Il m’a semblé que regrouper dans un même compte rendu trois ouvrages consacrés à la question du son au cinéma et, plus largement, dans le domaine de l’audiovisuel, devrait permettre de mieux faire apparaître la vitalité de ce champ de recherche ainsi que son apport à la réflexion sur le cinéma et l’audiovisuel dans son ensemble. Le premier ouvrage, Une archéologie du cinéma sonore, est une version considérablement remaniée d’une thèse soutenue par une jeune chercheuse, Giusy Pisano (sous la direction de Laurent Creton), à l’Institut de recherches sur le cinéma et l’audiovisuel (IRCAV) de l’Université Paris 3. À l’origine du travail de Giusy Pisano, se trouve un double constat : d’une part, les historiens « n’ont souvent mis en avant dans l’émergence du cinéma que l’aspect idéaliste et esthétique du phénomène » (p. 228), surévaluant l’importance des aspects conceptuels, formels ou sociologiques en reléguant les dimensions scientifique et technique au rang de simples facteurs historiques ; d’autre part, si « les historiens du pré-cinéma sont remontés aux sources de l’image animée », « les recherches sur l’inscription sonore restent largement inexplorées alors que les deux domaines sont étroitement liés » (p. 5). D’emblée, l’auteure définit très clairement ses objectifs et sa méthode de travail : « […] nous avons décidé de privilégier l’aspect rigoureusement factuel, technique, des recherches et d’adopter un style d’exposition descriptif » (p. 6). Plus loin, elle souligne la nécessité de ne pas se limiter aux sources écrites (brevets, archives manuscrites, documentation technique, communications de l’Académie des sciences, etc.) et de faire l’étude concrète des instruments utilisés : « l’appareil constitue la base indispensable, le support cognitif fondamental pour comprendre certains passages, parfois lents et décevants, parfois rapides et surprenants, d’un processus qu’aucune description théorique ne pourrait, à elle seule, saisir » (p. 60). De fait, l’ouvrage propose une exploration systématique des travaux, expérimentations et découvertes concernant les secteurs de l’image et du son. Le risque de cette façon de faire est de ne pas toujours pouvoir éviter l’effet de liste ; toutefois, l’intérêt est maintenu de bout en bout car l’accent est mis sur les ruptures épistémologiques qui jalonnent ce parcours. L’ouvrage offre ainsi, à partir d’une étude de cas, une sorte de résumé de l’histoire des sciences combinée avec un panorama des grands mouvements qui ont animé la recherche dans les domaines concernés. Sont ainsi abordées : — la recherche mythique de la conservation du son, de l’époque où philosophie et science étaient une seule et même chose (Pythagore, Démocrite, Platon, Euclide, Ptolémée, Aristote) aux rêveries prospectives des écrivains (les « paroles dégelées » de Pantagruel, les machines à rêves de Cyrano de Bergerac), en passant par les premières expériences de conservation du son par des astuces acoustiques (la pierre musicale, la statue de Memnon, la voix prisonnière de Giambattista Della Porta, les porte-voix de Kircher, la femme invisible de Robertson, etc.) ; — la création d’automates (inspirée de L’homme machine de Julien Offroy de La Mettrie, 1748) cherchant à simuler le corps humain (Roger Bacon et sa « tête parlante », Faber et son étonnant appareil imitant l’appareil vocal humain) ; — l’entrée dans le paradigme de la science expérimentale et le passage à une logique inductive — par rapport au précédent mouvement, le déplacement est radical : au lieu de créer des simulacres, « on s’emploie à réaliser des instruments capables d’expliquer par l’observation pratique les principes qui règlent les phénomènes » (p. 60). Giusy Pisano insiste sur l’interrelation entre recherche sur l’image et recherche sur le son — si le son révèle la lumière (Thomas Young), la vue révèle aussi …
Parties annexes
Références bibliographiques
- Altman 1992 : Rick Altman, La comédie musicale hollywoodienne, Paris, Armand Colin, 1992.
- Altman 1992a : Rick Altman, Sound Theory/Sound Practice, New York, American Film Institute, 1992.
- Parret 1999 : Herman Parret, Esthétique de la communication, Bruxelles, Ousia, 1999.
- Parret 2002 : Herman Parret, La voix et son temps, Bruxelles, De Boeck, 2002.