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Pour expliquer la place significative qu’occupe le cinéma d’animation dans les activités de diffusion, de documentation et de conservation à la Cinémathèque québécoise, il faut évoquer deux facteurs ayant mené à une ébullition favorable à cet art : d’abord, un contexte historique et culturel particulier, soit celui de la reconnaissance internationale de l’animation canadienne dès les années 1950 et le déménagement de l’ONF d’Ottawa à Montréal en 1957, qui a entraîné la création d’une communauté locale d’animateurs, d’artisans et d’amateurs ; ensuite, l’engagement d’un homme, cinéphile, cinéaste et producteur qui, dans l’éclectisme de ses goûts, s’intéresse particulièrement à l’animation. Or, il se trouve que cet homme, Guy L. Coté, sera le fondateur de la Cinémathèque québécoise.
Il faut insister ici sur le préjugé favorable de Coté à l’égard de l’animation de même que sur sa volonté et sa détermination. À l’époque, il avait signé quelques articles qui dénotaient son intérêt pour l’animation, dont « Canada : un cinéma pratique [1] », publié dans les Cahiers du Cinéma en 1955, où il met en évidence la contribution de Norman McLaren à la cinématographie canadienne. En 1956, pour le Service d’information de l’ONF, il rédige une plaquette de 27 pages, Le cinéma d’animation image par image à l’Office national du film — Canada [2]. Ces facettes du personnage seront déterminantes quant aux développements à venir. En fondant la Cinémathèque (ou, pour être exact, « Connaissance du cinéma », comme s’appelait l’organisme à ses débuts), il prend soin de laisser ses passions déteindre sur sa création. La Cinémathèque sera donc à l’image de Guy L. Coté.
Toutefois, un événement majeur auquel est étroitement associé Coté comme initiateur, qui surviendra quelques années plus tard, aura pour conséquence d’« officialiser » l’entrée de l’animation à la Cinémathèque et d’y accélérer son développement : il s’agit de la Rétrospective mondiale du cinéma d’animation, qui s’est tenue en marge d’Expo 67 [3]. Cette importante série d’activités consistait en une exposition qui s’est tenue à la Sir George Williams University (future Concordia University), en une rétrospective de films relatant l’histoire de l’animation depuis ses origines et en une convention réunissant une impressionnante quantité de créateurs de renom provenant d’horizons divers, aussi bien du cinéma expérimental que des studios Disney (citons pêle-mêle quelques noms : Chuck Jones, Len Lye, Otto Messmer, Pat Sullivan, Karel Zeman, Bill Tytla, Bretislav Pojar, Robert Breer, Michel Boschet, Norman McLaren, Grant Munro, etc., sans compter les André Martin, Robert Benayoun et autres spécialistes). À la suite de cette rétrospective, des films et des artefacts ont été légués à la Cinémathèque, sous la forme de dons ou de dépôts. Ces legs ont ainsi jeté les bases du caractère international de la collection de la Cinémathèque.
Future première conservatrice de l’animation à la Cinémathèque, Louise Beaudet avait travaillé à la rétrospective comme coordonnatrice. C’est en 1973 qu’elle est embauchée comme responsable de la collection d’animation à la Cinémathèque. Sous sa responsabilité, l’envergure de la collection s’accroît, notamment par l’acquisition de corpus québécois et canadiens de même que par l’achat de productions étrangères. En collaboration avec d’autres chercheurs, elle joue un rôle dans la redécouverte de l’oeuvre de certains pionniers, dont Charley Bowers, Lou Bunin et Segundo de Chomón. En 1982 se tient l’exposition L’art du cinéma d’animation au Musée des beaux-arts de Montréal, pour laquelle elle assume le choix des artefacts et des films. La contribution déterminante de Louise Beaudet au développement de la Cinémathèque tient aux efforts constants qu’elle a déployés afin de mettre en valeur les collections au moyen de projections et d’expositions. En effet, elle a régulièrement monté des programmes de films étrangers à l’intention des spectateurs de la Cinémathèque et a pris soin de montrer, ici comme à l’étranger, et parfois à l’encontre de certaines exigences archivistiques, les films de la collection.
