Cinémas
Revue d'études cinématographiques
Journal of Film Studies
Volume 14, numéro 1, automne 2003 Dispositif(s) du cinéma (des premiers temps) Sous la direction de Melanie Nash et Jean-Pierre Sirois-Trahan
Sommaire (11 articles)
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Introduction
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La cinématographie comme dispositif (du) spectaculaire
Frank Kessler
p. 21–34
RésuméFR :
En partant du concept du dispositif tel qu’il a été défini dans les années 1970, par Jean-Louis Baudry notamment, cet article cherche à le redéfinir de deux façons : d’abord en tenant compte de l’évolution diachronique du dispositif — remettant ainsi en question le mythe de son unicité —, puis en privilégiant une approche pragmatique historique — abandonnant ainsi la perspective métapsychologique traditionnelle. Les débuts de la cinématographie sont mis à contribution en vue de mettre en évidence deux formes de dispositif ayant précédé celui du cinéma institutionnel : la cinématographie comme dispositif spectaculaire, dans le cadre duquel c’est la capacité de la machine de prendre et de reproduire du mouvement qui prédomine ; et la cinématographie comme dispositif du spectaculaire, où c’est le spectacle filmé lui-même qui constitue l’attraction principale.
EN :
Taking as a point of departure the concept of the apparatus, particularly as defined in the 1970’s by Jean-Louis Baudry, this article seeks to redefine it in the following ways: first, while accounting for the diachronic evolution of the apparatus, it calls into question the myth of its unicity; next, while privileging a pragmatic historical approach, it abandons the traditional metapsychological perspective. The beginnings of cinematography are reviewed in order to highlight two forms of the apparatus which preceded that of institutionalized film: cinematography as spectacular apparatus, in which the dominant element is the capacity of the machine to take and to reproduce movement; and cinematography as apparatus of the spectacular, in which it is the filmed spectacle itself that constitutes the principal attraction.
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Le panorama et les origines de la reconstitution cinématographique
Alison Griffiths
p. 35–65
RésuméFR :
Cet article se penche sur quelques-unes des propriétés du panorama qui, sur les plans phénoménologique et esthétique — mais aussi idéologique —, augurent certains traits fondamentaux du cinéma. La reconstitution, en tant que principe structurant qui préside à « l’effet panorama », permet d’établir certaines correspondances entre les deux médias. Les panoramas dépeignant les grandes batailles historiques s’avèrent, à cet égard, particulièrement utiles pour dégager un certain nombre de procédés d’organisation spatio-temporelle qui anticipent les procédés qu’on trouvera bientôt dans les vues animées.
EN :
This article considers some of the characteristics of the panorama which, on phenomenological, aesthetic—but also ideological—levels, intimate some fundamental traits of film. Certain correspondences between the two media may be surmised in the operation of reconstitution, insofar as it is a structural principle that directs the overall “panoramic effect.” In this respect, the panoramas depicting great historical battles prove to be particularly useful in pointing out a number of methods of spatial-temporal organisation which anticipate those to be found later in moving pictures.
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Fantasmagorie et fabrication de l’illusion : pour une culture optique du dispositif cinématographique
Tom Gunning
p. 67–89
RésuméFR :
En s’interrogeant sur ce qu’il appelle la « culture optique », l’auteur cherche à identifier certaines propriétés fondamentales du dispositif cinématographique, compte tenu de la nature particulière de l’illusion visuelle que ce dispositif propose au spectateur. Comme l’illustre l’exemple de la fantasmagorie, l’illusion créée par les dispositifs optiques du xixe siècle présente un caractère foncièrement contradictoire, qui met en doute les théories du dispositif cinématographique issues des années 1970. En embrassant le projet idéologique du siècle des Lumières, la théorie classique semble avoir fermé les yeux sur cet aspect dialectique de la culture optique, où résiderait pourtant le potentiel ludique et le pouvoir d’émerveillement du cinéma.
