte postale des cités historiques de Minas, le poème fut fondamental — et respecté tout au long du tournage —, les cinéastes n’eurent aucun mal à délaisser d’emblée cette deuxième règle du jeu. Peut-être parce qu’il y avait là un itinéraire connu, dont résulterait un film proche du pittoresque, du bizarre et relevant d’un intérêt touristique pour la région — bref, tout ce que les metteurs en scène voulaient justement se garder de faire. Car le poème impliquait une ouverture nouvelle dans le rapport à ces villes que la thématique de l’origine détruirait. « Le sujet en fut par conséquent exclu et le film n’eut plus aucun sujet », déclare Cao Guimarães.

Les documentaires résultant de ces dispositifs n’en sont pas moins distincts les uns des autres : Acidente est un film qui réinvente l’image-temps dans de splendides plans-séquences, la plupart fixes ou comportant de subtils mouvements de caméra qui capturent par couches successives la durée, le temps qui passe, dans les petites villes de Minas. Là où Acidente semble se rapprocher le plus de la photographie — en fonction des admirables découpages réalisés par la caméra vidéo ou sur pellicule super 8 —, c’est justement lorsque le film s’éloigne le plus de l’image statique, en fonction de la durée. Dans la ville d’Entre Folhas, par exemple, l’on assiste à la venue du crépuscule depuis le comptoir d’un bar où il n’arrive pratiquement rien, si l’on exclut les gestes routiniers du patron ou la circulation raréfiée des voitures et des passants, au dehors. Dans la ville de Palma, le film s’attarde sur un raidillon où les temps morts alternent avec les micro-événements [7].

Le film entier semble être captif d’une sorte d’inaction, qui contamine personnages et cinéastes, en favorisant une qualité nouvelle d’attention, portée aux petits détails du monde, aux êtres, aux mouvements, aux gestes, aux bruits et aux propos échangés. Le spectateur est à son tour entraîné dans ce circuit où les rapports entre les mots et les choses, les noms et les villes qu’ils désignent, les événements et les personnages, deviennent ténus, fragiles et, finalement, sans véritable importance. Tel est ce film où la dimension proposée par le dispositif se mêle à une dimension plus plastique, contemplative et formelle.

Quant à Rua de Mão Dupla, la grande invention du film, sur laquelle repose toute la fermeté du propos, est l’exigence du metteur en scène, qui fait en sorte que les « autres » en question, les participants du film, s’intéressent à autrui et non pas à eux-mêmes ; attitude qui contrarie le désir de cette « bête d’aveu [8] » en laquelle nous nous transformons lorsqu’une caméra est braquée sur nous. Cao Guimarães ne veut pas que ses personnages opèrent ce retour sur soi, qu’ils parlent de leur vie, qu’ils se révèlent devant la caméra ; il leur demande, au contraire, de parler de gens qu’ils ne connaissent pas et de filmer leurs lieux de résidence. Ce passage de la focalisation sur le « moi » à la focalisation sur « autrui » rend les personnages moins sensibles à leurs mécanismes d’autocontrôle, à la censure et aux filtres auxquels nous avons normalement recours pour renvoyer l’image que nous souhaitons de nous-mêmes. Leur manière d’entrer en rapport avec l’espace de l’autre, ce qu’ils choisissent de filmer, ce qu’ils disent, leur façon de parler, les mots, les tournures, les intonations qu’ils empruntent, tout cela révèle beaucoup plus d’eux-mêmes qu’on ne saurait penser, tant il est vrai que ces images de l’autre nous parviennent fortement imbibées de la vision du monde et des affects de celui qui les filme.

Ce que Rua de Mão Dupla montre de manière évidente, c’est aussi combien notre regard sur le monde est chargé de souvenirs et d’affects, à quel point nous demeurons enracinés dans nos propres manières de voir et de sentir, combien nous pouvons ignorer nos propres préjugés et notre impossibilité de nous mettre à la place de l’autre, en acceptant sa différence et sa singularité. Par ce geste apparemment anodin — modifier la perspective où se situent généralement les personnages des documentaires centrés en grande partie sur la parole —, Cao Guimarães imprime un mouvement de déplacement en ce qui concerne les problèmes posés par la « voix de l’autre » et qui traversent l’histoire du documentaire. Il révèle que nous « sommes » là où l’on s’attendrait le moins à être, non pas dans le « contenu » de ce que nous disons ou pensons de manière consciente, ou au sein d’une « intériorité » préalable, déjà là et présente, mais plutôt dans ces couches de subjectivité qui se constituent — et qui souvent s’expriment à notre insu — dans notre rapport au monde et à l’autre.

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Pour faire face aux innombrables machines qui nous surveillent et nous contrôlent, il nous faut mettre au point des stratégies de résistance et des tactiques de guérilla afin de neutraliser tous les programmes qui nous menacent et d’échapper à la soumission qu’ils supposent. La fabrication de films-dispositifs constitue l’une des voies possibles de cet affranchissement ; leur « efficacité » artistique et politique se mesurera au potentiel de production et de transformation de ce qu’ils proposent, à leur pouvoir de déplacer des visions établies et de créer de nouvelles façons de voir pouvant mener le spectateur à éprouver d’autres sensations, à connaître d’autres récits, d’autres espaces et d’autres temporalités.