Louise Beaudet a quitté la Cinémathèque en 1996 et est décédée en 1997. Elle a brièvement été remplacée par Marcel Jean, de 1996 à 1998. L’auteur du présent texte occupe son poste depuis 1999.
On écrit souvent que la collection de films et vidéos d’animation de la Cinémathèque est la plus importante du monde. Certes, si nous réduisons cette collection à sa portion strictement canadienne (incluant donc la production québécoise), il se trouve que certaines archives étrangères (notamment américaines, russes, tchèques ou françaises, pour ne nommer que celles-là) conservent une production nationale d’animation assurément plus abondante que la nôtre (l’animation est un art jeune au Canada). Toutefois, si nous considérons la collection dans son entièreté, son spectre international en fait un ensemble unique, précieux et d’une réelle envergure.
Les collections
Pour éclaircir ce que nous entendons ici par « place significative occupée par l’animation à la Cinémathèque », il faut indiquer que la Cinémathèque québécoise est l’une des rares archives membres de la Fédération internationale des archives du film (FIAF) à compter dans son personnel un conservateur et programmateur consacrant son travail à temps plein à cette « discipline [4] ». Cela se traduit notamment par une programmation régulière de films d’animation, de même que par un important festival annuel, Les Sommets du cinéma d’animation. Cette place significative renvoie également au contenu des collections elles-mêmes : la collection d’animation de la Cinémathèque compte plus de 5 000 titres sur supports variés (35 mm, 16 mm, Beta SP, Beta num, HD CAM, etc.), dont la moitié sont québécois ou canadiens. La portion internationale de la collection se compose donc de plus de 2 500 titres couvrant l’histoire du cinéma d’animation depuis ses origines et provenant de pays divers.
Les éléments pour un seul titre peuvent varier en nombre et en nature : ainsi, dans certains cas, un titre peut exister en copies de projection 16 mm, 35 mm et vidéo, parfois en copies de reproduction vidéo, et être accompagné d’éléments de tirage (négatifs, bandes de mixage, etc.). Une partie de la collection canadienne et québécoise est constituée d’éléments de conservation au sens strict. C’est le cas, notamment, de la production indépendante, dont la préservation demande des soins particuliers. Ainsi, dans les années 2000, nous avons fait l’acquisition de la production entière du cinéaste indépendant vancouvérois Al Sens (36 courts métrages). L’oeuvre — soit les éléments de tirage et des copies positives, dont certaines sur pellicules dites « inversibles [5] » — de ce vétéran de l’animation indépendante canadienne, actif depuis la fin des années 1950, est ainsi sauvegardée. Plus récemment, nous avons fait la découverte d’un film abstrait peint sur pellicule nitrate conservé à l’Université McGill. Le court métrage a été réalisé par Gordon Webber (1909-1965), peintre, photographe et professeur à la faculté d’architecture de McGill. Datant de la fin des années 1940, ce film est jusqu’à maintenant le plus ancien film d’animation ayant été réalisé au Québec [6]. Nous avons procédé à une restauration en bonne et due forme de ce film afin de redonner vie à ce joyau du passé et des mouvements d’avant-garde québécois pré-Révolution tranquille.
Dans son ensemble, la collection nationale et internationale a aussi été constituée pour faciliter la mise en valeur des oeuvres — au moyen, notamment, de projections publiques à la Cinémathèque. Certaines acquisitions ayant un intérêt patrimonial méritent ici d’être signalées : c’est le cas de productions américaines de l’époque du muet (Winsor McCay, Charley Bowers, Raoul Barré) et d’oeuvres issues de pays d’Europe de l’Est (principalement la Yougoslavie, la Pologne, la Tchécoslovaquie et l’URSS). Ainsi, au printemps 2012, nous avons mené une recherche afin de déterminer si l’envergure de notre collection nous permettait de dresser une histoire de l’animation soviétique. À notre grande satisfaction, notre collection contenait un nombre suffisant d’oeuvres pertinentes et de copies de qualité, rendant possible ce survol en quatorze titres sur support 35 mm, couvrant une période allant de 1932 à 1991, survol que seule une cinémathèque peut permettre.
