Introduction

Comment incarner un changement au sein d’un système bâti sur l’oppression : regards sur l’allyship[Notice]

  • Maude Darsigny-Trépanier et
  • Daphnée Yiannaki

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  • Maude Darsigny-Trépanier, M.A.
    Enseignante en histoire de l’art, Cégep du Vieux Montréal

  • Daphnée Yiannaki
    Doctorante en muséologie, médiation, patrimoine, Faculté des arts, Université du Québec à Montréal

Qu’est-ce qu’un·e allié·e? Les enjeux autochtones et la reconnaissance de leurs droits se font de plus en plus présents dans les différents milieux de la société (académiques, culturels, politiques, médicaux, éducatifs, entre autres). Bien que la question du soutien par les personnes allochtones aux Premiers Peuples et à leurs causes ne soit pas nouvelle, reste aujourd'hui pertinente. Au-delà du cas extrême des pretendians, auxquels fait habilement référence l’oeuvre Indian Name (2017) de l’artiste Meky Ottawa (Atikamekw) en couverture de ce numéro 24, les actions de prétendu·e·s allié·e·s peuvent être tout aussi périlleuses et néfastes pour les Premiers Peuples si elles ne sont pas mûrement réfléchies. Dans une scène d’une simplicité effarante exposant l’appropriation de noms autochtones par la découpe d’un petit papier, Ottawa évoque le sujet épineux des Indigenous identity fraudster, le terme utilisé dans Indigenous Identity Fraud. A report for the University of Saskatchewan (2022) par l’avocate Jean Teillet (Métis), qui « refers to individuals who make false claims to Indigenous identity, usually for personal material advantage » (Teillet 2022 : 12). Il va sans dire que les noms farfelus affichés sur l'oeuvre graphique évoquent des stéréotypes et soulignent, par conséquent, l'aspect superficiel des connaissances des allochtones sur les cultures autochtones, voire l’absence trop récurrente de leur respect envers les Premiers Peuples. Les allié·e·s peuvent bénéficier d’avantages et de reconnaissances pour leur prise de position et leur travail, sans pour autant rencontrer les obstacles auxquels font face les Autochtones dans la défense de leurs droits, contrairement aux identity fraudsters (usurpateurs d’identité) résolus à se prévaloir à tort de la culture d’autrui. Dans cette perspective, qu’est-ce qu’un allié·e et comment ses efforts se déploient-ils sans être dommageables? Voilà l’une des questions qui animent ce numéro, qui se propose d’explorer un concept à l’application délicate ayant pris de l’ampleur dans l’espace médiatique ces dernières années, l’allyship, ou le concept de l’allié·e, mais qui n’est pourtant pas récent. En effet, la naissance de la littérature scientifique sur le concept d’allyship remonte aux années 1990 (Suyemoto et Hochman 2021). Aujourd’hui, une simple recherche sur Internet fait ressortir bon nombre de publications et de contenus sur le sujet (articles de journaux, blogues, balados, publications sur les médias sociaux, etc.) proposant des listes d’actions à mettre en oeuvre, de même que de formules et de conseils à suivre pour être un·e « bon·ne » allié·e des peuples autochtones, et ce, particulièrement au travail (Melaku et al. 2020; El-Soueidi 2023). Similairement, le même constat ressort de l’analyse de Sklaerenn LeGallo et Mélanie Millette concernant les publications et contenus ciblant les allié·e·s de la communauté LGBTQQIP2SAA : l’idée « est de guider l’action et la prise de parole » de l’allyship (LeGallo et Millette 2019 : §38). Plus important encore, ces chercheuses nous dévoilent dans leurs travaux « [...] le caractère relationnel du statut de personne alliée, ou encore la nécessité de relayer la parole des personnes concernées et non pas de l’accaparer » (ibid.). Les universités ne sont pas en reste concernant le sujet; ainsi, plusieurs d’entre elles dédient des pages à ces préceptes, parfois avec une vision globale (McMaster University 2024), d’autres fois, en ciblant spécifiquement les comportements envers les peuples autochtones (Teixeira 2022; Université Laurentienne 2023; McGill University 2024). Ces pages Web orientent également vers des ressources (tels que comme des guides) et partagent des réflexions sur cette position. D’ailleurs, la plupart des ressources mentionnées précédemment sont d’ordre prescriptif et permettent aux individus de mettre en valeur des gestes afin de mieux comprendre et d’apprendre, en vue de les soutenir les causes autochtones. Cependant, peu d'écrits …

Parties annexes