EN :
While questioning what he calls “cultural optics,” the author of this article seeks to examine certain fundamental traits of the cinematographic apparatus regarding the specific nature of visual illusion that it proposes to spectators. As the example of fantasmagoria demonstrates, the illusion created by the optical devices of the 19th century is of an exceptionally contradictory nature, one that casts doubts on the theories of the cinematographic apparatus that have come out of the 1970’s. Classical film theory, while embracing the ideological project of the Enlightenment, seems to have closed its eyes to the dialectic aspect of mystification and revelation ushered in by optical culture, and which is at the origin of the ludic potential of film and its power of fascination.
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Children at the Mutoscope
Dan Streible
p. 91–116
RésuméEN :
By the late 1890s, mutoscopes were associated with “adult” material. Yet such displays were often accessible to children. Two sources of documentation, an 1899 Hearst newspaper campaign against “picture galleries of hell” and U.S. Farm Security Administration photographs of the 1930s, demonstrate the longevity of American children’s access to mutoscopes. The rhetoric of moral panic used in the Hearst campaign was short-lived and self-interested, but instructive in demonstrating how discourse on new media displays a similarly anxious tenor throughout the twentieth century. By contrast, the FSA photographs reveal that the perceived indecencies of the mutoscope were consigned to the margins by the 1930s.
FR :
À la fin des années 1890, les mutoscopes étaient associés aux productions dites pour adultes. Pourtant, ces appareils étaient souvent accessibles aux enfants. Deux sources de documentation, la campagne du groupe de presse Hearst, en 1899, contre « les images des galeries de l’enfer », ainsi que les photographies de la Farm Security Administration, remontant aux années 1930, permettent d’établir la longévité de la fréquentation des mutoscopes par la jeunesse américaine. La panique morale qu’instillait la rhétorique des journaux de Hearst fut de courte durée et servit surtout les intérêts du groupe de presse. Elle demeure cependant fort instructive pour qui s’intéresse à la manière dont les discours sur les nouveaux médias diffusent une même angoisse au cours de tout le vingtième siècle. Au contraire, les photographies du FSA révèlent pour leur part que les indécences du mutoscope n’étaient ressenties comme telles que de façon marginale dans les années 1930.
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Le cinématographe comme nouvelle technologie : opacité et transparence
Isabelle Raynauld
p. 117–128
RésuméFR :
La « découverte » qui fonde l’avènement d’un média soulève souvent un plus grand intérêt que le contenu transmis par le nouveau média lui-même. En portant son attention sur le cinéma et le multimédia, cet article évalue les impacts de l’avènement d’une technologie nouvelle, en privilégiant une approche comparative et diachronique. On y propose une comparaison entre films des premiers temps et productions interactives récentes, assortie d’une réflexion sur la transparence et l’opacité des médias.
EN :
The “discovery” that constitutes the advent of a new medium is often more interesting than the content that it transmits. While drawing attention to film and multimedia using a comparative and diachronous approach, this article evaluates the various influences exerted by the introduction of a new technology. A comparison between films of the early period of cinema and more recent interactive productions is proposed, in addition to a reflection on the transparency and opacity of various media.
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Ideals of Immersion in Early Cinema
Jan Holmberg
p. 129–147
RésuméEN :
With the cliché of allegedly “primitive” cinema spectators fleeing the theatre in fear of onrushing train as a point of departures, this article investigates various immersive and stereoscopic strategies in early cinema. Although the three-dimensional or virtual qualities of, for example, phantom rides, Hale’s Tours, and early tracking shots have often been discussed, the notion of a “virtual reality avant la lettre” merits a fuller investigation. Through different technological, textual and discursive strategies, much early cinema can be seen to create a strong sense of presence or immersion that is, with the use of spectacle and engagement radically different than the sense of “identification” crucial to the later classical style.