Un secteur important des collections de la Cinémathèque québécoise porte le qualificatif d’« afférent ». Nous désignons par ce terme tout ce qui appartient à la chaîne de production cinématographique, vidéographique, télévisuelle et néomédiatique, à l’exclusion des copies et des divers éléments nécessaires à la production des copies. Sous ce vaste intitulé, nous retrouvons des affiches, des scénarios, des découpages techniques, des photos. Dans certains cas, les collections afférentes peuvent contenir de la correspondance, des carnets de notes, des croquis et autres documents personnels. Toutefois, en ce qui concerne les collections d’animation, aux « afférents » s’ajoutent des artefacts spécifiques propres à cette discipline, comme des dessins, des feuilles de décor, des marionnettes, des papiers découpés et des objets volumétriques (table à dessin, chaise, ordinateur, etc.).
Comment se sont constituées ces collections ?
Pour mieux comprendre la nature des collections d’animation de la Cinémathèque, il faut, dans un premier temps, être conscient de ce qu’est une cinémathèque et, dans un deuxième temps, comprendre le rôle particulier qu’occupe la Cinémathèque québécoise au Québec. Les cinémathèques ont la particularité d’être à la fois des centres d’archives, des musées et des lieux de diffusion. En d’autres mots, elles s’activent, à des degrés divers, à préserver un patrimoine, à mettre en valeur des artefacts et des oeuvres et à alimenter et développer la cinéphilie. Les collections sont donc constituées afin d’être tout à la fois sauvegardées, mises en évidence et programmées — désirs qui, dans certains cas, peuvent s’avérer contradictoires, dans la mesure où, par exemple, la sauvegarde au sens strict d’un élément unique exclut sa programmation. De plus, la Cinémathèque québécoise cumule plusieurs fonctions qui, en s’additionnant, élargissent considérablement sa mission. À des fins de comparaison, la Cinémathèque québécoise joue, au Québec, le rôle qu’assument en France trois institutions majeures, soit la Cinémathèque française, les Archives françaises du film du Centre national du vinéma et de l’image animée (CNC) et l’Institut national de l’audiovisuel (sans compter la Bibliothèque du film (BiFi et les cinémathèques régionales). Ce cumul donne la mesure du caractère à la fois singulier et d’apparence pléthorique de ses collections.
Dans une perspective archivistique, la préservation du patrimoine national québécois (ou de toute autre nation) ne fait pas de la « qualité » des oeuvres un critère de sélection. Cette notion doit d’ailleurs être prise avec des pincettes, étant donné que la qualité ne se manifeste pas toujours au moment même de la sortie de l’oeuvre et qu’elle s’avère même inadéquate pour définir un contexte donné. Par exemple, dans les années 1970, la Cinémathèque québécoise a pris soin de recueillir les derniers éléments existants du Village enchanté, premier long métrage d’animation produit au Canada. Ce film, tourné à Montréal et terminé en 1956, avait été accueilli avec froideur par la critique de l’époque et offre encore aujourd’hui peu d’intérêt au plan artistique. Pourtant, il témoigne des efforts de deux pionniers du « Do-It-Yourself » (Réal et Marcel Racicot) et de la pénétration du cartoon hollywoodien dans l’imaginaire des artisans québécois de l’époque (un passage pastiche — maladroitement — un gag de Tex Avery) et porte la marque des valeurs morales et religieuses qui prévalaient dans le Québec des années 1950. Si la Cinémathèque ne l’avait pas acquis dans les années 1970, ce film serait très probablement disparu aujourd’hui, étant donné la précarité des éléments alors recueillis. C’est dans un désir comparable de représentativité de la production québécoise et d’exhaustivité que nous avons entrepris des démarches, au début des années 2000, pour acquérir une copie 35 mm de Heavy Metal (1981) de Gerald Potterton auprès du producteur Ivan Reitman. Cette copie, la seule qui soit archivée au Canada, est maintenant classée comme pièce de conservation, les éléments de tirage étant aux États-Unis.
