Résumés
Résumé
Dans les dernières pages de L’image-temps, Gilles Deleuze constate que le décor du cinéma moderne se présente très souvent comme celui d’un paysage stratigraphique. Le cinéma, surtout celui qui va d’Antonioni à Straub et Huillet, présente une durée innommable et incommensurable. En partant d’une lecture suivie de Surveiller et punir et d’autres ouvrages de Michel Foucault, en travaillant, dans son livre sur Foucault, la distinction que ce dernier avait établie entre lire et voir, Deleuze évoque ces mêmes paysages. Ces paysages, dit-il, sont jonchés de mots, de lettres et de signes. Éparpillés et enfouis dans le décor, ils constituent des jalons pour des lectures variées du cinéma. Il faut cependant noter que les « strates » que relève le philosophe supposent aussi des stratégies de la part du cinéaste et du spectateur. C’est ainsi que le critique ou l’homme ordinaire du cinéma se mue en une espèce de stratège et est amené à se rapporter au cinéma d’une manière radicalement nouvelle. Le lecteur-stratège est invité à « voir » et à « lire » le paysage du cinéma classique (tel celui du western) comme un espace stratigraphique, donc à penser l’image-temps dans des espaces où l’on n’en soupçonnait pas l’existence. Pourtant, les plans stratigraphiques marquant la tradition du western indiquent que ce que Deleuze appelle l’image-temps — qui constitue le propre du cinéma moderne et du cinéma expérimental — se trouve aussi dans le régime de l’image-mouvement. Sans mettre en question les fins du projet taxinomique de Cinéma 1 et de Cinéma 2, on avancera l’idée que la durée habite bel et bien les paysages des westerns les plus « traditionnels » ou « familiers » : pour en donner une preuve concrète, les dernières lignes de l’analyse qui est proposée ici sont consacrées à la lecture d’un plan « stratigraphique » tiré de Tall in the Saddle (Edwin L. Marin, 1944).
Abstract
In the last chapter of Cinema 2: The Time-Image Gilles Deleuze remarks that the landscape of modern cinema bears a distinctly stratigraphic quality. In landscapes running from Antonioni to Straub and Huillet we witness an unnameable and incalculable sense of duration. Deleuze discusses these landscapes in light of his reading of Discipline and Punish and other volumes by Michel Foucault and develops Foucault’s distinction between reading and seeing, present also in his earlier book Foucault. These landscapes, he says, are strewn with words, letters and signs. Scattered about and hidden in the landscape, they are the signposts for diverse and multilateral readings of films. From these “strata” emerge a welter of strategies on the part of the filmmaker and viewer. As a result the critic or ordinary movie-goer becomes a strategist who can work with cinema in a radically new way. The reader-strategist is invited to “see” and “read” the landscape of classical cinema (such as the Western) as a stratigraphic space and thus discern the time-image in films where its existence is least suspected. The stratigraphic shots which mark the Western tradition, however, indicate that what Deleuze calls the time-image, the domain of modern and experimental cinema, is also present in the movement-image system. Without calling into question the taxonomic aims of Cinema 1 and Cinema 2, this article proposes that duration truly does inhabit the landscapes of the most “traditional” or “familiar” Westerns. As concrete evidence of this, the last part of this article is devoted to a reading of a “stratigraphic” shot from Tall in the Saddle (Edwin L. Marin, 1944).
Parties annexes
Références bibliographiques
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