Résumés
Résumé
On réduit parfois les concepts opératoires que sont l’image-mouvement et l’image-temps à de simples étiquettes qui devraient renvoyer à des âges distincts du cinéma. Cet effet de lecture produit par la publication en deux temps, deux volumes, de l’ensemble consacré au cinéma par Deleuze traduit sans doute des hésitations de sa part, notamment dans l’articulation qu’il établit entre les termes d’une histoire du cinéma et les concepts propres à une logique de la perception. Mais il conduit surtout à en fausser singulièrement la perspective, comme à ne pas en voir l’intérêt. Une lecture plus attentive des références cinématographiques avancées par Deleuze en ce qui a trait à l’image-temps doit nous inviter à nous méfier de la symétrie que nous voudrions voir établie entre le diptyque conceptuel proposé pour l’image filmique, et une coupure effectuée à partir d’une chronologie offerte par l’Histoire du cinéma (et qui conduit à opposer un cinéma « classique » à un cinéma « moderne »). Pour nous libérer de cette confusion entre des termes utilisés dans une perspective ordonnée par un souci purement historique et les enjeux propres à une analytique des images, la notion de plan ouvert pourrait à cet égard se révéler décisive, en renouant avec une thématique qui parcourt en profondeur l’analyse deleuzienne : la « pensée du cinéma » et le « bergsonisme » profond de ce dernier. Elle nous aide en effet à comprendre l’articulation entre les deux concepts et à mieux saisir leurs effets proprement esthétiques. Le concept de plan ouvert permet ainsi d’investir d’une façon nouvelle la « pensée du cinéma » qui gouverne l’approche deleuzienne. Des exemples spécifiques d’écriture cinématographique empruntés à des auteurs différents (Altman, Duras, Resnais, Syberberg, Welles et Wenders, notamment) permettent d’en déterminer quelques-uns des aspects.
Astract
We sometimes reduce the theoretical concepts movement-image and time-image to mere labels for describing distinct periods of film history. This phenomenon, the effect of the separate publication in two volumes of Deleuze’s work on the cinema, undoubtedly conveys his hesitations on the subject, in particular with respect to the links he sees between the terms used in film history and the concepts proper to a logic of perception. But it especially leads to a singular falsification of perspective. A closer reading of Deleuze’s film references with respect to the time-image should prompt us to avoid the symmetry we might like to see between the conceptual diptych he proposes for the cinematic image and a break in the chronology found in film histories (in which “modern” cinema is opposed to “classical” cinema). To free ourselves of the confusion between the terms used in a perspective ordered by purely historical concerns and the issues proper to an analysis of images, the concept of an open shot may prove to be decisive by returning to a theme underlying all of Deleuze’s analysis: his profound cinema thought and “Bergsonism.” This theme helps us to understand the connection between the two concepts and to better grasp their properly aesthetic effects. The concept of the open shot thus makes it possible to examine the cinema thought governing Deleuze’s approach in a new way. Specific examples taken from films by various filmmakers (Altman, Duras, Resnais, Syberberg, Welles and Wenders in particular) will be used to determine some of its features.
Parties annexes
Références bibliographiques
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