En ce qui concerne les acquisitions d’oeuvres et d’artefacts étrangers, il est assez difficile dans le cadre de cet article de définir les politiques ayant été préconisées par les conservateurs précédents. Longtemps, les politiques d’acquisition semblent avoir été le résultat de circonstances ponctuelles et de désirs personnels. Il est possible de retracer l’histoire des principaux modes d’acquisition en mettant en évidence trois grandes vagues (ce ne sont pas des périodes qui sont isolées dans temps, car elles se chevauchent et se confondent souvent) : d’abord, les dépôts de cinémathèques et de diffuseurs étrangers, de même que les échanges permanents entre cinémathèques, dans les années 1960 et 1970, à la suite du retentissement de la Rétrospective mondiale du cinéma d’animation ; ensuite, les achats, dans les années 1970 jusqu’aux années 1990 ; et enfin, les dons et dépôts sollicités dans les années 2000 jusqu’à aujourd’hui. Cela explique, par exemple, en ce qui concerne la première période, la présence significative d’oeuvres étrangères provenant notamment de Yougoslavie (Zagreb Film), d’URSS (Gosfilmofond), de Tchécoslovaquie (Národní filmový archiv) et de quelques autres pays d’Europe de l’Est. À la même époque, la Cinémathèque acquiert des copies de classiques importants comme Une nuit sur le mont Chauve (1933) d’Alexandre Alexeïeff et Claire Parker et L’idée (1932) de Berthold Bartosch (France), de même que quelques titres d’Oskar Fischinger (Allemagne), pour ne nommer que ceux-là. Pour ce qui est de la deuxième période, la conservatrice Louise Beaudet a laissé dans les archives de sa correspondance des traces témoignant de ses démarches pour actualiser la collection grâce à l’achat d’oeuvres contemporaines, dont certains titres de Raoul Servais, de Michel Ocelot, de Lejf Marcussen et d’Osamu Tezuka. Louise Beaudet avait mis en place un impressionnant réseautage en fréquentant les festivals d’animation internationaux. Ses rapports avec les cinéastes avaient un caractère non seulement professionnel, mais aussi amical, et la constitution de la collection est aussi empreinte de ces relations fondées sur une affection réciproque. On note par la suite un ralentissement des acquisitions, principalement à cause du manque de fonds, de la raréfaction des copies et de sérieuses contraintes d’espace. Parmi les oeuvres acquises depuis 2000, nommons Sabbat (1991) de Nag et Gisèle Ansorge (Suisse), Revolver (1993) de Stig Bergkvist, Marti Ekstrand, Jonas Odell et Lars Olsson (Suède), Chainsaw (2008) de Dennis Tupicoff (Australie) et Skhizein (2008) de Jérémy Clapin (France). Rappelons que ces acquisitions sont faites avant tout pour assurer une visibilité à ces oeuvres au moyen des projections publiques et privées de la Cinémathèque. Il importe de préciser qu’à ces acquisitions s’ajoutent des dépôts de distributeurs québécois, ce qui explique la présence de certains titres n’ayant pas fait l’objet d’une intervention planifiée et ciblée ; c’est parfois le cas dans le domaine du long métrage.
Si nous devons qualifier plus succinctement la portion internationale de la collection de films, avançons que sa fonction est avant tout référentielle et éducative, c’est-à-dire qu’elle se veut le reflet d’une histoire de l’animation à travers ses principales oeuvres de référence, tout en étant empreinte de la personnalité et des goûts, de même que des relations interpersonnelles de ceux qui l’ont constituée, dont, au premier chef, Guy L. Coté et Louise Beaudet.