FR :
Avec comme point de départ le fameux cliché du cinéma « primitif », à savoir ces spectateurs prenant la fuite devant l’arrivée d’un train à l’écran, cet article analyse les diverses stratégies d’immersion et de stéréoscopie dans le cinéma des premiers temps. Bien que les trois dimensions et les modalités de virtualisation propres, entre autres, aux trains fantômes, aux Hale’s Tours et aux premières prises de vue sur rails aient déjà été largement débattues, l’idée de « réalité virtuelle avant la lettre » mérite de plus amples investigations. À travers différentes stratégies techniques, textuelles et discursives, le cinéma des premiers temps, dans sa grande majorité, peut se percevoir comme un art de créer un fort sentiment de présence ou d’immersion. Avec le recours au spectacle et à la sollicitation du spectateur, ce sentiment s’avère radicalement différent de l’idée d’identification qui sera plus tard cruciale pour le cinéma classique.
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Dispositif(s) et réception
Jean-Pierre Sirois-Trahan
p. 149–176
RésuméFR :
Cet article questionne les liens entre la notion même de dispositif et la problématique de la réception, de même que les rapports à établir entre « théorie du dispositif » (Baudry, Metz) et cinéma des premiers temps. L’auteur montre comment un certain nombre d’aménagements permettraient l’utilisation du concept de « dispositif » en vue d’une étude heuristique des débuts du cinéma. À cet égard, il développe les notions de « dispositif de réception » et de « dispositif de production », en vue d’avancer de nouvelles propositions sur la transformation du langage cinématographique.
EN :
This article questions the relationship between the notion of the apparatus and the problematic of reception, as well as the relationship that may be established between a “theory of the apparatus” (Baudry, Metz) and early cinema. The author shows how a certain number of adjustments would allow for the use of the concept “apparatus” in view of a heuristic study of the early period of cinema. In order to advance some new propositions on the transformation of filmic language, the author develops the notions of the “apparatus of reception” and the “apparatus of production.”
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L’objet cinématographique et la chose filmique
Jacques Aumont
p. 179–203
RésuméFR :
La valeur anthropologique unanimement reconnue au cinéma, c’est d’avoir permis de rendre compte en temps réel de l’action humaine. On s’est moins souvent interrogé sur la valeur du cinéma en général pour rendre compte du monde non vivant : celui des choses. Cet article examine trois modes d’apparition d’un objet dans des films : l’objet trouvé, c’est-à-dire tout ce qui permet au cinéma de choisir un objet, de le montrer efficacement, de le rendre expressif ; l’objet utile, c’est-à-dire tout simplement l’objet mis en scène, devenu accessoire de la dramaturgie ; enfin, l’objet investi, soit l’objet devenu signifiant (par métaphore ou autrement). À ces trois espèces d’objets filmiques, on oppose le cas, plus abstrait et plus rare, où un film cherche dans l’objet ce qui relève de la choséité, de la « chose en soi », par définition inatteignable à notre perception et à notre intellection, mais que l’on peut évoquer ou suggérer par un travail d’ordre figuratif.
EN :
The anthropological value of film is unanimously recognized as its capacity to account for human action in real time. Less attention has been dedicated to the general value of film in accounting for that which is non-living: the world of things. This article examines three modes of the appearance of an object in film: the found-object—in other words, everything which allows the cinema to choose an object, to show it effectively and to render it expressive; the useful-object—quite simply, the mise-en-scène of an object which becomes an accessory of the dramaturgy ; and finally, the charged-object, which (metaphorically or otherwise) becomes a signifying object. Opposed to these three types of filmic objects is a rarer and more abstract type in which a film seeks in the object that which belongs to its “thing-ness,” or to the “thing-in-itself:” by definition something unattainable to our perception or intellection, but which may be evoked or suggested by the work of a figurative order.
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BOGUE, Ronald, Deleuze on Cinema, New York/London, Routledge, 2003, 231 p.
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