Présentation. L’ascension du cinéma moderne brésilien[Notice]

  • Hudson Moura

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  • Hudson Moura
    Ryerson University

Le cinéma brésilien de la période située entre 1995 et 2002 est souvent reconnu comme le cinéma de la Reprise (Cinema da Retomada). Ce qualificatif est controversé puisque les chercheurs et les cinéastes ne parviennent pas à un consensus sur ce que le mot « reprise » veut exactement dire, à savoir s’il signifie simplement la relance de la production cinématographique ou s’il représente un « renouveau », comme dans un mouvement esthético-social tel que le Cinema Novo des années 1960, ou encore s’il s’inscrit en quelque sorte dans la continuité de celui-ci. Quinze ans après cette extraordinaire remontée du cinéma brésilien, on doit pourtant repenser ce terme et se demander quelle « reprise » ce cinéma a été capable de surmonter et ce qu’il est resté de cette entreprise. En analysant la trajectoire contemporaine du cinéma brésilien, les articles réunis dans le présent numéro de la revue Cinémas cherchent aussi à entrevoir vers quel chemin esthético-narratif il s’oriente. Depuis le succès mondial de La Cité de Dieu (Cidade de Deus) en 2002, le cinéma brésilien semble avoir atteint sa maturité sur le marché interne. Cependant, on voit avec beaucoup de préoccupation la monopolisation du marché par le conglomérat médiatique Globo. Au cours des quinze dernières années, dix-sept films produits ou mis en marché par Globo Filmes ont fait partie des vingt films ayant récolté les plus grosses recettes au box-office. Troupe d’Élite 2 (Tropa de Elite 2, José Padilha, 2010), coproduit par Globo Filmes, a battu tous les records au box-office. Jusqu’en décembre 2010, le film a été vu par plus de 11 millions de Brésiliens, avec une recette de 66,2 millions de dollars . Nous dirigeons-nous vers l’uniformisation de la production cinématographique ? En considérant l’importance des avancées théoriques et de la production du cinéma brésilien récent, je tenterai, dans la présentation de ce numéro de Cinémas, de dresser le bilan de l’histoire de la cinématographie brésilienne à travers ses éléments les plus marquants. Ce que l’on constate, c’est que le mouvement du Cinema Novo est devenu la référence « esthético-narrative » pour les réalisateurs du cinéma contemporain, du moins selon la critique, principalement en ce qui concerne le retour de la notion d’identité nationale. La question de l’influence de la tradition critique dans la production et la réception des films ainsi que la quête de réalisme du cinéma fictionnel, par opposition à l’engagement esthétique et expérimental du cinéma documentaire, seront aussi examinées. Alors que le cinéma fictionnel tente de se rapprocher de l’univers naturaliste ou historique télévisuel pour attirer le public et intéresser le marché des films, le cinéma documentaire se distancie de ce procédé « facile », basé sur un récit « classique » et linéaire, pour adopter une formule plus expérimentale en utilisant des technologies de nature à soutenir les propos qu’il véhicule et en développant même une nouvelle esthétique pour filmer ce moment précis du cinéma brésilien — d’une façon urgente, comme le disent certains cinéastes. L’histoire récente du cinéma brésilien a été fortement marquée par l’ascension du régime démocratique du Brésil, après l’hégémonie de la dictature militaire, dont le règne a duré vingt ans (1964-1984). Les derniers événements historiques et politiques, principalement l’avènement du néolibéralisme, ont déterminé le cours de l’histoire et ont eu un impact important sur le cinéma brésilien — un reflet de ce qui s’est passé aussi dans d’autres pays comme l’Argentine et le Mexique. Le plan économique de mars 1990 du nouveau gouvernement du président Fernando Collor de Mello a profondément bousculé la vie du peuple brésilien. Il a suspendu toutes les …

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