Par ailleurs, l’animation a la particularité de générer des archives gigantesques. Ainsi, dans le domaine des techniques d’animation indirecte comme le dessin animé, maintenir une politique d’acquisition visant l’exhaustivité est impensable, du fait du volume considérable que forment ces artefacts. Il faut comprendre qu’un court métrage d’animation d’une durée de 10 minutes, à raison de 12 dessins par seconde, laisse derrière lui 7 200 dessins. En tenant compte des versions consécutives de ces dessins (du crayonné jusqu’aux diverses couches de cellulo), ce nombre peut être multiplié par trois, quatre ou cinq. Enfin, il faut inclure les feuilles de décor. De plus, il ne s’agit ici que d’un film de 10 minutes ; un long métrage représente une masse d’archives d’une ampleur effarante. Donc, une sélection et des restrictions s’imposent souvent.
Plusieurs acquisitions sont au départ des pièces ayant été laissées à la Cinémathèque à la suite de la Rétrospective mondiale du cinéma d’animation ou au moyen de dons spontanés provenant d’artistes désireux de laisser une trace de leur travail dans l’institution. Les acquisitions se sont faites par la suite sur la base de l’intérêt technique, historique ou artistique des éléments, de même que sur celle de la notoriété des auteurs. Ces dernières années, nous avons ainsi fait l’acquisition de fonds ayant permis de mieux comprendre la trajectoire et le processus créatif d’auteurs majeurs de l’animation. Insistons ici sur les acquisitions consacrées à Raoul Barré, Ryan Larkin et René Jodoin.
Au début des années 2000, nous avons réalisé une enquête afin de retrouver des descendants de Raoul Barré (1874-1932), artiste aux talents multiples s’étant adonné à la peinture, à l’illustration et à la bande dessinée (il est reconnu comme l’un des pionniers de cet art au Québec) et ayant ouvert l’un des premiers studios d’animation industrielle aux États-Unis (à New York) dans les années 1910. Notre travail nous a menés à faire connaissance avec Marie-Paule Barré, nièce de Raoul, qui conservait chez elle une impressionnante quantité d’archives lui ayant été léguées par son oncle. Madame Barré avait eu l’occasion de séjourner à New York en 1927, en compagnie de son oncle, alors que celui-ci participait, à titre de gagman, à la série des Félix le chat au studio de Pat Sullivan. D’un grand intérêt artistique, ce fonds nous permettait aussi de mieux comprendre la vie de Raoul Barré, sa biographie comportant de nombreux trous du fait de ses déplacements nombreux entre les États-Unis et l’Europe.
Quelques années plus tard, nous avons acquis un fonds consacré à Ryan Larkin, cinéaste de l’ONF ayant eu une brillante, mais brève carrière. Ces archives contenaient notamment une séquence complète de dessins d’animation de son court métrage Street Musique (1972), des artefacts relatifs à des projets non réalisés de même que des documents indiquant que Larkin s’était rendu à New York pour inviter Frank Zappa à composer la musique de son célèbre Walking (1968) (qui, au final, a été signée par David Fraser, Pat Patterson et Christopher Nutter).
Plus récemment, René Jodoin, qui fait partie de la première génération d’animateurs embauchés par Norman McLaren peu après son arrivée à l’ONF, nous a légué un fonds comprenant un très rare film de commande réalisé à l’Office au début des années 1940, des caricatures de ses collègues de l’époque ainsi que des archives reliées à ses films Notes sur un triangle (1966) et Rectangle et rectangles (1984).
Conclusion
Précisons ici que le mandat de la Cinémathèque à l’égard de l’animation québécoise et canadienne vise en priorité les cinéastes indépendants ou oeuvrant dans le privé. Il n’est pas de la responsabilité de la Cinémathèque de collectionner les archives de l’ONF. Ce travail est partagé entre l’ONF lui-même et Bibliothèque et Archives Canada. Toutefois, des copies positives de films de l’ONF ont été acquises à des fins de projections publiques. En ce qui concerne les archives de ces deux artisans de l’ONF que sont René Jodoin et Ryan Larkin, évoquées plus haut, précisons qu’elles sont à la fois professionnelles et personnelles. Bien qu’elles documentent leur travail au sein de l’Office national du film (ONF), elles se trouvaient chez ces artisans et non pas dans les voûtes de l’institution.
Au moment de rédiger ce texte, nous nous préoccupons de la préservation des archives du cinéaste expérimental montréalais Steven Woloshen. Conçus avec très peu de moyens et de façon entièrement indépendante, ses films sont exclus du dépôt légal québécois, n’ayant pas bénéficié du soutien d’agences québécoises comme la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) et le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) pour la production cinématographique et médiatique. Le travail de Woloshen consiste en des interventions directes sur la pellicule : peinture, collage, gravure et autres types d’altération. Nous désirons que les éléments de tirage de son oeuvre soient préservés, de même que les pellicules originales, des « canevas » qui témoignent des techniques mises au point par le cinéaste.
Nous sommes conscients que l’excellence actuelle de la pratique de l’animation à Montréal et au Québec est en partie le résultat d’une émulation et d’une éducation rendues possibles par la volonté de la Cinémathèque de maintenir, d’enrichir et de mettre en valeur sa collection internationale depuis cinq décennies. Cette collection et cet engagement de la Cinémathèque sont le ferment d’une pratique bien réelle et significative.
Parties annexes
Annexe
Note biographique
Marco de Blois est programmateur et conservateur du cinéma d’animation à la Cinémathèque québécoise, et membre du comité de rédaction de la revue 24 images. Il a publié divers textes sur l’animation, notamment dans Quand le cinéma d’animation rencontre le vivant (Marcel Jean [dir.], 2006) et dans Émile Cohl (Pascal Vimenet [dir.], 2008). Il a collaboré à la restauration d’un film expérimental de l’artiste québécois Gordon Webber.
Notes
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[1]
Guy L. Coté, « Canada : un cinéma pratique », Cahiers du Cinémas, no 53, décembre 1955, p. 2-10.
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[2]
Guy L. Coté, Le cinéma d’animation image par image à l’Office national du film — Canada, Montréal, Office national du film du Canada, Service d’information, 1956, 27 p.
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[3]
Le critique français André Martin a également collaboré à l’événement, notamment en concevant pour l’occasion son célèbre Arbre généalogique de l’origine et l’âge d’or du dessin animé américain de 1906 à 1941 (Montréal, Cinémathèque canadienne, 1967, 1 p.), un outil historico-graphique qui constituait alors une réelle avancée dans l’étude de l’animation des pionniers. La coordination de l’événement avait été confiée à Françoise Jaubert.
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[4]
Certaines archives et cinémathèques membres de la FIAF comptent aujourd’hui un membre de leur personnel ayant parmi ses tâches la conservation, l’étude ou la programmation de l’animation. C’est le cas de Jean-Baptiste Garnero aux Archives françaises du film du CNC, d’Igor Prassel à la Cinémathèque slovène, de Michaela Mertová aux Archives nationales du film en République tchèque et de Jez Stewart au British Film Institute. Soulignons également le Musée-Château d’Annecy, en France, qui possède une collection de dessins, décors et autres éléments fabriqués pour des films d’animation, sous l’autorité de Maurice Corbet, responsable des collections de cinéma d’animation. Je tiens à saluer ici cette belle confrérie.
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[5]
La pellicule inversible a la particularité d’enregistrer directement les images en positif en excluant le recours à un élément intermédiaire négatif. Utilisée souvent pour la télévision en raison de la rapidité qu’elle permet, elle a aussi été prisée par les cinéastes indépendants à cause de son faible coût. Les films tournés sur pellicule inversible sont d’une grande fragilité.
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[6]
Après son retour de New York en 1927, Raoul Barré avait tenté de mettre sur pied une école d’animation, où les étudiants travaillaient à la production d’un court métrage, Microbus 1er. Le film n’a jamais été complété.